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CAHIER DE DOLÉANCES DE ÉPINIAC EN 1789

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Subdélégation de Dol. — Département d'Ille-et-Vilaine, arrondissement de Saint-Malo, canton de Dol.
POPULATION. — En 1793, 1.537 habitants (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L).
CAPITATION. — Total en 1770, 1.449 l. 19 s. 1 d., se décomposant ainsi : capitation, 989 l. 10 ; 21 d. p. l. de la capitation, 86 l. 11 s. 7 d. ; milice, 131 l. 18 s. ; casernement, 241 l. 19 s. 6 d. (Ibid., C 3981). — Total en 1778, 1.657 l. 5 s. 10 d. ; 380 articles, dont 159 inférieurs à 3 l. et 15 avec domestiques (Ibid., C 3982). Total en 1788, 1.639 l. 9 s. (Registres des délibérations de la Commission diocésaine de Dol, Ibid., série C).
VINGTIÈMES. — En 1787, 1.535 l. 14 s.
FOUAGES. — 15 feux 1/2. — Fouagee extraordinaires, 319 l. 4 s. 2 d.
OGÉE. — A 2 lieues au S.-E. de Dol et à 9 lieues de Rennes. —1.400 communiants. — Les terres de ce territoire sont fertiles en grains, lin, chanvre et fruits ; on y voit des prairies et des landes.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 3 avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Jean Bertrand, premier délibérant de l'assemblée, « par le refus qu'ont fait maître Renoul, sénéchal, et maître Corvaisier, procureur fiscal, de se rendre aux divers avertissements qui leur en a été faite (sic) à plusieurs reprises ». — Comparants : Bonhomme ; Mathurin Lévêque ; Julien Benoist ; J. Teillier ; Joseph Lévêque ; Mathurin Daumer ; G. Lenoir ; Jacques Martel (?) ; Yves Gringoire ; Mathurin Collet ; Claude Flaux ; Jan Sorel ; Joseph Punelle ; Jan Sorette ; François Gomelé ; Sebire de Bellenoë fils ; Pierre Lévesque, syndic ; P. Roaselin ; Jean Picot ; J. Boullet ; Julien Normant ; Jean Poupart, secrétaire. — Députés : Gilles-François Sebire de Bellenoë fils ; Jean Bertrand. — Les comparants chargent leurs députés de porter le cahier « à l'assemblée qui se tient à Dol ce jour 3 avril devant M. Pasquier, sénéchal de la juridiction, et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires à effst de les représenter en ladite assemblée pour toutes les opérations prescrites par l'ordonnance de M. le sénéchal de Rennes ».

 

Cahier des remontrances, griefs et doléances du général de la paroisse d'Epiniac, le 3 avril 1789.

SIRE,

[1] Depuis la fondation de la Monarchie, vos peuples gémissent sous le poids de la tyrannie féodale. Les Rois, vos aïeux, dont nous ne prononçons point encore les noms sans attendrissement, avaient en vain tenté divers moyens pour nous ôter le joug sous lequel nous sommes oppressés. C'est à Votre Majesté qu'il était réservé de nous en affranchir tout-à-fait ; votre nom, Sire, sera consigné dans tous les fastes du peuple breton, en tête de ceux de vos prédécesseurs dont nous avons éprouvé les plus grandes bontés. Vous aurez plus fait pour nous, Sire, que tous les Rois, les conquérants cités dans l'histoire n'ont fait pour leurs peuples.

C'est de vous que nous avons reçu le titre de citoyens. Croyez que votre nom sera béni de nos générations les plus reculées ; et le ministre sage, intègre, et dont les lumières étendues prouvent si bien la sagacité de votre jugement, sera révéré de nos neveux comme un nouveau Mécène.

[2] Demander à être assimilés par la forme du règlement aux autres provinces de France, telles que le Dauphiné [Note : Les titres que nous imprimons en italique sont inscrits dans les marges du cahier]. — C'est en vain que la noblesse de Bretagne s'est si hautement et si ouvertement opposée aux volontés de Votre Majesté en refusant de se soumettre aux nouveaux règlements qui nous assimilaient aux autres provinces de votre royaume, telles, que le Dauphiné [Note : Ces quatre derniers mots ont été ajoutés en interligne, de la même main que le contexte].

C'est en vain qu'elle réclame notre ancienne constitution ; puisque Votre Majesté daigne nous tendre une main secourable, nous sortirons de l'affreuse aristocratie dans laquelle on nous tenait, sous le vain prétexte de, privilèges de la Nation.

Tel est le vœu des laboureurs de votre royaume; ils sont les premières victimes du pouvoir de leurs seigneurs, soit par leurs vexations personnelles, soit par le ministère d'une juridiction qui leur est presque toujours entièrement dévouée.

[3] Suppression de toutes les basses juridictions. — Puisque Votre Majesté nous permet de porter jusqu'au pied de son trône nos trop justes doléances, qu'il vous plaise donc, Sire, ordonner la suppression de toutes les basses juridictions. C'est de Votre Majesté que nous réclamons la justice, et ce n'est que d'elle que nous voulons la tenir (voir la note qui suit).

Note : D'après l'état de 1766, les juridictions de Malchapt, de la Higourdaye et du Lorier s'exerçaient dans la paroisse d'Epiniac (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1818). L'abbaye de la Vieuville avait aussi le droit de haute, moyenne et basse justice à Epiniac (Ibid., 1 H 3/38, fonds de la Vieuville).

Quelle foule d'abus, quels frais n'occasionnent point cette multiplicité de tribunaux, devant lesquels nous sommes forcés de porter nos réclamations avant de parvenir jusqu'à vous ! Tel est particulièrement le diocèse de Dol ; il mérite une réclamation particulière à cet égard.

[4] Etablissernent d'une barre royale à Dol. — S'il plaît à Votre Majesté nous accorder cette suppression, qu'elle daigne considérer que nous sommes éloignés de plus de cinq lieues de toutes barres royales, et qu'un nouvel établissement à Dol serait de la plus grande utilité pour faciliter aux plaideurs le recours aux tribunaux supérieurs.

[5] Etablissement des grands bailliages. — L'établissement des grands bailliages nous semble encore, Sire, d'une très grande utilité (voir la note 1 qui suit) ; que la vénalité des charges soit abolie et que la noblesse n'ait plus le droit exclusif d'être admise dans les tribunaux supérieurs. Quels inconvénients n'entraîne point avec lui un Parlement tout noble ! Les malheurs du 26 janvier ne les ont que trop prouvés. Est-ce dans le siècle où nous vivons, sous le règne de Votre Majesté, que les titres de noblesse et l'or d'un gentilhomme doivent le faire déclarer capable de rendre la justice et souvent dans un âge où les lois lui permettent à peine la libre disposition de son patrimoine (voir la note 2 qui suit) ?

Note 1 : Il y a ici une allusion évidente à la création des grands bailliages institués par l'édit de mai 1788.

Note 2 : Au cours du XVIIIème siècle le nombre des dispenses d’âge accordées pour l’acquisition de charge au Parlement de Bretagne a été de plus en plus considérable, et plus de la moitié des magistrats en avait profité. Voy. Fréd. SAULNIER, Le Parlement de Bretagne, Introduction, pp. XXVIII-XXIX, et A. LE MOY, Le Parlement de Bretagne et le pouvoir royal au XVIIIème siècle, Introducction, pp. 3-51.

C’est depuis la scission entre les différents ordres de l'Etat qu’on s’est bien aperçu dans les divers rapports des affaires combien le secours des avocats leur était nécessaire, et que lui seul avait fait la réputation de ceux dont on admirait le plus les plaidoiries. Puisque les avocats faisaient leur ouvrage, pourqnoi ne leur pas confier le dépôt de nos lois? Oui, Sire ; c'est le corps des avocats que nous croyons devoir charger de choisir, parmi ses membres les plus éclairés, ceux qui doivent remplir les places vacantes dans les grands bailliages, sans avoir égard à l'âge, au rang de réception, etc., pour peu que le sujet ait exercé comme juge pendant un an dans les barres royales, ou pendant huit ans comme avocat.

[6] Suppression de la corvée. Péages sur les grands chemins. — Combien nous gémissons du cruel impôt de la corvée et particulièrement dans cette paroisse ! Nous sommes obligés d'aller à trois lieues de nos foyers arroser de nos sueurs un grand chemin dont jamais nous n'avons fait usage (voir la note qui suit). Les nobles, qui sont les premiers et presque les seuls à en recueillir les avantages, sont les seuls exempts ; ils ont toujours employé les sophismes et leur prépondérance dans les Etats pour arrêter nos réclamations à cet égard ; ils ont toujours prétendu que, si nous n'usions pas les grands chemins, nos denrées acquéraient un plus haut prix par la facilité de l'exportation. Mais est-ce à trois lieues dans les terres que nous pouvons sentir ces avantages ? Les nobles ne sont-ils pas possesseurs de la plus grande partie des bois de la province et des autres denrées qui acquièrent une plus grande valeur par la commodité des charrois ? Il nous semblerait plus juste que ceux qui usent les chemins fissent les frais de les entretenir, et, pour y parvenir, on pourrait établir des péages aux entrées des villes et des bourgs, où l'on serait taxé suivant le nombre de chevaux dont les voitures ou charrettes qui y entreraient seraient attelés.

Note : En 1788, la tâche d'Epiniac, sur la route de Dol à Fougères, était de 1.425 toises, et son centre se trouvait à 1 lieue 1/2 du clocher ; elle était notée comme « mal réparée » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883).

[7] Suppression des francs-fiefs. — La suppression des francs-fiefs doit encore entrer dans les vues bienfaisantes de Votre Majesté. Un pareil impôt, et que nous osons nommer désastreux par lui-même, un pareil impôt nous rappelle tous les vingt ans, à chaque mutation, l’avilissement des anciens serfs, qui ne pouvaient posséder de terre, lorsqu'elle avait appartenu à un seigneur, sans en payer le rachat. Dans un siècle éclairé comme celui où nous vivons ; dans le moment où Votre Majesté veut nous tirer du néant, nous donner l'existence de citoyens, dans un temps où l'élévation de nos âmes nous permet d'en prendre le titre, non, Sire, vous ne nous forcerez point à rougir en nous retraçant l'abjection de nos pères. Dans cette malheureuse paroisse, les trois quarts des biens possédés par les roturiers sont sujets aux francs-fiefs.

[8] Egale répartition des impôts.  L'égale répartition des impôts augmentera sensiblement les revenus de l'Etat. Combien le cœur paternel de Votre Majesté gémira, quand elle saura qu'un paysan, qui n'a que le champ qu'il a reçu de ses pères pour subsister, paie sur ce champ la dîme, les vingtièmes, les francs-fiefs, que ce malheureux paysan est encore imposé au rôle de la capitation et paie proportionnellement à son revenu net environ dix-huit fois plus que son seigneur, qui nage dans l'abondance ! De là le découragement des cultivateurs et la misère qui les dévore ; ne devrait-il pas être enjoint aux égailleurs de la capitation d'observer les charges et les taxes que le laboureur paie déjà à l'Etat pour le décharger à leur rôle ? Cet impôt n'a-t-il pas été mis pour que le particulier qui a sa fortune dans son coffre, celui dont le revenu est en constituts, paie à l'Etat une imposition égale aux cultivateurs ?

[9] Suppression des droits de chasse. — Ah ! Sire, cambia le malheureux cultivateur est vexé, sur combien de points il a à réclamer votre justice ! La chasse est encore une des branches de la tyrannie féodale ; le paysan voit la nuit les garennes de son seigneur se dépeupler pour ravager ses récoltes, ses suretières (voir la note qui suit) ; les pigeons pendant le jour tombent par milliers sur la terre qu'il vient d'ensemencer ; les lièvres broutent son blé, viennent dévorer le peu de légumes qu'il élève pour ne pas manger son pain sec ; il faut qu'il souffre tous ces maux, qu'il fasse l'abandon du morceau de pain qui doit le nourrir le lendemain, lui et sa malheureuse famille, pour ne point troubler les plaisirs d'un être semblable à lui, mais que la nature a fait gentilhomme. Une nouvelle loi plus forte que celles qui existent, en permettant la destruction des animaux qui dévastent nos récoltes, pourrait en même temps les défendre contre les dommages des chasseurs inconsidérés.

Note : Nom donné dans les pays d'Avranches et de Dol aux pépinières de pommiers non greffés. Voy. le Dictionnaire de LITTRÉ, art. Suretière, et Ch. LECOMTE, Contribution à l'étude des littératures orales, tome I, Le parler dolois, Paris. Champion, 1910, in 8°, p. 190.

[10] Tarif affiché dans les contrôles. — Si nous sommes vexés par nos seigneurs, nous ne le sommes pas moins par les gens qui, au nom de Votre Majesté, ont quelques taxes à percevoir. Nous attendons de votre bonté que vous ferez afficher dans vos contrôles un tarif pour les contrôles et insinuations. Votre Majesté n'imaginera jamais jusqu'où vont les monopoles qui s'y exercent en son nom.

[11] Impôt sur le luxe. — Toutes les impositions retombent entièrement sur le pauvre. Nous croyons que la plus grande partie des impôts serait mieux placée sur les objets de luxe ; nous voudrions que le nombre de carrosses ou autres voitures, la quantité de laquais, le nombre de chevaux, un magnifique hôtel payassent en proportion de la vanité qu'on y attache.

[12] Suppression des cinq grosses fermes. — La suppression des cinq grosses fermes nous paraît encore, Sire, un objet digne de l'amour paternel de Votre Majesté pour ses peuples. Sur qui tombe une pareille imposition ? C'est encore, hélas ! sur le pauvre. C'est lui qui ne boit aucune liqueur que chez les débitants ; c'est lui pour qui le besoin de prendre du tabac est devenu une nécessité presqu'aussi pressante que le pain.

[13] Suppression des ordres religieux qui ne font aucunes fonctions curiales. — Pour remplir le déficit qu'une pareille réforme mettrait dans les coffres de l’Etat, nous pouvons vous indiquer un moyen efficace : c'est la suppression totale ou réforme considérable [Note :  Les mots « totale ou réforme considérable » ont été ajoutés en marge et en interligne, de la même main que le contexte] des ordres religieux qui ne sont d'aucune utilité à vos peuples, qui ne font aucunes fonctions curiales, et dont les revenus sont immenses ; ils ne servent le plus souvent qu'à mettre le désordre et fomenter le libertinage dans les campagnes ; on pourrait assigner une pension viagère à chaque religieux en le sécularisant et vendre leurs possessions pour remplir le déficit, car nous regardons comme plus avantageux au Gouvernement de les mettre en mouvance que de les régir (voir la note qui suit).

Note : Le chapitre de Dol possédait dans la paroisse d'Epiniac les deux fiefs de Saint-Lazare et de la Croix de Pierre (fonds du chapitre de Dol, Arch. d’Ille-et-Vilaine, G 318 et 359) ; il y possédait aussi les traits de Villetrone (affermé 709 l. 7 s. 6 d.), de Villeroux (affermé 704 l. 7 s. 6 d.), de la Fresnaye (affermé 452 l. 16 s. 3 d.) ; à l'évêque appartenait le trait de la Grivaye et la Cherulaye, affermé 600 l. ; le 4ème vicariat de Dol avait un trait de dîme affermé 50 l. (Registre de déclarations du bureau des domaines de Dol, fol. 5 et 15 v°, Ibid., série Q). Au collège de Rennes, à cause du prieuré de Brégain, appartenait le trait de Mort-à-Cœur (Ibid., D 5). — Mais le principal propriétaire ecclésiastique d'Epiniac était l'abbaye de la Vieuville : elle y possédait la maison conventuelle et ses dépendances, le bois de la Vieuville et de la Bigotière, contenant 53 arpents 67 perches ; la métairie de la Porte, affermée à moitié et produisant 500 l. ; le moulin à seigle, d'un revenu de 550 l. ; des pièces de terre et prés, produisant 450 l. ; la métairie de la Bigotière, affermée à moitié, 500 l., deux maisons, affermées 130 et 21 l. ; la dîme de Pellan, affermée 500 l. Les vassaux devaient à l'abbaye 140 boisseaux de froment, mesure de Dol, soit 700 l. ; le rôle du bailliage d'Epiniac produisait 28 l. 2 s. 3 d. ; les rentes par deniers amendables, 7 s. 9 ; les vassaux donnaient encore 2 poules, 6 poulets, 3 chapons, soit 4 l. 10 s. ; le bois abandonné de la Panneraye était affermé 9 l. (Registre de déclarations du bureau des domaines de Dol. fol. 21. Cf. GUILL0TIN DE CORSON, Pouillé, t. II, pp. 767 et sqq.) — L'abbaye de la Vieuville avait de nombreux tenanciers dans la paroisse d'Epiniac (fonds de la Vieuville, Arch. d’Ille-et-Vilaine, 1 H 3/38. — Le recteur d'Epiniac déclarait, en 1790, un revenu de 890 l., savoir : un trait de dîme, 350 l. ; une portion congrue de 230 l. ; 48 boisseaux de seigle que lui devaient le chapitre et l'évêque de Dol, 242 l. ; le dîmes navales et d'agneaux, 50 l. ; le presbytère et ses dépendances, 60 l. Ses charges s'élevaient à 432 l., dont 350 l. pour la pension de son vicaire, 50 l. pour les réparations du presbytère, 31 l. 6 s. pour les décimes (Registre des déclarations du bureau des domaines de Dol, fol. 25 v°, Ibid., série Q, et GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., t. IV, p. 553). Aux 230 l. de supplément de pension congrue, distribuée au recteur, le chapitre de Dol contribuait pour 126 l. 7 s. ; l'évêque de Dol, pour 45 l. 10 s. ; l'abbaye de la Vieuville, pour 52 l. 15 s. ; la fabrique, pour 3 l. 16 s d. ; le prieuré de Brégain, pour 1 l. 11 s. 6 d. (Déclarations, papiers du district de Dol, Arch. d’Ille-et-Vilaine, série L).

[14] Franchissement des rentes féodales. — Puisque Votre Majesté veut nous tirer entièrement du servage, ordonnez donc encore, Sire, que les rentes féodales seront franchissables au denier quarante, sans que les seigneurs séculiers ou réguliers puissent le refuser (voir la note qui suit).

Note : Plusieurs seigneuries possédaient des fiefs et percevaient des droits seigneuriaux dans la paroisse d'Epiniac : le chapitre de Dol, duquel dépendaient les fiefs de Saint-Lazare et de la Croix de Pierre (Voy. fonds du chapitre de Dol. Arch. d'Ille-et-Vilaine, G 318 et 359) ; l'abbaye de la Vieuville (Ibid., 1 H 3/38) ; la seigneurie de la Mancellière, à laquelle appartenaient les fiefs de Cadran ou Malchat et de Longueville (Fonds de la Mancellière, liasses Epiniac, Ibid., série E) ; la seigneurie de la Corbonnais, dont relevaient les bailliages de Saint-Marc, du Breil et de la Gromillais (Fonds de la Corbonnais, Ibid., série E). Enfin la seigneurie de Combour et le comté de Landal avaient aussi des fiefs en Epiniac (GUILLOTIN DE CORSON, Les grandes seigneuries, t. II, pp. 137 et 227). — Les rentes levées par ces diverses seigneuries consistent en deniers, poules, et surtout en froment ; mais les aveux et les terriers mentionnent aussi des rentes en avoine grosse et menue ; les tenanciers, pour leurs rentes en nature, sont soumis au devoir de portage : voy, notamment le terrier du fief de Cadran (Fonds de la Corbonnais) : ce dernier terrier nous donne le total des rentes prélevées : 19 boisseaux 1 godet 2/3 1/8 de froment, 2 boisseaux 4 godets 1/6 d’avoine menue, 3 chapons 1/2 et 4 poules 1/9 1/12.

[15] Liberté de la presse. — La liberté de la presse est encore un objet de réclamation pour nous. Que peut craindre Votre Majesté en l'accordant aux vœux de son peuple ? Ce n'est pas vous, Sire, qui devez la redouter ; ce n'est pas le vertueux républicain, ni les autres ministres qui vous entourent ; ce sont ceux qui ont un intérêt à ce que le peuple ne soit point instruit de ses droits, qui veulent l'opprimer et ne lui laisser aucune voix de réclamation, aucun moyen de faire parvenir ses plaintes au pied du trône.

[16] Abolition du droit de fumage. — Notre paroisse gémit sous un droit encore plus onéreux que bien d'autres. Un seigneur prétend que ses vassaux lui doivent deux boisseaux d'avoine, parce qu'il tient de ses aïeux que le droit de fumage, c'est-à-dire de chaque cheminée, doit être payé. Mais ses aïeux fournissaient à nos pères deux cordes de bois par feu ; ils ont cessé de les payer, et la rente a toujours subsisté.

[17] Suppression du droit des petits moulins à blé noir. — Le droit appelé les petits moulins prouvera encore à Votre Majesté combien nous sommes opprimés et combien un Parlement tout noble nous est contraire. Nous avons déjà voulu secouer un joug aussi odieux que celui qui nous soumet à payer pour la nourriture grossière que nous apprêtons chez nous et que dans tous autres pays, où la misère n'est pas extrême, on abandonne aux bestiaux. Mais la prépondérance des nobles dans le Parlement nous a toujours fait tomber sous le coup dont nous avions voulu nous dégager.

[18] Liberté de moudre son blé à tel ou tel moulin. — L'assujettissement d'aller moudre son blé à tel ou tel moulin nous fait sentir encore bien vivement le poids de la tyrannie. Un de nos membres aura un moulin à sa porte, dont le meunier est honnête homme ; ce n'est pas celui de son seigneur ; il faudra qu'il porte son blé à deux lieues..., et là, parce qu'il est forcé d’y aller, on le pillera (voir la note qui suit).

Note : Les tenanciers de l'abbaye de le Vieuville étaient astreints à la banalité de son moulin (Fonds de la Vieuville, Arch. d’Ille-et-Vilaine, 1 H 3/38) ; l’abbaye possédait à Epiniac un moulin à seigle, affermé 550 l. (Déclarations du bureau des domaines de Dol, Ibid., série Q). — Les vassaux de la seigneurie de la Mancellière sont tenus, comme le déclarent les aveux, de suivre le moulin de la seigneurie sous la banlieue et de faire le curage des bieds du moulin de la Lande ; ce moulin, d’après l’acte d’exponse de la veuve du meunier Louis Tual, en 1662, rapportait un rente de 36 boissseaux de froment au seigneur (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E, fonds de la Mancellière). Les tenanciers de la seigneurie de la Corbonnais sont astreints aussi à la banalité des moulins (Ibid., fonds de la Corbonnais).

[19] Abolition des dîmes vertes. — La possession de quarante ans dans les dîmes vertes devrait-elle faire loi contre un malheureux paysan qui n'a aucun moyen de réclamation ? Et le général d'une paroisse, faute de trouver un soutien, paie le dixième de ses vêtements, car les moutons y sont compris (voir la note qui suit).

Note : Le recteur d’Epiniac avait, en effet, la dîme des agneaux : voy. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. IV, pp. 553.

[20] Que la jouissance des communs et gallois soit accordée à la paroisse. — Nous implorons encore le secours de Votre Majesté pour être affermis dans la posseion où nous sommes de mener paître nos bestiaux dans les landes et gallois relevant de divers seigneurs, contenus dans cette paroisse, et qui font la richesse du pauvre. On a tenté plusieurs fois de les cultiver, mais inutilement, et même les terres qui les bornent prouvent assez que le blé n'y pourra jamais réussir (voir la note qui suit).

Note : Les aveux de la seigneurie de la Mancellière et de la seigneurie de la Corbonnais portent que tous les vassaux ont la jouissance des « communs et gallois » de la seigneurie (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E). — Nous voyons, d’après la déclaration des revenus de l’abbaye de la Vieuville, que celle-ci, en 1789, avait afféagé des landes à Francois Plessix (Ibid., série Q, Déclarations du bureau des domaines de Dol fol. 21). Nous trouvons aussi dans le fonds de la Mancellière quelques actes d’afféagement isolés.

[21] Abolition des coutumes et péages des foires. — Les coutumes et péages des foires sont exorbitants et vexent encore les malheureux paysans qui vont vendre le revenu de leurs bestiaux, leurs bestiaux eux-mêmes, pour s'acquitter des rentes féodales qu'une mauvaise année les a mis hors d'état de payer (voir la note qui suit). Ne serait-il pas de toute justice que de pareils droits fussent abolis ?

Note : Il s’agit peut-être des droits de coutumes, que le comte de Landal percevait sur les quatre foires et sur le marché hebdomadaire qu’il tenait à La Boussac, Voy. GUILLOTIN DE CORSON, Les grandes seigneuries, t. II, 228, et le cahier de doléances de la Boussac.

[20 signatures, dont celle du président Bertrand].

 

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DÉLIBÉRATION du 7 décembre 1788.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, E).

Le général adhère à la délibération de la communauté de la ville de Dol du 19 novembre 1788, présentée par Jean Sorette, trésorier en charge de la paroisse.

[14 signatures].

(H. E. Sée).

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