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LE CHATEAU DU BORDAGE ET SES POSSESSEURS A ERCE-PRES-LIFFRE |
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LE BORDAGE ET SES POSSESSEURS.
§ I. — Du XIII au XVème siècle.
C'est à la famille de Montbourcher, dont le nom emprunté ou donné à une terre semble accuser une origine germanique (Bourcher pouvant dériver de Burckhart ou de Burger), qu'est due au quatorzième siècle, la fondation du château du Bordage.
Cette ancienne et illustre maison portait pour armes : D'or à trois channes ou marmites de gueules, d'après un sceau de 1357 et pour devise : Assez d'amis quand elles sont pleines.
On la rencontre de bonne heure dans l'histoire de Bretagne, et plusieurs de ses membres ont joué un rôle important dans cette province. Au onzième siècle, le nom de Montbourcher désignait, dit M. Trévédy, une terre dont le duc Geoffroy donna la dîme à l'abbaye Saint-Georges de Rennes quand sa fille y prit le voile. Un siècle plus tard, Simon de Montbourcher était témoin d’une donation du duc Conan en 1166.
En 1233, Guillaume de Montbourcher était chargé avec Normand de Québriac de tirer vengeance de l’évêque de Dol resté fidèle au roi contre Pierre-Mauclerc [Note : Les grands écuyers héréditaires de Bretagne, Revue de Bretagne et de Vendée, t, VII, p. 651]. Les lettres patentes de l’érection de marquisat disent que Jouffre de Montbourcher portait la qualité de chevalier dès 1265 [Note : Comte Régis de l’Estourbeillon et Paul Sébillot, Procès-verbal du marquisat du Bordage en 1656, Vannes, 1891, p. 3]. C'est le même que Geoffroy de Montbourcher qui, en 1271, partit pour la croisade avec Jean le Roux.
Renaud ou Raoul, fils cadet de Geoffroy, fut garde des sceaux du duc et fonda la branche des seigneurs du Bordage [Note : Voir Trévédy, l, c. p. 651 et 651 note].
A cette époque les Montbourcher habitaient la paroisse de Vignoc. Ce n’est que plus tard, avant 1306, qu'ils se fixèrent au Bordage dont ils firent le chef-lieu de leurs seigneuries.
En 1306, René de Montbourcher, seigneur du Bordage, était garde des sceaux du duc de Bretagne Arthur II, qui, par ses lettres de l'an 1309, lui donna le titre de bachelier. En 1312 le duc Jean lui accorda, par un mandement, le don d'usage dans les forêts de Rennes et de Liffré [Note : Ogée, Dict. de Bretagne, Art. Ercé près Gosné]. Le samedi après la Saint-Pierre-es-Liens de l’an 1313 on le voit acquérir divers héritages en la paroisse d’Ercé, entre autres les manoir et terre noble de L'Estourbeillonnaye, d'avec écuyer Pierre Estourbeillon qui les lui vend et transporte avec le consentement de Jeanne de Penmarc’h, son épouse (Induction de M. de Montbourcher à la Réformation de 1668).
Pendent les guerres de la succession, Jehan, Guillaume, Auffroy, Louis servaient sous Charles de Blois. Guillaume faisait partie de l'ambassade qui allait en Angleterre en 1352 réclamer la mise en liberté de Charles. Auffroy est nommé dans l'Enquête de canonisation [Note : Trévédy, l. c, p. 651].
Les lettres patentes disent que Regnauld de Montbourcher donna de très grandes preuves de sa valeur en Espagne, où il accompagna Bertrand du Guesclin ; il est probable qu’il avait auparavant figuré parmi les seigneurs qui, sous la direction de Bertrand firent aux Anglais pendant le siège de Rennes. une guerre de partisans si dangereuse pour nos ennemis.
Après la fuite de Jean IV en Angleterre, et quand le roi de France s’empare de la Bretagne sous prétexte qu'elle est sans maître, Alain, Bertrand et Simon de Montbourcher sont au nombre des seigneurs qui rappellent le duc (1379).
En 1388, le duc Jean IV avait accepté le roi pour arbitre entre lui et Clisson. Puis, changeant d'avis, cette espèce de fou semble disposé à se soustraire à l'arbitrage, risquant d’attirer sur lui une armé française, au moment même où une flotte anglaise ravage les côtés de Bretagne. Il faut lire dans d'Argentré les observations qu'osa faire le sire de Montbourcher, et qui heureusement furent écoutées par le duc [Note : C'est probablement lui dont parlent les lettres patentes : un Montbourcher surnommé le Sire fit par ses prudents conseils que Jean IV quitta l’alliance de l'Angleterre pour prendre celle de la France].
Dix ans plus tard, nous trouvons deux frères, Alain et Simon, tous deux chevaliers, et successivement seigneurs du Bordage. Tous deux s'engagent à garder Saint-Brieuc au duc [Note : Trévédy, l. c, p. 652].
Le XVIème siècle est moins brillant pour le Bordage que le précédent et que ceux qui suivront. Voici les seuls faits que j'ai pu relever.
En 1404 Simon faisait partie de la maison du duc, en qualité d'écuyer.
Bertrand de Montbourcher fut un des fidèles du duc Jean V, qui en 1419 le retint pour chevaucher avec lui et garder sa personne, il fut un des premiers à s’armer contre les Penthièvre ; en 1425, il fut chargé de l’armement des communes dans le pays de Rennes ; en 1434, il était capitaine de Saint-Aubin du Cormier, une des clés de la Bretagne du côté de la France. En 1426, un compte du trésorier lui donne le titre de chambellan [Note : Lobineau, Preuves, p. 964, 814].
En 1442, le seigneur de Blossac et de Brécé, qui était soit Jean de Blossac, soit son gendre Bertrand de Montbourcher, du chef de sa femme N. de Blossac, dame de Brécé, était grand écuyer héréditaire.
En 1451, Thomas de Québriac du chef de sa femme Jeanne de Montbourcher occupait le même poste [Note : Trévédy, l. c. p. 652. Les Montbourcher lors de la réformation de 1668, attribuèrent le titre de grand écuyer à Simon de Montbourcher, sieur du Bordage (1380) et à son fils Bertrand de Montbourcher, sieur du Bordage, Trévedy. Revue, t. VII p. 125].
§ II. — XVIème SIÈCLE.
Au seizième siècle, Les seigneurs du Bordage sont parmi les plus considérables de la Bretagne.
En 1532, René de Montbourcher, seigneur du Bordage, premier pannetier de la reine, et gouverneur de Rennes, fit les préparatifs pour la réception du nouveau duc (dauphin de France). Au couronnement, le poêle fut porté par trois seigneurs parmi lesquels se trouvait Antoine de Montbourcher, seigneur du Plessix [Note : Ogée. Nouvelle éd. T. II, p, 477-78. Le Plessix est un ancien manoir d’Ercé].
Lorsque, vers 1558, la religion réformée pénétra en Bretagne, le Bordage devint un des principaux centres du protestantisme, et ses seigneurs se firent remarquer par le zèle qu'ils déployèrent en faveur des nouvelles croyances. En 1559, dit Vaurigaud, qui semble analyser un document contemporain, la dame du lieu (Jeanne de Malestroit) trouvait un tel plaisir aux prédication Dugravier qu'elle envoyait à Rennes tous les quinze jours sa haquenée pour qu’il s’arrêtât au Bordage et y fit une exhoration à l’aller et au retour de son voyage à Vitré.
Ce fut à Vitré et au Bordage que ce célèbre pasteur se retira un peu plus tard, lorsque les réformés de Rennes furent inquiétés ; peu après il recommenca ses visites alternatives ; il s’y réfugia une seconde fois à l’époque de la conjuration d'Amboise, puis il vint en juillet, après les troubles de Rennes, demander asile et conseil à René de Montbourcher.
En 1560, les familles du Bordage et de La Magnane assistèrent à la Cène qui fut célébrée à la Corbornnaye.
Duplessix Bordage, enseigne de François d'Acigné et Raoul de la Celle, sire de la Sécardaye, accompagnaient Dandelot allant en 1567 à la Rochelle [Note : Vaurigaud, Histoire des églises réformées de Bretagne, t. I. p. 157 t. I. XLI. p. 29, 30. 40, 42, 45].
***
On rencontre assez souvent les noms de Montbourcher et du Bordage sur les registres protestants de Vitré et de Rennes (Cleusné), qui ont été conservés ; mais ils sont loin de donner des renseignements complets ; les actes des églises réformées d'Ercé et du Bordage, qui paraissent avoir été détruits, auraient sans doute révélé plus d'un fait intéressant. Pendant 123 ans, ceux des registres de la paroisse catholique qui sont parvenus jusqu'à nous ne contiennent pas d'actes concernant les seigneurs du Bordage, sauf peut-être le baptême du 11 mars 1575, postérieur à la Saint-Barthélemy, époque à laquelle on voit un certain nombre de protestants faire baptiser catholiquement leurs enfants. Par contre on y relève plusieurs actes corcernant d'autres personnes de la même famille qui n’avaient pas quitté l’ancienne religion. On trouvera ci-après, dans l’ordre chronologique, les documents extraits des registres protestants publiés par M. l’abbé Paris-Jallobert [Note : Eglise protestante de Vitré ; Eglise protestante de Cleusne, Rennes 1890, 2 brochures in-8°], et ceux-ci sont presques toujours reproduits in extenso.
— Le onzième jour de mars mil cinq cent soixante et quinze Noble et puissant homme Françoys de Montbourcher et Bonne de Boulyart ? (Boucart) sa femme eurent ung filz nôme (sic) Mathurin et le tint sur fontz Mathurin Bouan et furent un mot (effacé) de Montbourcher et Claude de Montbourcher, et le baptiza dom Michel Chevallier (Signé) dom Jean Chevallier.
(Registres d’Ercé, f° XIII recto).
— Judith Bernard, fille de Me Jean Bernard, chirurgien, fut baptisée en l’église du Bordage et présentée par René de Montbourcher, sieur de Saint-Gilles le 1er juin 1577. (Reg. de Vitré).
— René, seigneur de Saint-Gilles, époux de Françoise de Montbourcher, a une fille, Anne, qui le 24 janvier 1578 est baptisée à Saint-Gilles, et présentée par François de Montbourcher, seigneur du Bordage (Reg. de Vitré).
A l’époque de la Ligue les seigneurs du Bordage, protestants et royalistes sont au premier rang des adversaires du duc de Mercœur [Note : Gabriel de Montboucher, seigneur de Tréméreuc, était le second fils de la fille de Belouan du Bois de la Motte et de François de Montbourcher, seigneur du Bordage, son troisième mari ; il abjura à la mort de son père à 18 ans et devint un des plus zélés ligueurs].
En 1589, celui-ci faisait répandre parmi la population de Rennes par son lieutenant Talhouët le bruit que Montbarot et La Hunaudaye avaient introduit dans la ville pour leur livrer les portes le sieur du Bordage et quelques autres réformés [Note : Vaurigaud, t. I, p. 282].
Henri III par une lettre de Bergerac, 14 avril 1588, assura René de Montbourcher de sa reconnaissance.
En 1589, le sieur du Bordage et plusieurs gentilshommes se glissèrent, chacun avec quelques hommes, dans Vitré, dont le garnison était faible, et qui était assiégé par Talhouët, lieutenant du duc de Mercœur. Dulac, gouverneur de la ville, ayant été tué, du Bordage fut élu à sa place. La défense de la ville fut très brillante, le siège fut levé, et, dit un document contemporain, « au château demeura le sieur du Bordaige avec lequel Monsieur de Montbarot avait eu prise de corps au désavantaige du sieur du Bordaige ; le quel différend vint d'autant que ledit sieur du Bordaige avait voullu brusler les maisons qui ne portoient aucune nuisance à la ville, ce néanmoins il en fut bruslé une grande partie » [Note : Vaurigaud, t. I, p. 288, 294, 297, Levot : Biographie bretonne].
René de Montbourcher avait sans doute demandé comme récompense de ses très réels services la place de gouverneur de Vitré. Henri IV lui adressa du camp de Dieppe, le 19 octobre 1589, une lettre témoignant ses regrets de ne pouvoir lui conférer le gouvernement de la ville de Vitré, dont il avait empêché la surprise par les ligueurs, attendu que Montmartin en était capitaine et le sire d'Allègre, gouverneur [Note : D. Morice, II, 374. Vaurigaud, I, 274, 297. Levot : Biographie bretonne].
Pendant que René de Montbourcher défendait Vitré, le Bordage, dégarni de troupes, fut pris par les ligueurs ; ils l'évacuèrent le 23 août 1589, après l'avoir consciencieusement pillé. « Les ennemis, dit Pichard, lorsqu'ils s'en allèrent et auparavant, avoient tout emporté ; il n'en faut pas doubter. Cette maison-là en cinq mois qu'elle a eté tenue par l'ennemi a causé de la perte cinquante ou soixante fois plus qu'elle ne vault, ni tout le bien du seigneur d'icelle ».
Le Bordage fut aussitôt occupé par le capitaine Judier, au nom du roi.
René de Montbourcher voulut empêcher un nouveau coup de main des ligueurs, et il augmenta sans doute la force de son château. Le 10 juillet 1590, le prince de Dombes l’autorisa à faire fondre deux pièces de campagne et autant de fauconneaux qu’il jugeait convenables pour la défense de son château du Bordage.
L'année suivante le prince de Dombes envoya cinquante arquebusiers, sous conduite du capitaine La Ronce, tenir garnison au Bordage. Cette troupe s’y trouvait encore en 1592, renforcée de trente-trois hommes de guerre montés et armés à la légère, que commandait René de Montbourcher lui-même [Note : Guillotin de Corson. Les grandes seigneuries de Bretagne. Revue de Bretagne et de Vendée, t. IX, p, 372].
M. Philippe Morton, du Bordage, mort le 17 août 1591, fut enterré au cimetière neuf de Vitré (Reg. de Vitré). Ce Morton était probablement un Anglais, apparenté à Robert Morton, ambassadeur d'Angleterre en Bretagne, 1481.
Le 8 janvier 1592, le sieur du Bordage enleva en plein jour à Rennes, à dix ou onze heures du matin, sa femme qui l'avait quitté depuis cinq ans. « Il y avait, dit Pichart, un coche où lui-même la fit monter par force, lui ayant esté amenée sur le pavé aussi par force de la demeurance de la douairière de la Dobiaye, près la Cherbonnerie, où elle estoit allée pour debvoir diner [Note : Cette dame était parente de Mme du Bordage : une Catherine de Montbourcher avait épousé un seigneur de la Dobiaye, terre située en la Bouexière. Vaurigaud, I, 324, 332. Levot]. Il pasa par la Fannerie et la rue Neupve et alla à la porte aux Foulons sans aulcun empeschement de personne... C'est une assez belle dame qui porte mesme nom et armes du sieur Du Bourdaige qui est de Montbourcher. Pendant qu'elle a esté en cette ville, elle est accoutrée superbement et à la courtisane, aultant que l'on en sçauroit voir ». Elle se nommait Françoise de Montbourcher. On ignore pour quel motif elle avait quitté son mari.
Au mois d'août 1592, le prince de Dombes, devenu duc de Montpensier, permit au seigneur du Bordage de mettre dans son château une compagnie de trente-trois hommes [Note : Ces trente-trois hommes ne formaient pas toute la garnison ; elle aurait été faible pour la défense d'une place qui avait plus de 300 mètres de développement de murs, même en ne comptant pas la partie où fut depuis le jardin, qui était aussi fortifée, mais, qu'on pouvait abandonner si l'on n'avait pas trop de monde. En 1589, le château de la Musse où le prince de Dombes avait ordonné l'établissement de vingt-cinq arquebusiers avait au total une garnison de soixante-sept hommes (Revue de Bretagne, 1890, p. 92) ; si on se rappelle que le seigneur du Bordage avait été autorisé à fondre deux pièces de campagne, on peut penser que cette troupe était surtout destinée à opérer au dehors et qu'aux cinquante arquebusiers envoyée par le prince de Dombes, il fallait joindre les soldats, canoniers etc., au service du seigneur du Bordage ; si l'on compare sa garnison à celle de la Musse, elle devait comprendre au moins 120 hommes, et avec les cavaliers, 160 environ ; en 1597, elle devait, après la levée de cinquante hommes d'armes, s'élever à près de 200 hommes], de guerre, montés et armés ; cette mesure compléta la mise en état de défense du château, qui avait sans doute été garni d'artillerie, à la suite de l'autorisation donnée par le même prince.
Le 23 janvier 1593 mourut le sieur du Bordage ; on tient, dit Pichart, qu’il fut empoisonné. Serait-ce donc là, demanda Vaurigaud, le dénouement de la scène du 6 janvier 1592 ?
Aux Etats qui furent tenus à Rennes le 18 (octobre) 1591, le sieur du Bordage fut l'un des députés de la noblesse ; il la représenta aussi avec M. de la Piguelais aux Etats qui se réunirent à Rennes le 23 janvier 1595 [Note : Vaurigaud, p. t. I. p. 324 d'après, Pichart]. Pendant la trève, se place, en 1596, un événement qu'Ogée a raconté, mais en substituant, par une assez singulière distraction, le nom de Monbarot à celui de Montboucher : « Le 21 juillet, un dimanche, le sieur du Bordaige, en passant à Romasin (Romazy) pour aller à Pontorson nommer l'enfant du sieur de Mongommery, tous deux catholiques à la mode de La Rochelle, fut attaqué et eut un différend avec ceux du dict Romasin et de Cens (Sens) qui sont barricadés et disoit-on qu'il avoit pencé demeurer, ayant été tiré sur lui quatre à cinq coups d'arquebuse et de mousquet... occasion que dit sieur du Bordaige, à son retour de la feste ou qu’il fit exprès le voyage, retourna sur ceux de Cens et de Romasin le jour de la saint Jacques et saint Christofle, le 25 dudit mois de juillet, où il mena ses gens de guerre et autres bons vauriens, où ils brulèrent nombre de maisons estant sur ledit lieu, et tuérent douze ou quinze personnes qui, toutefois et peut-estre, n'en pouvaient mais ; ce fait scandalisa beaucoup le peuple et jusqu'aux plus grands, entre autres la Cour s’en formalisa, donna arrest et commanda au prevost des mareschaux de se transporter tout incontinent sur les lieux pour informer desdits excès, meurtres et bruslemens » [Note : Vaurigaud, l, c. t. I, p. 340, t. II, p. 15 ; Pichart dans Vaurigaud, t. II, p. 29].
Il est vraisemblable que la poursuite n'eut pas lieu : de pareils actes étaient fréquents à l'époque où, pour ne parler que de la Bretagne, vivaient La Fontenelle et La Magnanne. C'est probablement à cet événement que se rapporte un passage d'un écrit du temps : En 1597, à une époque qui n’est pas précisée autrement que : après la prise d'Amiens, parut un livre ayant pour titre : « Plaintes des Eglises réformées de France, sur les violences qui leur sont faites à plusieurs endroits du royaume, et pour lesquelles elles se sont en toute humilité adressées à diverses fois à S. M. et à Messieurs de son conseil ». Parmi les griefs qui y sont contenus, était rapporté l'attentat dont avait failli être victime le sieur du Bordage contre qui le parlement aurait fait armer les paroisses. Le parlement avait donné un arrêt contre le sieur du Bordage, pour s'être vengé de ses adversaires [Note : Vaurigaud, t. II, p. 47]. Cette même année, René de Montbourcher s'adressa à Henri IV, qui lui permit d'augmenter les fortifications de son château, et l'autorisa à lever une compagnie de cinquante hommes d'armes pour le défendre [Note : Guillotin de Corson, l. c.].
§ III. — XVIIème SIÈCLE.
René de Montbourcher du Bordage épousa à Laval Elisabeth du Boys le 10 octobre 1604 (Reg. de Vitré).
Levot dit qu’il mourut vers 1612. La France protestante [Note : Haag, VI, p. 610] relève la signature des Montbourcher, probablemente le fils du précédent, comme député à l'assemblée de Pouzin, 1621.
D’après les Lettres patentes, il fut chargé par Louis XIII pour être un des trois gentilshommes qui devaient faire lever quatre mille hommes en Bretagne pour le service du roi ; il mourut en 1647, étant aux Etats de Bretagne qui se tenaient à Nantes.
Sauf cette mission, je ne connais, de 1611 à 1655, aucun événement important concernant le Bordage et ses possesseurs. Sur les registres d'Ercé, je relève les actes suivants qui intéressent, soit une branche de la famille, soit des bâtards des seigneurs du Bordage :
— Fabrice Thebault filz m. Jean et honorable femme françoise dubordaige, sa femme, paroissienne de Gahard ; le tint sur fons, hault et puissant sire Gabriel de Montbourcher, seigneur de (Beaulieu) présents, M. Jean d'Ygnac, de honorable femme Renée de Sainct Gilles, et l'a baptisé mes. François Bron, recteur dud. Gahard et enregistré dans son papier baptismal le 15ème jour de juin (1611) f° 9 r°.
— Françoise du Bordage est marraine le 3 mars 1640 de Raoul Martin.
— Esquier Jacques de Montbourcher, sieur de Biaulieu décéda en la foy catholique apostolique et romaine le 2 may 1644, et son corps fut inhumé dans l'église d'Ercé le 25 du mois et an tel que je dis. (Signé) — A Horuaye.
— Françoyse du Bordage, décéda en la foi Catholique, Apostolique et romaine le 15 septembre 1655 ; son corps fut inhumé en l’église d’Ercé le 16ème du mois et an [Note : Vaurigaud, t. II p, 293].
En 1656 la terre et seigneurie du Bardage fut érigée ou marquisat en faveur de René de Montbourcher. Le lettres-patentes publiées dans la Revue historique de l’Ouest, t. VII font le plus grand éloge des ancêtres de ce seigneur, et mentionnent le courage dont celui-ci fit preuve au siège de Thionville, alors qu’il commandait la compagnie de gens d'armes du maréchal de la Meilleraiye. Le procès-verbal de l'état des lieux du marquisat, dressé la même année, montre l'étendue du domaine et de ses juridictions, ainsi que l’importance du château, qui était alors à sa période la plus brillante (8-13 mai 1656).
Le 28 août 1662, René de Montbourcher, marquis du Bordage, fut, avec François d’Argouges, premier président au Parlement de Bretagne, chargé d'informer les infractions faites à l'édit de Nantes. Vaurigaud a reproduit tome III, pièces p. 4, le procès-verbal de cette commission où d'Argouges et du Bordage sont constamment en désaccord.
Il mourut avant 1669 ; et eut pour successeur son fils René de Montbourcher. Entré comme enseigne au régiment d'infanterie de Turenne en 1668, celui-ci fit la campagne de Hollande (1672-1673), celle d'Allemagne (1674) ; il obtint par commission du 11 novembre 1674 un régiment de cavalerie de son nom (depuis du Maine), qu'il commanda à la bataille de Turckheim et au combat d'Altenheim. Brigadier de cavalerie par brevet du 25 février 1677, il servit au siège de Valenciennes et se trouva à la bataille de Cassel, à la prise de Saint-Omer, à la bataille de Saint-Denys près Mons en 1678, au combat de Minden, 1679, au camp de la Haute-Alsace en 1682, à celui de la Saône en 1683, et en 1684, à l'armée de Flandre qui couvrit le siège de Luxembourg [Note : Biographie universelle, Levot].
René de Montbourcher avait épousé Elizabeth de Gouyon fille d'Amaury, marquis de la Moussaye et comte de Quintin, et de Henriette de la Tour d'Auvergne. Les deux conjoints étaient protestants zélés. Le mariage fut célébré, d'après Habasque, qui avait eu entre les mains les registres des religionnaires de la Moussaye, dans le temple de ce château, le 15 septembre 1669 [Note : Notices historiques sur les Côtes-du-Nord, t. III p. 151].
De ce mariage naquirent René-Amaury (1670), dont nous n'avons pas l'acte de bâptême, et Henriette de Montbourcher, née le 21 janvier 1671, et qui fut baptisée à Cleusné le 7 février. (Registres de Cleusné) [Note : Il y avait eu précédement des alliances entre la famille de Montbourcher et les Goyon ou Gouyon. Au XIVème siècle, Mahaud, fille d’Etienne Goyen de Matignon, épousa Bertrand de Montbourcher, seigneur du Bordage. Au XVème, siècle, Lancelot Goyon, seigneur du Lude, épousa Sibille de Montbourcher (Ogée art. Matignon). Débora de Montbourcher, fille de messire de Montbourcher, sieur de Saint Amadour, veuve de haut et puissant messire Paul de L'Isle, morte le 18 octobre 1678, âgée de de 52 ans, fut enterrée à Cleusné (Registres de Cleusné)].
Lors de la révocation de l'édit de Nantes, René de Montbourcher ne voulut pas suivre l'exemple qui lui était donné par un grand nombre de gentilshommes protestants ; il n'était vraisemblablement pas au Bordage à la fin de 1685, au moment de la mission du R P. Parcevaux, de la compagnie de Jésus, qui amena l'abjuration plus ou moins volontaire de 67 protestants d'Ercé et des environs.
On sut, disent les Mémoires de Sourches, peu de jours après, le dimanche 20 janvier 1686, que le marquis du Bordage, brigadier des armées du roi, qui était de la religion prétendue réformée, s'était sauvé de France avec sa femme, ses enfants et Mademoiselle de La Moussaye, tante de sa femme. Cependant il perdait tous ses services et laissait en France cinquante mille livres de rentes qui allaient être confisquées [Note : Vaurigaud, t. III, p 116].
L'extrait suivant des registres du Parlement montre que dès que la résolution de René de Montboucher fut connue, on se hâta de procéder contre lui : « Le jeudy trente et unième janvier, le procureur général du roy, entré dans la cour, a remontré qu’ayant eu advis que les sieur et dame du Bordage, leurs enfants et la demoiselle de la Moussaye, sœur dudit Bordage étoient sortis du royaume sans la permission de S. M. contre les défenses portées par ses édits et déclarations rendus contre ceux de la R. p. R. ; il croit qu’il est du devoir de sa charge de faire incessament saisir les terres et biens que lesdits sieur et dame du Bordage et la demoiselle de La Moussaye ont en Bretagne ». La Cour approuve les conclusions du procureur général.
René de Montbourcher ne réussit pas toutefois à sortir de France, bien qu'il eût tué un paysan qui avait saisi les rênes de ses chevaux. Dangeau rapporte que : « le 24 janvier on eut nouvelle que le marquis du Bordage avoit été arrêté auprès de Trelon, entre Sambre et Meuse. Sa femme a été blessée d'un coup de fusil. Ce sont les paysans qui l'ont arrêtée et qui faisoient la garde pour empêcher les gens de la Religion de sortir du royaume. On mena Bordage dans la citadelle de Lille, par ordre du 25 juin 1685, sa femme dans celle de Cambrai, et Mademoiselle de la Moussaye, sa belle-sœur, dans celle de Tournai. On fait revenir les enfants à Paris où ils seront élevés dans notre religion ». Dans la première quinzaine de février, on avait envoyé l'abbé de Grancey à M. du Bordage pour essayer de le convertir ; mais comme il n'avait point voulu l'écouter, le roi avait commandé qu'on lui fit son procès à la rigueur. Il résista pendant plusieurs mois ; mais, disent les Mémoires de Sourches, le 20 septembre, on sut qu'il s'était enfin converti à Lille où il étoit détenu prisonnier, et qu'on lui avoit accordé sa liberté, à condition néanmoins qu'il ne verroit plus la marquise, sa femme, laquelle étoit demeurée dans une extrême opiniâtreté.
En juin 1686, le fils unique du marquis du Bordage, qui était pensionnaire au collège de Louis-le-Grand, abjura, en même temps que les quatre fils du duc de la Force, dans l'église de Saint-Louis, entre les mains du Père Lachaise, confesseur du roi. Vers la même époque Henriette de Montbourcher, qui avait été mise dans un couvent abjura également [Note : Vaurigaud t. III, pp. 93, 117. Levot, l. c.].
Maréchal de camp par brevet du 24 août 1688, René de Montbourcher fut employé à l'armée d’Allemagne. Lors du siège de Philippsbourg, il faisait combler le fossé de l’ouvrage à cornes, quand il reçut un coup de mousquet dont il mourut le 18 octobre 1688 [Note : Levot, l. c.].
René-Amaury de Montbourcher devint marquis du Bordage en 1688, à la mort de son père ; il hérita encore de son grand-père Amaury, le marquisat de la Moussaye. Saint-Simon parle en ces termes du dernier des descendants mâles de Montbourcher du Bordage : « Le fils du marquis du Bordage eut un régiment que le roi lui donna pour rien de bonne heure. Il étoit bien fait, avec bien de l'esprit, aimant la bonne Compagnie, et encore plus la liberté et le jeu pardessus tout, où il a passé sa vie sans se marier, a peu servi et peu paru à la cour. Leur mère étoit Gouyon Matignon, fille du marquis de la Moussaye et d'une sœur de MM. de Bouillon et de Turenne, et de Mme de la Trémoille, de Duras et de Royes. Mlle du Bordage étoit ainsi nièce maternelle de M. de Quintin, mari sans enfants de la Montgommery » (t. II, ch. V p. 61, éd. Hachette).
Registres d'Ercé. — Le 13 septembre 1692, Gabriel-René de Montbourcher, René-Joseph de Montbourcher, Hyacinthe Deyuignac (d'Yvignac) signent l'acte de mariage de honorable homme Antoine Benard et damoiselle Janne Noel ; Janne, Marie, Elisabeth Godier signent aussi.
— Marie-Henriette de Beaulieu, fille légitime d'honorable homme Jan de Beaulieu, sieur de Neraunay et de damoiselle Henriette du Bosquay, vint au Monde le 24 novembre 1693 au lieu et maison de Neraunay, et fut baptizée le lendemain. A esté parrain V. et D. messire D. Besnard recteur de Lad. Paroisse ; Marraine Damoiselle Henriette de Montbourcher du Bordage ; présents Jeanne Le Court, Anne de la Croix, le sieur La Palisse et plusieurs autres. (Signé) Marie-Henriette de Montbourcher, D. Benard, de Lapallisse (vieille écriture), Louis Besnard prêtre (Registre d’Ercé).
En 1699, Henriette de Montbourcher se maria à François de Franquetot, comte de Coigny (1670-1759). Saint-Simon a parlé de ce mariage, et fournit quelques détails intéressants : Coigny, mestre de camps du Royal-Etranger, qui longtemps depuis a fait une si belle fortune, épousa en ce temps-ci Mlle du Bordage, du nom de Montbourcher, fille de qualité de Bretagne, très jolie et encore plus vertueuse et plus sainte toute sa vie. Toute sa famille étoit huguenote. On les rattrapa comme ils étoient à la frontière pour se retirer en Hollande. Son père se convertit comme il put, et fut tué devant Philippsbourg (1688). Le roi mit le fils au collège et la fille chez Mme de Miramon où ils abjurèrent.
§ IV. — XVIII SIÈCLE.
Le mari de Henriette de Montbourcher fut un des meilleurs généraux de Louis XV ; il battit les impériaux à Parme et à Guastalla (1754) ; il avait été fait maréchal de France en 1741 ; en 1744, son beau-frère René Amaury de Montbourcher étant mort sans postérité, il hérita du marquisat du Bordage ; le comté de Coigny fut érigé en duché en sa faveur en 1748. Il eut pour secrétaire dans ses campagnes le poète Gentil Bernard, qui y fait allusion au début de l'Art d'aimer :
J'ai vu Coigny, Bellone et la Victoire,
Ma faible voix n'a pu chanter la gloire.
Le fils du duc de Coigny fut tué en duel en 1748, par le prince de Dombes, laissant un fils, Marie-François-Henri de Franquetot, duc de Coigny (1737-1821) et marquis du Bordage à la mort de son grand-père (1759), qui occupa des charges importantes à la cour de Louis XV et de Louis XVI. Député de la noblesse du bailliage de Caen, il vota avec la minorité, émigra en 1791, et commande la maison militaire du roi. Il fut en 1818 nommé maréchal de France et gouverneur des Invalides. Ce fut lui qui en 1788 vendit au marquis de Montbourcher le marquisat du Bordage.
Son frère était le père de Mlle de Coigny, depuis duchesse de Fleury, qui inspira à André Chénier l’élégie de la Jeune captive [Note : Biographie universelle. Michaud, nouvelle édition].
La signature des Coigny ne figure sur aucun des registres du XVIIIème siècle, qui sont au complet. Il est vraisemblable qu'ils ne vinrent que rarement au Bordage, occupés qu'ils étaient à la cour ou à la guerre, et préférant sans doute à leur château de Bretagne des résidences moins éloignées de Versailles.
J'ai relevé sur les registres un certain nombre de faits qui présentent quelque intérêt et se rattachent, soit au château du Bordage, soit à ses possesseurs ou à ceux qui y demeuraient. Vers 1680, René Day, sieur de Grandmaison, était sénéchal du Bordage.
— M. Jean Touffet, âgé de 65 ans, procureur d'office du marquisat du Bordage meurt le 7 janvier 1606.
— Un acte de décès du 1er août 1677 parle du village de la Chesnaye du Bordage, ou la Chaisnée du Bordage (décès de M. Jean Chastel, enterré en l'église 12 novembre 1679). Il en est encore question en 1698.
— En 1669, il y avait un boulanger au Bordage [Note : La boulangerie existe encore, c'est une très belle pièce voûtés avec deux énormes fours], un maître piqueur en 1670, et un maréchal.
— En 1681, il y avait des sabotiers dans un bois près le château du Bordage.
— Henri Jan, fils de Louis de Gayé et Jeanne Persigan vint au monde au chasteau du Bordage le quatre juillet 1709, fut baptisé le mesme jour par moy, soubsigné. Ont été parain et maraine N. h. Henry Desmoulins et damoiselle Janne Bachelot, sieur et dame de la Villemarqué, qui ont signé.
— Haut et puissant seigneur messire René-Amaury de Montbourcher, chevalier, seigneur marquis du Bordage et autres places, est parrain de René Félicité du Boisgueheneuc, 10 août 1722.
— En 1729 du Plessix Bernard était sénéchal du Bordage.
— Honorable homme Jean Du Boys, de la paroisse de Caro, meurt au château du Bordage, 16 août 1727.
— En 1741 Guillaume Le Chevallier, seigneur de Kerampart, était procureur d'office au Bordage.
— Noble homme Bertrand Derrat, régisseur général du Bordage, est enterré, le 9 octobre 1756, proche le banc du Bordage.
— Noble femme Chevetel, demoiselle de Kerampart, âgée de 61 ans, mourut le 26 janvier 1780 au château du Bordage.
Vente de Coigny.
En 1788, le duc de Coigny vendit le Bordage au marquis de Montbourcher ; voici l'extrait de cet acte, que j’ai trouvé aux archives du Bordage :
Fut présent très haut et très puissant seigneur Monseigneur François Henry de Franquetot, duc de Coigny, etc., lequel a vendu et promis garantir, etc., à très haut et très puissant seigneur René-François-Joseph, marquis de Montbourcher, seigneur de Magnanne, etc.
La terre seigneurie et marquisat du Bordage avec tous ses biens, etc.
Cette terre appartient à mondit seigneur duc de Coigny comme héritier en partie de feue très haute et très puissante dame Mme Henriette de Montbourcher maréchale duchesse de Coigny, son aïeule, laquelle étoit seule et unique héritière de feu très haut et très puissant seigneur René Amaury de Montbourcher, seigneur du Bordage, son frère.
Cette vente est faite moyennant le prix et somme de 450,000 f. deniers.
En déduction de cette somme mondit seigneur de Coigny reconnoit avoir reçu de M. le marquis de Montbourcher une somme de 10,000 livres dont quittance et quart aux autres 440,000 livres restant, M. le marquis de Montbourcher s’oblige de la payer à M. le duc de Coigny en sa demeure à Paris ou au porteur de ses pouvoirs, 60.000 livres dans le courant de novembre de la même année, 108,000 livres dans le cours de juillet 1789 ; 80,000 livres dans le cours de novembre même année ; et 191,400 livres dans le cours de deux ans à partier de ce jour, le tout avec intérêt.
Fait l’an 1788 le 23 avril devant M. Picquais, notaire à Paris.
René-Marie, marquis de Montbourcher, était le dernier rejeton d'une ancienne famille du ramage de Vitré ; né le 15 août 1778 au château de Brezal il est mort le 26 décembre 1848 au château de la Magnanne, sans postérité mâle [Note : René-Claude de Montbourcher, seigneur de la Magnanne, président à mortier au parlement de Bretagne, mourut à Rennes en 1778, sans laisser d'héritier directs et sa succession échut à ses neveux et nièces. (Guillotin de Corson. Les grandes seigneuries de Bretagne). Revue de Bretagne et de Vendée, t. VIII, p. 482].
Il est vraisemblable que pendant une bonne partie du XVIIIème siècle, le château ne fut pas habité par ses possesseurs, et qu'ils n'y firent que de rares séjours, laissant à l'Intendant général le soin de gérer les domaines. Les bâtiments avaient souffert, aussi bien que le bonne tenue des terres, de cet absentéisme et les fortifications tombaient en ruines. L'acquéreur qui, peut-être avait surtout été guidé par l'envie de posséder le marquisat du Bordage, continua vraisemblablement à avoir à la Magnanne sa principale demeure ; peut-être aussi n’eut-il pas le temps de faire à son nouveau domaine les réparations nécessaires, ou bien l'argent lui manqua ; car il n’avait pas intégralement payé le duc de Coigny, lorsque l’émigration commenca.
Il avait pourtant entrepris, ainsi qu’on le verra par le procès-verbal de Gilles Guyot, de dessécher le marais qui s’était formé devant le Bordage, postérieurement à 1656.
§ V. — Révolution.
René de Montbourcher ayant émigré, un arrêté du Directoire du district de Rennes en date du trois octobre 1792 nomma Gilles Guyot commissaire pour « partager en lots les terres de Launay, du Bordage, de Lauriolais, la prairie du Bordage, le Plessix, la Salle, le Bourg et le moulin de Janson, appartenant à René Montbourcher, françois Emigré, en conformité des lois des 14 avril et 2 septembre 1792 ».
Gilles Guyot s’acquitta consciencieusement de sa tâche. D'un examen, fait le vingt-sixième jour de l'an premier de la République française, résulta pour lui la conviction « que les terres de Launay, du Bordage et de Lauriolait, entrelacées les unes dans les autres, pouvaient être mieux arondies et par conséquent plus commodes et de grande valeur » et il se détermina « à n'établir le lot de ces trois terres qu'après les avoir toutes vues, cordelées et examinées sérieusement ».
Une seconde commission du Directoire du district de Rennes du douze février 1793, l'an deux de la République française, approuva cette manière de voir et autorisa Gilles Guyot à continuer ses opérations, qui eurent lieu les 23, 25, 26, 27, 28 février, 1er, 2, 4 mars 1793.
Nous avons copié dans son assise en lots des biens vus et examinés ainsi les passages qui présentent un intérêt archéologique.
2 mars 1793. — La maison du Bordage, situé au-dessous des terres, dans un enfoncement extrêmement humide, garnie de tours, de fortifications tombant en ruines, entourée de fossés d’une largeur d’environ soixante pieds et profonds de douze à quinze pieds, et placées sur un marais qui la rend très malsaine (Comparer la p. 7-10 du P. V. de 1656).
En conséquence, considérant que la maison ddu Bordage, par sa position insalubre et sa décadence, ne serait pas susceptible de trouver des acquéreurs, si l’on y attachait les terres environnantes.
Considérant que toutes celles que nous nous proposons d’y attacher faisaient partie de la retenue ou que par leur position elles ne conviennent à personne.
Que le marais quoiqu'il ne fut pas attaché ci-devant au Bordage ne convient qu’à l'acquéreur de cette maison, premièrement parce qu’il est sous ses fenêtre ; secondement, parce qu'il aura plus d'intérêt que tout autre de continuer le canal de la rivière pour la dessécher, objet essentiel pour la salubrité de l’air, et pour prévenir les Epidémies et Epizooties, desséchement qui entraînera des dépenses considérables, et qui produira une grande valeur aux terrains supérieurs des prairies.
En conséquence, nous avons jugé convenable de réunir à la maison du Bordage ce qui suit :
La maison du Bordage, les douves tout autour et le jeu de Paume vis-à-vis, laissant libre partie du même jeu de Paume en ligne directe, et même largeur des avenues aux deux bouts pour le passage public, contenant ensemble cinq journaux dix-huit cordes de terre.
Le jardin du Bordage avec ses haies tout autour, la douve, et sur la petite prée de Launay qui la joint d'orient, partie du même jeu de Paume, en joignant au nord vis-à-vis, laissaut la même largeur de la rabine libre, contenant trois journaux quarante-huit cordes…
Les pièces de la Vigne et de la Pâture près le point (sic) d'Ercé à aller au Bordage, dans le coin occident et nord de laquelle première pièce est le cimetière, nommé vulgairement le cimetière aux Huguenots, dans lequel il y a encore des pierres tombales qui n’en feront point partie, attendu qu'elles portent des marques aristocratiques sur leur facade, et que la municipalité d’Ercé en réclame la propriété pour son cimetière d'après que les armoiries seront effacées.
Le marais contenant quarante journaux….. nihil, attendu les grands frais de dessèchement.
A charge par l’acquéreur du Bordage de continuer le bout de la rivière jusqu'au bout orient de ladite prairie... dans la même largeur et profondeur que la même rivière qu'avait commencée René de Montbourcher, et que dans dix ans elle soit finie, afin de donner au pays la salubrité de l'air propre à éviter les épidémies et épizooties.
Le propriétaire acquéreur du Bordage aura aussi ce qu'il reste de paty de fer et pics servant au curage de la rivière qui se trouveront dans la maison du Bordage.
La pièce du Grand Panage et la Petite Panage s'entrejoignant contenant ensemble sept journaux soixante-sept cordes de terre, joignant... du midi la rabine du Bordage, d'occident la rabine des Tiroirs, et du nord le champ de la Muraille.... mur de pierre au nord du Grand Panage. Qui fait partie de cette pièce du Grand Panage, note du cinquième lot.
Le pré du Canal avec le fond du vivier dans le midi, contenant quatre journaux soixante cordes ; joint d'orient l'avenue du Bordage à l'Epine, du midi la rabine du jeu de Paume, etc.
L'Auneraye où est la fontaine du Petit-Bonnet, contenant douze journaux trente une corde de terre, avec le fond de la rabine à l'orient, joint du midi le pré du Canal, d'occident le pré de Launay et du nord les Cocardiaux de Launay.
....... Total du grand à 114 jx. 68 cordes 1/2.
Total du revenu à 500 l.
Septième lot. L’afféagement de la lande d'Ercé dans lequel étaient les poteaux de la justice du Bordage, et qui ont été abbatu depuis trois ans, contenant Trois journaux quarante cinq cordes de terre joint, d'Orient le chemin conduisant des trois Chenots à Aulneraye, prisée quince livres de revenu. (Voir p. 11. P. V. de 1656).
Le Bordage avec la ferme de ce nom, celles de l’Aulnay, de l’Oriolais et les Moulins-Neufs, fut acquis par Yves-Julien Guyot, qui avait été secrétaire de Chapelier, célébre avocat rennais, depuis membre de l’Assemblée nationale, et avait été reçu avocat le 7 mai 1789 ; avec d’autres terres qui y furent jointes plus tard, il comprenait 135 hectares ; c’était peu en comparaison de ce que les Montbourcher avaient possédé dans les environs immédiats de leur château. Celui-ci, dont les bâtiments étaient considérables, et en assez manvais état, formait une tête bien grosse pour le corps, et d’ailleurs l’obligation de dessécher le marais constituait une lourde charge.
Le nouveau maître du Bordage se logea d'albord dans le donjon, où il demeura pendant une dizaine d'années ; vers 1802, il cessa de l'habiter et d'en entretenir la toiture ; celle-ci ne tarda pas à s'effondrer et malgré la solidité de la construction, la maçonnerie du haut se désagrégea peu à peu et il la démolit. Auparavant il avait détruit les murs de fortifications à l'est, et ceux du midi, ainsi que leurs tours ; une partie des pierres fut vendue ou donnée, l'autre fut portée sur la route d'Ercé à Liffré, et contribua au moins à l'améliorer ; le reste fut culbuté dans les fossés, et servit à les combler.
Yves-Julien Guyot avait été indécis s'il se logerait dans les galeries aspectées à l'Ouest, qui s'appuyaient sur le mur de fortification de l'est ; c'est sans doute cette orientation au soleil couchant qui le décida à les détruire ; il employa les pierres sculptées et les ardoises de décoration à orner les fenêtres des dépendances aspectées au midi qui séparaient la cour d'entrée de la cour d'honneur, et dont une partie avait précédement servi au logement des officiers du Bordage. Il ne toucha pas toutefois aux grosses tours qui terminaient à l'est et à l'ouest la façade fortifiée du nord, mais il fit disparaître la partie voûtée du portail et en rasa les échauguettes, conservant intact l’élégant cul-de-lampe de la Renaissance qui servait de base à l’une d’elles.
Quant aux boiseries qui garnissaient les belles pièces de la galerie, aux cheminées, aux meubles, ils furent traités avec le mépris qu’on avait alors, et qu’on eut, bien longtemps après l’époque révolutionaire, pour ces choses surannées, et il n’en resta que de rares fragments. Il en fut de même des armures qui servirent de joujoux aux uns et aux autres, et qu'on laissait emporter à ceux qui avaient l’air de les trouver à leur goût.
§ VI. Les constructions et les dépendances du Bordage.
De même qu'un assez grand nombre de demeures féodales des environs de Rennes, l'emplacement choisi fut, non une hauteur, mais le bord d'une rivière qui, même lorsqu'elle n'avait pas une grande profondeur, servait à alimenter les fossés ou les étangs qui formaient une des défenses du château. A partir du lit de la rivière le terrain s'élève assez rapidement en une sorte de butte schisteuse, puis, avant la colline qui termine la vallée au nord, il y a un large palier ; des deux côtés à l'est et à l'ouest, le terrain s'incline, de sorte que la partie nord était en réalité la seule qui demandât de fortifications considérables.
Le premier château, auquel appartenaient le donjon et ses annexes, devait être moins grand que celui qui fut complété à la fin du XVème siècle ; le périmètre de celui-ci embrassait près d'un hectare, non compris le jardin, qui était aussi fortifié et les grosses tours qui défendaient sa partie nord, — la plus facile à attaquer, puisqu'elle n'avait pas de défenses naturelles, — étaient postérieurs à l’invention de l’artillerie. Peut-être ne comprenait-il, vers le midi, que le donjon, et une courtine allant à une tour dont j’ai découvert les fondations en 1892, d’où une autre courtine dont j’ai pu suivre la trace allait vers le nord, aboutissait à un point que mes fouilles incomplètes n’ont pas atteint, les deux autres côtés étant fermés aussi par des murs. En ce cas, il n’aurait guère occupé plus d’un quart de l’espace compris au XVIème siècle dans l’enceinte proprement dite : la petite tour à l’orient, où était un pont-levis, datait peut-être de cette première époque. Une butte à peu près ronde située au bout de la terrrasse actuelle, et dont la base schisteuse est naturelle, a peut-être servi d'avancée, à moins qu'elle n'ait été la motte féodale, dont pourtant le procès-verbal de 1656 ne fait, pas mention. Elle était baignée, au moins de deux côtés, par la rivière, dont le cours n'était pas comme aujourd'hui en ligne droite. Je n'ai pas fait fouiller son sommet, qui aplati, s'élève à cinq mètres environ au-dessus du sol environnant, et semble formé de terre rapportée.
Il n'existe pas de pièce donnant la date de la construction des galeries, non plus que celle du portail dit la voûte, encore intact, dont l'ornementation emploie le granit et l'ardoise. Il est possible qu'ils n'aient été exécutés que sous Henri lV, après la paix, un peu avant la période où le château atteignit tout son éclat.
J'ai essayé dans le plan ci-joint de montrer ce qu'était le Bordage et ce qui en reste. La vue cavalière, représente le château et ses environs, tels qu’ils pouvaient être au commencement du dix-septième siècle.
Le procès-verbal dressé en 1656 contient quelques erreurs, et n'est pas d'ailleurs toujours très clair ; un examen attentif des lieux et la lecture de certaines pièces m'ont permis de faire quelques constatations qui modifient en plusieurs parties les notes que j'avais données en 1891.
Des fouilles faites au bout du long mur de l'est pour découvrir la manière dont la galerie communiquait au donjon ont fait retrouver un peu en dehors de cette galerie un mur large de 1m 90, obliquant vers l’est et qui pouvait se relier à une avancée de forme ronde revêtue de pierres que les ouvriers ont trouvée en creusant un fossé. Mais rien ne m’a indiqué comment pouvait se faire la communication.
Une autre fouille pratiquée pour chercher l’endroit précis où passait la muraille du sud a mis au jours, à une profondeur de 1m 50, un mur épais de 1m 40, parallèle au grand mur de l’ouest ; en le suivant on a découvert des parements de forme ronde, à une profondeur de 1m 90 : c’était une tour dont le côté extérieur donnant sur le fossé avait une épaisseur de deux métres ; à environ trois mètres de profondeur, on a constaté la présence de vase de rivière. L’intérieur de la tour était de cinq mètres exactement. Le procès-verbal de 1656 ne fait pas mention de cette tour qui faisait peut-être partie du premier château, et pouvait avoir été rasée avant le milieu du dix-septième siècle, si l’on en juge par la date de quelques pièces de monnaie qu’on y a trouvées.
J’ai voulu me rendre compte de ce que pouvaient être les Galeries à l'est. Une sonde a fait découvrir les fondations, reposant sur le sol naturel, d'un mur en pierres ordinaires ; à droite et à gauche le sol n'avait pas été remué, ce qui exclut, tout au moins pour cette partie, l'hypothèse de caves : celles- ci sont pourtant expressément mentionnées dans l'inventaire de 1656 ; quant à la largeur, elle doit être comptée de dehors en dehors ; de dedans on dedans, elle n'est que de 5m,90 ; s’il y avait un couloir il ne devait être moindre de 1m,10 ; l'intérieur n'avait plus que 4m,60 ou 4m,70, ce qui ne donnait pas des pièces bien larges ; s'il n'y avait pas de couloirs, plusieurs des pièces devaient se commander. On peut supposer un escalier à l'extrémité sud, un au milieu correspondant à la porte, encore existant, de la tour ouvrant sur le jardin, et un au nord intact, dit escalier de pierres, qui mêne au premier étage à une grande baie par laquelle on pénétrait au premier étage de la galerie.
Deux fouilles au pied du long mur, au-dessus de deux pierres plus grosses, dont une taillée, ont amené la constatation de deux vides sous la maconnerie, ressemblant à de petits foyers ; mais il n'y avait aucune trace de cheminée ; et ce n’était pas, comme le veut la tradition, l’entrée du souterrain qui du Bordage serait allé au château de Saint-Aubin-du-Cormier à huit kilomètres de là.
Les fondations de la tour du jardin à l’est, au premier étage de laquelle s’ouvrait un pont-levis, ont été retrouvées à 80 centimètres au-dessous de la couche de terre et de débris qui recouvre les anciennes murailles et les fossés du côté de l’est ; sur une partie le parement en pierres échantillonnées était bien conservé ; l'épaisseur du mur était de 1m30 ; dans l'épaisseur était pratiqué vers le milieu était un trou à angle droit mesurant 0m,50 sur 0m,60 ; une pierre du côté de l’intérieur présentait une échancrure ronde ; fouillé à 0m,80, on y a trouvé une sorte de vase ; en tenant compte de l’épaisseur des terres rapportées, on se trouvait alors à une profondeur sensiblement égale au niveau moyen de l’eau dans les douves.
La Tour aux chiens (à l'ouest), la seule qui soit encore débout bien qu'en partie ruinée, avait en 1843 sa plate-forme, qui était bombée, et laissait les eaux s'écouler par des gargouilles en pierres : l'une d'elles est encore visible : elle n'avait pas trois étages comme le dit l'Inventaire. Elle comprenait au rez-de-chaussée une salle basse voûtée en pierres et encore assez bien conservée, ainsi que sa cheminée et les réduits pratiqués dans l'épaisseur du mur pour les gardes. L'enduit des voûtes est tombé sur le sol et a formé une sorte de petite grève sableuse couverte d'eau en hiver, mais qui, l'été, est complètement sèche. 0n assure dans le pays que l’on voit toujours sur ce sol des empreintes de petits souliers à mailles, qui se croisent comme à la danse : c'est la trace des lutins qui viennent y danser la nuit. Un escalier de pierre, actuellement obstrué par un éboulement conduisait à une salle paraissant très haute, avec une voûte dont on voit encore les amorces dans le mur du Nord ; un esalier, disparu, conduisait sur la plate-forme.
L’alvéole du fossé de la tour au bout de la terrasse au sud-ouest est encore bien marquée. Aimé Joulaud, ancien domestique au Bordage, âgé de 65 ans, qui m’a donné ls détails ci-dessus relatifs à la Tour aux chiens, m'a dit qu'en 1843 la base de cette tour du sud-ouest qu'on appelait la Fuie était encore très apparente.
La tour de l’orient a été démolie vers 1852 ; la base est encore visible ; suivant la tradition, dans l'une de ses salles se tenait prêche des huguenots ; les fouilles faites par ma belle-mère ont améné la découverte de quelques pierres sculptées (du quinzième siècle) ; en creusant la douve, on a trouvé, dans une sorte de marine bleuâtre, des ossements : des tibias, péronés, deux ou trois vertèbres ; quelques-uns sont couverts d’une sorte d’enduit bleu de cobalt, comme s’ils avaient été peints. On avait cru d'abord que certains pouvaient être des ossements humains ; un examen plus attentif a montré qu’il s’agissait d’os de cervidés.
Henri Louapre qui tient à bail depuis 18 ans la ferme du Bordage m'a dit que dans le jardin on trouvait les débris d’un mur, et le seuil d'une porte ; ils sont dans le prolongement d'une ligne droite qui aboutirait à la tour qui fut le château primitif.
« Les quatre longues et larges avenues au-devant de la première entrée du costé du septentrion » ne désignent pas les avenues parallèles au château ni celles qui les coupaient en croix vers le pont d'Ercé mais une avenue perpendiculaire à l'entrée du château.
Il y avait à l'occident et parallèlement à la rabine de l’Epine trois rangées de chênes, ce qui formait quatre avenues jusqu’aux Cocardiaux, qui devaient être plantées en quinconces, puisque c'est l'acquéreur qui a comblé les caves où devaient être plantés de jeunes chênes. Voilà les quatre avenues qui véritablement étaient vis-à-vis et au nord de l'entrée du Bordage (Mémoire à consulter pour MM. Guyot, 1845).
Bien que le terrain qu'elles occupaient ait été modifié par des clôtures, il est assez facile de reconstituer cette avenue dont le profil est encore conservé par endroits jusqu’aux Cocardiaux ; à travers cette grande pièce, on reconnaît avec un peu d'attention l'endroit où elle passait ; en labourant on y rencontre encore, vers le milieu des pierres qui ont servi à la paver.
Le procès-verbal de 1636 ne parle pas des autres avenues ou rabines, dont le milieu était occupé par un chemin ; et qui avaient une longueur de 3800 sur 20 mètres de large. Il y en avait quatre : N. O. Rabine des Tiroirs (chemin vicinal d'Ercé à Gahard). S. O. Rabine d’Ercé au Pont ; E. Rabine du Pont-Creux ; O (chemin vicinal d’Ercé à Gosné) ; O. Rabine au Coq (chemin vicinal d’Ercé à Saint-Aubin d’Aubigné), larges de 50 à 60 pieds ; elles étaient en 1793 toutes plantées des deux côtés de jeunnes chênes (Requête au préfet du 4 janvier 1844).
Un arrêt de la Cour royale de Rennes du 28 novembre 1836 rendu contre la commune d’Ercé, avait reconnu que M. de Montbourcher n’avait cessé d’être propriétaire des avennues ; un procès s’ensuivit en 1845, et une descente de justice eut lieu en juin de cette année.
Les premiers juges qui avaient vu les lieux s’étaient prononcés contre les prétentions de M. de Montbourcher. C'est la lecture du procès-verbal de 1656 qui avait amené les juges d'office à rendre leur arrêt. Le jeu de Paume, vaste espace vague, fut enclos par M. Guyot (Lettre de MM. Guyot au préfet 4 janvier 1844).
Les bois de décoration furent abattus par le duc de Coigny avant la vente du Bordage à M. de Montbourcher en 1788 ; depuis la Chesnaye et le Loup-Pendu furent enclos de talus pour protéger la renaissance des chênes ; la partie dite les Cocardiaux et les Aulnerays où existe dans la partie basse la fontaine murée, dite du Petit-Bonnet, et d'où venait l'eau au Bordage par des canaux souterrains, étaient encore déclos en 1793 (Mémoire à consulter pour MM. Guyot, 1845).
C'est vraisemblablement dans un des bois abattus par le duc de Coigny qu'était le chêne dit : Quenouille à Madame, qui est resté légendaire. Le grand-père d'Aimé Joulaud, qui assista à sa chute, disait qu'on fut obligé de le scier en trois tronçons, chacun d'eux était si gros qu'il fallut le mettre sur deux charrettes.
Les avenues sur la route étaient encore plantées en 1843 ; elles allaient du Pont-Creux au haut de la Rabine au Coq ; à l'extrémité étaient deux énormes chênes qu'on voyait de très loin ; il y avait une rangée d’arbres sur les talus et une entre la banquette et roule.
Le Bordage a été pendant plusieurs siècles possédé par des militaires, les Montbourcher et les Coigny, et il fut sans doute visité par leurs compagnons d’armes, les Coligny, les Montbarot, etc. Il a eu aussi pour hôtes, en outre des ministres protestants, un certain nombre de personnes qui se rattachent au monde des lettres ou des sciences. Il est vraisemblable que Noël du Fail qui, plus d’une fois, parle de pays très voisins, et qui demeurait à une petite distance, y vint quelquefois. Le poète Gentil Bernard y accompagna peut-être le duc de Coigny dont il était secrétaire ; Chateaubrind, qui, d’après la tradition, étant à Lande-Ronde chez son ami M. Dupetitbois, et chez ses tantes à la Secardais, en Mézières, allait lire et méditer sous la chaîne des rochers de la Haute-Sève, dut visiter plusieurs fois une demeure qui pouvait lui rappeler Combourg, et dont il devait d’ailleurs connaître les possesseurs.
C'est au Bordage, dans une réunion de chasseurs, que fut décidé l’envoi à Béranger, alors détenu à Sainte-Pélagie, du gibier qui lui fit écrire comme remerciement la chanson bien connue :
Grâce à votre bourriche pleine
De gibier digne d'un glouton.
L'économiste Yves Guyot, ministre des travaux publics de 1889 à 1892, y venait passer ses vacances chez son père ; l'éminent géologue, Marie Rouault, fit avec lui nombre d'excursions dans les environs, où l’on rencontre d'abondants et curieux fossiles, et s'il m'est permis de faire intervenir ici un souvenir personnel, c'est au Bordage, où je me suis marié en 1875, que j'ai commencé à recueillir les contes, les Chansons populaires et les superstitions de la Haute-Bretagne.
(Paul Sébillot).
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