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LA FAMILLE NÉVET

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Derniers Seigneurs de Névet.

La famille de Névet est une des plus anciennes de Cornouaille, et si nous devons en croire Jean de Névet, dans son aveu à l'Evêque de Quimper en 1644, son existence serait antérieure à l’introduction du christianisme dans le pays. Ce sont les seigneurs de Névet qui accueillirent, sur leurs domaines de Plonévez, Plogonnec et Locronan, etc., saint Ronan, saint Corentin et saint Guénolé. Et lorsque le roi Gradlon appela saint Corentin à l'Evêché de Quimper, lui ménageant une entrée solennelle dans la ville, voulut le recevoir sous un poêle à quatre piliers, ce fut un seigneur de Névet l’un des premiers porteurs.

Il n’est pas bien sûr que ce cérémonial eut lieu de point en point pour la réception de saint Corentin, comme l’assure M. de Névet ; mais il est certain que ce fut le cérémonial adopté pour plusieurs de ses successeurs, notamment au XVème siècle, et toujours un seigneur de Névet était un des quatre gentilshommes appelés à porter sur leurs épaules l'Evêque de Quimper depuis Locmaria jusqu’à la cathédrale.

Note : la famille Névet est l'une des plus anciennes et des plus illustres maisons de l'évêché de Cornouaille qui fut reconnue noble et d'extraction chevaleresque à la réformation de 1669, avec quatorze générations. — Jean de Névet avait épousé, eu 1629, Bonaventure du Liscoët, dame de Kergolleau ; il était fils de messire Jacques de Névet, chevalier, gouverneur du Faou et de Douarnenez, capitaine de cinquante hommes d'armes, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, et de demoiselle Françoise de Tréal, dame du Beaubois. — Armes : D'or au léopard morné de gueules. Devise : Perag (Pourquoi). (P. A-Grancière).

Cet honneur était en même temps un service qu’ils devaient à l'Evêque, comme possédant des terres dépendantes du fief épiscopal, fief constitué par les libéralités du roi Gradlon ; c’est ainsi que les seigneurs de Névet, dont le château établi en la paroisse de Plogonnec, fief de l'Evêque, devaient à celui-ci un droit de bail, c’est-à-dire qu’à la mort des barons de Névet, et pendant la minorité du fils, l'Evêque jouissait de tous les revenus de ses biens, à la charge de pourvoir à l’entretien et éducation du fils, et ce jusqu’à sa majorité. Les seigneurs de Névet trouvèrent ce droit excessif ; et même pour s’y soustraire, détruisirent leur antique château à Plogonnec, pour en construire un autre à Lézargant, en Plonévez, « à deux portées de mousquet plus loin ». Enfin, une transaction intervint, en 1377, par laquelle l'Evêque consentit à remplacer le droit de bail, par un simple droit de Rachat, qui ne lui accordait qu’une année de revenus à la mort de chaque baron de Névet.

Telles sont les origines de cette maison, dont nous possédons une suite des principaux seigneurs qui furent mêlés aux événements de la province ; mais nous ne parlerons ici que des derniers seigneurs, à partir du XVIIème siècle.

 

Jacques de Névet (1602-1616).

Il était né en 1587, fils de Claude et de Elisabeth d'Acigné, fille de Louis d’Acigné, baron de la Rochejagu. Jacques se maria vers 1607, à Françoise de Tréal, dame de Beaubois (en la paroisse de Bourseul, au diocèse de Saint-Malo). Il était sieur de Lézargant, de Pouldavid, Trégonguen, Beaubois, gentilhomme de la Chambre, chevalier de l'Ordre du Roi, gouverneur du Faou, de Douarnenez et de l'île Tristan, capitaine de 50 hommes d’armes.

De Françoise de Tréal il eut deux enfants : Jean, qui lui succéda comme baron de Névet, et Claudine, qui se maria en premières noces à Gabrielle de Goulaine, et en secondes noces à Vincent du Parc, marquis de Locmaria.

Jacques n’avait encore que 29 ans lorsqu’un événement tragique vint mettre fin à ses jours, le 28 Octobre 1616. A propos d’une querelle de préséance, aux Etats de Rennes, M. de Névet fut assassiné par Thomas de Guémadeuc, son parent, gouverneur de Fougères, où sur la plainte de la veuve de Névet, il ne tarda pas à être saisi par la justice du Roi et décapité à Paris.

 

Jean de Névet (1616-1646).

Fils de Jacques, âgé d’environ 6 ans, demeura sous la tutelle de sa mère, Françoise de Tréal qui le maria, en Octobre 1629, à peine âgé de 20 ans, à Bonaventure du Liscoët, dame de Kergolleau. Pendant les dix-sept ans qu’il vécut en mariage, il eut dix enfants, quatre garçons et six filles :

François, le fils aîné, qui, à l’âge de 17 ans, mourut le 25 Avril 1647, quelques mois après son père ;

René, qui devint le chef de famille, et mourut en 1676 ;

Louis, élevé au collège des Jésuites, mourut, nous dit M. G. de Carné, en 1659 ;

Enfin, le dixième des enfants, Malo, dont nous parle­rons plus loin.

Des six filles, quatre se marièrent :

Bonaventure, née le 12 Novembre 1634, mariée à Louis du Breil de Pontbriand ;

Marie, qui fut mariée, en 1662, à René Le Rouge de Trolin, sr. de Penfentenyo ;

Claudine, baptisée à Locronan, le 10 Mai 1632, qui épousa Pierre Le Voyer, baron de Tregomar ;

Charlotte-Anne, mariée à Hervé de Boishalbran ;

Et deux autres filles, qui entrèrent au couvent de la Visitation de Rennes.

 

René de Névet (1647-1676).

A l’âge de 7 ans, à peine, René, qui était né le 26 Octobre 1641, devint chef de la maison de Névet, par la mort de François, son frère aîné. Il fut élevé, probablement à Quimper, mais certainement chez les Jésuites, pour lesquels il conserva un profond attachement. A peine âgé de 30 ans, il épousa (vers 1670), Marie-Anne, dame de Matignon, fille de François de Matignon, fils lui-même d'Eléonore d'Orléans de Longueville apparentée à Louis XIV.

Deux fils naquirent de ce mariage :

Henri-Anne, baptisé dans la chapelle de Lezargant, avec la permission de Monseigneur de Cornouaille, par Mathurin Esnault, docteur en Sorbonne, en présence de messire Jean Hénaff, curé de Plogonnec, le 1er Juin 1671 ;

Et un second fils, d’une très faible complexion, né en 1673.

René de Névet était lieutenant du Roi et colonel du ban et de l’arrière-ban de l'Evêché de Cornouaille. Ce qui le caractérisait, c’était sa piété et sa charité pour ses vassaux, comme nous le dirons plus loin, sur le témoignage d’un de ses contemporains. Il rendit notamment les plus grands services, lors de la révolte dite « du papier timbré », en 1675. Quatorze paroisses s’étaient révoltées, de Douarnenez à Concarneau, et avaient pris le Code paysan comme résumé de leurs revendications. Or, l’influence de M. de Névet fut telle que, sans avoir combattu, mais non sans avoir encouru quelques dangers, il obtint, des paroisses rebelles, « la promesse de ne plus prendre les armes, d’empêcher de sonner le tocsin, et les détermina même à brûler le Code paysan ». C’est ce que nous affirme M. Trévédy, dans une notice demeurée, croyons-nous, manuscrite, et que confirme l’attestation de M. de Tréanna, sr. de Lanvillio.

Sur ces entrefaites, à la fin du Carême de 1676, sentant la mort approcher, il vint à Quimper, chez les Pères Jésuites, pour s’y préparer par une dernière retraite. Il y trouva M. de Tréanna, autre saint homme qu’il avait choisi comme exécuteur testamentaire, et qui nous a laissé un projet de notice sur les grâces reçues par diverses personnes, pendant ces pieux exercices. Nous en extrayons ce qu’il dit de M. de Névet ; on dirait, par la forme qu’il emploie, qu’il voudrait en faire un canevas de procès de canonisation [Note : Le manuscrit se trouve aux Archives Départementales du Finistère, série D, 6-9] :

« Monsieur le marquis de Névet, lieutenant du Roy et colonel de l’arrière-ban en Basse-Bretagne, a fait deux retraites, dans les quelles il reçut tant de grâces de Dieu que sa ferveur le porta à les écrire de son propre sang, comme on l’a découvert après sa mort ; aussi on le voyait pleurer des deux heures entières et jamais on n’entrait dans sa chambre, qu’on ne le trouvât agenouillé ou prosterné contre terre... C’était, probablement, dans ces heureux moments que la vue sensible du Sauveur du monde opérait ces effets admirables, dont il parle lui-même dans le mémoire qu’il en fit. Car la première fois, sous la figure d’un enfant infiniment beau et aimable, il le détacha si absolument de l’amour de ses enfants, qu’il regardait auparavant comme le plus grand obstacle de son salut, qu’il n’y pouvait plus penser qu’avec peine.

La deuxième fois, lui présentant sa croix (le Sauveur), lui inspira un si généreux mépris du monde, qu’il ne soupirait plus qu’après sa mort, qui arriva le huitième jour après [Note : La retraite se termina le lundi de Pâques 6 Avril, et il mourut le 13 Avril suivant 1676], comme Dieu lui avait fait connaître dans sa retraite.

Madame sa femme, issue de l’illustre maison de Matignon, âgée de 21 à 22 ans, d’une complexion fort délicate, fut tellement touchée par le récit que le Père de la retraite, qui avait aidé son mari à mourir, lui dit qu’elle lui demandait tous les instruments de mortification, dont son cher mari s’était servi pour sa conversion, en voulant user, comme d’objets consacrés par son sang ; surtout après qu’elle eut fait l’application d’un billet écrit de son sang dans cette rencontre : son second fils était sur le point de mourir, elle n’osa lui faire appliquer des remèdes à cause de la faiblesse de son enfance et de sa maladie inconnue. Il lui vient en pensée de lui appliquer, sur son petit visage, cet écrit du sang de son mari, disant à Dieu : " Seigneur, l’âme du père est en votre grâce, faites la ressentir à notre cher enfant par l’application du sang de son père, mon époux ". Et sur le champ, son enfant se trouva toujours mieux jusqu’à sa parfaite santé. C’est ce que cette marquise attesta au Père même (Jésuite), en venant prendre congé de lui pour se retirer en un couvent » [Note : Où, vraisemblablement, elle passa les premiers temps de son deuil ; car c’est elle qui éleva son fils aîné, Henri-Anne, qui mourut en même temps que sa mère, à Beaubois, en 1699. Le fils cadet mourut, peu après son père].

Après cette sorte de préambule, M. de Tréanna ajoute la notice qui suit :

« REMARQUES SUR LA VIE ET SUR LA MORT HEUREUSE DE MONSIEUR LE MARQUIS DE NÉVET. 

Il décéda le 13 Avril 1676, en son château de Lézargant, et nomma M. Lanvillio pour exécuteur testamentaire.

La vertu qui éclata le plus en sa vie fut l’équité ; celle qui le couronna à la mort fut un entier attachement à la personne de Jésus-Christ.

Pendant ses humanités, où il était encore comme un enfant, il faisait paraître un jugement aussi mûr et un esprit aussi sérieux, qu’un homme qui aurait vieilli dans les affaires, un respect admirable pour Madame sa mère, jusqu’à sa mort.

Pour son amour pour Jésus : Combien l’ont vu se jeter par terre pour lui demander pardon. Que de larmes, il versait dans les retraites ! Il en était si outré de douleur, qu’une fois on craignait que sa poitrine en fut gâtée, l’ayant entendu, pendant des heures entières, pousser des soupirs qui fendaient le coeur à ceux qui étaient présents ; il lui était impossible de les empêcher, parce que son Sauveur, qui le voulait purifier, les lui causait, et puis l’ayant purifié, il l’échauffait de son amour. Sur quoi l’on rapporte même deux choses admirables.

Il communia trois fois, en la retraite qu’il avait prévue être la dernière. En la première communion il donna une pièce d’argent à deux pauvres, auxquels il devait laver les pieds, comme à Jésus-Christ. Cette libéralité porta son Sauveur à le reconnaître, lui apparaissant, en sa deuxième communion, comme un enfant tout plein de lumière. Il chercha, depuis, quelqu'image ou peinture qui pût avoir du rapport, mais il n’en put trouver. Ce fut en ce moment que son amour pour ses chers enfants passa en son Sauveur, considéré dans cette enfance ; il résolut de ne les vouloir plus voir, et lorsqu’on lui présenta son aîné qui lui tendait les bras sur son lit, il dit " Retire-toi d’ici, tout mon amour est pour mon cher Jésus ".

Pour son détachement des créatures : La troisième communion qu’il fit en la retraite, le lundi de Pâques (6 Avril), le même Jésus lui présenta une croix, et ce même instant lui fit renoncer tellement à tout le monde, pour s’attacher à lui seul, qu’il a laissé écrit de sa main et signé de son sang, qu’il renonçait à toute ambition, à ses biens, etc. (en un mot, la rédaction qu’il fait exactement serait trop longue), pour s’attacher entièrement à Jésus-Christ, qu’il traite d’époux, etc. Je n’ose changer les termes, quoique nous les admirerions, même dans une sainte religieuse... Mais aussi il ajoute qu’il jouira de son Jésus toujours et partout dans sa compagnie, dans ses bois, dans sa chambre et partout, pensant à lui.

La première parole qu’il dit à son confesseur, à l’heure de la mort, d’un visage riant " Hé bien, mon Père, me voilà tel que j’étais en votre retraite ; je ne sache ma conscience coupable de rien qui m’aliène mon doux Jésus. Je lui garde ma parole de mourir avant que de l’offenser mortellement ; je n’ai pas besoin de mettre en pratique mon bon propos de me confesser dans les 24 heures, après avoir crucifié mon Sauveur par un péché mortel, car je ne sache pas en avoir commis, et que je meure plutôt, présentement ". C’est un terme qu’il a écrit et proféré si souvent qu’il semble que c’était ce qu’il avait de plus à coeur.

Pour la dévotion à la Sainte Vierge : Il l’appelle sa bonne Mère ; il désire avoir témoignage, comme il a été de sa congrégation. Il lui demande la mort présentement, plutôt de crucifier ce cher enfant de ses entrailles, c’étaient ses termes. Il a sa chapelle domestique dédiée à cette bonne Mère, de laquelle il attend, et de son cher Fils, le secours nécessaire dans les affaires il ne peut avoir de conseil de personne.

Sa dévotion pour les Anges : Premièrement, il se met de leur sainte association, établie dans notre église [Note : Eglise du Collège, que M. de Tréanna considère comme la sienne] de Quimper. Secondement, il prend saint Gabriel pour protecteur de sa maison, dans un ravissement qu’il eut pendant ses derniers exercices, où il se sent incontinent quitte de toute cette tendresse extraordinaire qu’il avait eue jusqu’à ce moment, pour Messieurs ses enfants, pour s’attacher uniquement à l’enfance de Jésus.

Sa dévotion vers ses patrons : Les litanies des Anges. Outre plusieurs oraisons à la Vierge, il récite l’office de l'Immaculée Conception fait pour les deffunts. Saint René (Saint Ronan) dont il portait le nom, saint Joseph, saint Eloy (Saint Eloy, ou saint Théleau, de la paroisse de Plogonnec), saint Hyacinthe, sainte Anne, saint Joachim, il leur faisait sa prière, récitait leurs litanies, antiennes, et oraisons particulières ; s’acquitte de toutes ses confréries, et tout cela inviolablement.

Pour sa religion : Il a fondé une collégiale en son château de Beaubois, mais il en méditait une plus nombreuse, au même lieu, outre ce qu’il a de fondations à Locronan ; il avait résolu d’y établir une collégiale, entretenue de bonnes rentes redoublées ; il ne veut de messes que par de bons prêtres, il l’écrit et le dit, etc.

Grand discernement pour le sang de Jésus-Christ ; il l’écrit partout dans ses papiers de dévotion ; dans son testament, il le recommande à son pasteur ; pour le choix de vocation, il vint faire une retraite au Collège, il en fit une chez les Pères Capucins, de quelque peu de jours qu’il put soustraire à la multitude de ses affaires. Il fait encore une retraite, qui devait être la dernière, où il reçoit des grâces miraculeuses.

La pureté de son âme et de son corps pour la chasteté : Il avait une telle aversion pour le vice contraire, que ni jette œillade, ni parole ne lui échappe, son grand sérieux y contribuant. Quelques gentilshommes ont remarqué qu’il prenait la plus mauvaise viande de sa table. Rien n’approchait de sa maison qui pût, non seulement causer un soupçon raisonnable, non pas pour lui mais même pour la jeunesse qui le servait, car il faisait passer la pureté de son esprit et de son corps, jusque dans l’esprit et le corps de ceux qui l’approchaient. Il traitait son corps rigoureusement, quoiqu’il fut faible et sujet à de grandes infirmités ; on lui trouva encore, après sa mort, une rude discipline dans sa cassette. Il faisait même telle profusion de sang, que son confesseur rapporte qu’il avait vu des pages entières écrites de son sang, pour sceller, dit-il, sa foi à son Jésus. C’était de cette manière généreuse qu’il imprimait ses bons propos, et surtout celui de mourir plutôt que de l’offenser jamais mortellement.

Pour ses officiers : Il les eût voulu comme lui, c’est-à-dire, remarquables par cette équité qui lui était naturelle. Sitôt qu’il avait entendu quelqu'exaction, il y remédiait le plus tôt qu’il pouvait. Il avait une certaine personne de conscience, pour lui faire savoir toutes les plaintes que l’on pouvait faire de lui, lui attribuant les fautes de ses officiers ou de ses domestiques vers ses sujets, comme il arrive que le Seigneur porte l’iniquité des siens ; et tout ce que cette personne lui rapportait sur ce sujet, après avoir trouvé le rapport véritable, il dédommageait l’intéressé, et il avait arrêté place pour ces Messieurs en retraite, et y en avait fait aller quelques-uns à son exemple.

Pour ses parties : Une personne, fort élevée en dignité dans le pays, lui fait contester, par les officiers, tels droits qu’il jugeait incontestables ; il en fait juge le propre frère de sa partie... Il était si modéré à parler à des personnes, qu’il savait ne lui vouloir point de bien, qu’il en parlait même sans passion, en louant les bonnes qualités, en excusant le mieux qu’il pouvait les entreprises qu’ils faisaient à son préjudice ; si ce n’était que les exemples choqueraient quelques-uns qui vivent aujourd’hui encore, il serait facile d’en porter plusieurs.

Pendant l’arrière-ban : Sa vigilance, son équité, sa sincérité à punir les exactions ; il se montre vrai frère de la Patrie.

Pour ses soins à secourir les révoltés : L’inquiétude d’esprit qu’il a eue ; le secours unique du Ciel dans son Lézargant ; la dépense qu’il lui fallut faire ; son danger à Douarnenez.

Pour entretenir l’amitié parmi les nobles : Il court jour et nuit ; il n’a de repos qu’il n’ait apaisé les querelles.

Pour ses domestiques : Il les fait faire les prières du soir en commun ; il a soin de les faire se confesser et communier ; il avertit ceux qui sont capables de la retraite d’y aller ; ils avouent qu’ils ont perdu leur père. En sa mort, les manoeuvres auxquels il faisait gagner de l’argent pour la subsistance de leurs pauvres familles, ses vassaux, etc., se jettent par terre auprès de son lit. Après sa mort, si son testament ne parait pas plus grand, c’est parce que déjà il en a exécuté déjà la meilleure partie pendant sa vie, c’est qu’il veut, avant que de mourir, on aille prendre de sa caisse de quoi l’exécuter.

Pour ses sujets : Il servait de père, son dessein c’est de les rendre les plus aisés du pays, couvrant cette charité paternelle du prétexte qu’un seigneur n’est jamais mieux payé de ses vassaux, que lorsqu’il les a mis dans la facilité de le payer de terme en terme. Lorsqu’il ne pouvait avoir le payement qu’en les incommodant, il leur demandait du travail au lieu d’argent ».

Tel est ce projet de notice sur M. René de Névet, que traça M. de Tréanna, dans un élan d’admiration pour la piété et les vertus de celui dont il était l’exécuteur testamentaire ; nous l’avons donné avec toutes les redites et les et cætera du manuscrit écrit, sans pagination, sur trois feuillets doubles et séparés.

Voici son acte de décès, tel qu’on peut le lire dans les registres paroissiaux de Locronan :

« Le corps de deffunct haut et puissant seigneur chevalier marquis René de Nevet, en son vivant colonel de la cavalerie de l'Evesché de Cornouaille, Sgr. de Lézargant, Beaubois et autres lieux, âgé d’environ 36 ans, décédé du jour d'hier, en son château du dit Lézargant, après avoir receu les sacrements de l’église, nécessaires à salut, par le vicaire perpétuel de la ville de Locronan, fut inhumé par icelluy vicaire en la dite église, dans son tombeau prohibitif, proche le grand autel, ce 14ème jour d’Avril 1676 ». Signé : François Le Hé, vicaire perpétuel.

 

Henri-Anne de Névet (1676-1699).

René de Névet laissait deux fils ; le plus jeune mourut le 4 Mars 1677, à l’âge de quatre ans.

L’aîné, Henri-Anne, n’avait que cinq ans à la mort de son père ; comme lui, il fut colonel du ban et de l’arrière-ban ; le 7 Juin 1694, il eut l’honneur de commander la revue que Vauban passa à Quimper ; et peu après il fut nommé colonel du régiment de royal-vaisseaux (Trévédy). Mais son mauvais état de santé le contraignit à renoncer à cette charge.

Il avait vingt-neuf ans, et ne s’était pas marié ; sa mère en avait quarante-neuf. Ils se retirèrent tous deux en leur propriété de Beaubois (à Bourseul, diocèse de Saint-Malo) ; mais ce fut pour y mourir, Mme de Névet au mois d'Août 1699, et son fils, au mois de Décembre de la même année.

Qu’allait devenir le riche héritage des Névet ? Un seul du nom subsistait, c’était Malo, oncle du défunt et frère cadet de René ; mais il avait dit adieu au monde.

 

Malo de Névet (1699-1721).

Malo, dernier des dix enfants de Jean de Névet, était né en 1645, et avait dû faire ses études à La Flèche, chez les Jésuites, avec son frère Louis (Carné). Il renonça de bonne heure au mariage ; et voyant son frère René marié à Mlle de Matignon, avec espoir de postérité, il se retira de plus en plus du monde, désirant, à l’exemple de saint Ronan, vivre d’une sorte de vie érémitique. Pour cela, il fonda une sorte d'hospice sur le sommet de la montagne qui domine Plac-a-C'horn, où il pourrait offrir un asile aux pèlerins de la Tromenie et de Sainte-Anne de la Palud. Lui-même y vivait dans la solitude, sans autres distractions que de fréquentes visites à ses bons amis les Capucins de Quimper.

Lorsque son neveu Henri-Anne de Névet mourut, on conçoit les angoisses de la famille ; son nom va-t-il s’éteindre ? Malo avait encore ses six soeurs, dont quatre mariées et deux Visitandines ; toutes n’hésitèrent pas à supplier leur frère de sacrifier ses goûts au bien commun. Le pauvre Ermite hésita longtemps, il pria, il consulta, enfin, il crut devoir se rendre aux voeux de tous, et épousa Marie-Corentine de Gouzillon.

On attendit les événements ; cinq ans se passèrent et pas d’enfants ? En 1705, il a soixante ans, semble avoir perdu tout espoir et, dès cette époque, « il dicte tout un règlement de vie, dans le cas où il plairait à quelqu’un d’imiter son exemple en se retirant sur la montagne de Locronan, prescrivant à ses héritiers d’en recevoir jusqu’à trois, et donner à chacun une pipe de seigle par an et un journal de terre ». M. de Carné, qui nous signale le fait, remarque qu’à sa mort, 1721, personne ne s’était encore présenté.

Malo songea du moins à assurer la survivance du nom de Névet, en adoptant son filleul et neveu, Malo-Joseph du Breil de Pontbriand, fils de sa soeur Bonaventure ; puis il reprit insensiblement sa vie de solitaire, soit près de son hôpital de Locronan, soit chez les Pères Capucins de Quimper, où il avait un petit appartement.

Dix ans se passent ainsi ; en 1716, Malo va avoir soixante et onze ans ; il s’occupe de confirmer ses anciennes dispositions testamentaires et de faire de nouvelles fondations au profit de son fils adoptif et des pauvres écoliers des collèges et séminaires de Quimper et de Paris.

Mais voici que, tout à coup, une nouvelle stupéfiante se répand dans la province : Mme de Névet est enceinte ! Il est parlé de cette émotion dans les papiers du temps.

Dans une lettre du 23 Février 1717, écrite à Mme de Trémaria, à Kerazan (en Cléden) ; il y était dit : « Avant d’avoir vu Mme de Tréanna, j’avais su qu’elle était grosse, et je crois sa grossesse plus réelle que celle de Mme de Névet. Cependant, il arrive des choses extraordinaires, depuis quelque temps, aux femmes : Mme de Champagnet, qui est mariée depuis plus de vingt ans, est enceinte ; Mme de Langan a eu un garçon, après un grand nombre d’années de ménage ; Mme Quillimadec fait aussi parler de sa grossesse, car à la Pentecôte dernière, elle se croyait être grosse de quelques mois, et elle n’a pas encore accouché ».

Chez Mme de Névet, sera-ce un garçon ou une fille ? On est bientôt fixé, et le 30 Juin 1717, Mme de Névet accouchait d’une fille au château de Lézargant. On peut croire qu’elle n’avait pas négligé de demander cette faveur au bon saint Renan ; mais elle ne lui fut accordée que bien imparfaitement, car la descendance directe des Névet était par le fait éteinte.

C’est dans la chapelle de Lézargant que fut baptisée la fille, le 2 Juillet suivant, par Missire Gonidec, recteur de Plonévez ; le parrain était Sébastien Le Gouzillon, chevalier sgr. de Kermeno, la marraine, Marie-Thérèse du Parc, dame de Locmaria, qui se fit représenter par Marie-Vincente de Kersulguen ; la baptisée reçut les noms de Marie-Thérèse-Josèphe.

La naissance d’une fille dérangea les projets de Malo de Névet, qui aimait tendrement son fils adoptif ; mais la coutume de Bretagne était claire : ce dernier ne pouvait hériter au détriment de la petite Marie-Thérèse. Après avoir longtemps consulté, pour savoir comment il pourrait avantager son filleul, voici à quoi il se résout. Il devait confier, dès l’âge de trois ans, sa fille aux religieuses du Calvaire de Quimper, et par codicille du 5 Mars 1719 (Archives départementales, H. 187), il ajoutait que, si avant sa mort, il ne retirait pas sa fille du couvent, il voulait qu’elle y restât jusqu’à l’âge de douze ans, et n’en sortit que pour épouser son cousin Malo Névet de Pontbriand, à moins qu’il ne s’en rendît indigne « par le jeu, l'ivrognerie, le libertinage, la prodigalité et l’ingratitude ». Celui-ci aurait, en tout cas, cent mille livres sur sa succession, pour acheter une charge de conseiller à la Cour, mille livres de pension et dix tonneaux de froment à prendre sur ses biens en Plogonnec, pour l’honneur du nom de Névet qu’il lui donnait ; pourvu qu’il le portât seul, et en simple qualité de Vicomte de Névet.

Après toutes ces dispositions, Malo, le vieil Ermite, ne songea plus qu’à se préparer à la mort, après avoir déposé son testament entre les mains du Père Marcellin, capucin à Quimper.

Il tomba malade au Carême de l’année 1721, et il mourut le mardi après le dimanche de la Passion [Note : Pâques arrivait le 13 Avril en 1721]. Il avait eu, pour l’assister en ses derniers moments, deux capucins, le Père Joseph, de Rosporden, son confesseur, et le Père Marcellin, alors gardien de la maison de Quimper.

L’enterrement eut lieu à Locronan, avec une nombreuse assistance et grand concours de pauvres, qui ne pouvaient oublier tout ce qu’il avait fait pour eux en fondant l'hôpital Plac-a-C'horn et des rentes pour y entretenir douze orphelins de la paroisse de Plogonnec ; n’avait-il pas, de plus, ordonné de distribuer 5 sols à tous les pauvres qui assisteraient à ses obsèques ?

La reconnaissance des pauvres pour le nom de Névet se traduisit par un chant, une sorte de complainte composée par l’un d’eux.

M. Théodore de la Villemarqué nous l’a conservé sous le nom d' « Elégie de M. de Névet ». On ne saurait mieux exprimer la vénération dont le nom était l’objet pendant cette période de cinquante ans qui fut témoin de la sainteté et de la charité peu commune des deux frères René et Malo de Névet.

 

Derniers Seigneurs de Névet.

Il serait intéressant de savoir quel est ce seigneur de Névet béni, à la mémoire duquel s’adresse ce chant (" Elégie de M. de Névet ") de la reconnaissance.

La question a été traitée contradictoirement, par M. Gaston de Carné et par M. Trévédy, dans la Revue de l'Ouest, 1888.

Le héros de l’élégie est évidemment Malo, dit M. de Carné, car lui seul mérite cette épithète de vieux (otrou koz) que lui donne l’auteur de la complainte ; ce qualificatif ne saurait appartenir ni à Jacques, assassiné à Rennes, ni à Jean, ni à René, ni à Henri-Anne, tous morts avant d’avoir atteint la quarantaine.

Le héros de l’élégie ne saurait être Malo, reprend M. Trévédy, car le chant populaire parle d’un M. de Névet, laissant des fils, et Malo n’a eu qu’une fille. Quant à l’objection tirée de l'otrou koz, M. Trévédy s’efforce de tourner la difficulté en disant que c’est otrou kez que l’auteur avait voulu dire, et que sa pensée a été dénaturée par la substitution d’une simple lettre. En dehors de cette interprétation, un peu tirée par les cheveux, on pourrait objecter à l’opinion de M. Trévédy que ce qui doit caractériser surtout le héros, c’est sa charité peu commune pour les malheureux ; or, Jean de Névet nous est surtout connu par son aveu à l'Evêque, en 1644, où il fait étalage de la glorieuse origine de sa maison ; mais nous ne connaissons de lui rien qui puisse lui faire mériter la qualité de bienfaiteur du peuple.

Peut-être, pourrons-nous conclure que ce n’est ni de Jean ni de Malo qu’il est question dans l’élégie.

Disons, d’abord, que Jean est décédé le 11 Décembre 1646, et Malo, le 1er Avril 1721 ; or, en Décembre, on était dans le temps de l'Avent ; d’un autre côté, le 1er Avril, en 1721, tombait en Carême, le mardi du dimanche de la Passion, puisque, cette année, Pâques était le 13 Avril. Comment donc faire coïncider avec ces deux dates, la fête de nuit dont il est question, dans la complainte du pauvre Malgan, à une époque où les lois de l'Eglise étaient mieux observées que de nos jours ?

Si nous écartons, comme prétendants à l’honneur de l’élégie, Jean et Malo, il ne reste plus que René de Névet ou son fils, mais ce dernier, non marié, n’est pas même mort à Lézargant.

Ce serait donc, selon nous, René qui serait ce seigneur de Névet, qui a dû laisser une impression si durable parmi ceux qui l’ont connu, et dont le souvenir nous a été conservé, non plus par un chant populaire, mais par un document authentique et contemporain, que nous avons cité plus haut, et qui aurait assurément changé les idées de M. Trévédy, s’il l’avait connu plus tôt. Dans René, nous avons un seigneur de Névet, non seulement recommandable par une grande piété, mais un vrai bienfaiteur du peuple, par son intervention efficace, en 1675, pour apaiser les révoltés et les soustraire aux terribles châtiments du Duc de Chaulnes ; de même dans sa vie privée, comme seigneur vis-à-vis de ses vassaux, en exerçant sa charité envers eux, de manière à ne froisser en rien leur dignité, leur procurant du travail pour faciliter la libération d’une dette. Que l’on relise cet éloge de M. de Tréanna, et l’on demeurera bien convaincu que c’est lui que Malgan proclame le soutien du pays.

René de Névet a deux fils, ils sont encore jeunes, l’aîné n’a que cinq ans, mais cela suffit, pour qu’il puisse consoler ses vassaux, en leur disant que ses enfants leur continueront l’assistance que lui-même leur a donnée.

Mais alors, pourquoi Malgan qualifiait-il de « Vieux Monsieur », otrou koz, ce seigneur de Névet qui venait de mourir à trente-cinq ans ? C’est que Malgan ne parlait pas français, mais breton. L’expression otrou koz n’implique pas nécessairement l’idée de vieillard ; un père de quarante ans est dit couramment otrou koz, s’il a un fils de dix ou quinze ans ; s’il s’agit, notamment de deux frères orphelins de père, l’aîné est dit otrou koz, alors qu’il n’aurait que trente ans. Or, c’était bien le cas pour les deux frères René et Malo ; à sa mort, René avait trente-cinq ans, son frère Malo en avait trente. Lorsqu’on demanda qui est mort chez les Névet ? la réponse était toute naturelle, c’est le vieux, l'aîné, le chef de la famille. Ainsi s’expliquerait tout naturellement cette épithète de « vieux » qui a tant troublé et M. de Carné et M. Trévédy.

Il ne faudrait pas non plus chercher la preuve d’un grand âge, dans les autres paroles qu’il prononce : « pa zeu an oad mervel zo red, quand vient l’âge de mourir il le faut » ; c’est-à-dire, sous une autre forme : lorsque l’heure est sonnée il faut partir ; mais l’heure peut être la sixième, la neuvième ou la onzième heure ; c’est une simple formule de soumission à la volonté de Dieu lorsqu’il lui plaira de nous rappeler à lui.

La fête de nuit, lors de la mort de René de Névet, devient vraisemblable, puisqu’on est dans le temps pascal, le lundi de la Quasimodo. Nous croyons donc que c’est bien la mort de René de Névet qui a inspiré le chant de Malgan, et il ne faudrait pas attacher trop d’importance à certains détails de la complainte, recherchés par l’auteur pour dramatiser son récit. C’est ainsi que la scène du cimetière, qui nous montre le corps de M. de Névet descendu dans la tombe par le fossoyeur, est de tout point invraisemblable, car jamais un seigneur de Névet, mort à Lézargan, n’a été inhumé dans le cimetière, mais dans la tombe prohibitive des Névet, près du maître-autel de Locronan, quand cela n’a pas été aux Cordeliers de Quimper.

L’élégie de M. de Névet nous a quelque peu fait oublier, la dernière descendante du nom, cette pauvre petite fille de Malo, âgée de trois ans, une des plus riches héritières de Bretagne, malgré les libéralités testamentaires de son père.

La veuve, Mme de Névet, n’avait plus d’autre consolation que sa fille ; aussi se détermina-t-elle à la garder et à ne point la confier aux religieuses du Calvaire, comme l’avait recommandé son mari. De là, un procès qui ne devait pas se terminer, espérait-elle, avant que sa fille n’ait atteint l’âge de douze ans, fixé pour sa sortie de pension ; et puis, elle se disait, tout bas, que sa fille, avec sa fortune, pouvait espérer un parti autrement brillant que celui offert par son cousin de Pontbriand. Et même, pour se soustraire à des souvenirs pénibles, elle quitta Lézargant, et vint demeurer dans sa belle résidence de Beaubois (Bourseul), au diocèse de Saint-Malo.

Mais pendant que Marie-Thérèse de Névet grandissait, Malo de Pontbriand ne perdait pas de vue les dernières volontés de son oncle, et avait quelques inquiétudes sur les dispositions peu encourageantes de Mme de Névet ; aussi se décida-t-il à brusquer le dénouement par un coup de tête.

« C’était en 1727, nous dit M. de Carné, Mme de Névet se promenait, un jour, avec sa fille, âgée alors de dix ans, dans son parc de Beaubois, lorsqu’elle reçut la visite de quatre dames, qu’un grand carrosse avait amenées. Deux de ces dames s’approchèrent pour amuser l’enfant, pendant que les deux autres s’éloignaient insensiblement avec la mère. Lorsque la marquise de Névet fut assez loin et qu’elle eut disparu au tournant d’une allée, des hommes qui attendaient dans le parc, au nombre de douze, s’emparèrent de l’enfant, la jetèrent dans le carrosse, et la voiture partit au galop des chevaux ».

Cet enlèvement fit du bruit dans la province, et naturellement cette folle entreprise fut énergiquement blâmée. Tout espoir de mariage fut perdu pour Malo de Pontbriand, et il dut rendre la fille à sa mère, la marquise de Nevet, qui s’empressa de marier Marie-Thérèse, dès qu’elle eut douze ans, à Jean-Antoine Franquetot, comte de Coigny. Le mariage fut célébré dans la chapelle du château de la Maignanne, en Andouillé, le 25 Octobre 1729.

L’alliance était des plus brillantes : M. de Coigny, âgé alors de 25 ans, était favori de Louis XV, fils de François de Franquetot de Coigny, maréchal de France en 1734, décédé à Paris en 1759.

Ils eurent trois fils :

1° Marie-François-Henri, né en 1737.

2° Augustin-Gabriel, né à Paris, Saint-Roch, en 1740 ;

3° Jean-Philippe, né en 1743, décédé en émigration.

Mme de Coigny devint veuve de bonne heure ; son mari mourut en 1748, tué en duel, et voici, d’après M. de Carné, dans quelles circonstances : « Il jouait un soir, au jeu du Roi, avec le prince de Donges, fils aîné du duc du Maine, et il perdait beaucoup ; dans un mouvement d’humeur, il prononça entre ses dents cette parole imprudente : " Il a plus de bonheur qu’un enfant légitime ". Le prince n’avait rien entendu ; mais des courtisans s’empressèrent de les lui répéter ; un duel s’en suivit, dont M. de Coigny fut victime ».

Sa veuve, la fille de Malo Névet, ne mourut qu’en 1778, le 29 Août.

Son fils aîné, Marie-François-Henry, fut colonel général des dragons, lieutenant général en 1780, pair de France en 1816 ; mort gouverneur des Invalides, à Paris, en 1821. Il était père de François-Marie-Casimir de Franquetot, marquis de Coigny, maréchal de camp en 1788, lieutenant général en 1814, mort en 1816 ; et c’est sa soeur Antoinette-Françoise-Jeanne qui épousa Horace-François-Bastien Sébastiani, général de l'Empire, qui est devenu maréchal de France en 1848. C’est leur fille unique qui épousa le duc de Choiseul Praslin et eut une fin si tragique après dis-huit ans de mariage.

Le duc Choiseul-Praslin était marié, depuis 1824, à Altarice-Rosalba-Fanny Sébastiani, née à Constantinople en 1807. C’était une femme d’une grande vertu et de correction parfaite ; elle avait eu onze enfants de son mariage avec le Duc. Celui-ci, après une vie assez régulière, avait contracté des liaisons incompatibles avec la fidélité conjugale ; sa femme s’en émut et songea à demander la séparation. Ce fut alors, qu’emporté par la passion, le Duc en arriva à assassiner sa femme, qui venait d’atteindre sa quarantième année, le 18 Août 1847. Il prévint lui-même la justice, en s’empoisonnant, quelques jours après son arrestation.

Le second fils de la dernière des Névet, marquise de Coigny, marié en 1767, fut le père de Anne-Françoise-Aimée de Coigny, née à Saint-Roch en 1769, et qui a fait tant parler d’elle. Mariée, en 1784, à André-Hercule Rosset, duc de Fleury, emprisonnée avec André Chénier, elle lui inspira sa fameuse pièce de vers, La jeune Captive. Libérée, elle divorça, pendant l’émigration, pour se remarier avec un M. de Montrond, qu’elle avait connu dans les prisons, sous la Terreur, puis divorça de nouveau.

C’est ainsi que la glorieuse descendance des barons et marquis de Névet est venue s’éteindre dans la boue et le sang : une femme tuée par son mari, une autre infidèle à tous ses devoirs.

Aussi, pour l’honneur du pays, aimons-nous à penser que, depuis la mort de Malo de Névet, en 1721, sa descendance n’appartenait plus à la Bretagne, et que tous ces malheurs eussent été évités, si l’on avait mieux suivi les sages dispositions du pieux Ermite de Locronan : 

«  Oh ! ne quittez jamais, c'est moi qui vous le dis,

Le devant de la porte où l'on jouait jadis,

Car une fois perdu parmi ces capitales,

Ces immenses Paris, aux tourmentes fatales,

Repos, fraîche gaîté, tout s'y vient engloutir ».

(P. Peyron).

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