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CONSTRUCTION DE LA TOUR D'ELVEN

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En 1861, M. Arrondeau  écrit que le château de Largoet, « démantelé par les troupes françaises, pendant les guerres qui précédèrent la réunion de la Bretagne à la France, fut restauré vers 1491 par le maréchal de Vieux. C'est de cette époque que date la construction du donjon encore debout, que l'on désigne habituellement sous le nom de Tour d'Elven ».

Château de Largoët à Elven (Bretagne).

En 1861, il était difficile d'être plus précis. Mais depuis ce temps, une partie des archives de la seigneurie de Largoet est arrivée au dépôt de Vannes ; j'y ai fait récemment quelques recherches, et je me fais un plaisir de vous en communiquer le résultat.

J'affirme, et je me propose de le prouver, que la tour principale d'Elven, la tour octogonale, la tour à six ou sept étages, est antérieure à l'invasion française de 1487. En effet, dans les comptes du receveur de la châtellenie, en 1481, nous trouvons la note suivante :

« Pour le feur et marché fait ovecques François Hoeslart et Pierre Le Moès de faire tous les gons et barres de vollans en la chambre de Madame, au premier estaige de la grosse tour du dit chasteau, y mettre trous soliveaulx et une fenestre ; — et ou segond estaige, en la salle de Monseigneur, deux fenestres croésées et une demye croésée, et en sa chambre abiller la fenestre croésée ; — et ou tiers estaige de la dite tour, en la garde-robe de Madamoiseile, deux fenêtres ; — et au quart estaige, en la garde-robe de Mgr d'Acerac abiller la fenestre croésée et demye croésée, et en sa chambre faire une fenestre de demye croésée ; — et au Ve estaige, en la chambre de Pierres de Rieux, mettre sept soliveaulx, et en la chappelle du d. chasteau mettre deux fenestres ; — et au solier au dessus de la d. chambre fault tout réparer de soliveaulx, et en l'estaige sur la d. chapelle faire deux grandes fenestres ; — et en l'estaige desur le plom seix soliveaulx et une grande fenestre à la garde-robe, et en la prouchaine chambre quatre soliveaulx et une fenestre ; — et au hault estaige d'icelui chasteau deux soliveaulx ; ... et sur le grant vir (escalier) du d. chasteau quinze petites fenestres, et sur le petit vir faire fenestres par autant qu'il en sera mestier... Et tout ce faire pour la somme de trente livres monnoie, oultre leur bailler le boays et fournir de cordes à lever le dit boays et soliveaulx) ».

La simple énumération des étages prouve bien qu'il s'agit ici de la grosse tour et non de la petite. Il s'ensuit qu'elle existait déjà en 1481. Bien plus, les réparations faites à cette époque prouvent qu'elle est d'une date antérieure. C'est ce qu'indique encore cet autre article du compte :

« A Olivier Michiel, pour avoir pavé et cymenté sur la grosse tour du chasteau d'Elven, ou lieu de la coupverture de plom qui y souloit estre et auxi pour avoir fait de neuff la voulte d'une grande fenestre estante en la dite grosse tour, au susain estage d'icelle... XXXII livres, XVII sols VI deniers ».

Le compte précité offre encore un autre renseignement : c'est la mention de la famille seigneuriale et la façon dont elle était casée dans le donjon. Au premier étage était la chambre de Madame ; cette dame était Françoise Reguenel ou de Malestroit, née en 1447, mariée en 1462 à Jean IV de Rieux, et devenue en 1470, par la mort de son père, baronne de Malestroit et dame de Largoet ; elle mourut en cette même année 1481. Au second étage était la chambre de Monseigneur, c'est-à-dire de Jean IV, seigneur de Rieux et de Rochefort, baron d'Ancenis, vicomte de Donges, comte d'Aumale, et de plus, par sa femme, baron de Malestroit et seigneur de Largoet. Au troisième étage était Mademoiselle, c'est-à-dire Françoise de Rieux, fille unique des précédents, laquelle recueillit les seigneuries de Malestroit, de Derval, de Châteaugiron, ... épousa vers 1486 François de Laval, baron de Châteaubriant, et mourut en 1532. Mgr d'Asserac était François de Rieux, frère puiné du Maréchal, mort sans alliance. Pierre de Rieux, logé au cinquième étage, était leur plus jeune frère.

En reprenant les comptes de Largoet, qui malheureusement présentent de regrettables lacunes, on trouve que la grosse tour de 1481 existait déjà en 1475. « A Jehan Chevalier et Jehan Le Cazdre, couvreurs d'ardoises, pour ung feur fait ovecques eulx, le 24e jour de septembre 1475 de faire les réparations de couverture au chasteau d'Elven, savoir, de la grosse tour, les galeries, la cuisine, le portal, les mésons à l'environ, les estables, les granges, la chapelle, et es endroitz où besoign en estoit, XXVIII livres X sols ».

Ainsi, en 1475, la couverture de la grosse tour avait déjà plusieurs années d'existence, puisqu'on y faisait des réparations considérables. — Depuis combien de temps existait- elle ? Depuis 5 ans ? Depuis 10 ans ? Depuis 15 ans ? — Nous l'ignorons, parce que les comptes antérieurs nous font défaut. En prenant une durée moyenne de dix ans, nous remontons à l'année 1465.

Or à cette époque vivait Jean Raguenel, baron de Malestroit, vicomte de la Bellière, seigneur de Largoet, maréchal de Bretagne, et beau-père du sire de Rieux-Rochefort. C'était un grand constructeur : c'est lui qui fit bâtir les murs de la ville de Malestroit en 1463 ; il pourrait bien avoir aussi construit la grosse tour d'Elven. Ce qui semble confirmer cette conjecture c'est le caractère architectural de l'édifice, qui accuse la seconde moitié du XVème siècle, suivant l'avis des hommes les plus compétents. La largeur des fenêtres, la régularité et la beauté de l'appareil, l'absence des voûtes pour soutenir les étages, enfin l'emploi simultané du plein cintre et de l'ogive, tels sont les arguments allégués par M. Mérimée et autres à l'appui de cette opinion. D'ailleurs la forme des portes de communication dans l'intérieur du donjon, caractérisée par deux modillons supportant le linteau, se retrouve exactement semblable dans les galeries de la nef de la cathédrale de Vannes. Or cette nef a été construite de 1454 à 1476. On peut donc, sans témérité, conclure que le donjon d'Elven est de la même époque. Et comme Jean Raguenel est mort le 24 décembre 1470, on a un point fixe, au dessous duquel on ne saurait descendre.

Ainsi, en résumé, la construction de la grosse tour paraît devoir se placer entre 1460 et 1470. Peut-être un jour trouvera-t-on un document qui permettra d'être plus précis. Le constructeur a tenu à signer lui-même son oeuvre ; sur un linteau de cheminée, dans une pièce latérale, au bas dut donjon, on voit encore l'écusson de Malestroit à dix besants, 4, 3, 2, 1. Il est vrai que l'écusson de Rieux est le même, sauf pour les couleurs ; mais la question chronologique élucidée ci-dessus empêche toute confusion.

C'est dans cette tour, resplendissante de jeunesse, que fut enfermé, en 1474, le comte de Richemont qui devint ensuite roi d'Angleterre sous le nom de Henri VII.

C'est dans cette tour que nous avons vu faire diverses réparations en 1475, pendant le séjour du susdit prisonnier.

C'est dans cette tour que nous avons vu séjourner, en 1481, la famille de Jean IV de Rieux.

C'est dans cette tour enfin et dans le reste du château que les Français, ayant envahi la Bretagne en 1487, commirent d'importants dégats.

Mais en quoi consistaient ces dégats — La duchesse Anne nous l'apprend dans une lettre du 9 août 1490 : « … Pour récompenser le sire de Rieux, en quelque manière, des pertes qu'il a souffertes de la part des François qui ont brulé et rasé ses places et châteaux d'Ancenis, Rieux, Rochefort, Elven, et autres maisons ; à icelui, pour ces causes, avons accordé la somme de cent mille écus d'or, que nous voulons et ordonnons estre prise sur nos revenus de Nantes ... » (Pr. III. 474).

Les mots brulé et rasé, appliqués sans distinction aux divers châteaux du sire de Rieux, doivent être interprétés par l'histoire. Ainsi nous savons que le château d'Ancenis fut démoli et rasé (D. Morice H. II. 180). Mais le château d'Elven fut simplement brûlé : les planchers et la toiture furent détruits, mais les murs restèrent à peu près intacts.

En effet les comptes de la seigneurie pour 1494 et 1495 mentionnent « le feur et marché fait ovecques Pierres Dréan, Pierres Le Chantour Jehan N. et checun, de faire et fournir le nombre de cent souliveaux, et iceulx guynder et asseoir en la tour dudit lieu d'Elven, et acoursir des vieulx souliveaux y estans, et les asseoir en la dite tour, ... selon l'absolvement du d. feur, daté du 17e jour de janvier 1495 ; payé 33 l. 15s.

Item, payé pour le cherroy de cinquante chertées des d. soliveaux, de les amener de la forest de Brohun au d. chasteau, pour chacune chertée 3 sols 4 deniers ; somme 8 l. 6 s. 8 d. ».

Une note, insérée dans ce compte, mentionne une somme de 24 l 10 s. restée sans paiement dans l'exercice précédent (1492 et 1493) ; ce qui prouve que les travaux exécutés en 1494 et 1495 n'étaient, pas les premiers, et que la restauration du château a dû commencer dès 1491, c'est-à-dire aussitôt après la réception de l'indemnité allouée par la duchesse Anne.

Les travaux partiels de charpenterie et de menuiserie n'étaient pas les seuls ; il y avait aussi ceux de ferronnerie :

« Le 25ème jour de may l'an 1494, fut fait feur et marché avecques Pierre Richard, claveurier, pour faire et fournir au chasteau d'Elven le nombre de cleffs, claveures et ferreures cy amprès déclérées, savoir :

A la grant porte du d. chasteau une grosse claveure à bosse, avecques ung grant crampon pour fermer la d. claveure, ung couroil à mettre sur la barre de la d. porte, avecques une claveure à bosse par dedans, et une chaisne de fer de deux piez de long pour prendre le pont leveix et le fermer.

Item pour la petite porte, le corps d'une claveure à bosse.

Item, pour une petite poterne, joignant la d. grant porte, deux barres et une grande claveure à bosse à gauche.

Item, sur une autre poterne, donnant sur l'estang, deux barres de troys piez, et une claveure à bosse à gauche. .

Item, à l'huys de fer (de la grosse tour), ung huisset de fer de quatre longières de deux piez de long, et troys traverses de ung piez et demy de long checune, et au d. huisset une claveure à bosse fermante à gauche, outre deux grosses charnières pour tenir le d. huisset ; et, pour le d. grant huys de fer une grande claveure à bosse à gauche, avecques un grant couroil de fer au hault d'iceluy grant huys.

Item, au grant huys, à l'entrée du vir (grand escalier en spirale) deux paumelles et une claveure treffière à dextre, et sur le dit huys ung couroil par dedans.

Item, sur l'huys de la chambre basse de la d. tour, deux grosses paumelles renforcées, avecques une grosse claveure treffière à gauche, et un grant couroil par dedans.

Item, en la d. chambre basse, en l'huys en entrant au petit vir ung courouillet à dextre à fermer le d. huys par dedans.

Et en la garde robe de la chambre basse, une grosse claveure treffière à dextre, et ung courouillet par dedans.

Et en l'huys du retrait d'icelle chambre, pour ce que le d, retrait servira à prinson quant mestier en sera, une grosse claveure à bosse, avec deux barres tenantes chacune deux grants piez ».

Suivent des détails absolument semblables, et par conséquent inutiles à reproduire, pour les serrures des portes, dans les chambres et les cabinets du premier étage, du second, du troisième, du quatrième, du cinquième, et du sixième. Payé pour le tout 58 livres.

Outre la prison, située au bas de la tour, sorte de cachot dépourvu de lumière, il y avait d'autres prisons au sommet de l’édifice, sous les combles, C'est là du moins que le mémoire précité semble les placer, car après avoir parlé du sixième étage, il ajoute :

« Item, sur les deux huys des deux prinsons, deux grosses claveures à bosse, avecques quatre grosses barres doubles, de deux piez troys doiz de long. Item, une barre sur la fenestre de la prinson nommée Katherine, de deux piez troys doiz de long ».

Du reste la justice seigneuriale ne chômait pas, malgré les travaux qui se faisaient au château.

« Payé pour l'exécution d'un nommé Alain Le Bar, sentencié et exécuté par mort au gibet d'Elven, suivant la relation d'Alain Baud, séneschal, du 2e juign 1494… 11. l. 11 s. 10 d.

Item, pour l'exécution d'un nommé Guillaume Regnaud, condampné par la court de Largoet, trayné et pendu en une potence près le manoir du Pargo, le 5e jour de février 1495 ».

Le maréchal de Rieux aimait le séjour de Largoet, et il y amenait souvent sa famille ; il y perdit même en 1495 sa seconde femme Claude de Maillé, suffoquée par un feu accidentel. Quand il mourut le 9 février 1518 (N. S. 1519), le château d'Elven fut recueilli par son fils Claude I, et en 1532 par son petit-fils Claude II. L'aveu, rendu l'année suivante, cite « le chasteau et forteresse d'Elven, o ses tours et cernes, machicouleix, pont-levis, basses courts, jardrins estang et retenue d'eau, avecques le parc d'environ, cerné de murailles, au debvoir de guet, pennaiges de pestes, frosts et appartenances ».

Pendant le reste du XVIème siècle, le château fut suffisamment entretenu. Un gentilhomme, appelé tantôt capitaine tantôt gouverneur, y tenait la place du seigneur. En 1594 les registres de baptêmes d'Elven nous font voir que la tour servit de refuge à plusieurs familles nobles du voisinage, qui craignaient les ravages causés tantôt par les Ligueurs tantôt par leurs adversaires.

Plus tard ce château, délaissé par ses propriétaires, subit les ravages du temps, perdit sa toiture, puis ses planchers, et devint la ruine grandiose que nous contemplons encore aujourd'hui avec étonnement.

Les murs sont si solidement bâtis, qu'ils ont résisté jusqu'ici aux efforts de la pluie, de la tempête, et de l'homme lui-même. Qui nous donnera un nouveau maréchal de Rieux, pour restaurer ces belles ruines, et leur rendre leur Antique splendeur ?.

M. l'abbé LE MENÉ.

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