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Doyens du Folgoët : les COHON (oncle et neveu)

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Nul n'ignore en Bretagne, et surtout dans le diocèse de Quimper et Léon, l'histoire de ce pauvre Salaun, qui, au XIVème siècle, vivait dans les bois des environs de Lesneven. Il ne savait dire que deux mots : Ave, Maria ! Et la légende rapporte que, après sa mort, au milieu de ce bois où il avait vécu et où son corps attendait la résurrection, un lis poussa, dont les racines jaillissaient de sa bouche, et dont les fleurs virginales portaient, gravées sur leurs corolles, ces deux mots : Ave, Maria !

Les merveilles qui s'opérèrent en ce lieu attirèrent de nombreux et souvent très nobles pèlerins. Ce lieu s'appela Le Folgoët, c'est-à-dire le bois du fou ; car Salaun, de son vivant, avait passé pour un insensé.

Bientôt une chapelle s'éleva et fut, en 1422, érigée par le duc Jean V en église collégiale. Elle porta le nom de Notre-Dame-du-Folgoët. Des chapelains, ayant le titre de chanoines, d'abord au nombre de quatre, puis de dix, sous le principat d'un doyen, remplissaient les nombreuses fondations et faisaient l'office canonial. La situation de doyen du Folgoët était assez estimée et par conséquent recherchée.

C'est de deux de ces doyens dont nous voulons parler. L'un et l'autre portaient le nom d'Anthyme-Denis Cohon. Ils étaient oncle, et neveu.

L'oncle naquit en 1595, à Craon, en Anjou. Ce fut un prédicateur distingué ; à tel point que Richelieu le choisit pour prédicateur de Louis XIII. II devint évêque de Nîmes en 1633, et changea ce siège pour celui de Dol-en-Bretagne, en 1644. Comme évêque de ce petit mais illustre diocèse, il semble s'être mortellement ennuyé. D'ailleurs le cardinal Mazarin, son protecteur, le désirait ardemment à Paris pour le mettre dans son intimité. Le moyen d'abandonner Dol pour Paris ? Ce fut le doyen du Folgoët qui le lui offrit. Celui-ci se nommait Robert Cupif, il occupait ce doyenné depuis 1629 ; de plus, depuis 1637, il était devenu évêque de Léon. Mais les hasards de la politique qui l'avaient fait asseoir sur ce siège à la place d'un prélat devenu désagréable au pouvoir (René de Rieux), avaient eu leur retour : Robert Cupif avait dû rendre le siège de Saint-Pol au prélat redevenu en faveur.

Cela arrivait précisément au moment où Anthyme-Denis Cohon se demandait comment se débarrasser de son évêché de Dol. En Robert Cupif, il reconnut l'homme qu'il cherchait. L'évêché de Dol fut échangé pour plusieurs bénéfices, parmi lesquels se trouvait le doyenné du Folgoët (1648).

Ainsi déchargé des soins d'un diocèse, Anthyme-Denis Cohon pouvait se fixer à Paris. Car l'article II des statuts de la collégiale du Folgoët supposait le cas où le doyen occuperait quelque place à la cour ; il devait alors nommer un vice-gérant pour le remplacer. Le nouveau titulaire du Folgoët se retira donc à Paris, dans le palais du cardinal Mazarin. Pendant la Fronde, il joua, aux côtés de son maître et protecteur, un rôle peu honorable qui lui valut de la part des Frondeurs une grêle de pamphlets violents, mais souvent spirituels.

En 1656, Anthyme Cohon revint à ses premières amours et re-épousa sa première divorcée, c'est-à-dire l'Eglise de Nîmes ; il se distingua sur ce siège par ses controverses contre les protestants.

Mais il restait toujours doyen du Folgoët. Comme tel on ne sait de lui que les difficultés qu'il eut avec les chanoines de la collégiale, et qui transpirent dans les lettres à son neveu ; et aussi le mal qu'il se donna pour transmettre ce doyenné à ce neveu, également son filleul, et, comme lui, nommé Anthyme-Denis Cohon.

Ce second Anthyme-Denys Cohon était né en 1636. Lorsque l'oncle redevint évêque de Nîmes, le neveu était « escholier en Sorbonne, à Paris » (Lettre 1ère à son neveu, octobre 1653).

Un savant nimois, M. Prosper Falgairolle a, il y a quelques années, publié les lettres adressées par Mgr. Cohon, évêque de Nîmes, à son neveu, de 1658 à 1669 (Lettres intimes de Monseigneur Cohon, évêque de Nîmes, publiées par Prosper Falgairolle. Mimes, 1891). C'est en parcourant ce précieux recueil que nous avons découvert un passage ici, un passage là, pouvant former un ensemble de renseignements importants sur les deux Cohon, en tant que doyens du Folgoët.

Dans la première lettre, il est déjà une allusion au transfert que l'oncle voulait faire de son doyenné à son neveu ; elle est du 10 mai 1663 (Lettre 5ème à son neveu). L'adresse porte : « Pour mon nepveu, l'abbé Cohon ». L'abbé Cohon n'était pas alors dans les ordres sacrés, il avait cependant 27 ans. « Mon nepveu, écrivait Mgr Cohon, je n'ai pas eu le temps encores de faire les despesches qui doivent accompagner ma résignation. Attendez-les patiemment... Soyez soigneux de vous perfectionner, et ne doutez pas que ce ne soit le plus ardent de mes désirs, affin de vous voir en estat de meriter des accroissements qui respondent à mon courage et à mon amitié ».

Quoique le jeune Anthyme-Denis ne fût pas encore en possession du doyenné du Folgoët, son oncle l'initiait aux difficultés qu'il y avait. C'était « un fermier du petit Impost au Devoir de Bretagne », qui contre tout droit vexait le sacriste et fermier du Folgoët, le sieur Carolle, sans doute le représentant de l'évêque de Nîmes (Lettre 9ème à son neveu).

C'était un grand procès intenté du temps de Robert Cupif par les chanoines contre leur doyen. Deux arrêts du Parlement de Rouen avaient, paraît-il, donné raison aux chanoines ; Mgr. Cohon avait alors transporté cette cause devant le Parlement de Dijon, où il espérait bien la gagner avant la prise de possession de son neveu (Lettre 9ème à son neveu).

L'évêque de Nîmes comptait beaucoup sur les services qu'il avait rendus à la Cour, pendant la Fronde, pour avancer les affaires du jeune Anthyme. Il fit remettre à celui-ci une lettre pour Anne d'Autriche et pour le R. P. Annat, de la Compagnie de Jésus, confesseur de Louis XIV, avec recommandation de se conduire absolument d'après les ordres de ce saint religieux, et d'attendre, avant d'agir, le complet rétablissement de la reine-mère (Lettres 6ème, 8ème, 9ème et 10ème à son neveu).

Mais le neveu était d'un caractère peu sérieux, fort léger. Sourd aux conseils du vieil oncle, il se mit à causer de son affaire à tout venant et à courir les rues de Paris pour trouver des protecteurs. Cela lui valut une verte semonce de l'évêque de Nîmes (Lettre 11ème à son neveu, 15 juillet 1663).

A peine le jeune Cohon a-t-il reçu le brevet de la reine, qu'il se croit déjà en possession de son bénéfice et qu'il veut partir pour le Folgoët et traiter avec les chanoines. Son oncle réprime en termes désolés l'impétuosité de son étourdi neveu : « Vous faites paroistre par tous vos desseins la capacité que vous avez pour vos propres affaires. Je voudrais sçavoir à quoi seroit bon vostre voyage au Folgoët, avant que vous soyez pourveu et en estat de prendre possession... Je n'entends pas d'ailleurs estre dépossédé que lorsque je vous en donnerai la licence » (Lettre 12ème à son neveu, 19 août 1663).

Après cela, le neveu semble calmé. L'oncle lui envoie procuration sur procuration, conseil sur conseil, pour aplanir les difficultés. Il lui fait savoir que « les bulles à grand marché ne doivent couster que cent escus tout au plus » ; qu'il faut plaider contre les chanoines du Folgoët, « s'ils ne se contentent des 400 livres que leur adjuge l'arrest de Rouen » (Lettre 15ème à son neveu, 12 septembre 1663), qu'il ne doit pas se laisser duper par le banquier qu'il choisira, « car ils sont tous ardans à la curée, et les plus habiles sont les plus affamez » (Lettre 18ème à son neveu, 10 octobre 1663) ; enfin que la maison du sacriste du Folgoët « et tous les cabarets dependans du Doyenné du Folgoët sont exempts du petit devoir de Bretagne » (Lettre 19ème à son neveu, 24 octobre 1663).

Enfin, l'évêque de Nîmes rappelle à son neveu une chose plus grave, c'est qu'il a 27 ans et qu'il n'est ni ordonné ni gradué : « Maintenant que vous passez de beaucoup l'aage du sacerdoce, il faut se faire ordonner et consacrer en diligence. Il est encore nécessaire que, pour posséder le doyenné du Folgoët, vous soyez gradué. Je ne scay si vous estes en cet estat. Pensez-y de bonne heure, affin qu'entrant en possession, vous soyez sans deffaut » (Lettre 19ème à son neveu, 24 octobre 1663).

Au commencement de novembre 1663, le R. P. Annat, confesseur du Roi, annonçait à Mgr. Cohon que son neveu pouvait prendre possession du Folgoët (Lettre 20ème à son neveu, 10 novembre 1663). A cette occasion, l'évêque de Nîmes rappelle au nouveau doyen qu'il ne peut rester sans être ordonné : « Vostre indignité, que vous ne sçauriez assez mediter et cognoistre, lui écrivait-il, ne vous dispense pas de vous faire prestre pour un benefice sacerdotal. Dieu, qui voit a nud les sentimens de vostre ame, estimera vostre humilité et vous donnera ses graces pour vous relever de vos deffauts » (Lettre 21ème à son neveu, 14 novembre 1663).

La légèreté et la paresse semblent avoir été l'apanage du jeune Anthyme-Denis. Il n'avait pas encore pris possession de son doyenné, que déjà, faute de n'avoir pas suivi les ordres de son oncle, les chanoines du Folgoët obtenaient un arrêt contre celui-ci.

A son neveu qui, pour excuse de son incurie, invoquait des persécutions imaginaires dirigées contre lui, l'évêque de Nîmes réplique froidement : « Quand vous songez la nuict que l'on vous dresse des embusches pour vous ravir ce benefice, vous parlez en enfant. Faites casser l'arrest des chanoines, et allez ou envoyez prendre possession sans retardement » (Lettre 22ème à son neveu, 4 décembre 1663).

Ce fut un rude coup pour Mgr. Cohon que ce procès perdu contre les chanoines du Folgoët. Il ne pouvait le pardonner à son neveu, et c'est d'un ton fâché qu'il lui écrit : « Je ne vous parle plus de voir M. le Chancelier ny de solliciter un arrest que casse celuy de vos chanoines, car c'est perdre son temps, et je me moque de moy mesme quand j'attens quelque assistance de vos soins qui se reduisent tous à des occupations inutiles... Puis qu'estant à Paris vous vous laissez destruire sans deffenses par des coquins de chanoines que je tiens au filet depuis seize ans entiers, que peut-on espérer de vous » (Lettre 25ème à son neveu, 29 décembre 1663).

Il fallait, en effet, que l'évêque de Nimes fût bien aigri pour traiter aussi durement, d'une manière si peu parlementaire, les vénérables membres de la collégiale du Folgoët. Le neveu, lui, ne semblait pas si ému ; les pertes pécuniaires de son oncle ne l'empêchaient pas de vivre en enfant prodigue. Aussi s'attire-t-il cette nouvelle leçon : « L'on m'a donné advis que vous continuez dans la belle humeur de vous piquer de générosité en prestant de l'argent et en le donnant mesme. La libéralité, qui est une vertu pour ceux qui sont plainement establis, est une aveugle extravagance pour ceux qui naissent et qui commencent leur fortune » (Lettre 25ème à son neveu, 29 décembre 1663).

On conçoit que ces semonces ne devaient pas être agréables au neveu, et c'est probablement pour en éviter de nouvelles, qu'il prit le parti de ne plus écrire à son oncle. Celui6ci se plaignit amèrement de ce silence : « Je ne scay d'où peut venir le retardement de mes lettres ny par quelle voye elles se peuvent esgarer ; mais je scay bien que je vous escris fort souvent sans recevoir de responce » (Lettre 26ème à son neveu, 14 février 1664).

Le jeune Anthyme mit son silence sur le compte de la maladie. L'oncle l'en plaisanta spirituellement : « Vous craignez, par un phantome de scrupule, que l'effort d'une lettre vous soit un crime devant Dieu... Craignez plustost que vous ayez à lui respondre de beaucoup d'autres choses qui regardent vostre conduite et vostre propre bien, auquel sa gloire est attachée ».

Puis il lui reproche sa paresse qui va jusqu'à faire retarder son ordination sacerdotale ; et cependant, il le lui répète, son bénéfice est sacerdotal (Lettre 29ème à son neveu, 12 novembre 1664).

Dans une lettre charmante d'esprit et d'ironie, le vieil évêque de Nîmes met de nouveau le doigt sur la vraie maladie chronique de son neveu. « Vous ne me parlez que d'infirmités et de faiblesse, et pourtant il est vray que la fièvre que vous combattez est la première maladie qui vous soit arrivée depuis votre naissance. Vous seriez bien empesché de dire clairement ce que vous voulez. Je croy que vostre principal souhait est d'éviter le travail et l'estude, pour lequel vous avez une aversion et repugnance naturelle. En ce cas le Folgoët, où vous devez residence indispensable, sera un lieu propre pour vous. La devotion y est dans un degré supreme, le benefice est de grand revenu ; vous y vivrez commodement et grassement, et vous en sçavez assez pour esblouir les bas Bretons. Mais vous trouvez que ce climat est froid et pluvieux, que Paris mesme est d'une température contraire à vostre santé, si bien que vous attendez une revelation du ciel pour vous déterminer à un seiour qui vous soit convenable. Pouvez-vous m'escrire plus ridiculement, et me croyez-vous assez stupide pour ne pas concevoir le sens mysterieux de ces incertitudes et ambiguitez » (Lettre 30ème à son neveu, 1665). 

Il y avait tout au plus un an que le jeune Cohon était doyen du Folgoët que, prétextant l'intérêt de sa santé, il pensait déjà à permuter ce bénéfice avec la Prévosté de Nîmes (Lettre 30ème à son neveu, 1665), ce qui irritait l'évêque de Nîmes.

« Si le doyenné du Folgoët vous semble indigne de vous, lui écrivait-il, et ne vous satisfait pas, rendez-le moi, et vous contentez d'avoir sans cela mille escus de rente, qui surpassent de la moitié les premiers fondemens de ma fortune dans l'Eglise... Je voudrais bien savoir à quoy vous appliquez vos revenus presentement, lorsqu'abandonnant l'estude et les exercices de vostre profession, vous vous cantonnez dans une auberge, pour vous oster du jour et de la veüe du monde .... Je reviens tousiours à scavoir de vous si vostre dessein est de vous marier ou de vous faire prestre ; car si en ce point vous ne faites vostre devoir, je sçay le mien et le feray » (Lettre 35ème à son neveu, 1er avril 1665).

Tout le courant de l'année 1665, le doyen du Folgoët resta à Paris, logé dans son grenier, selon l'expression de son oncle, et sans se décider à recevoir les ordres sacrés (Lettre 36ème à son neveu, 12 avril 1665), soit scrupule, soit paresse.

Par une lettre du mois de mai (?) 1666, on voit que le neveu a enfin accédé au désir de son oncle, qu'il a reçu la prêtrise et qu'il va se rendre au Folgoët. 

Le vieil oncle est dans la joie. « J'approuve très agréablement vostre voyage au Folgoët, et je serai vostre second pour humilier le sacristain, s'il se révolte contre vous, et s'il prétend vous donner de la peine. Faites-y du séjour, et vous y verrez l'establissement de vostre autorité et de vostre creance. Tous vos chanoines voudront vostre amitié, vous voyant vivre d'une vie exemplaire, et je suis persuadé que par votre presence, vous esteindrez tous nos procès... ».

Puis viennent les petites commissions : « Pendant vostre séjour, taschez de me trouver un beau jeune cheval pour traîner ma cariole. Il ne faut pas qu'il soit entier ny de croupe estroite et cornue ». Ce qui prouve que les chevaux du Léon étaient, dès cette époque, très appréciés. Le bon évêque lui fait aussi une recommandation moins profane et qui montre sa piété pour Notre-Dame-du-Folgoët : « Dites neuf messes de la Très Sainte Vierge pour ma sanctification et ma conservation » (Lettre 37ème à son neveu, 15.... de l'an 1666).

Ce n'est plus maintenant qu'enthousiasme de l'oncle pour le neveu. L'évêque de Nîmes termine ses lettres par la formule pleine d'affection : « Vostre meilleur oncle et amy », et trouve moyen d'ajouter un nouveau bénéfice aux autres (Lettre 38ème à son neveu, 2 juin 1666).

Mais cet enthousiasme ne fut que de quelques mois. Le jeune Anthyme n'était pas l'homme qu'il fallait pour jouir de ce bénéfice, vrai nid à procès, parait-il. Tout lui faisait peur, et, selon l'expression de son oncle, une mouche lui paraissait un lion. Il tremblait devant le procureur du roi de Lesneven. « Le procureur du Roy de Lesneven est-il de condition à vous détruire ny à se mesurer avec vous, si vous le méprisez, le regardant comme un officier de village », lui disait son oncle (Lettre 39ème à son neveu, 5 septembre 1666).

Ses chanoines se plaignaient et lui faisaient des procès, parce qu'il exigeait la résidence. « Allez à Rennes, lui écrivait l'évêque de Nîmes, et n'en sortez point que vous n'ayez un arrêt triomphant qui ne vous peut manquer... Là vous donnerez la chasse pour jamais à ces braves moines qui ont eu l'insolence de vous dégrader de vostre propre Eglise ». « Tous les assauts, ajoutait-il, que l'on vous donne, sont des effets de vostre pusillanimité, qui ne paroist que trop. Les Bretons, qui sont hardis et temeraires, vous voyant fluet, timide et sans courage, ne craignent pas de vous fascher ny de vous attaquer pour vous faire naistre la lassitude et le dégoût de vostre benefice. Mais soyez vigoureux à leur montrer les dents, vous les desarmerez et les mettrez dessous vos pieds. Si vous ne sentez pas en vous cette fermeté, prenez la resolution de vous cacher dans un couvent, n'estant pas propre à vivre dans le monde, ny a paroistre au jour. Vous avez un cadet qui prendra vostre place et qui sçaura s'y maintenir. J'ai tousiours crû que la bassesse de vostre âme seroit ma croix et mon supplice en mes derniers jours ». (Lettre 39ème à son neveu, 5 septembre 1666).

L'abbé Cohon séjourna à peine un an au Folgoët. Il s'y était rendu vers le mois de mai 1666, et au mois de mars 1667 on le retrouve à Rennes, occupé du fameux procès commencé par son oncle contre les chanoines du Folgoët, et que, après avoir évoqué devant les Parlements de Rouen et de Dijon, l'évêque de Nîmes venait de faire renvoyer devant le Parlement de Rennes (Lettres 40ème, 41ème et 42ème à son neveu, 16 décembre 1666, 16 mars et 20 mai 1667).

Mgr. Cohon s'impatientait des airs de pédant et de faux dévot que son neveu avait cru bon de prendre depuis qu'il était à la tête de la collégiale du Folgoët.

« Je ne puis me tenir de vous dire que vous me lassez de votre stile apostolique, puisé dans les romans spirituels dont vous avez farci vostre mémoire, croyant que c'est le carachtère des devots raffinez. Si vous n'êtes capable d'autre chose, je vous conseille d'aller vivre parmi les ours ; car en un mot je veux en vous une vertu et une piété civile qui édifie, sans vous faire un objet de risée et de mespris ». (Lettre 47ème à son neveu, 3 septembre 1669).

Il poussait le ridicule jusqu'à se faire accompagner dans ses missions de « deux pages à pied » (Lettre 44ème à son neveu, 21 août 1669).

Nous avons déjà vu que, à peine nommé doyen du Folgoët, le jeune Anthyme-Denis avait pensé à changer ce bénéfice pour la prévosté de la cathédrale de Nîmes. Pendant les quatre années de son décanat, il avait si mal administré ce bénéfice que son oncle, à la fin, trouva plus sage de le remettre sous sa tutelle, dans sa ville épiscopale. Mais d'un autre côté, ses manières pédantes faisaient hésiter l'évêque à lui confier cette fonction. Aussi lui écrivait-il avec ironie : « Demeurés en l'estat où vous estes, et reteurnès en Folgoët, où vous avez pris un pli de sainteté, que je ne veux point exposer dans mon Eglise cathedrale, où vous seriès objet de risée » (Lettre 48ème à son neveu, 7 septembre 1669).

A l'ironie se joignait aussi le sentiment du mépris : « Il ne faut plus revenir à la charge ny capituler pour l'acquisition de la prevosté de Nismes ; vous n'estes pas propre à monter si haut ny à remplir une dignité de cet esclat. Jusques icy toutes vos sottes lettres, qui ne sont que vapeurs d'hypocrisie et de pedanterie, m'ont rebutté de telle sorte, que j'ay perdu pour jamais la pensée de vous tirer du Folgoët, où vos deffauts sont hors de vele, dans l'obscurité d'un désert et d'une vie cachée. Vous pouvés donc y retourner...  » (Lettre 48ème à son neveu, 7 septembre 1669).

Il faudrait citer toute cette lettre et tant d'autres remplies d'intérêt et d'esprit, que le lecteur curieux trouvera dans le recueil de M. Falgairolle.

Malgré que l'évêque de Nîmes eût écrit à son neveu, le 7 septembre 1669 : « Je ne croy point aux miracles ny aux reliques des gens qui vous ressemblent, et je me garderay bien de consentir que vous veniez auprès de moy pour me couvrir de honte » (Lettre 48ème à son neveu, 7 septembre 1669), dès le 22 septembre suivant, il lui envoyait une instruction pour la résignation du Folgoët.

« Je n'entends point, lui recommandait-il entre autres choses, que vous résignés qu'après que vous aurès esté largement payé de vos meubles et de vos livres, et ne vous piqués point sur cet article d'une fausse générosité pour donner ny les uns ny les autres » (Lettre 49ème à son neveu).

C'est à son autre neveu, Jules-Paul, frère puîné d'Anthyme-Denis, que l'évêque de Nîmes fit transmettre le doyenné du Folgoët. Il avait, en effet, écrit à l'abbé Anthyme : « Si vostre frère aime mieux un establissement en Bretagne qu'en Languedoc, sans hésiter et sans attendre mes ordres plus précis, résignés luy le Doyenné du Folgoët. Mais à mon sens, il ne doit pas prendre un si mauvais party, le lieu estant sauvage et les peuples aussi » (Lettre 49ème à son neveu).

L'évêque de Nîmes était dur et injuste pour la Bretagne et les Bretons. Habitué aux fastes de la cour et aux duplicités de la politique, l'ancien favori de Mazarin ne pouvait goûter la beauté sauvage de la Bretagne et la brutale franchise de ses habitants.

Son neveu Jules-Paul Cohon ne partagea probablement pas sur ce point les sentiments de son oncle ; il séjourna au Folgoët, de 1669 à 1675 (Notice sur Notre-Dame du Folgoët, dans les Vies des Saints de Bretagne, de Kerdanet).

Tels furent les trois Cohon qui se succédèrent dans le doyenné de Notre-Dame-du-Folgoët.

Sans nous arrêter sur le caractère du dernier, de Jules-Paul, sur lequel nous n'avons pas de renseignements précis, nous pouvons juger, d'après ce qui précède, du caractère si différent des deux Anthyme-Denis.

Le premier, l'oncle, l'évêque, l'anti-frondeur, le confident de Mazarin, l'orateur, le controversiste, apparaît avec son zèle, son ardeur belliqueuse, son art littéraire, son esprit gaulois, son écrasante ironie.

L'autre, « escholier », le petit abbé, le chétif, n'a à présenter que légèreté, inconstance, paresse maladive, pédanterie. Dirait-on l'oncle et le neveu ? Facilement l'un disparaît devant l'éclat de l'autre. C'est sans doute pourquoi l'auteur de la Notice sur Notre-Dame du Folgoët, composée (cependant) sur les titres originaux (Dans les Vies des Saints de Bretagne, de Kerdanet), n'a connu qu'un doyen du Folgoët du nom d'Anthyme-Denis Cohon, ... le Grand.

Il nous a donc paru intéressant, au point de vue historique, d'éclairer momentanément, au moyen de l'astre éblouissant que fut l'oncle, la planète sans vie que fut le neveu.

Nous profitons de cette publication pour ajouter quelques notes à notre biographie d'Anthyme-Denis Cohon, évêque et comte de Dol (Rennes 1895). Quoique ayant cédé son évêché de Dol à Robert Cupif, Cohon, avons-nous dit, conserva jusqu'en 1655, le titre d'évêque de Dol, le Pape n'ayant d'ailleurs pas encore approuvé l'échange. Sous ce titre d'évêque de Dol, assisté des évêques de Saint-Malo et de Vannes, il donna, dans l'église de l'Assomption de Paris, la consécration épiscopale à François de Visdelou, nommé coadjuteur de Quimper, avec le titre d'évêque in partibus de Madaure, le 7 mai 1651 (D. Morice et Tresvaux).

Dans le recueil de lettres du Frère Léon, carme de Rennes (Rome, 1661), se trouve (titre Ier. p. 230-236, lettre 26ème) une longue lettre latine : Illustiss. ac. Reverendiss. Dionysio Cohonio, in minori Britannia Armorica Dolensi Episcopo, datée de Paris 1638 : Lutet. Paris. ipsis kal. Febr. an. MDCXXXVIII. C'est un éloge pompeux de l'éloquence de Cohon. Il est comparé à Démosthène et à Chrysostome ; il est appelé : « Eloquentum Antistes, Antistum Eloquentissime ».

Charles Robert

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