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PERSÉCUTION CONTRE LES RELIGIEUSES
** ABBAYE DE KERLOT DE QUIMPER **

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A Quimper, l'abbaye de Kerlot, de l'ordre de Saint-Bernard, se distingua tout particulièrement par l'exercice le plus héroïque et le plus soutenu de toutes les vertus chrétiennes et monastiques ; par la profession la plus éclatante et la plus courageuse de la foi ; par le plus ferme et le plus tendre attachement aux vrais principes et à la religion catholique à laquelle elle a tout sacrifié ; par la soumission la plus inviolable au Pontife Romain qu'elle a consulté dans toutes les occasions et qu'elle a instruit de tout ce qui lui était survenu.

L'abbaye de Kerlot se signala en outre par son attention scrupuleuse non-seulement à ne pas enfreindre les lois de l'Église et celles de son ordre, mais aussi à éviter même jusqu'aux plus légères apparences d'infraction à ces lois ; par son inébranlable fidélité à la monarchie et au Roi. Les religieuses de cette communauté étaient si profondément pénétrées de ce dernier sentiment qu'elles firent plus d'une fois parvenir au malheureux, Louis XVI, les protestations les plus chaleureuses de leur obéissance et de leur dévouement : elles le firent surtout, lorsqu'on les chassa violemment de leur monastère, en des termes si touchants qu'ils arrachèrent des larmes à l'infortuné monarque et à son auguste épouse...

En un mot, leur conduite fut non moins invariable que prudente et éclairée dans toutes les circonstances, envers et contre tous les attentats de l'impiété et les efforts divisés et réunis de la séduction et de la violence.

Le coup le plus sensible pour ces dames et le vrai commencement de leurs souffrances fut la désertion de deux de leurs sœurs qui, entraînées par le sophiste, Le Coz, principal du collège, sortirent de Kerlot pour se retirer dans un couvent de religieuses qui, poussées par la même main, se préparaient à suivre le torrent. Cette douloureuse défection eut lieu, vers la fin de Novembre 1790. Au moment où les transfuges quittaient le monastère, le maire de la ville dit à la multitude qui l'entourait à la porte : « Je viens d'arracher deux victimes au despotisme de cette barbare abbesse ».

Immédiatement après cet évènement, l'abbesse, Mme de Kergu, se hâta d'en informer le Saint-Père qui lui répondit de recevoir et de traiter avec bonté les deux fugitives, en cas de retour et de repentir, lui recommandant de ne leur imposer qu'une pénitence légère, mais devant durer toute leur vie. C'est ainsi qu'à l'exemple de son divin fondateur, l'Église ouvre toujours avec amour ses bras au pécheur repentant et le traite avec une douceur incomparable ; alors même qu'elle le punit de ses fautes.

Il y avait environ quatre mois que les religieuses de Kerlot pleuraient sur la triste chute de leurs sœurs et priaient pour leur conversion, lorsque l'intrus Expilly fit son entrée dans la ville épiscopale. Peu de temps après son arrivée, le prélat mercenaire, empressé sans doute de tendre ses filets, se présente à l'abbaye. Il s'annonce tout d'abord comme le pasteur du diocèse, puis, prenant le ton le plus séduisant, il prêche ses doctrines perverses… Indignées de son audace et de ses paroles, les religieuses lui déclarent résolument et d'une voix unanime qu'elles ne peuvent ni ne doivent reconnaître en sa personne l'Évêque légitime de Quimper ; qu'elles réprouvent ses pernicieux principes, et qu'elles veulent vivre et mourir dans l'attachement au Souverain Pontife et à tous leurs devoirs…. Déconcerté en présence d'une telle fermeté, Expilly se retira plein de confusion. Ce fut sa première et dernière visite à cette communauté, particulièrement en butte, à cause de sa fière attitude, à la persécution des autorités locales.

On les avait déjà dépouillées de leurs biens et réduites à une modique pension payable en assignats : on crut vaincre ces femmes courageuses et les amener au schisme, en la leur retranchant. Mais que peuvent l'indigence et la faim même contre ceux qui sont disposés à mourir, plutôt que de souiller leur âme ? Potius mori, quant fœdari. Les Bernardines de Kerlot ne furent pas étonnées de ce trait de vengeance de la part des agents révolutionnaires de la ville ; elles s'y attendaient... Condamnées désormais à l'extrême pauvreté, elles trouvèrent dans cet état de nouveaux motifs de consolation et de confiance dans la divine providence qui ne les abandonna pas. Celui qui donne le vêtement et la nourriture au petit oiseau ; celui qui donne à la fleur des champs son aimable parure, prit aussi soin de ses héroïques enfants qui, cherchant avant tout le royaume de Dieu et sa justice, se reposèrent du reste sur son inépuisable bonté.

D'ailleurs, elles s'étaient mises, avec un complet abandon, entre les mains de la Providence, le jour même où l'on s'empara de leurs biens et de leurs titres : si elles protestèrent alors contre la violation de leurs droits de propriété, ce fut avec le désintéressement qui convient à des vierges chrétiennes, consacrées au Seigneur qu'elles avaient pris pour la part de leur héritage.

Quand on vint pour enlever les cloches de leur monastère, elles firent plus que protester ; elles refusèrent d'ouvrir les portes, car il s'agissait de s'opposer au vol d'une chose sacrée. Les portes furent forcées, et les cloches furent saisies par la violence. Mais le moment approchait où ces Dames devaient être soumises à l'épreuve suprême ; l'heure de l'agonie allait sonner pour elles ; leur courage fut à la hauteur du sacrifice.

On le sait, l'Assemblée nationale avait, par l'injuste décret du 13 Février 1790, aboli les vœux monastiques et supprimé les ordres religieux ; elle avait ordonné aux communautés de femmes de se reconstituer, en conséquence : elle n'avait porté aucune peine contre celles qui s'y refuseraient. Irrités de l'inébranlable constance des religieuses de kerlot, dans laquelle ils avaient puisé de puissants motifs de haine et de rancune contre elles, les corps administratifs résolurent de s'en venger d'une manière exemplaire.

Foulant aux pieds leurs propres lois dont ils outre-passsaient les dispositions, le 12 Février 1791, ils adressèrent à l'abbesse un très-long arrêté du. Département, leur enjoignant, en substance, de se constituer suivant les décrets de l'Assemblée, sous peine d'être obligées, dans un mois, de quitter leur monastère.

Les divers membres de cette communauté avaient été toujours unis entre eux par les liens de la charité et de l'attachement à la sainte Église catholique : cette union, qui ne faisait d'eux qu'un cœur et qu'une âme, s'était encore fortifiée, au souffle de la persécution.

Semblables aux brebis qui, à l'approche du danger, se réunissent et se serrent l'une contre l'autre, sous la houlette du berger qui les appelle, ces saintes filles, à mesure que leur foi était plus attaquée et leur constance plus menacée, se rangeaient avec plus d'amour que jamais sous l'autorité de leur supérieure, prêtes à soutenir avec elle les assauts les plus violents de l'orage qui allait fondre sur leur maison. Aussi, dès qu'ou leur notifia l'arrêté du Département, elles répondirent toutes ensemble : plutôt mourir, que trahir nos serments. Puis, voulant donner à leur résolution toute la force et la solennité que réclamait la circonstance, elles la motivèrent, en forme de délibération. Nous allons reproduire cet acte que l'on ne peut lire sans un profond sentiment d'admiration et de véritable émotion :

« Messieurs du conseil général de la commune,

La communauté assemblée au lieu et en la forme ordinaire, après avoir pris lecture de l'arrêté du Département en date du 12 Février 1791.

Considérant qu'aucun décret n'a ôté aux abbesses leur titre et leur qualité ; que celui du 14 Octobre 1790 les confirme, en les articulant sans modification, qu'il parle en termes formels des abbesses inamovibles et ne dit point cy-devant inamovibles ; que leur qualité n'est pas même ôtée aux évêques qu'on a chassés de leurs palais, qu'à plus forte raison elle doit rester aux abbesses qu'on souffre encore dans leurs maisons ;

Considérant qu'aucune puissance temporelle ne peut dissoudre les serments que nous avons faits à Dieu au pied de ses autels, ni moins encore étouffer les remords qui nous saisiraient, au moment où nous les aurions violés ;

Considérant que l'élection d'une supérieure et d'une économe serait pour nous la consommation d'un parjure, puisque l'abbesse a juré obéissance au Pape, à l'abbé de Citeaux, a juré d'observer et de faire observer la règle de Citeaux, et que chacune des religieuses a juré obéissance à l'abbesse jusques à la mort ;

Considérant que nous ne pouvons adopter des innovations que le Pape, loin d'approuver, a frappées de son improbation et que l'abbé de Citeaux n'a ni prescrites, ni autorisées ; que ce serait violer ouvertement l'obéissance jurée à l'abbesse que de méconnaître son autorité ;

Considérant que ce serait la méconnaître de la manière la plus frappante que de procéder à l'élection d'une supérieure, puisqu'elle est seule supérieure de droit par un titre que nous, ses religieuses, avons promis de respecter jusqu'au dernier de ses jours ou des nôtres ;

Considérant que ce serait un vain palliatif à notre défection que de proclamer ou d'élire notre abbesse pour supérieure, puisque ce serait nous arroger le droit de la confirmer ou destituer, à notre gré, et qu'on n'apaise point avec des sophismes les murmures de la conscience ;

Considérant que le zèle du District l'a entraîné au delà même de la sévérité des décrets, lorsqu'il a été d'avis de notre dispersion, parce que nous refusons d'enfreindre nos serments et les lois de l’Église ; que le District n'est pas sans doute chargé du soin de créer des peines, lorsque les décrets n'en prononcent pas ;

Considérant que, grâces à Dieu, la certitude de la dispersion et même de la mort qui ne tarderait pas à en être la suite n'ébranlerait pas notre soumission à l'Église, à son chef et à celui de notre ordre ;

Considérant que s'il y avait quelque difficulté à nous fournir les moyens de subsister sur la quittance de la seule procureuse ou de l'économe, toute la maison pourrait signer la quittance, et qu'alors il n'y aurait pas même de doute sur sa légalité ;

Nous avons unaniment arrêté d'observer tous nos vœux jusqu'à ce qu'il n'ait plu à l'Église de nous en relever, ce que nous ne devons demander, ni ne désirons ; de nous en fier à la Providence sur les moyens de vivre, s'ils ne nous sont pas octroyés par ceux qui ont pris nos biens ; et, si elle a décrété que nous devons mourir de faim ou de douleur, d'attendre cette mort multipliée avec résignation, et en invoquant le Dieu des miséricordes sur ceux qui nous l'auront procurée ; d'adresser cet arrêté au Département, au District et à la Municipalité, et d'en demander acte.
A Kerlot, ce 22 février 1791 »
.

Signé : Sœur de Kergu, abbesse de Kerlot. — Sœur André Lebec, prieure. — Sœur Enhaff d'Ouessant, sous-prieure. — Sœur Billoart de Pennarun. — Sœur Le Bastard de Kernisan. — Sœur Collin des Graviers. — Sœur Thomé de Keridec, célérière.— Sœur André Kermorial. — Sœur Keroulas-Cohars. — Sœur du Breil de Rays, procureuse.

Cette délibération fut adressée à la municipalité, avec la lettre d'envoi suivante, accompagnée de deux copies, destinées l'une au Département et l'autre au District :

« Messieurs,
Nous n’avons qu'à nous louer de la Municipalité de Quimper et du Conseil général, de l'honnêteté, de la douceur de leurs procédés
[Note : Quelle charité et quel oubli des injures !], nous les prions d'agréer l'expression de notre reconnaissance ; nous sommes au désespoir que les lois qu'ils sont chargés de faire exécuter contredisent celles de l'Église. Nos réflexions sont faites ; c'est à l'Église que nous obéirons et que nous sacrifierons avec joie nos biens, notre repos, notre vie même, s'il est nécessaire. Si nous sommes assez malheureuses pour n'avoir point l'approbation de la Municipalité et du Conseil général, nous osons compter sur leur estime et les prions de vouloir bien recevoir nos remerciments et l'assurance des sentiments respectueux avec lesquels nous avons l'honneur d'être, etc. ».

Suivent les signatures.

Cette démarche, pleine de courage et de dignité, accomplie, les Bernardines de Kerlot attendirent avec résignation le terme fixé pour leur expulsion de leur communauté.

Cependant les Dames hospitalières de l'Hôtel-Dieu de Sainte-Catherine qui, à cause de leur fermeté, avaient mérité, comme elles, l'insigne honneur des persécutions des autorités locales, étaient chassées de leur maison, le 21 Janvier. Les religieuses de Kerlot ouvrirent, le même jour, leur porte à une partie de ces femmes fortes, dont la présence ne servit qu'il les affermir dans leur résolution. Mais, le mardi suivant, 24, à 8 heures et demie du matin, les filles de saint Bernard sont elles-mêmes mises en demeure d'évacuer leur abbaye.

« Il est impossible, dit M. Boissière, de rapporter tout ce qui s'est passé, en ce jour, à jamais mémorable dans les fastes de l'ordre de Citeaux ». L'abbesse et les religieuses se conduisirent en héroïnes chrétiennes. Elles déployèrent les plus sublimes vertus, surtout la douceur, la patience, la charité et une noble fermeté qui ne pouvaient venir que d'en haut. Leur résistance fut telle qu'il était déjà nuit close, et les administrateurs n'avaient rien obtenu. Enfin, à six heures du soir, de guerre lasse, ils enfoncèrent les portes, jetant ces dames sur le quai et les laissant exposées aux horreurs de la nuit et aux inclémences du temps, par un froid très-intense et une pluie torrentielle.

Mais si l'administration se montra cruelle et sans pitié vis-à-vis de ces pauvres femmes, il se trouva, grâce à Dieu , beaucoup de personnes qui s'empressèrent de leur offrir un asile dans leurs maisons ; elles y furent traitées avec tous les égards dus à leur état et à leur infortune, jusqu'à ce qu'elles se réunirent toutes, peu de jours après, dans le couvent du Calvaire où elles restèrent jusqu'au mois de Septembre suivant, époque où les Calvairiennes furent, à leur tour, obligées de quitter leur maison.

Voulant connaître la ligne de conduite qu'elle et ses sœurs devaient tenir dans la triste situation qui leur était faite, l'abbesse de Kerlot adressa à Sa Sainteté, dans le courant de Février, une relation exacte de tous les évènements que nous venons de rappeler. Le Souverain-Pontife lui répondit, sans retard, le 25 Avril 1791, par un bref où il leur traçait clairement leurs divers devoirs. Le bref commence par ces mots : Luctuosissimam malorum seriem, dilectœ in Christo filiœ, etc. et la suscription porte : Dilectis in Christo filiis Mariœ Cœlesti de Kergu abbatissœ, cœterisque monialibus monasterii de Kerlot, ordinis Cisterciensis, diœcesis Corisopitensis. On trouverait donc à Rome les renseignements les plus détaillés et les plus authentiques sur les persécutions qu'a essuyées l'abbaye de Kerlot.

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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