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LE DOYENNÉ DE SAINT-JOUAN-DE-L'ISLE

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Le doyenné de Saint-Jouan-de-l'Isle a eu bien à souffrir ; non seulement il a eu des confesseurs de la foi, mais il a fourni des martyrs pour la religion.

De tous les prêtres qui figurent sur les registres en 1790 et 1792, comme recteurs, curés ou prêtres résidant dans les paroisses du canton, un seul a failli, c'est M. Nouvel, recteur de Plumaugat. Un seul curé constitutionnel a été nommé dans le doyenné par l'évêque Jacob, c'est le citoyen curé Ferté. Nous avons la preuve de cette nomination dans la minute d'un bail qui se trouve au notariat de Saint-Jouan. Cette minute est ainsi conçue : « En 1793, Mathurine Hautbois, veuve Ferté, demeurant en la ville de Jugon et mère du citoyen Jacques-René Ferté, curé constitutionnel de Caulnes, afferme à Jean Marabœuf, marchand boucher, des bâtiments et un petit jardin situés près de la chaussée du petit étang de Jugon ». Mme Ferté habitait Caulnes avec son fils, lorsqu'elle fit rédiger ce bail par un notaire de Saint-Jouan.

 

SAINT-J0UAN-DE-L'ISLE.

M. Huet de la Madochère était recteur ; M. Charnal, curé, M. Robert, curé pour la commune de la Chapelle-Blanche, alors trève de Saint-Jouan.

Que devint M. Huet de la Madochère, nous l'ignorons. Lorsque le culte fut rétabli, on appela les enfants nés de 1791 à 1800, leurs parents, leurs parrains et marraines vivants, pour constater s'ils avaient reçu le baptême et de qui. Dans ces registres, nous trouvons M. Huet comme ayant fait deux baptêmes en 1792, puis il disparaît complètement pour ne reparaître qu'en 1800. Ce M. Huet, pour des raisons que nous ne connaissons pas, signe, avant la Révolution, J. P. Huet de la Madochère, et quelquefois J. P. Huet, sans autre titre. Après la Révolution, il signe encore J. P. Huet, mais de temps en temps il ajoute : « Brangolo » à son nom. En consultant les registres, en considérant l'écriture et le mode de signer, on voit que ces trois signatures sont du même individu. Voici son acte mortuaire : « Jacques Philippe Huet Brangolo, né à la Chapelle-Blanche, âgé de 78 ans, profession de prêtre, grand curé de Saint-Jouan, décédé le 15 vendémiaire an XIII, était fils légitime de M. Pierre Mathurin Huet et de dame Jacquemine Béchu, tous les deux décédés rentiers ». M. Huet ne prête pas le serment ; pour qu'on le sache, il signe sur les registres, après la Révolution : « prêtre catholique ».

M. Robert, curé de la Chapelle-Blanche, en résidence à Saint-Jouan, eut le bonheur de ne pas voir toutes les horreurs de la Révolution. Il mourut en 1793. « Aujourd'hui, dit le registre des sépultures de la trêve de la Chapelle-Blanche, le 27 fructidor, an II de la République française une et indivisible, sont comparus, en cette maison commune, Pierre Lorand et Mathurin Lorand, demeurant ensemble, à la Ville au Corgne, en cette municipalité, lesquels m'ont déclaré que le nommé Jean Robert, ex-curé de cette dite commune, fils de feu Pierre Robert et de Anne Maheu, de la Chapelle-du-Lou, entra chez eux comme ayant une maladie en forme d'hydropisie ; ce qui lui causait une enflure terrible qui le mettait hors d'état de pouvoir marcher. Il demanda à se reposer ; qu'ils lui avaient répondu que non ; qu'ils avaient ouï dire qu'il était défendu de loger des prêtres. Il leur dit qu'ils ne risquaient rien ; quoiqu'il n'eût pas fait le serment, qu'il était cependant bon patriote, et, qu'en conséquence, il les priait de le laisser un peu tranquille ou bien le porter à enterrer. Après les avoir bien importunés, voyant qu'il était tout à fait moribond, l'ont laissé un peu chez eux sans qu'il eût pu en sortir et il est mort hier au soir, à 10 heures ». Il avait environ 40 ans et avait été curé de la Chapelle-Blanche, de 1785 à 1793.

M. Charnal assiste, en qualité de vicaire de Saint-Jouan, à l'enterrement d'un Guillaume Lamy, personnage important, sans doute, sûrement honnête homme, car plusieurs prêtres des environs sont désignés sur le registre, comme lui ayant rendu les derniers devoirs. M. Charnal se cacha certainement pendant quelque temps aux environs de Saint-Jouan. Voici un fait raconté bien des fois par M. Mégret lui-même, devenu recteur de Caulnes, qui nous le prouve. « Nous n'avions pas mangé depuis deux jours, lorsque nous nous rencontrâmes, Charnal et moi, à la ferme de Dellien (Caulnes). La fermière faisait de la galette. Lorsqu'elle nous reconnut, elle fut un peu effrayée et dit à sa fille de sortir pour veiller aux bleus. — Ce n'est pas tout cela, dit Charnal, j'ai faim ; depuis deux jours mon estomac crie famine, j'en ai la fièvre, vite à manger. La fermière fit alors une galette bien épaisse, mit des oeufs dessus, et, pendant que le tout cuisait, elle nous tira un pichet de cidre. Nous comptions nous régaler ; ah ! bien oui, la fille rentre et crie " les bleus ". Charnal prit le pichet et moi la galette, et nous délogeons par derrière. Les bleus nous avaient devinés, ils accourent et nous poursuivent. C'eut été folie de ne donner qu'un lièvre à poursuivre à ces brigands, nous nous séparâmes ; j'allai me loger dans un tonneau défoncé, au Grand-Busson. Là, je me mis à manger ma galette, mais j'avais soif, je croyais étouffer ; Charnal avait emporté le pichet. Le soir, je le retrouvais, il n'était pas content... Il avait encore faim ».

M. Charnal reparaît dans le pays après la Révolution ; je ne l'ai rencontré sur les registres qu'en 1804, il assistait aux obsèques du vénérable et discret prêtre Guillaume-Anne Berges, recteur de Guitté, avec MM. Kerauffray, desservant de Tréfumel ; Sotinel, prêtre, faisant les fonctions de vicaire de Saint-Jouan-de-l'Isle ; Gendrot, prêtre d'Yvignac, tous trois futurs grands curés de Saint-Jouan. M. Charnal signe « Charnal, prêtre ». M. Charnal fut recteur de Guitté et y mourut en 1821.

M. Sotinel, que nous avons vu plus haut assister aux funérailles de Guillaume Lamy, en 1790, et qui signe prêtre de Saint-Jouan, émigra en 1792 et ne revint qu'après la tourmente révolutionnaire. A son arrivée à Saint-Jouan, il fit les fonctions de vicaire, ainsi que le prouve sa signature à l'enterrement de M. Berges, recteur de Guitté. Il devint grand curé de Saint-Jouan et desservant de la Chapelle-Blanche, en 1817, et mourut à l'âge de 77 ans, le 6 juin 1830.

Il n'y eut pas de curé constitutionnel. En 1793, les saints offices n'étaient plus célébrés dans l'église, ainsi qu'il appert d'un contract de vente où il est formellement dit que : « L'acheteur, devenu propriétaire, doit fournir quatre fois par an le pain bénit, dès qu'il y aura de la messe dans l'église ».

A cette même époque, vint à Saint-Jouan une bande de démolisseurs que la fureur révolutionnaire avait créés pour poursuivre la religion jusque sur les pierres où elle avait imprimé quelques traces. Cette bande voulut loger à l'hôtel de la Croix-Blanche (nommée maison Morel à la fin du XIXème siècle), à l'entrée de la route de Saint-Jouan à Saint-Méen et Vannes ; le maître d'hôtel, Cahurel, refusa, disant qu'il ne logeait pas des brigands. Alors le procureur les conduisit à l'église où se trouvait le tombeau de noble seigneur de Rosmadec. La pierre du tombeau est vite descellée, le corps est mis à découvert et l'on dit que le sieur de Rosmadec avait conservé toutes ses dents, bien qu'il y eût 129 ans depuis son enterrement. Alors, le procureur de la commune ordonne que l'église, monument national, soit débarrassée du corps de ce ci-devant ennemi de la patrie. « Marguilliers, dit-il, sonnez, sonnez les cloches, le diable va sortir de l'église ». Le corps est alors retiré du tombeau et jeté dans une fosse, creusée à la hâte, auprès de la grande porte. Deux des démolisseurs voulurent aussi jeter dehors la pierre tombale, mais cette pierre leur glissa des mains et tomba si malheureusement, qu'ils furent mortellement blessés tous les deux. L'église et le presbytère furent délabrés par les soldats républicains, ainsi que le prouve la demande de secours faite par M. Kerauffray, grand curé de Saint-Jouan en 1812.

Nous n'avons trouvé qu'un cas de divorce ; il eut lieu dans la commune de la Chapelle-Blanche et fut prononcé par l'agent municipal de la commune, le 23 ventôse an V. Le mari était meunier à Morandais, moulin sur rivière de Rance ; la femme était de Pluduno.

La population fut peut-être moins que toute autre privée des secours de la religion pendant la période révolutionnaire. Plusieurs prêtres étaient cachés aux environs. Les bois taillis, les champs de genêts plus hauts que l'homme, leur étaient un abri sûr. Dans un village du nom de « Sur le Pré » était caché M. Alexandre Texier Villeauroux de la paroisse de Quédillac. La nuit, il y disait la sainte messe et y faisait des baptêmes. Un enfant de Julien Ravaudet, père de l'ancien recteur de Saint-Solen, y fut baptisé par ce prêtre, le 24 février 1799. M. Texier avait logement, pendant le jour et souvent pendant la nuit, à l'abri d'une vieille épine, dans un trou creusé au pied et dans lequel on avait mis, pour le rendre moins humide, de vieilles hardes et de la paille. M. Texier, d'après la tradition, passa toute la Révolution dans ce village ; sur les registres de Saint-Jouan, il est marqué comme ayant fait plusieurs baptêmes en 1793, 1794 et 1799.

Un autre prêtre, appelé M. de Launay, désigné par un père de famille comme grand vicaire de Dol, comme prêtre de la Chapelle-Blanche, par Julien Ravaudet, et qui ne signe jamais que « prêtre », fait un grand nombre de baptêmes et de mariages pendant la Révolution. M. de Launay paraît sur les registres dès 1792. Il fait le mariage de Julien Crenais et de Jeanne Henri. « Après la dispense que je leur ai accordée de l'empêchement d'honnêteté publique survenue des fiançailles de la fille de Jeanne Henri avec Julien Crenais, et cela, en vertu du pouvoir que le Saint-Siège nous a délégué, le 10 novembre 1792 ».

M. de Launay était encore à Saint-Jouan en 1800, le 22 mars, et il signe « prêtre catholique ». M. de Launay put échapper aux bleus pendant la Révolution. Il baptise une enfant, Rose-Jeanne Besnard, vers avril 1796. M. de Launay n'est pas mort à Saint-Jouan.

D'autres prêtres ont encore baptisé pendant la Révolution. M. Fescheloche, prêtre, prévôt de la confrérie du Saint-Sacrement à Plumaugat, demeurant au Brettin, village de la susdite commune, baptise une petite fille qui reçut plus tard le supplément des cérémonies du baptême, de M. Eballard, curé du Loscouët. M. Fescheloche paraît pour la dernière fois en 1799.

M. Aubry, prêtre, en 1792 ; M. Saudrais, prêtre, en 1793. M. Denrée, M. Coulombel, M. Gaudin et Mère Angèle sont donnés par les registres de baptême, comme ayant baptisé pendant la tourmente révolutionnaire. Nous n'avons trouvé aucun document sur ces confesseurs de la Foi. Ont-ils été de ces prêtres fusillés par les bleus au coin du bois de la Haie, sur la limite de Caulnes et de Saint-Jouan, au bord de la route nationale de Paris à Brest ? Ont-ils été déportés ? Sont-ils morts privés de tout, même des vêtements les plus indispensables ? — La tradition ne nous donne aucun renseignement à leur sujet. Mais combien sont morts ainsi dans la plus affreuse misère ! En voici encore un exemple.

A la Chapelle-Blanche, le 18 septembre 1793, Pierre Lorand, Mathurin Lorand et Julien Cadet, tous trois demeurant à la Ville au Corgne, déclarèrent à l'officier public, F. Brossais, chargé d'enregistrer les actes civils, « qu'un particulier dont ils ignoraient le nom, étant allé demander à loger chez les dits Pierre et Mathurin Lorand, se disant très malade et les priant de vouloir bien lui accorder la faculté de se reposer chez eux au moins un jour ; les dits Lorand, touchés de la situation dans laquelle se trouvait ce particulier, et, toujours prêts, autant qu'il est en eux, à donner les secours qui sont nécessaires pour soulager leurs frères, le reçurent avec humanité ; que ce particulier est mort hier, à 6 heures du soir, au domicile de ces derniers ; qu'il leur a dit avant sa mort avoir nom Julien Lemoine, prêtre, fils de Charles et de Charlotte Tribalet, de la paroisse de Quédillac, lieu de sa naissance, et qu'il était âgé d'environ 32 ans ».

Les saints Mystères se célébraient au village de Sur-le-Pré, comme nous l'avons dit plus haut ; mais surtout à Kergoët, ferme sur la route de Saint-Jouan à Plumaugat. Les paysans de Plumaugat et de Saint-Jouan se disaient entre eux, le plus bas possible, il y aura de la messe à telle heure, telle nuit, à Kergoët ; et nos pères, ainsi avertis, partaient en silence, à la faveur des ténèbres, faisant de grands détours pour ne pas donner l'éveil. Ils savaient, par les inquisitions domestiques dont les bleus les tourmentaient sans relâche, surtout après la loi, dite des otages, en 1799, combien on en voulait aux prêtres. Ils n'ignoraient pas non plus les paroles du Directoire parlant des prêtres : « Désolez leur patience, environnez-les de votre surveillance, qu'elle les inquiète le jour, qu'elle les trouble la nuit : ne leur donnez pas un moment de répit ». C'est pourquoi des précautions ne leur coûtaient pas à prendre, afin de ne pas livrer leurs bons prêtres.

 

CAULNES.

M. L. Clotteaux était recteur depuis 1755 ; M. Mégret, M. Picouaye, M. Bazil, prieur de Verteuil, étaient curés ; M. Borel était chapelain de Saint-Maure, chapelle de Caulnes sur la route de Dinan à Vannes, à quatre kilomètres de Caulnes. Celte chapelle n'existe plus.

M. Clotteaux exerce publiquement et solennellement son saint ministère jusqu'au 18 décembre 1792, date du dernier baptême fait à l'église. C'est sans doute la présence des Volontaires de l'Ouest à Caulnes ou son grand âge qui a permis à ce recteur de rester si longtemps dans sa paroisse. Le 3 octobre il fait un baptême, et le registre porte en outre de sa signature celles de Rouget, capitaine des Volontaires, et de Guérand, lieutenant. M. Clotteaux avait la réputation d'être un saint prêtre ; il n'a certainement pas prêté serment à la Constitution. M. le recteur de Caulnes fut peut-être conduit à l'abbaye de Saint-Michel où furent entassés plus de 300 prêtres qui n'avaient pu être déportés à cause de leurs infirmités et de leur âge. M. Clotteaux ne reparaît pas à Caulnes après la Révolution.

A partir du 9 septembre 1792, M. Mégret, curé, disparaît complètement. M. Mégret était de grande taille, marchant comme un soldat ; quand il prêchait, il donnait des coups de poing sur la chaire, les auditeurs en tremblaient. Il était d'une force musculaire prodigieuse, et très agile. M. Mégret refuse le serment ; immédiatement il est hors la loi, perd sa qualité de citoyen et est obligé de se cacher. Il eût pu comme tant d'autres s'exiler volontairement, mais son amour des âmes, son grand désir du bien le fit s'exposer même à perdre la vie. Alors commença pour lui une existence bien pénible, la nuit faisant des baptêmes et entendant des confessions, le jour se cachant tantôt à Kergoët (Saint-Jouan), tantôt à Dellien (Caulnes), tantôt dans le bourg de cette paroisse.

A Kergoët il gardait les troupeaux de la ferme. Un jour les bleus vinrent à passer et entrèrent. M. Mégret se chauffait, habillé d'un pantalon de toile grise, tout en guenilles, et d'un paletot également en toile qui laissait passer les coudes. La fermière vit le danger et tout à coup s'adressant à M. Mégret : « Allons, lui dit-elle, es-tu bientôt chauffé, dépêche-toi d'aller voir aux vaches. Ah ! est-il friloux ; allons va vite ». Un bleu fit remarquer qu'il faisait bien froid.... « Il ne sera pas longtemps reprit la fermière, il va revenir bientôt  ». Et s'adressant aux soldats : « Allons, vous, les gars, chauffez-vous ». Le feu pétillait dans l'âtre, le pain leur était servi et le cidre les réchauffait au-dedans. Pendant qu'ils buvaient et mangeaient, M. Mégret ne perdant pas de temps s'échappait à Tropez (Saint-Jouan) où il avait une cachette sûre. Pour cette fois, il était sauvé. Quand les bleus se disposèrent à partir, ils demandèrent bien si la fermière n'avait pas vu le calotin Mégret, mais celle-ci put leur répondre : « Je n'ai pas de prêtre chez moi ». La fermière avait eu de l'à-propos. Une autre fois, M. Mégret se risque à dire la sainte Messe à l'église ; depuis plus d'un an il n'avait eu ce bonheur. M. Charles Villandre la répondait. Mais à peine le précieux sang était-il pris que des soldats républicains sont annoncés. Vite M. Mégret quitte l'autel et va à la sacristie se dépouiller des habits sacerdotaux ; mais que faire de sa soutane ? M. Villandre se montra dans la circonstance un véritable ami ; il donne son habit à M. Mégret et revêt la soutane de ce dernier. « Comment, dit un municipal qui reconnut M. Villandre, tu veux faire le curé, le calotin, ça ne te va guère, sors d'ici et laisse-moi cette défroque. M. Mégret sortit de l'église sans être remarqué. Il était sauvé ». Quelle triste vie que celle de ce prêtre traqué de toutes parts, obligé de coucher souvent au milieu des taillis, exposé à l'intempérie de nuits froides, trop heureux de trouver de temps en temps un grenier, un coin dans la paille pour s'y reposer et dormir.

M. Mégret joua bien d'autres tours aux bleus ; il devait pourtant finir par être pris. Il était caché dans le bourg de Caulnes chez une bonne soeur nommée Marie Baudet. Des apeurés avaient dénoncé M. Mégret et une visite fut faite au domicile de cette bonne fille. Les soldats se retiraient déjà croyant avoir été trompés, lorsqu'en passant sous le porche, ils virent M. Mégret tomber au milieu d'eux. Ah ! cette fois, nous tenons le calotin, dirent ces brigands. Voici ce qui s'était passé : M. Mégret entendant des soldats entrer pour faire une perquisition et craignant que la couche de paille qui le cachait ne fût pas assez épaisse pour le soustraire aux baïonnettes, s'était glissé par un trou sous le porche, et là se tenait aux poutrelles qui existent encore. Les soldats furent trop longtemps à sortir, les bras lui engourdirent, la crampe le prit et il ne put davantage rester accroché. A peine ces soldats l'eurent-ils vu tomber, qu'ils le saisirent au collet et le conduisirent sur la place. La nouvelle de l'arrestation de M. Mégret fut vite connue : des femmes surtout, en grand nombre, entourent le prisonnier, et M. Mégret, qui surpassait tout le monde de la tête, voulut leur donner un dernier enseignement. « Surtout, leur dit-il, ne donnez pas vos enfants à nommer à ces intrus là... ; je reviendrai.... ».

M. Mégret fut déporté à l'île de Ré. En quelle année ? il est assez difficile de le préciser. M. Tresvaux le donne comme ayant été condamné en 1799 : « Mégret, Louis, de Trémeur ou de Caulnes, a été déporté le 30 mai 1799, il avait 38 ans ». Mais la tradition contredit cette assertion. D'après cette tradition, M. Mégret aurait été déporté en 1794 ; il aurait été condamné à mort par le tribunal révolutionnaire ; la chute et la mort de Robespierre le sauvèrent. M. Mégret a raconté lui-même qu'il s'était évadé : « Après avoir attaché mes habits sur ma tête, disait-il, je passai à la nage une grande rivière et je voyageai la nuit pour revenir à Caulnes ». Les registres de la paroisse de Saint-Jouan semblent confirmer cette dernière version contre M. Tresvaux. Nous avons trouvé, en effet, M. Mégret exerçant le saint ministère en 1792, 1793 ; puis après un intervalle de deux ans au moins, il reparaît en 1797, 1799 et 1800. Quoiqu'il en soit, comme il l'avait promis, M. Mégret revint à Caulnes, y fut longtemps recteur, puis il fut nommé curé de Jugon où il est mort. Il préside en qualité de curé de Jugon les funérailles de messire Pierre Sotinel, curé de Saint-Jouan, son ami et confesseur de la foi comme lui.

Personne ne se souvient de M. Picouaye ; ce prêtre est-il revenu à Caulnes, les registres de cette paroisse de 1800 à 1834 ayant été vendus comme vieux papiers, nous n'en savons rien. M. Morel, chapelain de Saint-Maure, ne parait pas être revenu dans son ancienne paroisse. M. Bazil, prieur de Verteuil et curé de Caulnes, s'exila tout, probablement et revint à Caulnes, au village de la Chauffetais, où il est mort. Ces trois prêtres n'ont pas prêté serment.

Pendant la Révolution, après le départ du citoyen curé Ferté, l'église servit de magasin à fourrage ; on y logeait surtout du foin. Le curé constitutionnel ne put rester à Caulnes, il était honni et méprisé. Suivant la recommandation de M. Mégret, les femmes de Caulnes ne voulurent point faire baptiser leurs enfants par l'intrus. M. de Launay est cité comme ayant fait deux baptêmes d'enfants nés à Caulnes, et béni l'union de deux jeunes gens domiciliés de Caulnes.

La tradition raconte qu'un jeune prêtre a été tué par les bleus à la ferme de la Rivière, en Caulnes, ferme appartenant à M. Janvier. Ce jeune prêtre était caché avec M. Mégret dans le grenier de cette ferme, derrière un tas de paille, quand les bleus furent annoncés. M. Mégret dit à son compagnon de rester avec lui, qu'ils étaient aussi bien que possible et que du reste il s'exposait à se faire prendre par les bleus qui arrivaient. Mais ce jeune prêtre, affolé par la peur, n'entendait plus rien ; il se précipite à la gerbière et se prépare à descendre. Il n'était pas à moitié de l'échelle qu'un coup de feu se fit entendre et le jeune prêtre tomba raide mort. Sur les registres de Saint-Jouan, à l'enterrement de Guillaume Lamy dont nous avons parlé plus haut, nous avons trouvé le nom d'un M. Gallant qui signe « diacre ». Ne serait-ce pas lui ?

Les bleus ne se contentaient pas de poursuivre les prêtres dans les fermes ; à Caulnes, ils écoutaient aux portes pour surprendre les conversations délictueuses. C'est ainsi que fut entendue une jeune fille qui, tout en filant au rouet, fredonnait les actes de foi, d'espérance et de charité. « Mon Dieu, disait-elle, je crois fermement que l'Église, — Quoique la nation dise, — Du Saint-Père relèvera —Tant que le monde durera. — Que les évêques qu'elle nomme — N'étant point reconnus de Rome — Sont des intrus, des apostats, — Et les curés des scélérats, — Qui devraient craindre davantage — Un Dieu que leur serment outrage. — J'espère, avant que ce soit peu, — Les apostats verront beau jeu. — Que nous reverrons dans nos chaires — Nos vrais pasteurs, nos vrais vicaires. — Que les intrus disparaîtront, — Que la divine Providence — Qui veille toujours sur la France, — En dépit de la nation — Nous rendra la religion ». Son acte de charité n'était pas si long : « Mon Dieu, disait-elle, conservez nos bons prêtres, cassez la goule aux bleus ». Ceux-ci enfoncèrent alors la porte et châtièrent la pauvre enfant de sa témérité jusqu'à la laisser pour morte.

Nous devons encore citer la mort de Joson Barbier qui demeurait dans la vieille maison qui fait le coin de la place de Caulnes, à droite en sortant de l'église. Joson Barbier était un ennemi de la religion constitutionnelle, il le disait hautement ; mais comme tout le monde l'aimait, personne n'osait le dénoncer. Il le fut pourtant. Les bleus entrent chez lui, et lui demandent de les conduire à Médréac. Joseph Barbier savait que résister était inutile, il les conduit donc, et arrivé auprès du bourg de cette commune, il dit aux soldats : c'est là. Les bleus lui ordonnèrent de creuser une fosse ; puis, la fosse creusée, de se mettre à genoux et de dire son acte de contrition. Quelques instants après il roula dans la fosse qu'il avait creusée de ses mains. Un bleu lui avait tiré son fusil dans l'oreille.

 

GUITTÉ.

M. Berges était prieur de Tréfumel quand il fut nommé au rectorat de Guitté en 1780 ; il s'exila le 16 septembre 1792. — M. Davoine était vicaire avant la Révolution. M. Davoine Pierre, né à Mauron, parent de M. Guillotin, demeura avec ce dernier à Saint-Maden. Il y fit l'école et fut ensuite nommé vicaire à Guitté. M. Davoine, comme son recteur, refusa de prêter serment à la Constitution civile du clergé ; il signa la protestation de Mgr. de Boisgelin et resta tout le temps de la Révolution dans le pays. D'après le registre paroissial, M. Berges s'exila, et son vicaire se cacha aussi. On raconte qu'un prêtre, pendant toute la période révolutionnaire, se cachait dans une grange à la Ville-Chartier en Guitté, tout près des bois de Coëllan. Il passait ses jours entre deux murs en terre, construits parallèlement, éloignés l'un de l'autre d'un peu plus de la grosseur d'un homme. Ces murs montaient jusqu'au plancher, et, la nuit, au moyen d'une échelle, il sortait de sa cachette ; et alors cette grange devenait la demeure de Dieu, et les fidèles avertis et seuls dans le secret, venaient pour s'y réconforter avec le corps et le sang de Notre-Seigneur. C'est dans cette grange que se faisaient les baptêmes et les mariages dont les actes étaient dressés à Guitté par les nommés Allain Dartois et Charles Tual. « En 1793, dit le registre de paroisse, les nommés Allain Dartois et Charles Tual, tous deux membres du conseil général de Guitté et officiers de l'état civil public, rédigèrent les actes de mariages, de baptêmes et de décès ». Les mots « actes de baptèmes » nous paraissent de trop. Il serait étonnant que des officiers publics eussent rédigé les actes de baptêmes faits par des prêtres non assermentés et cachés sur le territoire français malgré les décrets d'expulsion.

M. Berges revint de l'exil après la tourmente révolutionnaire et reprit possession de son rectorat. Affaibli par les privations, il fit peu de ministère. Il mourut à Guitté, au presbyté, le 24 avril 1804. Son acte de décès est ainsi conçu : « Le corps de vénérable et discret prêtre Guillaume-Anne Berges, recteur de cette paroisse, âgé de 77 ans, décédé au presbyté de Guitté le 24 de ce mois, à 8 heures du soir, a été inhumé le 26 avril 1804 en présence de M. Kerauffray, desservant de Tréfumel, Mégret, curé d'office de Caulnes, Sotinel, faisant les fonctions de vicaire de Saint-Jouan-de-l'Isle, Chauchart du Mottay, recteur de Saint-Judoce, Charnal prêtre, Gendrot, prêtre d'Yvignac, Allix prêtre, Briand, vicaire de Plouasne ».

M. Davoine, aussitôt après la Révolution, à la réouverture de l'église de Guitté en 1799, signe curé d'office.

Quand M. Berges fut de retour, il signe curé desservant, prêtre desservant, et il en remplit les fonctions jusqu'en 1806. Alors M. Davoine fut nommé chapelain de Couëllan et fut le premier recteur de la Chapelle-Blanche. Après dix-huit ans passés comme recteur à Plumaudan, âgé de 84 ans, n'y voyant plus, il donna sa démission en 1840 et se retira au Bran, paroisse de la commune de Gaël (Rennes), où il mourut cinq ou six ans après. Son tombeau est à Mauron (Morbihan).

 

SAINT-MADEN.

Le recteur, M. Vincent Guillotin, était né en 1736 à Concoret, aujourd'hui du diocèse de Vannes, mais alors du diocèse de Saint-Malo. Il fut élevé au collège des Jésuites de Rennes où il fit de brillantes études. Le premier acte qu'il signe sur les registres, en qualité de recteur de Saint-Maden, est du 26 avril 1777. Il y resta jusqu'en septembre 1792 ; alors, il fut forcé de prendre le chemin de l'exil car il avait refusé le serment ; de plus il avait signé la protestation (exposition des principes de Mgr. de Boisgelin) contre la Constitution civile du clergé, protestation qui a été imprimée depuis et où on lit son nom et son titre.

Il passa en Angleterre et revint en 1797, dans ce moment où l'on crut que la persécution était finie. En effet, on lit sur les registres de Concoret : « M. Guillotin, prêtre, natif de cette paroisse, recteur de Saint-Maden, revenu depuis quelques jours de son exil en Angleterre où il avait été déporté à cause de serment, a paru à l'église le 18 juillet ». Mais le 14 septembre une sédition ayant eu lieu à Paris et les terroristes ayant eu le dessus, la persécution se ralluma plus violente que jamais. Que devint et que fit M. Guillotin ? Une note dit que M. Guillotin resta caché à Concoret pendant les derniers troubles. En 1801, M. Guillotin revint au milieu de son peuple et y reprit ses fonctions jusqu'au jour de la Fête-Dieu en 1804. Nommé recteur et desservant de Guenroc, il y fut dire sa première grand'messe ce jour là. A son départ, Saint-Maden fut supprimé comme paroisse et annexée à Guenroc. M. Guillotin administra les deux paroisses jusqu'à sa mort, le 23 décembre 1817.

Saint-Maden eut beaucoup à souffrir de la persécution religieuse de la fin du XVIIIème siècle, et des atrocités révolutionnaires qui ensanglantèrent cette malheureuse époque. L'église fut fermée, car on n'y mit point de prêtres jureurs ; elle fut pillée et dépouillée de ses ornements et de ses vases sacrés, ses autels furent renversés et brisés... En partant pour l'Angleterre, M. Guillotin laissa la paroisse richement ornée, mais ainsi que le rapporte le cahier des délibérations de la fabrique (année 1822) : « La Révolution qui avait commencé en 1789 et qui augmenta de jour en jour, obligea et même força Charles Coulombel qui était maire, et les officiers municipaux par ordre de l'administration du district de Dinan, à porter à différentes fois les vases sacrés, lampes, croix, ornements... au district de Dinan. Il ne resta que le drap mortuaire, la bannière... quelques autres meubles de peu d'importance. L'église avait été presque démolie, les autels étaient renversés et brisés, le tout avait été fait par la troupe dans la révolution ».

Les habitants ne donnèrent pas en général dans les idées impies du jour. Plusieurs prirent librement les armes pour la défense de l'autel et du trône. Le château de la Houssaye servit même de quartier général à un détachement de ces volontaires de l'Ouest.

Pendant tout le temps de la persécution, il y eut toujours à Saint-Maden des prêtres non assermentés et fidèles à leur devoir qui administraient les sacrements et que les habitants cachèrent avec le plus grand soin, aucun n'a été pris ni tué. M. Louis-Jean Lecoq, prêtre de Saint-Maden, avait été pris au bourg de Saint-Juvat.

Lors de la Révolution, M. Jean Gendrot, né à Quédillac, était chapelain de la Houssaye, en Saint-Maden, château dont il ne reste plus que les ruines et habité alors par Madame Lambert. Il en desservait les fondations et en même temps faisait les fonctions de vicaire de Guenroc, lorsque la Révolution éclata. Il refusa le serment et passa presque tout le temps de la persécution dans le pays ; souvent, à la suite des royalistes armés, il remplissait auprès d'eux les fonctions d'aumônier. Il était avec eux au château de la Houssaye, lors de l'attaque du 2 février 1796. Il se sauva en sautant par dessus les douves et en entendant les balles siffler à ses oreilles. Une autre fois, il était sorti dans les champs, lorsqu'il rencontra les soldats républicains. Très agile, il se mit à courir pour les éviter. Les bleus tirèrent sur lui, mais le manquèrent. Quand M. Gendrot se vit hors de portée, se détournant à demi et levant les basques de son habit, il leur cria : « Mais tirez donc, imbéciles ». Le Nihil nisi grave.... n'était guère gardé ; mais, vu les circonstances, qui voudrait en faire un reproche à M. Gendrot ? Plus tard, en racontant ce fait, il disait : « Les imbéciles ! c'est par leur faute qu'ils ne me tuèrent pas ; ils tirèrent tous ensemble, si quelques-uns avaient gardé leurs fusils chargés pour tirer les uns après les autres, ils auraient pu me tuer ».

M. Gendrot fut certainement déporté ; je ne sais à quel moment. Mgr. de la Romagère, étant en tournée de confirmation à Saint-Jouan-de-l'Isle, dit du haut de la chaire en parlant de M. Gendrot : « Eh ! mon Dieu, c'est juste, il y a bien longtemps que je connais votre curé, nous étions ensemble sur les pontons de Rochefort ».

Après la Révolution, il signe prêtre d'Yvignac à l'enterrement de M. Berges, recteur de Guitté, mort en 1804. Quelque temps après, il fut nommé recteur de cette paroisse d'Yvignac, et là il eut affaire à un malheureux prêtre qui avait violé ses voeux. M. Cardon s'était marié et quatre filles naquirent de cette union illégitime. Après la Révolution, M. Gendrot lui fit comprendre l'outrage qu'il avait fait à Dieu. Il eut alors horreur de sa conduite et voulut redevenir un bon prêtre. Mais, auparavant, il avait une réparation à faire, il la fit avec courage. M. Cardon monta en chaire après le prône de la grand'messe, fit amende honorable, demanda pardon du scandale qu'il avait donné ; son repentir se traduisit par des larmes abondantes, il sanglotait tellement que M. Gendrot, qui pleurait ainsi que ses paroissiens, dit à M. Cardon : « Mon frère, descendez, vous en avez dit assez ».

M. Gendrot est mort curé de Saint-Jouan-de-l'Isle en 1846.

M. Louis Lecoq, fils de Jean Lecoq et d'Hélène Salomon, né aux Bréhaudais, le 17 avril 1746, figure sur les registres comme diacre le 17 mars 1770. Il fut probablement prêtre l'année suivante. Après avoir accepté certains postes, il revint à Saint-Maden depuis 1781 à 1792 ; il signe assez souvent prêtre officiant. A l'époque de la Révolution, il ne s'exila pas, mais resta dans le pays, caché où il pouvait, offrant les bienfaits de son ministère à ceux qui en avaient besoin. Il fut pris par les agents au bourg de Saint-Juvat, et, d'après la tradition, déporté sur les pontons de Rochefort. On ne sait à quelle époque il fut relâché. Il revint au pays et mourut peu de temps après, des suites de la misère et des mauvais traitements qu'il avait éprouvés, âgé d'environ 57 ans, le 20 novembre 1802 ; il fut enterré à Guenroc où il était mort. Il ne paraît qu'une fois sur les registres de Guenroc, il y fait un mariage par permission de M. Janvier, curé de cette paroisse, en 1801.

 

PLUMAUDAN.

Avant la Révolution, M. Belleville y est doyen-recteur depuis 1787 ; M. Le Bigot, curé. Les registres de 1791 nous signalent la présence d'un M. Allix, prêtre.

Le 18 septembre 1892, M. Belleville passe en Angleterre et y exerce le métier de cordonnier. Après la Révolution, il revient à Plumaudan et y meurt recteur en 1815.

M. Le Bigot partit aussi le 18 septembre 1792, mais il ne revint pas à Plumaudan.

Après le départ du recteur et du curé, la paroisse de Plumaudan fut sous la garde du citoyen Jacques-René Ferté qui devint quelques mois après curé constitutionnel de Caulnes. Il avait déjà sans doute prêté le serment à la Constitution civile du clergé, lorsqu'il signa un baptême le lendemain du départ de M. Belleville. M. Jacques-René Ferté signe prêtre d'Yvignac.

L'église servait d'entrepôt pour le salpêtre. Un prêtre, M. Louis Plesse de Saint-Mirel, fut pris par les bleus à Plumaudan. Il était caché à la Ville-Bouchard, lorsque les soldats républicains y entrèrent pour perquisitionner ; mais ils s'en retournaient déjà, sans avoir rien trouvé, lorsque le rassemblement de femmes qui s'était fait autour de la maison leur donna la persuasion qu'ils n'avaient pas bien cherché et qu'un prêtre était réellement caché là. Ils rentrèrent et M. de Saint-Mirel fut trouvé caché derrière une armoire. Conduit à Dinan pour être jugé, ce prêtre fut relâché sur l'attestation des habitants de cette paroisse, après la mort de Robespierre. Plein de reconnaissance envers eux, il voulut retourner à Plumaudan, y fit des dons à l'église et mourut à Plumaudan en 1849 ou 1850.

M. Allix que nous avons trouvé sur les registres de Plumaudan, est peut-être le même que celui qui signe à l'enterrement de M. Berges, recteur de Guitté, Allix, prêtre.

 

PLUMAUGAT.

M. Antoine Nouvel était recteur de Plumaugat lorsque la Révolution éclata, et il fit le serment à la Constitution civile du clergé. Les habitants de cette paroisse furent indignés de la conduite de leur recteur lorsqu'il l'entendirent prononcer du haut de la chaire la formule de ce serment impie. Ils se levèrent comme un seul homme, dit le registre paroissial, lui reprochant en face l'injure qu'il faisait à la religion catholique. Plusieurs femmes lui criaient : « Pas de serment, M. le recteur ; » un pauvre qui ne vivait que de charité lui cria aussi : « Ne jurez pas, M. le recteur, nous vous nourrirons, j'irai chercher du pain pour vous ». On voulut lui imposer une rétractation, mais il paraît qu'ils n'obtinrent rien de précis ni de rassurant. Ce recteur, couvert de honte, se sauva à la sacristie, à l'aide de quelques militaires qui le mirent à couvert des mauvais traitements qu'il avait à craindre de la population exaspérée.

Une femme, nommée Anne Cholet, se saisit du fusil d'un soldat et le brisa sur la balustrade. « Dieu, lisons-nous dans le registre paroissial, la conserva à cause du bon motif pour lequel elle agissait. Ce fusil était chargé, et, en frappant, elle avait le bout du canon appuyé sur la poitrine ; le coup eût pu partir et la tuer ». La conduite de M. Antoine Nouvel ne nous étonne pas ; dès avant la Révolution, sa vie ne paraît pas avoir été des meilleures ; ainsi M. Fleury, prêtre, né à Plumaugat en 1762 et appelé dom René, fut nommé curé d'office pendant plusieurs années alors que M. Nouvel jouissait du bénéfice, mais n'avait plus de pouvoirs. « Mgr l'Evêque de Saint-Malo refuse de lui en donner pour des raisons à lui connues ».

M. Nouvel fit avant de mourir sa rétractation en présence de plusieurs prêtres et reçut les sacrements de l'Eglise. Le nom de M. Nouvel ne reparaît pas sur les registres à partir du 9 février 1792. Je n'ai pu savoir ce qu'il était devenu depuis cette époque.

Dom René Fleury naquit à la Haterie, Plumaugat. Comme nous l'avons dit plus haut, il fut curé d'office de cette paroisse pendant l'interdit de M. Nouvel, recteur. Lorsque la Révolution éclata, il se cacha, et le lieu le plus ordinaire de sa retraite était la ferme du Frau, du côté de Saint-Enogat (Plumaugat), dans une famille Bourgault. Quand il craignait une visite des bleus, il se retirait sous une broussaille de ronces, dans un champ, à quelque distance. Un jour, une femme qui n'était pas dans le secret, travaillant dans ce champ, l'aperçut ainsi caché. « Oh ! M. le recteur, dit-elle, qu'est-ce que vous faites donc là ? — Tais-toi, répondit M. Fleury, passe ton chemin sans faire attention et ne dis pas que tu m'as vu, tu serais cause de ma mort ». Cette femme se le tint pour dit. Grâce à sa présence d'esprit, M. Fleury put toujours échapper aux bleus. Un jour à midi, Dom René finissait de se faire la barbe, lorsqu'il vit les républicains arriver. Vite il se lave la figure, et, quand les bleus entrèrent, il émiettait de la galette dans les écuelles et demandait à la fermière : « En veux-tu, faut-il t'en mier ? — Non, reprend la fermière, va plutôt appeler les ouvriers ». M. Fleury sort nonchalamment comme un homme peu pressé, il envoie les ouvriers dîner et réintègre sa cachette. Les bleus s'en retournèrent sans avoir rien trouvé. Mais avant de passer le Ruet, séparation de Broons et Plumaugat, l'un des soldats fit cette réflexion : « Je parie que c'était le s. Fleury qui était là quand nous sommes entrés ». Les bleus retournèrent sur leurs pas, demandèrent à la fermière où était son mari. « Il était probablement à voir quel ouvrage il donnerait le soir à ses ouvriers » leur fut-il répondu, et ils durent se contenter de cette réponse.

Une autre fois, une femme de Broons vint réclamer son ministère pour un malade qui voulait un prêtre catholique. M. Fleury part immédiatement, mais en arrivant à Broons il fallait traverser les groupes de bleus qui venaient d'arriver. On était vite suspect dans ce temps de malheur. La femme se lamente : « Vous allez être reconnu. — Reconnu ! dit M. Fleury, donnez-moi votre bras et gaîment passons la place ». M. Fleury passa sans être inquiété, heureux de pouvoir consoler une âme et lui porter le pardon de son Dieu.

M. Fleury a fait plusieurs baptêmes d'enfants nés à Saint-Jouan pendant la Révolution ; il disait la sainte messe au Frau, le plus souvent, dans un souterrain dont l'entrée se trouvait dans l'écurie de la ferme.

Dom René Fleury est mort à Plumaugat vers 1821 et fut enterré un dimanche de la Pentecôte avant la grand'messe.

Un autre M. Fleury, Joachim, s'exila quelques jours après la prestation du serment par M. Nouvel. Il exerçait en Angleterre le métier de tailleur. Quand la paix religieuse fut rétablie, il revint à Plumaugat, fut nommé recteur de cette paroisse, puis fut envoyé à Broons comme curé, en 1817, et il y est mort en 1849.

M. Tostivint était vicaire ; il fait un premier baptême le 11 juillet 1790 et il signe vicaire jusqu'au 18 septembre 1792. M. Tostivint resta dans le pays, se cachant où il pouvait. Un soir, il faisait grand froid et il se sentait indisposé. Il frappe à la porte de Julienne Roptin, veuve avec deux enfants. Celle-ci ne veut pas tout d'abord ouvrir ; enfin reconnaissant M. Tostivint elle le reçoit. « Donnez-moi un lit pour cette nuit, demande M. Tostivint ». — « Mon pauvre M. le Curé, vous serez bien mal couché, vous savez bien que nous sommes pauvres, mais prenez le lit à notre petit gars, il va coucher dans le grenier ; enfin vous aurez toujours une bonne paillasse et des draps blancs que je vais vous mettre ». — « Je suis malade, répond M. Tostivint, je me contenterai de peu, je souffrirai moins que dans un champ ou le long d'un fossé ». Quinze jours après, M. Tostivint revenait de Saint-Jouan où il était allé pour affaires, il entra chez les bonnes soeurs Juyet, n'en pouvant plus, et il y mourut tout couvert de gale, épuisé par les privations.

M. Androuet était vicaire à Ménéac (Morbihan) lorsqu'il fut envoyé dans sa paroisse natale. Servais Androuet était né au village de Bouvellan (Plumaugat) et il fut un de ceux qui se révolta le plus ouvertement contre son recteur, M. Nouvel. Ce dernier lisait en chaire un mandement de Jacob, l'évêque intrus de Port-Brieuc, quand M. Androuet avec MM. Pierre et Jacques Gauthier, également nés à Plumaugat, jetèrent par terre leur surplis et sortirent en disant que l'évêque était un menteur. M. Androuet fut dénoncé ; mis en prison à Broons et transféré à Lamballe où il resta captif pendant six mois. Il recouvra la liberté quand Louis XVI accorda une amnistie à tous les détenus politiques. La persécution reprit bientôt, et alors M. Androuet se cacha, exerçant le saint ministère dans sa paroisse et aux environs jusqu'au 6 mai 1794. Ce jour, une colonne de soldats républicains poursuivant des Volontaires de l'Ouest, passa par Plumaugat. Quelques-uns entrent chez une pauvre femme qui venait de lui donner l'hospitalité et ils l'arrêtent. Conduit à Rennes par Saint-Jouan, Saint-Méen et Monfort, il fut horriblement traité. A Plumaugat ils le frappèrent rudement au visage avec son bréviaire. A Saint Méen ils le revêtirent d'ornements sacerdotaux et le promenèrent ignominieusement dans la ville. Un officier inventa et écrivit une confession générale qu'il dit avoir été trouvée sur M. Androuet et dans laquelle il s'était accusé des crimes les plus énormes. Il la lut en sa présence, devant tout le peuple assemblé qui n'en fut pas la dupe, car on connaissait ce prêtre pour avoir une conscience même timorée. En route on lui donna sur le visage des coups si violents avec un crucifix, que la croix vola en éclats. Le tribunal d'Ille-et-Vilaine le renvoya à celui des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Dans le trajet, voyant à Saint-Méen un enfant qui s'attendrissait sur son sort, il lui dit : « Mon enfant, c'est un bonheur de souffrir pour la religion ». Alors les soldats le frappèrent en criant : « Le voyez-vous ? Il cherche encore à fanatiser l'innocence ». Au Boisgervilly, on lui coupe les cheveux, et en le faisant on lui enlevait la peau de la tête ; il dit avec douceur : « Vous me faites bien mal ; vous me faites bien souffrir ». On le garrotta tellement qu'il ne pouvait se servir de ses mains ; il fallait que des personnes charitables lui portassent la nourriture à la bouche. Il fit le trajet de Rennes à Saint-Brieuc à pied, attaché à la queue d'un cheval et aveuglé par la poussière. Le tribunal criminel des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) le condamna à mort et il fut exécuté le 30 mai 1894, à l'âge de 51 ans.

Les MM. Gautier passèrent en Angleterre ; l'un d'eux y mourut ; l'autre revint après la Révolution et il est mort recteur de Rouillac.

Nous avons trouvé le nom de plusieurs autres prêtres : celui de M. Santier qui signe prêtre jusqu'au 30 octobre 1792 ; celui de M. Gicquel qui fait un baptême le 30 mars 1792 ; celui de M. Barbier, le 29 novembre 1792 ; celui de M. Lebreton, prêtre, le 14 juillet 1792 ; celui de M. Chevalier, prêtre, le 5 décembre 1792.

M. Santier demeurait à la Saudiais (Plumaugat). Un jour qu'il était poursuivi, il sauta par la fenêtre de la chambre et se fit grand mal. Il voulut aller à Broons pour consulter un médecin ; mais il ne put aller plus loin que la Fieunais, village de Plumaugat, où il est mort pendant la Révolution.

M. Chevalier, « quand il y eut de la messe », ne fut pas placé tout d'abord ; il disait la messe à la chapelle de Benin pendant la semaine. Il demeurait dans le village du même nom.

M. Barbier devint vicaire de Lanrelas après la Révolution.

M. Lebreton, qui a fait plusieurs baptêmes d'enfants nés à Saint-Jouan, est mort recteur du Crouais (Rennes).

Pendant la Révolution, l'église de Plumaugat servait pour la fabrication du salpêtre.

 

GUENROC.

M. Tessier, Alexandre, était recteur. Etant fort âgé, il avait pour coadjuteur et vicaire M. Janvier. M. Tessier tomba paralysé en mars 1792 ; il continua d'habiter le presbytère alors affermé à sa domestique, depuis le décret confisquant tous les biens du clergé. M. Tessier mourut au presbytère de Guenroc le 18 septembre 1793, âgé de 83 ans.

Nous n'avons pu trouver aucun renseignement sur M. Janvier, sur son existence pendant la Révolution. Il reparaît en 1800, et signe sur les registres curé d'office ! Il exerça cette fonction jusqu'en 1804, date de l'arrivée de M. Guillotin comme recteur de Guenroc.

M. Gendrot, M. Davoine et un autre prêtre, M. l'abbé Neveu, né à Guenroc, et qui a dû mourir du côté d'Angers, dans une famille où il était précepteur, se sont cachés longtemps ; ils passaient dans le pays comme les trois chefs du parti contre-révolutionnaire pendant la tourmente. Comme nous l'avons dit, M. Gendrot fut déporté sur les pontons de Rochefort ; M. Davoine et M. Neveu seuls purent échapper aux bleus.

M. Eustache Brindejonc, prêtre habitué, a passé la Révolution à Guenroc dans sa propriété (maison Martel). Il ne paraît pas avoir été inquiété. D'après le registre des décès de la commune, M. Eustache Brindejonc est décédé à Guenroc en 1798. A moins qu'il n'existât un autre Eustache Brindejonc, c'est une erreur. Sur les registres de baptême nous lisons l'acte suivant : « Je soussigné ai baptisé Félix-Florent Lucas, fils de Modeste Lucas, mariée seulement civilement à Louis Sevin en 1800, dans un temps où rien ne l'empêchait de se marier canoniquement, né à la Choltais le 9 juillet 1801 ».

Il a toujours été dit à Guenroc qu'un prêtre était mort dans la maison des demoiselles Bellebon (maison de M. Forcouëffe, notaire, à la fin du XIXème siècle), où il se tenait caché. Pour ne pas compromettre cette bonne demoiselle, le prêtre fut porté de nuit, tout habillé, dans le bois de Guenroc, un bâton à la main, pour faire supposer qu'il était mort en voyageant. Son décès n'est point inscrit sur les registres civils.

L'église fut sans doute fermée ; les ornements sacrés étaient cachés dans un mur de la propriété des demoiselles Bellebon.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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