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LA DUCHESSE D'ELBOEUF

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LA DUCHESSE D'ELBOEUF DERNIÈRE BARONNE DE ROSTRENEN.

Autrefois chef-lieu d'une importante baronnie qui comprenait une douzaine de paroisses, la ville de Rostrenen, située au centre de la Basse-Bretagne, se réduisait à quelques petites rues groupées à l'ombre de son antique forteresse, dominées par le haut clocher de sa belle église collégiale.

Les seigneurs barons de Rostrenen, portant « d'hermine à trois fasces de gueules », et, comme devise : « Oultre », ont laissé grand renom de noblesse et de vaillance, et figurent glorieusement dans les fastes de notre histoire de Bretagne. Mais, du vieux château-fort, il ne reste plus rien !. La ville, qui a gagné en étendue et en importance, en a fait, sous ses rues et ses places publiques, disparaître les derniers vestiges.

L'église, ancienne chapelle du château, a aussi perdu sa superbe flèche qui, menaçant ruine, dut être abattue en 1770. Elle a du moins conservé son célèbre pèlerinage qui attire chaque année, le 15 août, la foule des dévots de Notre-Dame de Rostrenen, dont le buste miraculeux fut découvert en l'année 1300.

Non loin de cette église, aujourd'hui paroissiale, se trouve le vaste bâtiment qui a remplacé l'ancien château et fut, jusqu'à la Révolution, la résidence des nobles seigneurs de Rostrenen quand ils séjournaient dans leurs terres.

Ce nouveau château avait été reconstruit, en partie, en 1760, par la dernière baronne de Rostrenen qui fut « Très haute, très-puissante et très-excellente princesse Innocente-Catherine de Rougé [Note : De Rougé du Plessis-Bellière : « De gueules à la croix pattée et alésée d'argent » (sceau de 1276), aliàs « écartelé de Derval » (sceau de 1352). (Généalogies Chérin. Manuscrit. Bibliothèque Richelieu, (vol. 179. Chérin)] du Plessis-Bellière, marquise du Fay, baronne de Rostrenen et de Vienne-le-Châlel, dame de Glomel, Paule, Mezle et Moëllou ; épouse non communière des biens de Son Altesse très haut, très puissent et très excellent prince Monseigneur Emmanuel-Maurice de Lorraine duc d'Elboeuf, Pair de France ». Ainsi est elle qualifiée dans les archives de la baronnie de Rostrenen [Histoire de la Baronnie de Rostrenen (Comtesse du Laz)].

Innocente-Catherine de Rougé, fille de Jean-Gilles de Rougé, marquis du Plessis-Bellière et de Florimonde-Renée de Lantivy, naquit le 28 décembre 1707. Elle passa une partie de sa jeunesse « au monastère des Filles de Saint-Thomas, cartier de la rue Vivienns, paroisse de Saint-Eustache à Paris » (Registres paroissiaux de Rostrenen, bans de mariages).

C'est là qu'elle résidait encore à l'époque de son mariage avec Jean-Sébastien de Kerhoënt, seigneur marquis de Coëtanfao, qu'elle épousa à Paris le 2 mai 1720. Il mourut sans enfant le 9 avril 1744.

La marquise de Kerhoënt se remaria, le 6 juin 1747, avec Son Altesse Emmanuel-Maurice de Lorraine duc d'Elboeuf, second pair héréditaire de France, né en 1677 fils de S. A. Charles de Lorraine IIIème duc d'Elboeuf, pair héréditaire de France, gouverneur de Picardie et de Montreuil, et de la deuxième de ses trois femmes, Elisabeth de la Tour du Bouillon. Il mourut aussi sans enfant, en 1703, le 14 août (Comtesse du Laz, Histoire de la Baronnie de Rostrenen).

Comme membre de la Maison de Lorraine, le duc d'Elboeuf avait droit au titre de prince ; c'est pourquoi Innocente Catherine était, tour à tour, nommée duchesse et princesse d'Elboeuf.

C'était comme on le voit, une personnalité d'importance que Madame la Princesse d'Elboeuf, et son arrivée au château de Rostrenen faisait événement dans la contrée. Dès qu'apparaissaient à l'horizon, sur les hauteurs du Miniou, son carrosse et ceux de sa suite, précédés de gens de livrée à cheval, faisant voler la poussière du grand chemin, tout le peuple de Rostrenen se portait à sa rencontre. En tête du cortège marchaient Monsieur le Doyen de la collégiale, les procureurs, notaires, sergents de la baronnie ; Monsieur le sénéchal chargé de haranguer Son Altesse Sérénissime comme on disait alors, et de célébrer, en vers, ou en prose dithyrambique, son retour tant désiré dans sa bonne ville de Rostrenen.

La baronne y faisait une entrée triomphale, au milieu des acclamations ; descendait la rue du Bourg-Coz, entourée d'une nuée de mendiants, accourus de fort loin pour la circonstance, qui se pressaient sous les roues de son carrosse, tandis que des laquais, en livrée brillante, répandaient une pluie d'argent et de menue monnaie en criant : « Largesses ! Largesses ! de Madame la princesse d'Elboeuf ! » [Note : Nous tenons ce récit d'un vieillard, mort aujourd'hui, à qui sa mère, contemporaine de la duchesse d'Elboeuf, a souvent raconté son arrivée à Rostrenen].

Les cloches de la collégiale sonnaient à toute volée, remplissant les airs de leur joyeux carillon, jusqu'à ce que la baronne de Rostrenen fût entrée dans son château.

Tout s'animait alors dans la grande demeure, où commençait bientôt le défilé de la noblesse du voisinage, venant faire sa cour à la châtelaine de Rostrenen, dont le retour devenait l'occasion des plus brillantes réunions, en cette ville et dans les environs.

Les seigneurs de Trégarantec [Note : Trégarantec est situé à deux lieues et demie de Rostrenen] étaient des mieux accueillis de la duchesse, en leur qualité de parents et héritiers éventuels d'une partie de son immense fortune, qu'elle tenait des Jégou de Kervillio par son aïeule Françoiset-Pétronille Jégou de Kervillio, épouse de Henri-François de Rougé, mort en 1692, père et mère de Jean-Gilles de Rougé (Comtesse du Laz, Histoire de la Baronnie de Rostrenen).

Cet héritage manqua du reste aux Jégou du Laz par suite de la Révolution.

Le retour de la princesse d'Elboeuf, en sa baronnie de Rostrenen, dut être particulièrement fêté en 1784. On avait, en effet, désespéré de l'y revoir jamais, lorsqu'elle eut, en 1777, vendu pour 725.000 livres, au prince de Guémené, duc de Montbazon, tous ses droits sur la baronnie de Rostrenen.

Mais par suite de la célèbre catastrophe financière de son fils, Henri-Louis-Marie, prince de Rohan, dont le déficit s'éleva, dit-on, à trente-quatre millions, le nouveau baron de Rostrenen demanda l'annulation du contrat de 1777 et la duchesse d'Elboeuf rentra solennellement, le 29 avril 1783, dans la possession de son bien, selon l'annonce faite à l'audience de la juridiction de Rostrenen.

Ce ne fut que pour peu de temps, car elle trouva bientôt un nouvel acquéreur, Claude-François Gicquel, chevalier, comte du Nédo, qui en prit à son tour possession, avec toutes les formalités d'usage, au mois d'août 1785, et fut le dernier baron de Rostrenen. Le contrat est daté du 28 avril 1785 [Note : La duchesse habitait alors à Paris, rue Saint-Nicaise, paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois].

La duchesse y vint, en 1784, pour la dernière fois, croyons-nous, et son départ définitif laissa un grand vide dans le coeur de tous ceux qui avaient joui de ses relations. Bonne et bienfaisante pour les malheureux qui l'avaient surnommée la « mère des pauvres », elle se plaisait à rendre service à tout le monde. Elle encouragea et soutint, au début de sa carrière artistique, le jeune Olivier-Stanislas Perrin, fils de son ancien procureur fiscal, Joseph Perrin et de Catherine Bigeon. Peintre et habile dessinateur il devint, par la suite, l'une des plus pures gloires de Rostrenen sa ville natale.

Les lignes suivantes, extraites de l'intéressant et savant ouvrage de Madame la Comtesse du Laz [Note : Descendante des seigneurs de Trégarantec, par son mari, fils de Joseph-Bonabes, comte du Laz], sur « l'Histoire de la baronnie de Rostrenen », vont nous apprendre ce que devint, pendant la Révolution, la bienfaisante duchesse. Sa charité bien connue à Moreuil, comme à Rostrenen, lui sauva la vie dans ces temps de trouble, et fut sa meilleure sauvegarde durant son séjour dans ses terres de Picardie.

Au mois de décembre 1783, la duchesse d'Elboeuf était à Paris et habitait son hôtel, place du Carrousel. Elle y passa l'affreux hiver 1788-1789.

A la fin de juillet 1789, effrayée des horreurs qui se passaient autour d’elle, elle sollicita, de son district des Feuillants, la permission de quitter Paris pour se rendre à son château de Moreuil en Picardie. Ayant obtenu des passeports, elle sortit de la ville, à sept heures du matin, voyageant dans son carrosse avec ses deux premières femmes et son maître d'hôtel, accompagnée d'une deuxième voiture qui contenait ses officiers, cuisiniers etc. et de deux gens de livrée à cheval.

Malgré l'effervescence qui régnait partout et la curiosité que pouvait attirer sur elle ce train un peu considérable dans un temps si troublé, elle ne fut inquiétée dans ce voyage qu'à une dizaine de lieues de Moreuil.

Dénoncée à l'hôtel de ville de Saint-Just, on voulait la retenir et lui faire un mauvais parti. Heureusement les gens du pays, découvrant qu'il s'agissait de la Duchesse d'Elboeuf, et qu'elle se trouvait dans le premier carrosse, s'empressèrent de la protéger et, entourant sa voiture, se mirent à crier : « Vive la mère des pauvres ! ». Ces bonnes gens obtinrent qu'on la laissât partir sans l'inquiéter davantage, et l'escortèrent jusqu'à Moreuil, où elle passa tranquillement le reste de l'année 1789.

Le samedi dix-sept décembre de cette même année, elle écrit à une amie que les impôts et les charges de toute nature la mettent, malgré sa grande fortune, dans un tel état de gène qu'il lui serait impossible d'y suffire si elle n'y mettait la plus stricte économie.

Mais, dit-elle, « je me suis réduite à la plus exacte solitude. Je me nourris de vache, de mauvais veau, de mouton à six sous la livre, et de l'eau à foison. Je ne joue pas. Je me revêts de petit taffetas en hiver et de toile de Jouy dans les autres saisons. Mais si tout autre que mes ennemis ne peut manquer d'avoir pitié de mon changement de fortune, il est très vrai que le vôtre est pour moi un réel chagrin ».

La duchesse d'Elboeuf rentra à Paris le 29 février 1790, avec le projet d'y passer le reste du Carême et de repartir immédiatement pour Moreuil, après avoir fait ses Pâques. En effet, elle y était établie le 15 avril et les premiers mois de son séjour s'y passèrent tranquillement.

Vers le 6 ou 7 août on abattit les poteaux armoriés de la seigneurerie de Moreuil, et une foule nombreuse et malintentionnée, se porta au château et envahît les cours, demandant, avec des cris féroces, qu'on lui livrât l'homme d'affaires pour le pendre. Elle défendit énergiquement cet homme, parlementa avec le peuple et, à force de courage et d énergie, parvint à le sauver et à dominer l'émeute.

Le 19 mars 1791, elle revint â Paris et y resta quelques mois, mais, effrayée de ce qui se passait, espérant, comme on faisait alors, que les puissances étrangères mettraient sous peu un terme à tant de malheurs et voulant se mettre à l'abri, en attendant un temps meilleur, elle se décida à se retirer à Tournay, où elle arriva le 28 septembre 1791.

Cette ville était pleine d'émigrés ; elle y passa quelques mois tranquille et fort entourée. Mais au commencement de mars 1792, en apprenant le décret contre les émigrés et la confiscation de leurs biens, elle se décida à rentrer en France et arriva à Paris le 14 mars 1792.

Il était temps : ses biens de Bretagne et de Champagne venaient d'être saisis. Elle fit une opposition, mais les mois qui s'écoulaient ne lui apportaient plus que le spectacle des malheurs publics et, pour elle, d'incalculables désastres de fortune. Elle supporta tout avec courage et résignation à la volonté de Dieu et ne quitta plus Paris jusqu'à sa mort, arrivée le 17 février 1794.

Dans une lettre écrite les derniers jours de sa vie elle s'exprime ainsi : « Je me porte mieux que jamais. Je ne sors pas de mon appartement. Je me suis faite enfin à cette vie qui m'a d'abord coûté, car j'aimais la société. On me traite aussi avec bien de l'humanité. Nous ne sommes ici qu'une douzaine de vieillards des deux sexes, à qui on ne parle ni de prison ni de gardiens. C'est qu'on sait bien que nous n'avons sûrement pas le désir d'émigrer. Donnez de mes nouvelles à mes amies etc.... ».

Elle mourut dans sa 88ème année à l'hôtel d'Elboeuf qu'elle n'avait cessé d'habiter. Comme on était alors en pleine Terreur, personne de sa famille ne se trouvait à Paris et le lieu de sa sépulture est resté ignoré (J. Baudry).

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