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BULAT-PESTIVIEN ET LA FAMILLE DE PESTIVIEN.

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SOMMAIRE : BULAT-PESTIVIEN. - SON SITE. – BARONNIE DE PESTIVIEN. - SON ÉTENDUE. – SA JURIDICTION. – LA FAMILLE DE PESTIVIEN. – LA SOUCHE BRETONNE ET LA BRANCHE PICARDE. – LE CHÂTEAU DE PESTIVIEN. – SON ORIGINE. - ROGER DAVID. - SIÈGE DU CHÂTEAU PAR DUGUESCLIN. – ROC'H AR BELEG. - FEUNTEUN AR ZAOZON. – RUINES. - SEIGNEURIES DE BODILLO. – COATGOUREDEN. – LA GARENNE, etc.

Primitivement et jusqu’après la Révolution, la paroisse de Pestivien relevait de l’ancien diocèse de Cornouailles ; elle appartient depuis lors au diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. Toutefois, ce n’est que plus tard, en 1876, qu’elle fut autorisée à substituer à son nom primitif, celui de Bulat-Pestivien, dans les actes officiels et publics.

Son territoire est compris dans cette région de la Haute-Cornouaille, d’aspect singulièrement tourmenté et attachant, qui s'étend des Montagnes noires aux Monts d’Arrée, comme un vaste plateau surplombant les terres basses du Trécor et du Vannetais.

A mi-chemin de Callac et de Bourbriac, Bulat-Pestivien est situé au cœur de la montagne, au point précis où le Blavet qui coule vers l’Océan, l'Hière affluent de l’Aulne qui se dirige vers la rade de Brest, le Guer qui s’en va vers la Manche, forment le plus remarquable centre de dispersion des eaux de la Basse-Bretagne.

Le pays est une merveille de la nature ; celle–ci y a ramassé comme en un cadre étroit, toutes les sévères beautés et les grâces sauvages de l'Armorique. Dans sa partie haute, un massif montagneux aux sommets arides, aux flancs découpés d’où émergent confusément et à l’infini d’immenses blocs de granit, barre son horizon. Une double échappée de vue à travers les ondulations de ses cimes, laisse seule apercevoir dans un lointain réduit : d’une part, les hauteurs boisées de Carnoët : de l’autre, semblables à une longue frange noire, les collines régulières de Gurunhuel.

En dessous de cette ligne principale du massif, tandis que les coteaux rocheux se multiplient sous leur mélancolique parure d’ajonc sauvage, de fougères branchues et de genêts verts, les vallons étroits laissent coulerles ruisseaux d’eaux vives, le long desquels s’étendent les prairies d’herbes grasses et les champs de labour. Là aussi, sont dissimulées pour la plupart, les fermes qui, sous la teinte grise ou bleuâtre du chaume ou de l’ardoise, se détachent à peine sur le sombre feuillage des grands chênes qui les abritent. Enfin, çà et là avec ses murs de grosses pierres mal équarries.

En ce coin privilégié, la vieille chanson bretonne est demeurée en honneur. On l’entend s’envoler le soir de colline en colline, au retour des bergers vers les villages, et le long des chemins creux le matin, quand les laboureurs retournent à la tâche.

Si, quittant la tristesse des landes, la morne mélancolie des blocs de granit, l’on descend vers la partie basse de Bulat-Pestivien qui confine à la vallée du Guer ; si surtout l’on suit en été un de ces chemins à peine frayés à travers la campagne, l’aspect change. Voici des champs de blé noir en fleur côtoyant les champs de seigle jaunissant ; dans la plaine entrecoupée de rochers, des chênes enfonçant leurs robustes racines en un sol granitique, des bouquets de hêtres et de châtaigniers . La course continue, et elle vous réserve de gracieuses surprises : encore quelques landes, puis des prairies où courent de petits pâtres, pieds nus ; le ruisseau du Guer, formé par les multiples sources que l’on voit sourdre doucement dans la montagne, coule ave bruit à travers les rochers, interrompu çà et là par de minuscules cascades : puis décrivant une courbe imprévue, il disparaît en chantant dans la gorge étroite et boisée du Bodillo, pour se perdre sous un fouillis d’arbres de haute futaie, dans la rivière dont il a emprunté le nom.

C’est au centre de ce paysage singulièrement pittoresque et grandiose, en face du vallon qui court vers l’ancienne église paroissiale de Saint-Blaise et à flanc de coteau adouci  que s’élève le sanctuaire vénéré de Notre-Dame de Bulat, dominé par le majestueux clocher à jour dont la pointe hardie crie vers le ciel : la foi et la confiance des Bretons.

Dès l’origine, la chapelle de Notre-Dame de Bulat dépendit des seigneurs de Pestivien qui en étaient les « fondateurs et patrons ». L’ancienne seigneurie de ce nom avait château féodal ; - relevait prochement du duc de Bretagne et, selon l’usage et le droit consacrés, prit de ce chef, le titre honorifique et envié de Baronnie. Elle ne fut toutefois qu’une Baronnie d’ancienneté, ce qui la caractérise des premières qui eurent une érection authentique, officielle, sous Pierre II (1415) - et de celles qui furent créées dans la suite, sous François II.

La seigneurie comprenait, outre le domaine de Pestivien, diverses autres terres réparties sur les paroisses de Maël, Duault et Plougonver. Dans une déclaration de 1682 (Archives départementales de la Loire-inférieure. B. 1116), fournie par Messire Jacques-Claude de Kergorlay, chevalier, marquis du Cludon, baron de Pestivien, etc. …. au commissaire du Roi nommé pour la Réformation des domaines de sa Majesté à Carhaix ... Nous lisons : « Les dites terres et seigneurie consistantes, à savoir : En un vieux château encore apparat entant à présent ruiné, et en vieilles mazières situé au milieu de l'estang dud. lieu, contenant soubz fond un demy journal de terre. L’estang dud. lieu avec le moulin y adjacent nommé le moulin du chasteau, les esperons, contrescarpes, levées de terre et autres fortifications avec le bois de haute fustaye y adjacent, applacement de colombier, le tout s’entrejoignants ensembles et pouvant contenir sept journaux de terre.

DOMAINE DE LA DITE SEIGNEURIE. La mettairie noble dudit château de Pestivien, à présent possédée à tiltre de domaine etc. ….

PAROISSE DE MAEL–PESTIVIEN. Le convenant du village de Guernangagou, situé en ladite paroisse de Maël-Pestivien à présant possédé aud. tiltre de domaine etc.

FIEFF DE LIGENCE EN LA PAROISSE DE MAEL. A tous devoirs de foy hommage, chambellennage, lods, vantes et rachapts les cas échéants à la coutume.

L’ISLE BLANCHE. Lad. Seigneurie de Ligence sur led. village de L'Isle Blanche situé en lad. paroisse de Maël appartenant à dame Charlotte de la Boessière compaigne espouse de Messire Jullien Le Seneschal, Chevalier seigneur et dame de Tréduday, icelle propriétaire de la terre et seigneurie de Kerazloant consistant led. village en ... Autres terres et héritages dépendants de ladite seigneurie de Pestivien en la paroisse de Duault.

LE VILLAGE DU BOTCOL. Une tenue d’héritage situé audit village etc… Fieff et juridiction en la paroisse de Plougonver situé en l’évêché de Tréguier et joignant lad. paroisse de Pestivien. Déclare en l’endroit led. seigneur advouant tenir de sad. majesté le fieff, juridiction et seigneurie de Ramage sans parage par cause de son d. lieu et manoir noble de Lisillier etc… ».

Au Moyen-Age, l’organisation sociale reposait sur la fidélité ou (féauté). Cette fidélité ne fut qu’ « un échange de services » ; elle posa ses conditions, énuméra ses devoirs, prit la forme d’un contrat. Le suzerain en accordant l’accession sur ses terres, assurait, avec la liberté du travail, aide et protection à ses vassaux et à leurs famille ; ceux–ci en échange, s’obligeaient envers lui comme propriétaire foncier et seigneur, à la redevance, à certains autres devoirs se réduisant parfois à de simples cérémonies qui variaient avec les coutumes locales.

Aussi la seigneurie était « une patrie que l’on aimait d'un instinct aveugle et pour laquelle on se dévouait. Elle se confondait avec le seigneur et sa famille ». (Fr. Funck-Brentano). On lui prêtait serment de fidélité comme à un souverain. Il n’avait plus le droit de paix ou de guerre ; mais il gardait toujours, sur ses domaines, le droit de rendre justice haute, moyenne et basse ; il connaissait, en première instance, toutes les causes civiles ou criminelles de ses sujets. Il avait à ce titre des baillis, procureurs, greffiers et autres officiers de justice, un auditoire, une prison, des fourches patibulaires, marques distinctives de sa puissance locale. L’organisation judiciaire de cette époque n’était donc pas aussi défectueuse qu’on semble le croire généralement.Il en est même qui sont persuadés que le seigneur, au moins le haut justicier, avait droit de vie et de mort sur ses vassaux, qu’il jugeait en personne, et condamnait selon son caprice ; ce sont là autant d’erreurs certaines démenties par les monuments juridiques et par tous les jurisconsultes.

Seul l’exercice de la haute justice comportait des patibulaires ; le seigneur investi de ce signe extérieur du droit de glaive, se plaisait à le signaler dans ses aveux et à énumérer le nombre des poteaux qui variait de deux à six, selon la dignité du haut justicier .Le baron de Pestivien en réclame quatre, et il les avait sur Crec'h Ar Boular, comme en fait foi la déclaration de 1682 (Arch. dép. Loire-Inférieure. B 1116). « A cause de laquelle terre et chastellenye de Pestivien led. seigneur advouant a et luy appartient  haulte moyenne et basse justice, et délivrer sa juridiction par seneschal baillif et lieutenant et avoir procureur fiscal, greffier et autres officiers de justice en toute lestandue de sad. seigneurie, avec droict de patibulaires quy sont en posture et deboult à quatre piliers de pierres de taille en icelle paroisse de Pestivien posés sur une montaigne et lieu esminant dans une pièce de terre nommé Crec'h an Boullar, aud. Pestivien … ».

Outre les droits que nous venons d’énumérer, le baron de Pestivien exigeait le devoir de guet. Originairement le guet était le devoir de garde du château par tous les hommes de la seigneurie . Alors, tous y avaient intérêt. On l’exagéra pourtant, et des constitutions ducales et plus tard des ordonnances royales le réduisirent aux places frontières, en temps de guerre . A l’époque qui nous occupe, le guet est réclamé des domaniers (domaine congéable) et des tenanciers d’héritages, c’est–à-dire, des propriétaires de terres roturières ou tenues par eux à cens ou rente perpétuelle, comme un service de police pendant le pardon de Bulat. - De plus, il avait le droit de havage, consistant à prendre une poignée des blés, fruits ou autres denrées, exposés en vente les jours d’assemblée. « Ce droit de havage, écrit l’érudit M. Trévédy, est une vraie curiosité en Bretagne. Dans les nombreux titres que j’ai compulsés, je n’en ai jamais trouvé mention. A Paris, le bourreau exerçait ce droit, mais les vendeurs s’opposèrent à ce que sa main touchât leurs marchandises, et il dut employer une cuiller spéciale ».

Enfin, le seigneur de Pestivien était fondateur de la chapelle de Notre-Dame de Bulat. Ce titre emportait le droit de patronage qui devenait toujours héréditaire. Il donne au Patron la faculté de présenter le titulaire, - d’être entendu en cas de changement dans la charge ou le bénéfice, ou d'aliénation des biens, - de prendre part à l'administration du temporel de la chapelle ou d'exiger qu'on lui en rende compte. Il ne peut toutefois s’attribuer le droit d’administrer lui-même ou de disposer des revenus dans un intérêt particulier. On lui accordait aussi certains droits honorifiques : le droit d’avoir le pas dans les processions, d’avoir une place réservée dans la chapelle et d’y être inhumé, et d’autres privilèges traditionnels.

L’aveu déjà cité les énumère presque tous : « Outre qu’il est préminancier en lad. chapelle de Nostre-Dame de Buzlat desservy en icelle paroisse au bourg de Buzlat, par la représentation des seigneurs fondateurs et patrons de ladite chapelle comme dépendante de ladite seigneurie de Pestivien, et par droict de patronage avoir armes au hault et lieu principal de la maistresse vitre d’icelle, et ailleurs comme il luy appartient et estre fondé prendre et lever le jour du pardon d’icelle qui s’y tient à chacun premier dimanche après la feste de la nativité de Nostre-Dame au mois de septembre de chacune année le droict de coustume et havage dessus les marchandises quy se débitent le dict. jour et veille dud. pardon ; et sont sujets les vassaux de lad. seigneurie de Pestivien tant les hommes domainiers que tenanciers d'hérittages de se trouver au guet durant led. pardon un par chacun convenant et tenue d’hérittage à peine de soixante et quatre sols d’amande pour laquelle ils peuvent estre exécutés de jour en autre, auquel jour et la veille dud. assemblé sont les fabriques et marguilliers de lad. chapelle de Buzlat tenu de présanter aud. guet et officiers, deux flambeaux de sire à paine de pareille amande de soixante et quatre sols. Comme aussi a droict le landemain dud. jour de pardon après la messe de requiem qui se chante pour la mémoire des seigneurs de lad. seigneurie de faire par sesd. officiers et en présance des recteur, prestes et paroissiens procéder au compte et raporter procès-verbal du nombre des oblations et offrandes quy tombent en lad. église de Buzlat pandant led. pardon, tant argent, bleds, filace, beure et espèces pour éviter à soubztraction. Et charger lesd. fabricques desd. oblations, sur le total desquels oblations en argent led. advouant doit prendre ce qu’il peut enlever avec la main une fois, quy toutes fois et remet pieuzement à la masse. Et davantage a droit de nomination de fabricques quy se mettent annuellement en lad. église ».

Pestivinen d’origine bretonne, fut une très ancienne famille de chevalerie. Elle tire son nom de sa terre de Pestivinen qui avait château, ce qui prouve sa haute antiquité .Aussi loin qu’il est permis de remonter dans le passé, à l’aide de documents authentiques, on trouve vers la fin XIIIème siècle :

JEAN DE PESTIVIEN, chevalier, qui épouse, en 1280, Constance de Rostrenen, dame de Glomel, dont il eut quatre enfants : Jean, Typhaine, Plésou et Bénévente. (Barronnie de Rostrenen, Comtesse du Laz). Le premier, Jean, paraît comme quatrième témoins dans l’enquête de canonisation de saint Yves en 1330. L’ainée des filles, Typhaine, dépose comme seizième témoin à la même enquête ; elle était pour lors mariée à Alain de Keranrais (1325), que l'on retrouve vingt ans plus tard, avec son neveu par alliance Tristan de Pestivien, au célèbre combat des Trente.

JEAN, à son tour, fut le père de Bizien et de Tristan qui devinrent les auteurs de la branche aînée et de la branche cadette de la famille.

A cette époque, le duc de Bretagne, Jean III, expira le 30 avril 1341, sans laisser de postérité. Sa mort fut le signal d’une lutte mémorable entre les deux prétendants au trône ducal : Charles de Blois et Jean de Montfort. Cette guerre de succession à laquelle prit part la fleur de la noblesse bretonne, dura plus de vingt années, avec des alternatives de succès et de revers de part et d’autre. Dans l’intervalle, plusieurs trêves furent signées ; mais elles n’arrêtaient pas les hostilités partielles. Ni les capitaines ni les peuples n’étaient liés par aucune promesse, et dans la Bretagne entière, on faisait la guerre de ville à ville, de château à château, de chaumière à chaumière. Tout devenait une arme redoutable dans les mains du peuple et des villageois.

BIZIEN DE PESTIVIEN. Qui, comme son frère Tristan, avait embrassé dès le début, la cause de Charles de Blois, se vit assiégé dans son château. Les troupes de Montfort, conduites par Roger David, capitaine anglais, s’en emparèrent vraisemblablement vers 1353. Sans doute, Bizien, en fier chevalier, continue à guerroyer dans la suite ; et quand, en 1373, Du Guesclin se rendit maitre par la force des armes de la place de Quimperlé, c’est lui qui y fut nommé capitaine. Il ratifia encore plus tard le traité de Guérande (1381).

Bizien, nous l’avons dit, fut l’auteur de la branche aînée. Celle-ci se fondit dans Molac par le mariage de Jeanne de Pestivien avec Guyon de Molac vers 1420. Le domaine de Pestivinen passe ensuite aux La Chapelle par héritage presque certainement. Ceux–ci, en effet, ont été seigneurs de Molac, en 1412. Oliver de La Chapelle épouse Aliette de Molac qui a continué la branche aînée (Courcy, I , 222). Puis il passa aux Kerméno ; comment ? - il ne me paraît pas actuellement possible de de le préciser ; - Courcy les dit barons de Pestivien (II, 113). Les Kerhoënt de Kergournadec devinrent plus tard possesseurs de la terre de Pestivinen ; comment encore ? C'est une énigme que les documents seuls pourront expliquer. Ce que l’on sait, c’est qu’un François de Kerhoënt épousa, en 1583, Jeanne de Botigneau qui avait pour mère Marie de Kergorlay. Ici, la relation se rétablit avec Charles de Kergorlay, acquéreur par contrat d’échange, de Pestivien (14 janvier 1616). Malgré les mutations et les vicissitudes survenues dans le cours des siècles, le domaine de Pestivien se transmit sans altération, tel qu’il fut constitué à l’origine. Cette preuve ressort des termes mêmes de l’aveu de 1682 déjà cité (Archives Départementales Loire–Inférieure, B. 1116) : «  Affirme led. seigneur advouant n’avoir aucune connaissance que lad. terre et seigneurie de Pestivien, ayant été démambrée d’autre plus grande terre n'y au contraire que d’icelle il ayt été faict aucun démembrement, soit par partage, juveigneurye, n’y autrement ».

Les Kergorlay du Cleusdon (branche cadette ) se sont fondus dans Cleuz de Gage ; et ceux-ci dans de Kérouartz par le mariage de Reine de Cleuz du Gage, unique héritière, dernière du nom, avec messire Jacques–Louis-François, marquis de Kérouartz, à qui elle apporta en dot, avec de nombreuses seigneuries, la baronnie de Pestivien (1785).

TRISTAN DE PESTIVIEN. - Pendant que Bizien défendait son castel de Pestivien Tristan combattait sous les ordres de Beaumanoir, chevalier plein d’honneur, commandant de Josselin pour Charles de Blois. Le sire de Beaumanoir voulant mettre un terme aux pillage et aux cruautés exercés dans les campagnes par les Anglais, se rend, muni d’un sauf–conduit, auprès de Bemborough, commandant de Ploërmel pour Jean de Montfort. L’entrevue fut courtoise d’une part, arrogante de l’autre ; la forfanterie anglaise blessa la fierté bretonne. Beaumanoir propose une rencontre, Bemborough accepte le défi, et les deux chefs se séparant, songent au choix de leurs hommes, dont le nombre est fixé à trente. Le rendez-vous fut donné près d’un vieux chêne, entre Ploërmel et Josselin, dans une lande dite la lande de Mi–Voie, et le jour du cambat fixé au samedi veille du dimanche où l’on chante à l’introït de la messe : Laetare, Jerusalem (1350).

Dix chevaliers et vingt écuyers, tous Bretons, parmi lesquels : Alain de Keranrais et Tristan de Pestivien, s’adjoignirent à Beaumanoir, tous impartients de se mesurer avec l’ennemi de leurs pays. Quand les adversaires sont en présence, au signal donné on en vient aux mains. Dès le premier engagement, Tristan de Pestivien est dangereusement blessé et pris par les Anglais. Le brave Tristan retrouve cependant des forces pour appeler Beaumanoir : « Où es–tu, Beaumanoir ? Les Anglais m’entraînent blessé et meurtri. Sois aujourd’hui pour moi, Notre-Dame de Bon–Secours ! ». A ses accents déchirants, Beaumanoir accourt, et sa bravoure indomptée rend l’espoir aux Bretons. La mêlée devient alors horribles, et après deux heures de lutte corps à corps , les deux partis accablés de fatigue se retirent d’un commun accord pour reprendre haleine et se rafraîchir.

A la reprise, Bemborough s’élance sur Beaumanoir, le frappe d’un coup qui l’étourdit, et le saisissant au corps : «  Rends - toi ! » lui crie-t-il.  - « Par Saint Yves ! reprend le Breton, il n’en sera pas comme tu penses ! ». Il allait pourtant succomber quand Alain de Keranrais accourt en disant à Bemborough : «  Ah ! misérable présomptueux qui se flatte d'emmener un homme d’un tel courage ! ». Et il le renverse par terre d’un coup de lance dans le visage ; un autre combattant l’achève. Un cri de triomphe ébranle les cœurs des Bretons : « Beaumanoir est vengé ».

Cependant Tristan de Pestivien qui avait été fait prisionnier, profitant du désordre que la mort de Bemborough avait mis parmi les siens, s’échappe et vient rejoindre ses compagnons. Il prend rang de nouveau parmi les combattants et concourt à la défaite complète des Anglais et à la victoire finale des Bretons. Tristan de Pestivien et Alain de Keranrais, son oncle par alliance, eurent donc tous deux une part glorieuse dans la célèbre journée du combat des Trente, et ajoutèrent à leur blason un nouveau fleuron.

Tristan de Pestivien fut l'auteur de la branche cadette du Vern et de Goasvennou.

ROLLAND DE PESTIVIEN, de souche bretonne comme les précédents, devint l’auteur d’une novuvelle branche, la branche picarde. Ayant pris du service sous le duc d’Orléans, depuis Louis XII, il fut le premier de cette famille à s’établir en Couciois. Il y épousa Agathe Dey, fille de Michel Dey et de Jeanne de Platecorne. En 1487, date à laquelle il fit donation à Mathieu, l’aîné de ses fils, il habitait Coucy-le-Chastel. Cette branche se ramifia et le rameau des Pestivien de Cuvilly [Note : Cuvilly, canton de Ressons, arrond. de Compiègne (Oise)] compta dans sa descendance, outre un chevalier de Malte (1622), un abbé de Saint-Léger d’Ebreuil dans le Bourbonnais (1687).

Les Pestivien de Bretagne, comme les Pestivien de Cuvilly, furent maintenus, presque en même temps, dans leur noblesse d’extraction : les premiers au ressort de Carhaix, le 29 juillet 1669 (Bibliothèque Nationale, vol. 2247 Dossier 50.935), les seconds au ressort de Soissons, en 1666. On lit en effet, dans le procès-verbal de l’enquête sur la noblesse, faite à cette date, sous la rubrique : Election de Noyon : « Louis de Pestivien, seigneur de Cuvilly, paroisse de Paimpré (Saint-Mard) - « Il a produit des titres, en très bonnes formes, de sept races, depuis 1487 ».

Toujours d’après M. Tiersonnier, archiviste départemental de l’Allier, « le rameau de Cuvilly, et même toute la branche picarde, a dû s’éteindre dans le courant du XVIIIème siècle ; car dans l’Armorial général, on ne trouve en Picardie qu’un seul Pestivien, en 1697, Hercules-Charles de Pestivien de Cuvilly, prieur, curé de Tréloud ».

Les armes de Pestivien portent : Vairé d’argent et de sable. - Cri de guerre : Pestivien ! - Cimier : Une tête de lévrier, d’après le sceau de Guillaume de Pestivien, 1397 (D . Lobineau).

Tout homme d’armes qui, du IXème au Xème siècle, recevait en fief un domaine sous l’obligation de servir à la guerre, commençait son établissement dans la campagne par la construction d’une petite forteresse, si minime fût-elle. Avec l’invasion des normands, qui portaient partout le ravage, on sentit la nécessité de construire des châteaux plus fortifiés, et au Xème siècle, ils se multiplièrent particulièrement en Bretagne. Les deux siècles qui suivent ne modifièrent point le plan de construction des châteaux, adopté par le siècle précédent, sinon en y ajoutant quelques nouveaux perfectionnements. A ces diverses époques, les châteaux avaient deux parties principales ; une première enceinte, plus ou moins grande selon l’importance de la place ; une seconde enceinte renfermant la citadelle ou le donjon. D’après la narration minutieuse laissée par Hay du Chatelet, sur le siège du château de Pestivien (1363), celui–ci comprenait la double enceinte signalée plus haut ; si d’autre part on tient compte de l’annotation suivante : « Deux bustes que nous avons vus dans les décombres de cette ancienne forteresse, attestent qu’elle existait dès le XIIème siècle (Notre-Dame de Bulat et Pestivien. Saint-Brieuc, L. Prud’homme 1864)… ». Il est permis de conjecturer avec vraisemblance que son origine ne saurait être postérieure à cette époque.

Si la date exacte de la construction demeure secrète et inconue, il est hors de doute toutefois que le château de Pestivien ne fût une forteresse puissante et redoutable. Bâti dans la solitude, au fond d’un étroit bassin formé de toutes parts par les sommets où se dressent de sombres et fantastiques blocs de granit dans leur vêtement de mousse, il affectait la forme d’un carré long comme l’exigeait la configuration du terrain et l’attestent encore ses derniers vestiges. Les angles étaient flanqués de quatre grosses tours liées ensemble par des remparts ; une porte défendue par des tourelles percées de meurtrières donnait seule accès sur la demeure féodale. Un fossé large et profond dont le bord intérieur était garni de plusieurs rangs de palissades ; des hautes et épaisses murailles dont les éperons et contrescarpes plongeant dans les eaux d’un immense étang constitaient une vraie puissance défensive et protégeaient l’enceinte principale. Seul un sillon étroit fait de mains d’homme reliait le Castel à la terre ferme. Aussi le poète breton a pu dire (Barzaz-Breiz, page 221) : « Eur c’hastel braz ez euz, e kreizik koado Mal ; Ha dour don tro-war-dro, ha ‘peb korn eunn toural ; ». « Un grand château (Pestivien) s’élève au milieu des bois de Maël ; tout autour, une eau profonde, à chaque angle, une tour ».

Nous l’avons dit, ce château, demeuré seigneuriale de Bizien de Pestivien, fut assiégé et pris vers 1353, par Roger David .

Celui–ci est un des gentilshommes anglais que les circonstances engagèrent à venir tenter fortune en Bretagne. Il n’eut pas à se plaindre du parti qu’il avait pris. Déjà en 1344, on lui confiait le commandement de la place et du pays de Quimperlé ; quelques années plus tard, il réunissait à la capitainerie de cette ville, celles de Guémené-Guégant et du château de Pestiven. A peine s’est-il emparé de cette dernière place, il épouse Jeanne de Rostrenen, veuve d’Alain VII, vicomte de Rohan , qui l’y suivit. En considération du mariage de celle-ci avec un partisan anglais, Edouard III roi d'Angleterre, qui avait la curatelle du jeune Montfort après la mort de son père, donna à Roger David et à Jeanne de Rostrenen, la châtellenie de Guémené, le château et domaine de Pestivien, exempts de toutes impositions et de tous subsides (1er avril 1354, D. Lobineau).

Le séjour de cet aventurier dans la demeure usurpée des Pestivien, séjour qui ne dura pas moins de neuf années, fut une calamité pour le pays. Le vieux castel occupé par une garnison anglaise mêlée de quelques Bretons, devint un vrai repaire de brigands. En audacieux écumeurs, les soldats parcouraient les routes et les champs, pillant les blés et les herbages, pressurant les paysans, razziant leurs troupeaux et leurs grains, rançonnant les voyageurs, semant partout, à sept lieues à la ronde, la terreur et l’épouvante. Leur passage était toujours signalé par une longue explosion de colère chez les travailleurs de la terre injustement dépouillés. Ceux–ci ne connaissaient plus ni paix ni sécurité. Le bruit de leurs infortunes s’était répercuté jusque dans les cités voisines, notamment à Guingamp. La divine Providence qui mène à son gré les événements de ce monde, ménagea la coïncidence heureuse qui devait arrêter le cours de tant de pillages et de cruautés.

Duguesclin, retenu prisonnier contre tout droit, par les Anglais partisans de Montfort, venait de s’échapper de leurs mains. Il se rendit directement à Guingamp, où il reçut un accueil enthousiaste, pour de là se diriger sur Pontorson. Au moment de partir, il se voit entouré par la population en larmes qui le supplie de demeurer et de délivrer la contrée du bandit qui la désolait. Au récit de ces maux et des atrocités commises le vaillant et redoutable chevalier se laisse fléchir ; il accepte l’honneur de faire subir à Roger David le châtiment de ses méfaits. En moins de huit jours, six mille hommes viennent se ranger autour de lui et prêts à combattre. Duguesclin, sans plus attendre, monte à cheval et marche avec cette armée sur Pestivien. A cette nouvelle, le capitaine anglais multiplie et active ses moyens de défense. Bientôt, le château de Pestivien, d’aspect imposant, ceint d’épaisses murailles, entouré d’une eau profonde, est investi par les troupes de Duguesclin . C’est en 1363.

Cependant Duguesclin envoie un héraut vers Roger David pour le sommer de se rendre avant l’emploi de la violence et de la force, lui promettant en retour le pardon. Le capitaine anglais répond fièrement : « Je sais la valeur de celui qui vous envoie, mais je suis résolu à me défendre jusqu’à la mort et à m’ensevelir sous les ruines de ma demeure ». Ces paroles sont à peine connues du vaillant chef des Bretons, que des ordres sont donnés ; c’est le commencement du siège. Les travaux d’approche sont menés avec entrain et précision, malgré la vigueur des assiégés à les entraver. L’unique sillon donnant accès sur la place et coupé en mains endroits, est élargi par les soldats de Duguesclin ; la chaussée de l’étang est tranchée pour l’écoulement des eaux, pendant qu’une autre partie des troupes confectionne dans les bois environnants des merrains et des fascines qui, jetés sur le fond vaseux de l’étang, permettront d’atteindre les fortifications. Huit jours ont suffi pour exécuter les travaux avec succès. Les Bretons sont bientôt aux pieds de la première enceinte que les soldats de Roger David défendent vigoureusement ; mais la sape ne tarde pas à ouvrir dans les murailles de large brèches livrant passage à la foule des assiégeants. Les Anglais se retirent derrière le fossé et les palissades où ils déploient la plus énergique résistance, faisant pleuvoir sur les assaillants pierres et tisons enflammés ; ceux-ci avec une extraordinaire bravoure arrachent les palissades, tuent partie des anglais, et contraignent le reste à se retirer dans la citadelle.

A proximité et en vue des ruines du château de Pestivien, sur le flanc d’une colline, on montre encore aujourd’hui un rocher, connu dans la contrée sous l’appellation : « Roc'h ar beleg ». S’il faut en croire la tradition locale, sur ce rocher, comme autrefois Moïse priant sur la montagne pour Israël qui combat dans la plaine, un prêtre se tenait en prières durant l’assaut final livré au vieux Castel et implorant du Ciel le succès pour les armes de Duguesclin. Enfin, l’oubli qui pousse vite comme l’herbe sur les morts, n’a pu se faire, après des siècles écoulés, sur le dernier vestige du séjour de Roger David et de ses compagnons dans le pays ; une source voisine, dont les eaux amenées par conduit alimentaient la demeure de l’aventurier, conserve toujours un nom évocateur : « Feunteun Ar Zaozon », la Fontaine des Anglais.

Le chant populaire lui-même s’est occupé du fait d’armes que nous narrons plus haut. L'oeuvre du poète « Gwaz Aotrou Gwesklen » (Barzas-Breiz, page 221) est bâtie sur le thème des crimes et des pillages commis par les Anglais qui détiennent le château de Pestivien, et sur le châtiment que leur inflige le valeureux Duguesclin. Ce chant breton devient ainsi l’auxiliaire de la vérité en apportant son précieux témoignage à une réalité historique.

Le vieux castel féodal n’est plus ; il a fini à la longue par s’endormir, épuisé de fatigue et sous l’injure du temps. Omnia fert aetas ! Il évoque à peine, dans l’esprit du passant, la mémoire d’une époque à jamais abolie, d’un âge où les preux défendaient leur pays attaqué ou leur foi en péril. Seul, sur ses débris informes, un épais bosquet de coudriers piqué de quelques rares chênes, ajoute, à l’automne, toute sa mélancolie aux pierres historiques qu’il recouvre et les pare en quelque sorte d’une grâce imprévue.

Outre l’ancienne baronnie de Pestivien dont la cour de juridiction s’exerçait au bourg de Bulat et qui eut pour dernier sénéchal Maître Guiton, la paroisse de ce nom possédait la châtellenie de Bodillo. De cette demeure seigneuriale jadis importante, il ne subsiste que quelques vielles constructions sans luxe et sans style, pâles vestiges du passé, voilés par les ombrages des grands hêtres et des chênes séculaires. La chapelle domestique du château, dédiée à saint Tugdual, avait pour chapelain messire Mathurin Rioux (1772) ; elle fut détruite par la Révolution. Aujourd’hui, pas une pierre, pas un vestige ne révèle son existence ; la tradition seule a conservé le lieu de son emplacement.

Le seigneur de Bodillo [Note : Armoiries : « d’argent à sept feuilles de lierre de sinople »], à l’instar du baron de Pestivien, possédait une juridiction complète, dont l’exercice, de 1760 à 1789, était confié à Maître Gabriel-Joseph Fercoq, avocat à la Cour. Les patibulaires se dressaient sur le sommet de Mene–Braz ; et la justice était rendue en plein air, aux pieds du calvaire érigé sur la place du bourg à Bulat. Il était en outre patron et fondateur de l’église paroissiale de Saint-Blaise ; il y avait son enfeu, et les armes de Bodillo apposées en maints endroits de l’édifice, attestent encore les antiques prééminences de la seigneurie. Enfin, celle–ci percevait une redevance annuelle de six livres quinze sols, sur la Grand’Maison, sise à Bulat et appartenant à Notre-Dame.

La terre de Bodillo d’abord aux seigneurs de ce nom, fut possédée ensuite par les Combout, dans la première moitié du XVIIème siècle. Cette famille, originaire de Querrien au pays de Scaër, a laissé de son séjour en Pestivien le plus détestable souvenir. Selon la chronique, la châtelaine de Bodillo resta veuve avec douze fils, mauvais sujets sans foi, ni lois, qui devinrent, par leurs excès, la terreur de la région. Elle conserva cependant sur eux un merveilleux ascendant qui calmait pour un moment l’effervescence de leurs passion violentes et indomptées. Mais quand, trompant la vigilance maternelle, ils s’échappaient à la campagne, la châtelaine effrayée sonnait elles–même la cloche du manoir pour donner l’alarme. Ce geste était suivi de cet appel qu’elle adressait à haute voix aux fermières : « Ma zud vad, diwallet ho pellizi, ma c'higi zo e-mëz » « Bonnes femmes, gardez bien vos poulettes, car mes coqs sont aux champs ». Quoiqu’il en soit de la véracité de cette dicton imprégné de sel gaulois et demeuré populaire, les Combout étaient appelés, non sans malice : « Ar Gombouded ». Dans le parler breton et l’esprit du peuple, cette simple appellation renferme de l’amertume et du mépris, stigmatisant assez la conduite honteuse de ces jeunes vilains, coureurs d’aventures, qui s’entendaient si bien à troubler le bonheur d’autrui. Le temps vint heureusement où l’armée réclama la fougueuse bande ; ils se firent mousquetaire, et le pays en fut délivré. Dieu sans doute aura pardonné à leur repentir ; mais les hommes ont tenu rigueur davantage, ne se souvenant que des méfaits.

Vers le milieu du XVIIème siècle, les Tinténiac étaient en possession de la seigneurie de Bodillo, fort probablement par droit d’héritage. Nous savons en effet, que Michel Colomban de Tinténiac épousa Urbaine de Combout. Leur fils René …. marié en 1562 à Louise de Guer, était en 1661 le Châtelain à demeure de Bodillo. Dans les actes de l’époque, René de Tinténiac se trouve qualifié « Chevalier de l’ordre du Roi », bien à tout, semble–t–il. Les cartons d’Hozier ne le mentionne point au nombre des chevaliers honorés de l’ordre de Saint-Michel. Devant le silence de cet auteur qui a rédigé ses articles sur les originaux mêmes des arrêts de la Chambre de la Réformation 1669 et 1670, il paraît difficile de soutenir son admission dans la Chevalerie du Roi.

Aux Tinténiac succédèrent les Poulpry comme seigneurs du lieu noble de Bodillo, vraisemblablement dans les premières années du XVIIIème siècle. Nous relevons en effet, dans le registre paroissial des décès (1723), l’acte suivant : « Gabriel-Joseph-Marie du Poulpry, seigneur de Bodillo et autres …âgé d’environ 38 ans, est mort en la comminions des fidèles, le dixième jours de décembre, et son corps a été solennellement inhumé le douze du même mois et an, que dessus, en l’église parochiale de Pestivien, dans le chœur de Notre–Dame de Pitié ».

Vers cette époque et un peu plus tard, la terre de Bodillo tomba dans la maison du Cludon, en Plougonver. La mémoire populaire a gardé du marquis du Gage, le souvenir d’une longue accoutumance à son nom.

On assure qu’il fut bon et secourable aux malheureux, et on ne se souvient pas qu'il ait exagéré ses droits sur les tenanciers. On raconte même que parfois il ne dédaignait pas de s'associer aux divertissements des travailleurs, comme en témoigne le fait anecdotique ainsi rapporté par S. Ropartz : « Pendant qu’on fauchait la grande prairie de Bodillo, chaque colon dépendant de la seigneurie devait, à tour de rôle et à jour fixe, chaque année, fournir un homme et une fille pour riboter au milieu du pré. Le lait et le beurre étaient pour les faneurs. A trois heures, arrivaient le marquis et nombreuse compagnie ; le châtelain payait le biniou, et jusqu’au soir, on dansait sur l’herbe ».

Un autre souvenir se rattachant à la prairie de Bodillo mérite d’être rappelé ici, ne fût-ce que pour la singularité du fait. D’autre part le pardon de « Lamp ann Dour » « saut de rivière » n’a pas complètement disparu de la mémoire du people. – Les chevaliers de l’ordre monastique et guerrier de Saint-Jean, anciennement établis à Parc–ar-Moestr, possédaient entre autres droits féodaux, celui de soumettre à une épreuve originale, les jeunes mariés qui avaient pris femme sur le territoire de leur fief. Le lundi de Pâques, ceux-ci étaient tenus, sous peine d’une amende de quatre livres dix sols, de se trouver au rendez-vous dans la prairie de Bodillo où ils devaient d’un bond franchir la rivière qui sépare les deux paroisses de Pestivien et Pont–Melvez [Note : S. Ropartz écrivant en 1851, place le «  saut de la rivière » en cet endroit. D’après la tradition, il avait lieu quelques pas plus bas]. Pour plusieurs, manquant de vigueur ou d’adresse, c’était bien le saut périlleux ; et pendant que les rares vainqueurs de ce sport bizarre étaient acclamés, les malheureux qui tombaient à l’eau ne recueillaient, avec le bain forcé, d’ailleurs inoffensif, que les lazzis et les rires bruyants de la foule accourue à ce spectacle divertissant.

En cherchant à pénétrer l’origine d’une telle coutume, nous avons cru la découvrir dans le droit de Quévaise usité sur les terres dépendantes de la commanderie de Pallacret dont relevait Parc–Ar-Maestr. En vertu de l'usement de Quévaise, le domanier ne peut quitter sa tenue ; il doit l’occuper en personne et cultiver une quantité déterminée de terres chaudes pour assurer la perception des fruits revenant au seigneur. Il y avait donc réel intérêt pour le Commandeur à maintenir groupé autour du Quévaisier, tout le personnel nécessaire ou utile à la bonne exploitation de sa terre. De plus, au décès du père, c’était la dernière des filles, à défaut de frères, qui héritait de la tenue paternelle. L’exode des filles à la suite de leurs maris en dehors du fief, pouvait ainsi devenir doublement préjudiciable aux droits du seigneur. Il n’est donc pas surprenant que celui–ci, pour obvier aux inconvénients de cette émigration, tout en sauvegardant la liberté de chacun, soumit les étrangers prenant femme dans la paroisse de Pont–Melvez , à l’ennui d’une aventure plaisante ou au rachat d’un droit peu onéreux.

Après cette courte digression, revenons à la terre de Bodillo, appartenant, au moment de la Révolution, au marquis du Gage, ou au marquis de Kérouartz qui venait d’épouser en 1785, l’unique héritière de cette maison. Comme la plupart des nobles, ils émigrèrent. Bodillo mis sous séquestre fut vendu comme bien national, puis rendu par l’acquéreur au légitime propriétaire à son retour en France. Les armes de Cleuz du Gage étaient : « Emmanché d’or et de gueules en six pièces » alias « D’or à l'émanche de trois pièces de gueules mouvant du flanc senestre ». - Celles de la maison de Kérouartz sont : « D’argent à la roue de sable à cinq raies, accompagnée de trois croisettes de même », avec les devises :  « Tout en l’honneur de Dieu » et « Quand il plaira à Dieu ».

Une troisième seigneurie existait anciennement dans la paoisse de Pestivinen : celle de Coatgoureden avec moyanne et basse justice [Note : De coatgoureden : « de gueules à la croix engrêlée d’argent ». - « In cruce spes et munimen »]. Elle n’a laissé dans le pays qu’un souvenir lointain et confus. Le château de Coatgoureden a totalement disparu ; on croit néanmoins en découvrir quelques traces sur le coteau qui domine l’étang et le moulin de ce nom. Quant au fief seigneurial, il s’étendait sur la partier sud-est de Pestivien dénommée encore aujoud’hui : « Gouriz-Coatgoureden » « ceinture, pourtour de Coatgoureden ». - et sur de nombreux villages de la paroisse de Maël.

En 1373, un seigneur de Coatgoureden épouse l’héritière de Coalfrec (Ploubezre). A une époque indéterminée, un autre membre de la famille s’établit, sans doute comme juveigneur d’ainé, au lieu noble de Kermatehan (Kertan) en la trêve de Burtulet et relevant du domaine seigneurial de Coatgoureden en Pestivinen. Ce qui est certain, c’est que les registres de la trêve mentionnent, vers le milieu du XVIIème et durant le XVIIIème siècle, la présence des Coatgoureden à Kermatehan. Ils avaient même un caveau de famille, du côté de l’Epitre dans le chœur de l’église tréviale, en face de l’enfeu des Léon de Kerbournet. Il y eut d’ailleurs alliance entre les deux maisons par le mariage d’Yves de Coatgoureden avec Louise de Léon.

François de Coatgoureden, (1660–1700), épouse Alanette Le Bouëdec, fille d’un notaire royal de Kernon (S. Servais). Un autre de même nom et prénom, veuf d’Anne de Launay, de Kergrist-Moëllou, s’unit en secondes noces à Marguerite Le Roux, veuve elle–même de M. Le Gonidec du Roscoat, seigneur de Goas-ar-Glan, 1670-1740. Le fils du précédent marié à Jacquette. Le Roux, acquit, vers 1740, le manoir de Lespoul en Duault qu’il habita dans la suite. - Les terres de Kermatehan et de Lespoul sont possédées encore au début du XXème siècle par un descendant de la famille. Enfin les juridictions de Coatgoureden en Burtulet prit fin vers 1789, avec son dernier juge qui signe : Philippe, ancien procureur.

Parmi les autres terres importantes de Pestivien, on peut signaler : La Garenne (Goarem–ar-C’hont) dont le manoir n’est qu’une vaste maison de campagne avec façade plate, étages à l’alignement . Vers le milieu du XVIIème siècle, elle appartenait à noble homme Bertrand Hamon, époux de Mauricette de Floyd (Bertrand Hamon : « d’azur à trois annelets d’or »), avant de devenir dans la suite, la propriété d’écuyer Guillaume de Gouzillon et de dame Marie de Seillours. Au siècle suivant, elle échut à Mre. Hercule-Charles de Boyscon, chevalier, seigneur et comte, par son mariage avec Marie–Anne de Gouzillon. Châtelain et châtelaine moururent dans un âge assez avancé, à quelques années de distance l’un de l’autre, et furent inhumés en la chapelle de Notre-Dame de Bulat. Leur fille, Marie–Anne-Charlotte de Boyscon épousa, du vivant de sa mère, messire Alexandre-Gabriel du Bourgblanc, chef de nom et d’armes ; leur mariage fut bénit (18 janvier 1739) par Jean-François Le Grand de Tromelin, prêtre, docteur de Sorbonne et archidiacre de Léon .

Le lieu noble de la Garenne demeura jusqu’en 1775 environ dans la famille des Bourgblanc dont les armes sont : « de gueules au château d’or » et les devises : « Custodi nos Domine » et aussi « Dinam » sans tâche. A cette époque, il devint par acquêt la propriété de messire Louis Desjars, premier capitaine du régiment de Vannes-infanterie, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, - et de dame Jeanne-Joseph-Jacquette Chaillon, son épouse. Placée sous le vocable de saint Joseph, la chapelle domestique du manoir qui existe encore, sert, hélas ! à un usage bien profane.

Rosneven, ancienne gentilhommière, était habitée, au XVème siècle, par un puiné de Keranflec’h, maison d’ancienne extraction portant : « d’argent au croissant surmonté d’une rose et accompagné de trois coquilles, le tout de gueules », avec la devise : « Potius mori quam faedari » ; au XVIIème siècle par Julien Floyd, sénéchal de la juridiction de Callac. En 1787, messire Charles-Hercule de Keranflec’h, chef de nom et d’armes, chevalier seigneur de Tresvern, du Launay et autres lieux, veuf de dame Perrine-Marguerite du Leslay, âgé de 76 ans, décéda au château de Rosneven le 28 février 1787 et fut inhumé le jours suivant dans l’enfeu de Bodillo en l’église paroissiale de Pestivien (Registres paroissiaux).

Lizillec, manoir noble, ancienne habitation des Stangier (1536) et possédé par Jacques de Kergolay, marquis du Cludon, qui en rend aveu lors de la réformation des domaines du Roi, à Carhaix (1682).

Le Clos, lieu noble, devenu depuis 1690 jusqu’à la Révolution propriété des de Laguette, par le mariage de noble homme François-Alain de Laguette sieur dudit lieu, à Toullangollot en Plésidy, avec Françoise Hamon, dame du Clos, seule héritière de Mgr. du Clos. - Un descendant, Jean–René de Laguette, y habite en 1768.

Kerjulou, depuis plusieurs siècles possédé par la famille Desjars (Y. M. Le Men).

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