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PERSÉCUTION CONTRE LA NOBLESSE ET LA MAGISTRATURE DU FINISTÈRE

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Tout le monde connaît les protestations faites par la noblesse de Bretagne, aux États de Saint-Brieuc, contre les principes de la Révolution, lors des premières assemblées électorales. La majeure partie de la noblesse du Finistère concourut à ces protestations, ou les adopta ensuite, et en fit la règle de sa conduite : aussi, fut-elle persécutée d'une manière toute particulière.

La noblesse de Bretagne avait refusé d'envoyer des députés aux États Généraux qui s'ouvrirent à Versailles, le 5 Mai 1789.

La plupart des officiers du Présidial protestèrent aussi et se rangèrent du côté de ceux qu'on nommait aristocrates, c'est-à-dire qu'ils demeurèrent fidèles à la religion et au roi. Le sénéchal, jeune alors, se laissa entraîner dans le camp opposé.

La persécution qui sévit contre les prêtres et les maisons religieuses dut naturellement s'étendre aux laïques rebelles aux principes nouveaux ... Elle s'acharna surtout contre les familles de la noblesse, connues pour leur dévouement au clergé catholique. Ces familles eurent à souffrir dans tous les districts du département, mille outrages de la part des agents révolutionnaires. Sous prétexte de rechercher les prêtres réfractaires, ils se présentaient dans les maisons, de nuit et de jour, exerçant dans tous les appartements les perquisitions les plus minutieuses et les plus vexatoires, mettant les serviteurs à la question pour les amener à dénoncer leurs maîtres, visitant les papiers les plus secrets, pour saisir les traces d'une correspondance suspecte et compromettante. Nous signalerons comme ayant été en butte à ces vexations, dans le district de Pont-Croix, la famille de Rospiec et la famille Duvergier, dans celui de Quimperlé.

Le château de Kernault, habité, nous le savons déjà, par la famille Du Vergier, était ouvert à tous les prêtres qui venaient y demander un refuge. Aussi fut-il bientôt signalé comme suspect.

Le père Jouan, de Kerbérec, jésuite, et les deux Messieurs Videlo, dont l'un devint plus tard vicaire général de Vannes, et l'autre, curé d'Hennebont, demeurèrent longtemps cachés au château de Kernault ; ils rendirent, durant ce temps, les plus grands services à la paroisse de Mellac, en administrant les sacrements, au péril de leur vie et de celle de leurs hôtes charitables.

Ils offraient, chaque jour de la semaine, le saint sacrifice de la messe dans une petite chambre obscure, située dans un endroit dérobé : c'est aussi dans cette cachette que les prêtres se réfugiaient, quand on fouillait la maison. Le dimanche, quand on n'avait pas à craindre la visite des gendarmes, on dressait l'autel dans la grande salle du château, à cause du plus grand nombre d'assistants qui s'y réunissaient des environs. Le célébrant faisait à ce petit troupeau d'amis de Dieu une courte instruction suivie d'une exhortation à persévérer dans le bien, et ces chrétiens d'élite, dignes de leurs frères des catacombes, se retiraient, par divers chemins, fortifiés et encouragés.

Les demoiselles Du Vergier, transformées en apôtres et en sœurs de charité, faisaient elles-mêmes le catéchisme aux enfants et visitaient les malades.

Un jour, un des prêtres cachés chez elles les remplaçait dans cette fonction, quand survinrent les agents du District. Une de ces demoiselles, qui faisait le guet, s'élance à leur vue dans l'appartement, et arrache le livre et la baguette du catéchisme des mains du prêtre, qui n'a que le temps de se mettre en lieu de sûreté. Le père de la famille Duvergier, mourut au château de Kernault, sur la fin de la Révolution. Il légua, en mourant, à la fabrique de Mellac, tout ce qu'il possédait : son lit et un couvert en argent !

Mais la famille qui, entre toutes, fut l'objet des mauvais traitements et des poursuites des patriotes, fut celle de M. le président Conen de Saint-Luc, frère de l'évêque défunt de Quimper. Cette excellente famille habitait le château du Bot, près la petite ville du Faou, district de Landerneau.

Profondément attachée à la religion catholique et à la monarchie; vouée à toutes les œuvres de la piété la plus sincère, sa fidélité au devoir ne se démentit jamais : elle s'affirma même davantage au milieu du danger, comme c'est le propre des vraies vertus. Refuge de tous les prêtres persécutés dans ce canton, le château du Bot leur était ouvert de nuit comme de jour : outre d'abondants secours pécuniaires, ils trouvaient sous ce toit hospitalier tous les écrits qui paraissaient en faveur de la bonne cause, et qui pouvaient les fortifier dans leur attachement aux principes de la sainte Église romaine. Non contents de communiquer ces écrits à tous ceux qui venaient leur demander l'hospitalité, les habitants du château se faisaient un devoir d'en répandre le plus d'exemplaires qu'ils pouvaient autour d'eux et plus loin : ce zèle tout apostolique pour propager la saine doctrine fut béni de Dieu ; il produisit les fruits les plus consolants. Il porta à la rétractation de leur serment plusieurs prêtres qui avaient été conduits à le prêter par le mirage trompeur des raisonnements sophistiques de ses sectateurs les plus séduisants, Une telle conduite appelait de soi l'animadversion des révolutionnaires sur la famille de Saint-Luc.

Dès le jeudi saint de l'année 1791, on commença à la persécuter ouvertement. Vers les sept heures du matin, la cour du château est tout-à-coup envahie par une troupe de douze ou quinze soldats nationaux à cheval. Ils demandent l'entrée de la maison, pour y faire une perquisition. « Nous voulons voir, disent-ils, si M. l'évêque de Saint-Pol-de-Léon n'est pas caché ici, pour y faire la cérémonie des saintes huiles, et s'il n'y a pas avec lui, comme le bruit s'en est répandu, grand nombre de prêtres réfractaires ». On leur ouvrit, comme ils l'exigeaient, tous les appartements, les greniers, les caves, les armoires même, etc .; ils ne trouvèrent que M. Penanros, aumônier de la maison, depuis 17 ans, et M. Boissière, ancien secrétaire de Monseigneur l'évêque de Quimper, desquels nous avons déjà parlé. Ils ne virent pas un autre prêtre étranger qui était aussi au Bot, dans le moment. Cette première visite se passa sans insulte grave, et les gardes nationaux se retirèrent assez pacifiquement.

Il y avait au château une belle et spacieuse chapelle, qui existe encore, dédiée à saint Jean-Baptiste. Quand la Saint-Jean tombait dans l'octave de la Fête-Dieu, comme cela arriva en 1791, il était d'usage, depuis très-longtemps, d'y chanter la messe, à la suite de la procession de la paroisse qui s'y rendait avec le Saint-Sacrement. Ce jour-là, on pouvait, en visitant la chapelle, gagner une indulgence plénière : aussi, les fidèles des environs, désireux de profiter de cette faveur spirituelle, y venaient-ils en grand nombre satisfaire leur piété; La veille de la fête, le procureur-syndic de la paroisse (Quimerch) écrivit au recteur pour lui défendre, de la part du District de Landerneau, d'aller au Bot chanter la grand'messe et d'y conduire la procession. Le lendemain, de très-grand matin, le même procureur envoya un exprès au président de Saint-Luc, avec une lettre portant défense de permettre qu'il y eût assemblée de peuple à sa chapelle, qu'on y chantât la messe, qu'on y confessât et qu'on y donnât la sainte Communion. Dans l'après-midi, des émissaires de l'autorité municipale du Faou vinrent sur les lieux voir si l'on avait tenu compte de cette défense, et comme on avait dû, par prudence, s'abstenir de toute réunion, ils s'en retournèrent sans parler à personne.

Ce jour-là même, on apprit à Landerneau la nouvelle de la fuite du roi. On arrête à la poste les lettres adressées à tous ceux qu'on regardait comme suspects ; on donne ordre de se saisir de leurs personnes et de les conduire à cette ville, pour y être mises en arrestation dans les bâtiments extérieurs des Dames Ursulines.

Le samedi 25 Juin, vers les trois heures de l'aprés-midi, apparaît dans les avenues du château une troupe de gardes nationaux et d'autres patriotes à cheval ; bientôt ils ont mis pied à terre, et, pendant qu'une partie entre dans la maison, l'autre demeure au dehors, pour garder les portes et autres issues. Le chef de la bande signifie à M. de Saint-Luc un ordre du District de Landerneau qui lui enjoint de se rendre dans cette ville, avec ses deux fils, dont l'aîné était officier dans un régiment de chasseurs (de Deux-Ponts à cheval), et le chevalier, volontaire dans le régiment de Vintimille : le même ordre atteignait aussi M. de Lantivy, son gendre, ci-devant officier dans la marine royale. Le chevalier de Saint-Luc et M. de Lantivy se trouvaient alors absents du château. Pendant qu'on attelle les chevaux à là voitare, les patriotes aperçoivent M. l'abbé Penanros ; ils lui notitient verbalement le mandat de les suivre et demandent où est M. Boissière. M. de Saint-Luc fait observer que ces deux ecclésiastiques ne sont pas compris dans l'ordre écrit donné par le District. — « N'importe, répond le commandant, nous avons des ordres verbaux ».

M. Boissière s'était échappé par les jardins, puis s'était réfugié dans les bois : ce fut en vain que l'on fit les plus minutieuses recherches pour le découvrir.

Au moment où M. le président de Saint-Luc, son fils aîné et M. Penanros montaient en voiture, se présente Mme de Saint-Luc, pour les suivre. — « Madame, dit le chef de la troupe armée, les ordres ne parlent pas de vous »« Soit : mais je veux accompagner mon mari ; qui peut m'en empêcher ?... »« Madame, vous manquez à la Nation; vous pourriez vous en repentir »« Cela se peut ; mais croyez-vous m'inspirer de la terreur ? Vous vous trompez ; arrachez moi la vie... Alors du moins, je ne serai plus témoin de tous les maux et de toutes les horreurs dont la Révolution accable mon pays... » — Elle dit, et se place fièrement à côté de son mari, et l'on part escorté des gardes nationaux.

Arrivés à Landerneau, M. de Saint-Luc et ses compagnons sont mis dans les parloirs des Ursulines en état d'arrestation ; quant à Madame, elle est reçue dans l'intérieur de la communauté, à l'insu des patriotes.

Les nouveaux prisonniers se trouvèrent mêlés à d'autres gentilshommes du voisinage et à un grand nombre de prêtres qui avaient été déjà enfermés dans ce couvent. Des officiers municipaux apportent à M. de Saint-Luc les lettres à lui adressées par la poste et le forcent à les lire tout haut. Elles ne contenaient rien de compromettant pour lui. Pendant leur détention dans cet établissement, la municipalité se présenta plusieurs fois pour engager les détenus à prêter le serment. Tous s'y refusèrent avec énergie, en motivant leur refus, à l'exception de deux gentilshommes qui achetèrent leur liberté au moyen de cet acte impie.

Cependant, on apprend que le Roi a été arrêté à Varennes et qu'il est de retour à Paris ; à cette nouvelle, l'autorité départementale du Finistère ordonne qu'on relâche les prisonniers.

Le district de Landerneau tenait, paraît-il, à garder ses victimes sous les verrous, car plusieurs jours se passèrent avant qu'il se décidât à exécuter cette ordonnance. Enfin, M. de Saint-Luc put revenir chez lui avec sa femme, son fils et son chapelain. Pendant son absence, on avait signifié aux personnes restées au château l'interdit de la chapelle, prononcé et signé par les deux vicaires de l'intrus Expilly.

M. Boissière y était revenu, deux ou trois jours après avoir échappé aux patriotes ; il s'y tint caché avec le chevalier de Saint-Luc jusqu'au retour des détenus. Voyant clairement que le séjour du Bot était pour tous plein de dangers, tous les hôtes de cette pieuse maison résolurent d'un commun accord de la quitter le plus tôt possible : c'est ce qu'ils firent les premiers jours de Juillet 1791.

Bien que le château ne possédât plus ses maîtres, il servait, comme avant, d'asile aux prêtres persécutés qu'on y tenait cachés, lors même qu'on eut porté des peines pécuniaires et corporelles contre ceux qui les recevaient. Pendant ce temps, M. de Saint-Luc avait fait passer ses deux fils à Jersey, d'où ils se rendirent en Allemagne et servirent dans les armées qui rentrèrent en France en 1792. L'aîné périt dans l'expédition de Quiberon, et le chevalier fut oblige de se retirer à Londres, à cause de sa mauvaise santé.

En 1792, Monsieur et Madame de Saint-Luc retournèrent au Bot, où ils restèrent jusqu'à ce qu'on les forçât, le 15 Octobre, à venir encore habiter Quimper, comme on y avait également obligé la plupart des membres de la noblesse et de ceux qu'on appelait aristocrates. Quelques jours auparavant trente nationaux avaient envahi et fouillé le château, de la cave au grenier, sous prétexte de chercher des armes, mais en réalité pour rechercher les prêtres cachés. Honteux et dépités de l'inutilité de leurs perquisitions, qui avaient duré trois jours, ils se retirèrent, après avoir acceablé d'injures les malheureux habitants qu'ils voulurent ensuite faire incarcérer, parce qu'ils avaient trouvé une paire de pistolets oubliés dans un tiroir et non déclarés. Mais le Département ne seconda pas, cette fois, leur mauvaise volonté, sur un motif aussi futile.

La liberté ayant été rendue aux nobles et aux autres personnes suspectes retenus en ôtages à Quimper, M. de Saint-Luc et sa famille se rendirent de nouveau dans leur propriété du Bot, vers la fin de Novembre : mais ce ne fut pas pour longtemps. Aussitôt après la mort de Louis XVI, ils furent rappelés en surveillance à Quimper où ils restèrent jusqu'à la fin du mois d'Août 1793. Ce fut pendant ce séjour que Mlle Victoire de Saint-Luc, Dame de la Retraite, fut appelée à subir un interrogatoire devant le tribunal du Département : on saura qu'après avoir été expulsée de sa communauté et s'être réfugiée d'abord, avec ses sœurs en religion, à Kerlot et au Calvaire, elle avait été obligée de se retirer ensuite dans sa famille dont elle partagea, dès ce moment, la fortune et la détention. Mandée à la barre du juge d'instruction, sans savoir pour quels motifs, elle laissa ses parents dans les plus cruelles alarmes.

Tout son crime consistait dans sa dévotion toute spéciale au Cœur sacré de Jésus qui la portait à peindre des emblèmes de ce cœur adorable qu'elle distribuait autour d'elle. Après quelques préambules, on lui demanda pourquoi elle peignait ces emblèmes. Elle répondit : « Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'étant religieuse, je fasse des images de piété ». On ne s'en tint pas là. L'interrogatoire se prolongea beaucoup ; on lui fit un grand nombre de questions par lesquelles on espérait sans doute l'embarrasser et la mettre en contradiction avec elle-même. Forte de son innocence et douée, d'ailleurs, d'une grande force d'âme, Mlle Victoire de Saint-Luc répondit à tout avec une sagacité, une bonne foi et une franchise qui persuadèrent ses juges.

Après cet interrogatoire dont elle sortit victorieuse, elle revint bien vite rassurer sa famille, racontant gaiement ce qui venait de s'y passer. « Désormais, lui disait-elle, on nous laissera en paix : on a vu que nous ne sommes pas des conspirateurs ».

Vers la fin du mois d'Août 1793, il fut permis à M. et Mme de Saint-Luc de retourner à leur terre du Bot avec tous leurs enfants. Fatigué des persécutions auxquelles il était continuellement en butte, depuis environ trois ans, le président se hâta de rentrer avec les siens dans la résidence qu'il aimait, pensant y trouver désormais le repos dont il avait besoin, après tant d'épreuves. Hélas ! il se faisait illusion : son séjour au Bot ne devait être ni durable ni tranquille. Le calme d'un jour qu'il allait goûter devait être le répit d'un orage apaisé un instant, pour éclater plus violent que jamais et dans lequel, cette fois, il périrait. Moins confiante que son mari, Mme de Saint-Luc ne se laissait pas aller à ses illusions... Sa maison n'était plus, littéralement pour elle, qu'une hôtellerie où elle s'arrêtait momentanément, comme les voyageurs, — qu'une tente de berger dressée le soir et repliée le matin.

Elle ne se trompait pas. Bientôt les visites domiciliaires recommencèrent au château, et avec elles les bruits les plus sinistres et les plus alarmants. Six semaines se passèrent dans ces angoisses et ces incertitudes : on se demandait, chaque jour, si le lendemain, on ne serait pas arrêté. Toujours sous le coup de cette éventualité, les habitants du Bot s'y préparaient en réglant leurs affaires, résignés à se soumettre en tout à la volonté de Dieu : leur chapelle étant fermée et leur aumônier étant en fuite, ils ne pouvaient plus demander aux sacrements de la sainte Église la force incomparable qu'ils confèrent aux chrétiens aux prises avec la persécution; ils y suppléaient en recourant à des prières plus ferventes et plus multipliées.

Le trait qui est prévu frappe moins que celui qui tombe à l'improviste : aussi, la famille de Saint-Luc ne fut-elle pas surprise de voir, le 10 Octobre 1793, le château envahi par un détachement de gendarmes qui venaient l'enlever pour la mettre en état d'arrestation. Elle n'était, dans ce moment, composée que de quatre personnes : le père, la mère et les deux filles, Mlles Victoire et Euphrosie. Menacées d'abord d'être conduites à la prison du Faou, tandis que M. de Saint-Luc serait détenu à Carhaix, ces dames supplièrent avec larmes de ne pas les séparer de leur chef bien-aimé. Les gendarmes pénètrent dans la chambre de ce respectable vieillard, que des douleurs aiguës retenaient, depuis quelques jours, sur son lit. Ils lui annoncent qu'ils sont chargés de le conduire à Carhaix, lui et tous les siens. A ces mots, tout le monde respire ; tous ces cœurs tendrement unis, serrés à la pensée de la séparation, se dilatent ; l'assurance qu'on leur donne d'être réunis leur devient un bonheur : il est si doux aux personnes qui s'aiment de souffrir et de pleurer ensemble !

Les ordres étaient précis, il fallait partir sans retard : les préparatifs de ce triste voyage ne furent pas longs ; tous les soins se portèrent à chercher un mode de transport que l'état souffrant de M. de Saint-Luc rendait difficile à trouver. On le plaça le plus commodément possible, avec ses compagnes, dans une voiture, dont le mouvement devait le faire beaucoup souffrir, durant la route. Alors les sanglots retentirent de toute part dans la maison ; de vieux et fidèles serviteurs, les yeux et le visage baignés de larmes, adressaient à leurs bons et vénérés maîtres les adieux les plus émouvants. Touchés eux-mêmes jusqu'au plus intime de leur âme, ceux-ci pleuraient avec eux : tous se disaient sans doute qu'ils se séparaient pour ne plus se retrouver en ce monde.

On se mit en route à travers deux haies de bons paysans qui, informés de l'arrestation de leurs bien-aimés seigneurs, étaient accourus aux abords du château, afin de les voir peut-être pour la dernière fois. On ne saurait exprimer la douleur peinte sur tous leurs visages : on y lisait l'attachement respectueux hautement manifesté par ces braves gens, au passage de la voiture d'où ceux qui en étaient l'objet leur renvoyaient les plus touchants remercîments. C'étaient des fermiers qui perdaient non pas tant leurs maîtres que leurs bienfaiteurs, leurs protecteurs et leurs amis ! Ces manifestations qui eussent fait impression sur les cœurs les plus froids et les plus durs contrastaient de la façon la plus lamentable avec la cruelle gaieté des conducteurs, qui ne cessaient de faire retentir aux oreilles des prisonniers les chansons les plus révolutionnaires et les plus indécentes. Ceux-ci opposaient la prière à ces ignobles chansons, buvant jusqu'à la lie l'amertume de ce breuvage, disant à Dieu : « Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ».

Ils arrivèrent à Châteaulin, à la tombée de la nuit. On voulut les y faire coucher à la prison, qui était un lieu extrêmement resserré, pouvant contenir à peine six personnes, et où étaient déjà entassés vingt-quatre voleurs ou assassins. Ils obtinrent cependant, non sans beaucoup de peine, la faveur de rester à l'auberge. Le lendemain matin, on se remit en route pour se rendre à Carhaix. En apercevant les deux grosses tours qui signalent, au loin, cette vieille cité bretonne, dont le nom [Note : Carhaix, en breton, Ker Ahès, ville d'Ahès, fille de Grallon, roi de la Bretagne Armorique] rappelle la fille d'un des premiers rois ou chefs de l'Armorique, cette Ahès dont nos légendes font une autre Messaline, les voyageurs furent saisis de tristesse, et de sombres pressentiments s'emparèrent de leur esprit. Mais comme ils étaient des chrétiens fervents et résignés à tout, ils saluèrent le lieu de leur nouvelle captivité, en disant tous du fond du cœur : O crux, ave, spes unica ! « Salut, ô croix, notre unique espérance ! ».

On leur assigna pour prison l'hôpital de Notre-Dame de Grâce, dont on avait violemment expulsé les religieuses qui le dirigeaient. Après la sortie des Augustines, on avait d'abord transformé leur maison en caserne. Pendant qu'il servit à cette destination, ce couvent fut complétement dégradé. Privés de tous leurs meubles, les appartements n'offraient plus que le spectacle de la malpropreté la plus dégoûtante. Aussi, quand la famille de Saint-Luc y arriva, brisée de fatigue, ne put-elle trouver ni chaises, ni table, ni même un méchant grabat pour se reposer : la nourriture qu'on lui apporta était à l'avenant de l'état des lieux : un mauvais potage, un morceau de pain sec et une cruche d'eau. C'est ainsi qu'elle vécut tout le temps de son séjour à Carhaix. Mais ce dénûment et ces privations étaient pour les captifs peu de chose, en comparaison de ce qu'ils eurent à souffrir de la part de leurs geôliers et de quelques-uns de leurs compagnons de captivité : on les accablait d'injures à cause de leurs pratiques religieuses et de leur noblesse. On proférait souvent contre eux des menaces de mort, et plus d'une fois ils eurent à redouter que l'effet ne suivit ces sanguinaires menaces. On ne sera pas surpris de ce que nous écrivons ; quand on saura que la prison de Grâce était remplie non-seulement de ce que nous appellerons des détenus religieux et politiques, mais encore de criminels de toute sorte, de gens sans aveu et sans foi : ces gens, ayant au cœur la haine de Dieu et de l'ordre, se vengeaient sur ceux qui tenaient à ces deux principes essentiels, en les vexant et en les persécutant par tous les moyens possibles.

Cette prison ainsi composée donnait l'image de l'enfer ici-bas : on n'y entendait que jurements, blasphèmes, insultes, récriminations, vociférations, paroles obscènes... Mais si Dieu était offensé par tous les blasphèmes et les paroles de sang sortant de ces lèvres immondes.

Il y avait des âmes pures qui louaient et bénissaient son nom, en silence, gémissant sur la malice des hommes qui s'oubliaient au point de maudire leur Créateur et leurs frères. L'aiguille aimantée protège nos maisons contre les coups de la foudre, en attirant sur elle seule le fluide terrible dont elle paralyse ainsi les effets ; le juste, qui vit parmi les méchants, empêche aussi la colère de Dieu de frapper ces derniers, en lui opposant sa vertu et en supportant, avec résignation, leurs persécutions.

Au nombre des prisonniers qui donnaient à leurs persécuteurs l'exemple de la patience chrétienne et de la plus douce piété se faisaient remarquer tous les membres de la famille de Saint-Luc. En sa qualité de religieuse de la Retraite, Mademoiselle Victoire voulut exercer sur ce milieu si corrompu sa charité et son zèle apostolique. Indigente elle-même, elle s'ingéniait à partager son pain avec les plus mauvais et à leur rendre toute sorte de bons offices ; serviable et complaisante à l'égard de tous, le sourire toujours sur les lèvres, elle rendait la vertu aimable et portait à la pratiquer. Ah ! elle pouvait, cette sainte femme, dire avec l'apôtre saint Paul : « Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ ; — cette odeur qui amène à sa connaissance et que nous répandons en tout lieu ! » (II. Cor. II, 15, 14)

Il y avait parmi les détenus un jeune homme qui se vantait d'être athée, et qui, ayant su qu'elle était religieuse, ne pouvait d'abord l'envisager. Gagné peu à peu par sa bonté, puis édifié par sa charité, il ne tarda pas, en s'entretenant avec elle, à être ramené à des idées plus saines. Mademoiselle Victoire de Saint-Luc, voyant la grâce travailler cette âme, lui écrivait des lettres sur la religion, en prose et même en vers, auxquelles le jeune philosophe répondait : le fruit de cette joûte littéraire et poétique fut la conversion de cet enfant prodigue et le retour à la bergerie de cette brebis égarée. Ce ne fut pas la seule conquête qu'elle fit à Jésus-Christ : plusieurs autres captifs, touchés de ses exemples et pleins d'admiration pour une religion qui produit tant de vertus, changèrent de conduite et menèrent depuis une vie très-chrétienne.

Il y avait trois mois et demi qu'elle était sous les verrous, à Carhaix, lorsqu'on vint l'y chercher, le 2 Février 1792, pour la conduire à la prison criminelle de Quimper. Sa dévotion au Cœur sacré de Jésus, qui la portait à en dessiner et à en propager l'image, fut encore le prétexte de cette nouvelle vexation. Lors de son séjour chez les Calvairiennes de la ville épiscopale, Monsieur le docteur Trémaria, étant venu au Calvaire pour voir une malade, trouva Mlle de Saint-Luc occupée à son travail préféré. La sainte fille lui offrit une de ses images qu'il accepta avec joie, en la priant de lui en donner une autre pour son frère, capitaine de vaisseau à Lorient. Elle s'empresse de se rendre à son pieux désir, en disant au médecin : « Recommandez bien à Monsieur votre frère de mettre sa confiance dans le Cœur de Jésus dont cette image lui rappellera la charité : ce sera le moyen d'attirer sur lui les bénédictions du Ciel ».

Signalé comme répandant dans le pays cet emblème religieux, M. le docteur Trémaria avait été arrêté, une première fois, pour ce fait et puis mis en liberté. Mais cette affaire, qui paraissait terminée, fut réveillée plus tard et présentée, en haine du catholicisme et de ses fidèles adhérents, sous les aspects politiques les plus compromettants. On trouva des images du Sacré Cœur sur plusieurs personnes mortes sur l'échafaud et sur plusieurs Vendéens, tués dans les combats. Les Jacobins publièrent partout que c'était un signe de fanatisme et de rébellion. On incarcéra, une seconde fois, M. de Trémaria, au commencement de l'année 1794 ; il paraît que les réponses qu'il donna à l'interrogatoire ne satisfirent pas ses juges, aux yeux desquels il était déjà suspect comme ami et défenseur de l'Évêque défunt : elles hâtèrent l'appel à Quimper de son innocente complice.

Séparée brusquement de sa famille, elle partit de Carhaix, à cheval, entre deux gendarmes ; comme il pleuvait et qu'il ventait fort, elle ne tarda pas à être mouillée jusqu'aux os. C'est ainsi qu'elle parcourut, à travers un pays montueux, la longue route qui conduit de cette petite ville au chef-lieu du département. Objet de la curiosité indiscrète et parfois sarcastique des personnes qu'elle rencontrait sur son passage, elle comparait tristement ce douloureux voyage avec celui que, douze ans auparavant, elle fit avec sa mère et son oncle, Monseigneur de Saint-Luc, pour aller se consacrer à Dieu dans la vie religieuse. Quel contraste ! Mais la vierge chrétienne vivait de la foi ; elle savait qu'elle souffrait pour son Divin Maître... Elle se rappelait, pour ranimer son courage, Jésus marchant au Calvaire, chargé de sa croix, entre deux haies épaisses de soldats, au milieu des insultes et des cris de mort du peuple déicide. « Allons, disait-elle, ne faut-il pas ressembler sur la terreau Fils de Dieu, fait homme, pour avoir part à sa gloire dans le Ciel ? Comme lui, je suis conduite au Calvaire... Comme lui, je saurai y mourir, s'il le faut ».

A son arrivée à Quimper, elle fut conduite à la prison générale et renfermée dans une salle où étaient détenus douze jeunes marins anglais, des femmes coupables de vols ou d'autres crimes, et quelques autres prisonniers. Quelle compagnie et quelle société pour une religieuse ! Pendant les premiers jours, il lui fut permis de recevoir les personnes qui la demandaient ; mais cette permission lui fut bientôt retirée. Elle était si connue, si appréciée et si aimée, ainsi que sa famille ; la mémoire bénie de son saint oncle était en si grande vénération que l'on appréhendait quelque manifestation populaire en sa faveur : aussi, se hâta-t-on de la séquestrer complètement.

Il serait difficile de décrire la malpropreté et la puanteur de cette prison ; il serait plus difficile encore de dire à quelles injures, à quelles grossièretés et à quelles insultes elle fut en butte, dans ce cloaque plus infect au moral qu'au physique, tant de la part des commissaires qui le visitaient souvent que de celle de quelques-uns des prisonniers. Attaché vivant à un cheval sauvage de l'Ukraine qui, tombé mort au milieu de sa course, répand une odeur insupportable, Mazeppa eut à subir, dans cette horrible situation, le plus dur supplice. Quel ne fut pas le martyre de cette vierge, à l'âme si belle, au cœur si pur, obligée de vivre au milieu de ces âmes viles, de ces cœurs impurs, d'où s'échappaient, comme d'un tombeau, les miasmes pestilentiels du vice et de la corruption ! Gardant toujours son calme et sa douceur habituels, elle supportait tout avec une patience que Dieu seul peut donner, faisant, autant que sa situation le lui permettait, du bien à ceux qui la maltraitaient.

Un exemple : elle avait partagé avec deux femmes tout ce qu'elle possédait ; elle s'était dépouillée, en leur faveur, du linge qui lui était le plus nécessaire... Après lui avoir volé les petits effets qui lui restaient, ces malheureuses femmes la battirent cruellement, au point que son visage fut tout déchiré, son corps tout meurtri et un de ses bras presque démis. Elle ne se plaignit pas de ces mauvais traitements que l'on eut ignorés au dehors, sans le rapport du geôlier et les contusions dont toute sa personne était couverte. Une de ces femmes étant tombée plus tard gravement malade, Mlle de Saint-Luc la veilla, la soigna et lui rendit, avec une inexprimable charité, les services les plus humiliants.

Parmi ses compagnons de captivité se trouvait un pauvre marchand de sel qui avait été arrêté pour avoir crié : Vive le Roi ! Attaqué d'une maladie violente, cet homme était délaissé de tout le monde, à cause de l'odeur insupportable qu'il exhalait. Elle se constitua sa garde-malade ; elle lui donnait, ainsi qu'à d'autres détenus, les aliments que lui envoyaient des amis charitables, n'usant elle-même que du pain grossier de la prison.

Le malade avait de fréquentes insomnies ; elle passait la nuit près de son grabat, lui parlant de Dieu, l'instruisant des vérités de la religion, l'encourageant à souffrir avec résignation, par l'espoir d'une récompense éternelle. Elle lui prodigua tous ces soins maternels, non seulement, quelques jours, mais tout le temps que dura la maladie, qui était contagieuse, c'est-à-dire plusieurs semaines.

Cet oubli constant d'elle-même, cette charité toujours égale, cette douceur inaltérable lui concilièrent peu-à-peu le respect et les sympathies de tous les prisonniers : le geôlier, plein de vénération pour elle, ne l'appelait que l'ange de la maison. Bien qu'on ne la laissât voir aucune personne que sa sœur, Madame de Silguy, qui habitait une terre tout près de Quimper, elle était si peu surveillée qu'elle eut pu facilement s'évader, comme elle le dit plusieurs fois à cette sœur, quand celle-ci la venait visiter. Une double considération l'empêcha toujours de le tenter : la crainte de compromettre son geôlier et de perdre la palme du martyre qui paraissait lui être offerte.

Mademoiselle Victoire de Saint-Luc se passait volontiers dans sa prison de toutes les commodités de la vie matérielle ; quoiqu'elle manquât de tout sur ce point, elle avait l'air de ne manquer de rien. Mais l'homme ne vit pas seulement de pain, car il n'est pas composé que d'un corps ; son âme a besoin d'un aliment spirituel qu'il reçoit surtout par le canal des sacrements. Elle souffrait donc beaucoup de la privation de ces sacrements et en particulier de celui de la pénitence qu'elle n'avait pu recevoir depuis plusieurs mois. Elle demandait instamment à Dieu la grâce de rencontrer un prêtre fidèle, afin de pouvoir se confesser, avant de mourir. Elle fut exaucée. Le jour même ou elle terminait une neuvaine à saint François-Xavier, pour obtenir cette grâce par son intercession, un vénérable prêtre des environs de Quimper, Monsieur Riou, recteur de Lababan, fut arrêté dans la maison qui lui servait d'asile et conduit à la même prison. A la faveur d'une porte entr'ouverte, la pieuse captive eut le bonheur de voir ce saint prêtre et de lui faire sa confession : puis, ils s'exhortèrent mutuellement à bien mourir. M. Riou fut exécuté quelques jours après : il couronna par une mort héroïque une vie sans tache et pleine de bonnes œuvres.

L'heure de la digne religieuse approchait aussi. Pleine de tendresse pour ses parents, elle se préoccupait dit sort de chacun d'eux, se disant qu'elle était peut-être une personne compromettante pour tous les membres de sa famille. « Je voudrais, disait-elle à sa sœur, séparer ma cause de celle de ma famille et de mes amis ; n'était cette pensée, je serais trop heureuse, car j'entrevois le bonheur que j'ai toujours désiré ».

Elle s'était fait, au milieu du bruit continuel de sa prison, une solitude et un oratoire au fond de son cœur d'où, comme un parfum d'agréable odeur, la prière s'échappait à des heures réglées. Elle employait le resta du temps soit à dessiner où à découper des images de piété et à faire des reliquaires qu'elle destinait à ses parents et amis ; soit à écrire des lettres et des prières où elle répandait tous les sentiments de sa belle âme, remplie de l'amour de Dieu et désireuse du martyre. Elle écrivait souvent à une de ses amies de ces lettres ardentes qu'elle lui faisait parvenir dans des pelotons de fil. Comme dernier souvenir, elle adressa à cette amie une bague qu'elle avait tressée avec une partie de ses cheveux .......

Incertaine de son sort, pendant le premier mois de sa détention, un mandat d'arrêt de Fouquier-Tinville vint lui apprendre qu'elle était destinée à être conduite à la Conciergerie, à Paris. Elle reçut cet ordre avec soumission et se prépara à ce douloureux voyage dont elle ignorait encore le moment un mois se passa dans cette attente rendue plus cruelle par le bruit répandu dans la prison que Monsieur et Madame de Saint Luc devaient partager le sort de leur fille.

Un jour qu'elle s'entretenait avec Madame de Silguy, sa sœur, qui était venue la visiter, se réjouissant de ce que ce bruit alarmant n'avait pas eu de suite, on entendit tout-à-coup une certaine rumeur dans la maison et presque aussitôt la voix du geôlier criant : « Mademoiselle de Saint-Luc, voilà votre papa et votre maman qui arrivent ». Quel coup de foudre pour les deux sœurs ! Elles volent au devant d'eux ... Quel spectacle s'offre à leurs regards ! Leur père est porté sur un brancard ; leur mère soutenue par deux personnes monte péniblement le long escalier de la prison.

Elles se jettent, toutes tremblantes, à leurs pieds, et baisent leurs mains qu'elles arrosent de leurs larmes, sans pouvoir proférer une seule parole, M. de Saint-Luc mêlant ses larmes à celles de ses filles, les embrassait avec tendresse, en leur disant : « Mes chères enfants, ce n'est pas notre triste position qui fait couler mes pleurs, mais uniquement la joie que j'éprouve de vous revoir encore avant de mourir ! ».

Refoulant dans son cœur, fortement trempé, tous les sentiments de la nature, Madame de Saint-Luc ne pleurait pas. « Relevez-vous, mes chères filles, leur dit-elle ; essuyez vos larmes ; ne pleurez pas sur notre sort ! Ne sommes-nous pas heureux de partager les prisons et les chaînes des confesseurs de Jésus-Christ ? Nous avons souvent admiré ensemble leurs combats et leurs triomphes ; voici pour nous l'heure du combat ; rendons-nous dignes de la victoire ; élevons nos regards vers le Ciel, et préparons-nous à souffrir tout ce qu'il plaira à Dieu pour mériter une telle récompense ».

Il se fit pendant cette scène touchante un silence profond. Muets d'étonnement, tous les prisonniers étaient saisis d'admiration. Ne comprenant pas tout ce qui se passait sous leurs yeux, les douze jeunes Anglais se le firent expliquer ; ils furent tellement frappés et édifiés de cet évènement qu'ils le consignèrent, avec tous ses détails, sur le journal de leur captivité.

Mademoiselle Victoire de Saint-Luc eut besoin de faire appel à tous ses sentiments de foi et de conformité à la volonté de Dieu pour ne pas rester affaissée sous le poids de ce coup : d'un caractère énergique mais sensible, elle était navrée, à la vue du pitoyable état où elle retrouvait ses parents, à la pensée du sort qui leur était réservé... Son chagrin était tempéré par la consolation de leur être réunie et de pouvoir leur prodiguer ses soins et apporter quelque soulagement à leur affliction. « Ma peine n'est rien, disait-elle à sa sœur, mais voir nos parents dans cette affreuse position me pénètre d'une douleur si profonde que j'y succomberais, si la grâce de Dieu ne me soutenait. Je donnerais volontiers ma vie pour sauver la leur ! ».

Exténués déjà par leur séjour à la prison de Carhaix, fatigués du pénible voyage qu'ils venaient de faire et des émotions de leur arrivée à la prison de Quimper, Monsieur et Madame de Saint-Luc y tombèrent fort malades. Mis au secret le plus strict, ils ne pouvaient voir ni parents, ni amis du dehors ; leur fille, Madame de Silguy, seule, grâce à la bienveillance du geôlier, entrait de grand matin dans cette affreuse demeure, pour n'en sortir qu'à la nuit. Tout entière à ses chers prisonniers, elle partagea leur captivité, pendant dix jours, oubliant, durant ce temps, son mari et ses nombreux enfants. Ce terme expiré, on reçut l'ordre de les diriger sur Paris. Comment dépeindre la douleur de cette excellente fille, à cette nouvelle ? Comment dire le brisement de son cœur, quand elle fut privée, le jour de leur départ, du bonheur de les voir, une dernière fois, et de recevoir leur bénédiction !

La famille de Saint-Luc passa environ trois mois à la Conciergerie, sanctifiant sa captivité dans cette dernière prison, comme dans les premières, par la prière, la pensée des jugements de Dieu et la méditation des souffrances de Notre Seigneur Jésus-Christ [Note : On avait saisi et adressé à l'accusateur public, Fouquier-Tinville, tous les papiers de la famille de Saint-Luc : ils formaient un total de deux-cent quatre-vingt-quatre pièces]. Ayant sans cesse devant les yeux la mort qui les attendait, nos courageux prisonniers s'y préparaient par tous ces moyens et spécialement par le sacrement de pénitence qu'ils purent recevoir souvent. Privés du bonheur de s'asseoir à la sainte table qu'ils désiraient ardemment, ils tâchaient d'y suppléer par la communion spirituelle. Vaquant dans leur cachot aux œuvres de miséricorde, autant qu'ils le pouvaient, ils donnaient, autour d'eux, du peu qu'ils avaient à ceux de leurs compagnons qui n'avaient rien, les édifiant à Paris comme à Carhaix et à Quimper par leur inépuisable charité, leur inébranlable résignation et leur douce patience.

Mademoiselle Victoire fut séparée de ses parents ; elle leur fut seulement réunie, les quinze derniers jours, pour comparaître tous ensemble devant le tribunal de sang qui les jugea et les condamna à la mort, avec cette iniquité et cette cruauté que l'on connaît. La jeune fille demanda la faveur d'être exécutée la première : ce qu'on lui accorda. Après avoir fait les derniers adieux à son père et à sa mère, elle ajouta : « Vous m'avez appris à vivre ; avec la grâce de Dieu, je vais vous apprendre à mourir ».

Ceux-ci subirent aussitôt le même sort, avec soixante autres personnes environ : c'était le 19 Juillet 1794, dix jours seulement avant la chute de Robespierre.

Au nombre de ces personnes étaient M. de Trémaria et l'une de ses filles qui périt sur l'échafaud pour sauver sa sœur, religieuse du Calvaire. Celle-ci, dénoncée comme suspecte, était gravement malade, au moment où la force armée vint la chercher pour la mettre en état d'arrestation. Craignant qu'on ne l'enlevât quand même de son lit, sa sœur se présenta aux gendarmes qui l'arrêtèrent à sa place et l'emmenèrent à la prison criminelle d'où elle fut conduite à la Conciergerie.

La Calvairienne se guérit peu à peu de sa maladie et ne fut point tracassée plus tard, grâce à l'héroïque dévouement de sa sœur, auquel seul elle dut la vie, car on était alors si barbare en France qu'il n'est pas douteux qu'on n'eût enlevé et transporté la malade en prison et de là à Paris.

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Parmi tant d'autres laïques persécutés à cause de leur fidélité aux bons principes, nous devons mentionner, avec honneur, M. Le Bars, avocat, homme aussi recommandable par sa science des lois que par sa piété solide et son attachement inviolable à l'Église et à la Royauté.

En 1792, vers la Septuagésime, deux jeunes gens étaient au séminaire de Quimper, avec cinq ou six autres condisciples, tous patriotes, se disposant à recevoir les saints ordres des mains de l'intrus Expilly. L'un d'entre eux étant sorti, un jour, en ville, avance devant plusieurs personnes que deux aristocrates étaient venus au séminaire l'engager lui et un de ses camarades à renoncer à l'ordination, leur proposant de l'argent et tous les autres moyens de passer à Jersey. Quelques instants après la sortie de l'ordinand de la maison où il avait tenu ce propos, arrive le juge de paix auquel on raconte le fait. Le magistrat se rend immédiatement au séminaire, appelle les jeunes gens, les interroge et leur enjoint de nommer les deux aristocrates. Les séminaristes s'y refusent et ne veulent pas prêter serment de dire la vérité. Le même magistrat revient, le lendemain, à la charge, avec deux assesseurs, et leur ordonne séparément de dire la vérité ; ils en font le serment. Sommés de dévoiler les noms des personnages compromis, l'un des clercs répond qu'il ne peut se rendre à cette sommation, parce qu'ils sont de ses parents, l'autre oppose le même refus, pour ne pas nuire aux parents de son ami.

A un troisième interrogatoire, les dénonciateurs nomment M. Le Bars, sans vouloir désigner son complice, sous prétexte que ce dernier est de la famille de l'un d'entre eux. L'accusé est immédiatement emprisonné et les scellés sont apposés sur tous ses papiers et autres effets.

Le jour suivant, subissant un quatrième interrogatoire les deux ordinands déclarent que le jeune Léon de Trévéret, clerc tonsuré, est le complice de M. Le Bars, et, toujours d'accord dans leurs dépositions, ils déterminent le jour et le moment où ces messieurs vinrent leur faire les propositions dont nous avons parlé. C'était, disaient-ils, vers sept heures du soir, pendant le souper ; ce fut le concierge de la maison qui les appela au parloir. Après des déclarations si précises, on interroge l'un après l'autre les directeurs constitutionnels du séminaire ; tous déposent qu'ils ont entendu dire aux deux séminaristes qu'on leur a offert de l'argent, pour passer en Angleterre, s'ils voulaient renoncer à recevoir les ordres, de l'évêque Expilly. Ils ajoutent qu'ils ne savent rien de plus sur cette affaire et qu'ils ne les ont pas remarqués sortir du réfectoire pendant le souper de la communauté.

Les voisins de table des dénonciateurs déclarent eux-mêmes qu'ils n'ont pas entendu les appeler, qu'ils ne les ont pas vus sortir pendant le repas. Ils leur ont seulement entendu dire qu'on les avait appelés, la nuit, pour leur proposer d'émigrer et leur offrir des secours abondants à cet effet... Enfin, on cite le concierge qui a dû les demander au réfectoire. Cet homme jure que tout ce récit est faux, que si d'ailleurs quelqu'un avait désiré parler à ces Messieurs, à pareille heure, il eut attendu, avant de les avertir, suivant le réglement, que le souper fut terminé.

Nanti de ces dépositions, le juge de paix se rend à l'évêché et demande à Expilly sa déclaration. Celui-ci répond ne savoir que ce qu'il à ouï dire aux directeurs de son séminaire.

Après tous ces témoignages non suspects, les accusateurs étaient convaincus de mensonge et de calomnie, et l'innocence des accusés apparaissait claire comme le jour : l'affaire devait donc être finie. Il n'en fut rien. Le juge donne le mandat à un zélé patriote d'aller à Pont-l'Abbé arrêter M. l'abbé de Trévéret qui se trouvait dans cette petite ville, distante de quatre lieues de Quimper.

Le jeune clerc s'était démis le pied, quelques semaines auparavant, par une chute de cheval ; il n'était pas encore guéri de sa blessure. Comme il était trop tard pour se mettre en route, vu que la nuit approchait, on le conduisit inhumainement en prison où il fut jeté dans une basse fosse.

Le lendemain, craignant que les aristocrates ne lui enlèvent sa proie en chemin, l'agent révolutionnaire demande une escorte au maire, qui la lui accorde. Arrivé à Quimper, le prisonnier est amené devant le juge de paix qui lui fait subir un interrogatoire. Dès qu'il a connaissance du motif de son arrestation, qu'il avait ignoré jusque là, il s'informe du jour et du moment où l'on prétendait l'avoir vu se présenter à la porte du séminaire. Dès qu'on les lui a indiqués, il oppose le démenti le plus formel à l'accusation qui tombe d'elle-même, puisqu'il était alors retenu à Pont-l'Abbé par l'accident dont il n'est pas encore parfaitement rétabli. Néanmoins on veut l'emmener à la prison ; à force d'instances il obtient d'être laissé en liberté, sous la caution de son père. M. Le Bars avait déjà été élargi aussi sous la même garantie. On leur signifie à l'un et à l'autre de se choisir des avocats pour plaider leur cause qui doit être portée devant le tribunal.

M. Léon de Trévéret recueille les signatures de plus de trente témoins qui tous attestent que, le jour et le moment où on l'accusait d'être venu au séminaire, avec M. Le Bars, il était à Pont-l'Abbé, étendu sur le lit, ayant le pied démis. A tous ces témoignages se joignit celui du médecin qui l'avait soigné.

La fausseté de l'accusation portée contre lui et M. de Trévéret étant évidente, M. Le Bars devait être absout sur ce point. Mais ce catholique dévoué avait contre lui un second chef d'accusation. Il était l'avocat d'un couvent de religieuses qui, endoctrinées par leurs directeurs assermentés, s'étaient soumises aux décrets constitutionnels et avaient reconnu l'évêque intrus. Affligé de cette défection, M. Le Bars entreprit de détromper ces pauvres filles, en les éclairant sur la valeur de l'acte déplorable auquel on les avait entraînées, sous les prétextes les plus spécieux. Il savait à quoi il s'exposait : mais la charité l'emportant sur la crainte dans son âme généreuse, il leur adressa une lettre touchante, dans laquelle il leur démontrait avec clarté le faux de la Constitution, et leur découvrait le précipice où elles allaient se jeter, en se séparant de l'Église catholique.

Ce qu'il avait prévu arriva. Alarmées, à la lecture de cette lettre, les religieuses en font part à leur aumônier, qui avait complètement donné dans le schisme. Celui-ci veut s'en saisir ; on la lui refuse. Il appelle à son aide son chef Expilly, qui échoue comme lui. Craignant de nuire à leur avocat, dont elles connaissent depuis longtemps la probité et le dévouement à leur maison, ces Dames brûlent la pièce compromettante.

Cet événement s'était passé quelques mois avant que M. Le Bars ne fut impliqué dans l'affaire des deux ordinands. En inventoriant, à propos de cette affaire, les papiers de l'accusé, le juge de paix avait trouvé une copie de la lettre recherchée et une autre lettre par laquelle un sous-diacre, nommé Le Gal, le remerciait d'une aumône qu'il en avait reçue. Nouveaux griefs contre le digne avocat.

Enfin, le jour du jugement arrive. Les deux accusateurs ne peuvent appuyer leurs dires sur le témoignage d'aucune personne; toutes les dépositions au contraire leur sont opposées. Quoiqu'il en soit, l'accusateur public, ouïs les griefs, à la salle d'audience, conclut, le croirait-on, à la peine de mort contre les inculpés. Quelle iniquité ! Mais qu'on ne l'oublie pas : on vivait alors dans un temps où le seul fait d'être accusé ou d'être suspect, sans preuve aucune, suffisait pour être condamné à l'échafaud !

M. Le Bars et M. Léon de Trévéret s'étaient pleinement justifiés ; ils avaient convaincu publiquement les, séminaristes de calomnie ; ils pouvaient les poursuivre comme calomniateurs : ils se contentèrent de le faire remarquer, déclarant qu'ils ne voulaient exercer contre eux d'autre vengeance que celle de leur avoir prouvé qu'ils avaient menti.

L'iniquité inqualifiable de ce jugement apparaît encore davantage, s'il est possible, quand on sait : 1° que le juge de paix, dans son procès-verbal, avait omis la déposition essentielle du concierge du séminaire ; 2° que les accusés n'avaient aucun lien de parenté avec les accusateurs ; 3° qu'en ce qui regardait le second chef d'accusation contre Le Bars, c'est-à-dire sa lettre aux religieuses, il prouva par les décrets mêmes que sa conduite n'était pas inconstitutionnelle.

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Nous avons trouvé dans les notes de M. l'abbé Boissière la relation de la mort de M. le baron d'Amphernet, fusillé à Quimper, le 9 Janvier 1796. Cette relation, écrite par le prêtre même qui assista à la mort ce brave gentilhomme, fut adressée par lui en Espagne à un de nos prêtres émigrés en ce pays ; elle est trop édifiante et trop glorieuse pour la religion et son honorable famille, pour que nous ne la reproduisions pas ici. Voici le texte de cette lettre :

« Je dois vous rendre compte d'une cruelle nuit que je viens de passer, ce 8 Janvier. L'on m'a conduit de notre prison à la prison criminelle pour administrer les sacrements à M. d'Amphernet, condamné à mort pour avoir soutenu les droits du trône, méconnu la République et l'avoir regardée comme une autorité usurpée.

Rendu au cachot, j'y ai trouvé M. d'Amphernet couché sur un grabat, les fers aux pieds, gai, riant et absolument résigné à la mort... Je le confesse trois fois dans la nuit. A 6 heures du matin, il se lève, malgré la pesanteur de ses fers, se prosterne à genoux et reçoit le bon Dieu ; le crucifix à la main, il prononce publiquement son action de grâces, de manière à faire pleurer tout le monde, même ses gardes. Il envisageait la mort comme le plus grand bienfait que Dieu pouvait lui accorder, comme le terme de ses maux et le commencement d'une éternité bienheureuse, heureux, disait-il, de mourir dans le sein de l'Église catholique, apostolique et romaine.

A 7 heures, il écrit deux lettres, l'une à sa femme, l'autre à sa sœur. Il envoie à ses enfants deux oraisons à la sainte Vierge écrites de sa main, qu'il gardait sur lui.......

Il s'attendait à n'être passé par les armes qu'après midi. A 9 heures , on vient lui annoncer qu'on allait lui ôter ses fers ; il s'habille courageusement, se lève et marche pour sortir de la chambre. Je le tenais par le bras pour l'aider à porter ses chaînes; il m'embrassa. A l'instant arrivent ses enfants, au nombre de six dont les plus âgés ont 11 et 12 ans : une servante en portait un sur ses bras. Ces pauvres enfants se jettent à genoux devant leur père et lui demandent sa bénédiction.

Dans un moment semblable, la nature parle puissamment, surtout au cœur d'un père ; les soldats sont attendris, les larmes coulent de toute part... Adieu, leur dit-il, mes enfants, je vous recommande votre mère ; obéissez-lui, aimez-la, ayez pour elle les soins que mérite une si digne mère ; aimez votre religion, ne l'abandonnez jamais ; pardonnez à mes ennemis, comme je leur pardonne. Dieu m'avait fait votre père ; il m'avait donné, il m'ôte mes enfants... soyez-lui soumis. — Oui, papa, s'écrie sa fille, en lui sautant au cou, nous le voulons.

Il s'arrache des bras de ses enfants, sort de la chambre, pour qu'on lui retire ses fers, essuie ses larmes, reprend son courage, rentre dans la chambre pour m'embrasser une seconde fois et marche à la mort. Il la reçoit debout, ne voulant ni se mettre à genoux, ni tourner le dos. Deux heures après on me conduit chez sa femme occupée à rendre grâces à Dieu d'une mort qu'elle regardait comme bien précieuse ; on peut l'appeler la femme forte ! ».

Le jour même de sa mort, M. d'Amphernet écrivit à sa courageuse femme la lettre suivante, pleine des sentiments les plus chrétiens et les plus élevés :

Ce 9 Janvier 1796.
« Souviens-toi, ma chère amie, que c'est à toi que je dois le bonheur d'être catholique, apostolique et romain. C'est donc toi, qui m'as donné les principes, bien vrais, qu'il ne nous arrive rien que Dieu ne l'ait ordonné et qui ne soit pour notre bonheur ; ainsi, ma chère amie, le prétendu malheur qui nous arrive, n'est rien ; je suis assez heureux pour avoir reçu mon Dieu et mon Créateur ; je pars content. Je crains seulement que toi, qui as montré tant de force dans plusieurs circonstances, et qui m'en as tant inspirée, tu ne te laisses aller à la douleur. Je t'engage donc, ma chère amie, à avoir recours à Dieu, à lui offrir cette croix, que je ne vois pas qui en soit une, bien au contraire, car il m'a sauvé de ma maladie pour que je fasse en état de le recevoir et pour me pardonner.

Souviens-toi que tes enfants ont besoin de toi ; au nom de Dieu, ne te chagrine pas et conserve-toi pour eux. Il m'est inutile de t'engager à les élever dans notre religion, tu m'as donné trop de preuves jusqu'à présent de ton attachement pour en douter ; qu'ils soient honnêtes gens et bons chrétiens, Dieu aura soin d'eux.

Remercie Dieu pour moi de ce qu'il m'a fait mourir de même ; ma mort, j'espère, sera celle d'un chrétien et j'attends cette dernière grâce de Dieu.

Je te demande pardon, si je t'ai causé du chagrin, et à tous ceux à qui mon humeur violente a pu en causer.

Dis à tous mes amis que je meurs content, que j'ai prié Dieu pour eux, qu'ils prient pour moi, et surtout dis-le aux personnes chez qui tu es, et à Mesdames de Calan, du Vergier et autres.

Souviens-toi de mander à mon cousin que je l'aime toujours, que je prie Dieu pour lui : je lui recommande ma femme et mes enfants. Je pardonne de tout mon cœur à tous mes ennemis et prie Dieu pour eux. Je désire que mon sang soit le dernier répandu, et que Dieu leur fasse miséricorde. Adieu, ma chère femme : je t'embrasse et t'aime de tout mon cœur. Je meurs content, surtout si je puis savoir que tu ne t'affectes pas ; Dieu nous réunira dans son saint paradis et alors nous n'aurons plus rien à craindre.

Je suis ton ami, D'AMPHERNET.

Embrasse quelquefois mes enfants et dis-leur que leur père a fait son devoir ».

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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