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LE DOYENNÉ DE MERDRIGNAC

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ILLIFAUT.

Cette paroisse relevait de l'évêché de Dol. En 1789, elle avait pour recteur un Maufrais qui y était depuis 18 ans.

Le 20 février 1791, sommé par la municipalité de prêter le serment constitutionnel, il refusa noblement avec son vicaire. Mais plus tard il changea d'avis, et, le 17 juillet 1791, à l'issue des vêpres, au pied de l'autel, il prêta serment, en présence du sieur Bergé, lieutenant de la gendarmerie nationale de Broons, et du sieur Durant, gendarme, etc. Etait-ce lâcheté, ignorance ou débilitation mentale ? Toujours est-il qu'à partir de ce moment il tomba en enfance et mourut, en 1792, sans s'être réconcilié avec l'Eglise.

Pierre Pellé, son vicaire, était d'une autre trempe.... C'était un homme d'une grande valeur et d'un grand coeur. Il avait l'affection des paroissiens qui, en 1790, le nommèrent président de l'assemblée des citoyens actifs. Mais aucun de ses mérites ne surpassa celui qu'il eut de rester inébranlablement fidèle à l'Eglise et de mourir de chagrin en voyant la défection de son recteur.

A la fin de 1791, il avait été remplacé, à l'instante prière de Maufrais, par un certain Le Giemble, jureur, qui ne fit que passer. La pauvre paroisse d'Illifaut fut bien malheureuse pendant la Révolution. Une bande de brigands, tirés de son sein et du voisinage, s'abattit sur elle, ravagea le presbytère et surtout profana l'église. On y établit même un instant la déesse Raison, bientôt remplacée avantageusement par des chevaux. C'était toujours de la profanation, mais cette dernière me semble moins honteuse.

Tout pourtant n'était pas absolument mauvais dans cette triste paroisse. Ainsi, le 4 sans-culottes, 3ème année de la République une et indivisible, Mathurin Eon, prêtre de Saint-Brieuc de Mauron, et vicaire insermenté de Montauban, fut arrêté sur le territoire d'Illifaut où il exerçait parfois son ministère. Sommé par la municipalité de produire la preuve qu'il s'était soumis aux lois de la République, il demanda pour la produire un délai, jusqu'à un prochain voyage. Sur ce le citoyen Leray, maire d'Illifaut, le fit relâcher. Il va sans dire qu'on ne le revit plus.

Ce Mathurin Eon était probablement le même qui, au Concordat, fut transféré de Montauban à Gaël, et se retira plus tard à Montauban où il est mort. Il est auteur de plusieurs livres de piété.

 

TRÉMOREL-LE LOSCOUET.

En 1789, Trémorel avait pour trêve le Loscouët-sur-Meu. Le recteur des deux paroisses était C. J. Dufresne de Virel, qui refusa le serment et disparut. C'est le 18 septembre 1792 que nous le trouvons pour la dernière fois, et nous n'avons pu découvrir le lieu de sa retraite.

Il avait pour vicaire à Trémorel, Olivier Morel, qui disparut au commencement de 1790. Nous ne savons où il alla. Il fut remplacé par Michel-Charles Dreux, venu du Loscouët, et établi ainsi dans sa paroisse natale.

Michel-Charles Dreux refusa le serment et continua pourtant officiellement ses fonctions jusqu'au 29 septembre 1792. A partir de ce moment, son nom ne paraît plus aux registres, et tous les actes sont signés de M. Lorand, officier public, bientôt remplacé par Noël Marivin.

Michel-Charles Dreux était caché chez son frère, maire de la commune, assez mauvais drôle, peu avare du sang de son prochain. Un jour, Michel-Charles Dreux le suppliait d'épargner la vie d'un homme :

« — Eh bien ! répondit le farouche magistrat, veux-tu mourir à sa place ? ».

Après la Révolution, Michel-Charles Dreux devint recteur de Trémorel, d'où il fut transféré à Merdrignac. Trémorel avait perdu de sa gloire. Il avait perdu la belle trêve du Loscouët et avait cessé d'être canton, pour être humblement subordonné à Merdrignac qui grandissait tous les jours.

Au Loscouët-sur-Meu, C. J. Dufresne de Virel avait deux vicaires en 1789 :

René-Julien Lemarchand, qui refusa le serment et resta caché dans la paroisse jusqu'en 1797. Alors il se retira à Dinan, et, en 1804, il fut nommé recteur de Mégrit, où il est mort en 1843, à l'âge de 82 ans.

Michel-Charles Dreux qui, en 1790, fut transféré à Trémorel et remplacé par Eballard qui, comme ses collègues, refusa le serment.

L'église du Loscouët fut dévastée ; mais les prêtres n'en restèrent pas moins à leur poste, pour administrer à leurs paroissiens les secours de la religion, tout le temps de la Terreur.

On raconte qu'une certaine nuit on vint annoncer à Eballard qu'il était surpris par les bleus. Le bruit était faux ; mais la frayeur d'Eballard fut si grande que, le lendemain, sa belle et blonde chevelure était devenue blanche comme neige.

Le 4 mai 1800, il reprit les offices solennels, bénit de nouveau l'église et le cimetière pour les purifier des souillures de la Révolution. En 1815, il fut transféré à Bréhand-Moncontour et de là à Plélan-le-Petit, où il est mort vers 1848.

 

SAINT-LAUNEUC.

La paroisse de Saint-Launeuc relevait du grand doyenné de Bobital et de l'évêché de Dol. On y trouve un registre de paroisse rempli de documents précieux ; seulement on a oublié d'y mettre la longue liste des recteurs qui pendant des siècles ont administré cette antique paroisse. Nulle mention n'y est donc faite de celui qui était recteur en 1789. C'était Jullien Condé, natif de Mauron. Jullien... c'est ainsi qu'il écrivait son nom. Il n'était pas plus fort en orthographe qu'en théologie. Il avait tout juste ce qu'il faut de talent pour faire un jureur, et il le devint. En 1791, il signait Jullien Condé, maire et recteur de Saint-Launeuc. Il était maire tout d'abord et ensuite recteur, s'il le pouvait. En 1792, il signait : Jullien Condé, officier public et recteur. C'était toujours le civil qui avait le premier rang. Enfin, en 1793, il se dépouilla complètement de cette qualité de recteur qui le gênait, pour n'être plus qu'officier public.

Pourtant tout n'était pas encore éteint chez ce prêtre égaré. Quand il vit la Terreur, les épreuves sanglantes de l'Eglise, il eut honte de lui-même, le remords entra dans son âme, et, à la fin de 1793, poussé par sa conscience, il eut le courage de rétracter solennellement le serment qu'il avait fait. Dieu lui accorda cette grâce. Il fut saisi et conduit à Dinan, où il mourut de misère au fond d'une prison, martyr glorieux de la foi qu'il avait un instant reniée.

 

MÉRILLAC.

En 1789, Mérillac avait pour recteur Alphonse Pasturel, frère cadet du vicaire général du citoyen-évêque Jacob. Il partit pour l'exil et revint après la Révolution reprendre l'administration de sa paroisse.

 

LAURENAN.

Laurenan relevait de Saint-Brieuc en 1789. Il avait pour recteur J. Martin, et, pour vicaire, J.-M. Juglet. Tous deux refusèrent le serment. Après le 15 octobre 1791, nous ne trouvons plus trace du recteur et nous ne savons ce qu'il devint. J.-M. Juglet fit son dernier baptême solennel le 22 octobre de la même année.

Dès le lendemain arriva d'Uzel le citoyen L.-F. Chevé, qu'on peut bien appeler curé constitutionnel. Il porte ce titre et il en est fier. Tous les autres jureurs, dont j'ai vu les signatures, ne prennent jamais cette qualité. Mais L.-F. Chevé la prend partout, comme une auréole de gloire, sur ses registres de paroisse, pour que la postérité n'en ignore. Il la prend effrontément dans les lettres qu'il écrit aux prêtres fidèles du voisinage. Mais son effronterie ne lui servit pas à grand'chose. Le peuple ne lui donna pas sa confiance, et, un an après, le 12 novembre 1792, il finit par comprendre l'horreur qu'il inspirait, et s'enfuit cacher sa honte ; et un nommé Bouédo, officier municipal, aidé d'une sage-femme, fut obligé de faire de son mieux un baptême en l'apsance du curé fugitif.

Depuis ce jour jusqu'en 1793, quelques baptêmes furent faits solennellement par le Frère Joseph, de Loudéac, que nous retrouverons caché au village de la Hautière, en Gommené. Après, tous les actes sont signés d'un Jartel, officier public.

J.-M. Juglet, le fidèle vicaire, était toujours caché dans la paroisse. C'est au village de Derrien qu'il se retirait le plus souvent. Il finit par être dénoncé par un Malard de la Houssaye.

Arrêté près de Saint-Thunet, J.-M. Juglet échappa aux mains des révolutionnaires et s'enfuit en Angleterre. Nous croyons qu'après la Révolution il fut nommé à Maroué.

 

SAINT-VRAN.

En 1789, la paroisse de Saint-Vran avait pour recteur J.-B. Presse, appelé à ce poste en 1776. Il refusa le serment constitutionnel et resta au milieu de ses paroissiens jusqu'au 20 novembre 1792. Surpris alors par les révolutionnaires qui pénétraient dans sa maison pour le saisir, il se jeta par la fenêtre de sa chambre. La chute fut cruelle pour lui et occasionna sa mort quelque temps après. Sa dernière signature est du 20 septembre 1792. A partir de ce moment, les registres sont tenus par Mathurin Jouet, officier public.

Après la Révolution, la paroisse de Saint-Vran fut confiée à M. Even, parent du recteur actuel. La première signature de M. Even est de 1805 ; mais il était depuis longtemps dans la paroisse, peut-être même aurait-il été le vicaire de J.-B. Presse.

Vers 1799, Mathurin Aubert, de Merdrignac, vint un jour le voir. Ils furent tous les deux arrêtés par des bleus qui les menèrent à leur commandant qui n'était pas loin. Celui-ci valait mieux que ses soldats. Il fit comprendre à M. Even qu'il pourrait obtenir la liberté en se faisant réclamer par un tiers ; et, avant, d'avoir franchi la frontière de Saint-Vran, sur la route de Moncontour, M. Even se fit réclamer par des paroissiens que le hasard lui fit rencontrer.

Heureux d'être libéré, il fit quelques pas sur sa route, puis revenant sur ses pas : « Saperlabas ! (c'était son terme) vous me relâchez sur la parole de ces braves gens …. Mais je suis un brave homme aussi, moi, et je demande la délivrance de mon ami ».

L'officier et les soldats se mirent à rire et Mathurin Aubert partit avec son confrère.

Rendu à Moncontour, l'officier fut accusé pour ce fait par ses soldats et jeté en prison. Il écrivit à ces messieurs une lettre charmante où il se félicitait de subir la captivité à leur place.

 

MERDRIGNAC.

En 1789, Merdrignac avait pour recteur Pierre Morin. C'était le fils d'un cordonnier d'une paroisse d'Ille-et-Vilaine, au-delà de Médréac. Dès qu'il fut prêtre, il vint au château de la Vallée enseigner la théologie au seigneur du lieu qui, d'un légitime mariage, avait deux fils, et devint prêtre dans un âge avancé. De la Vallée, l'éducation de M. Le Voyer finie, il passa au presbytère en qualité de vicaire. Il occupa ce poste jusqu'à la mort de Messire Chateaubriand, son prédécesseur, le 26 février 1776.

Devenu recteur, il eut pour vicaires François Potier et Mathurin Aubert. Au mois d'octobre 1789, Esprit Thomas remplaça François Potier, appelé à un poste que nous ignorons. A la même époque, il y avait d'autres prêtres dans la paroisse. C'étaient Jean-Marie Lecorgne, chapelain de Saint-Thomas ; Josse, chapelain de la marquise de Saint-Pern ; Gaborel, jeune prêtre sans position, et enfin M. Le Voyer.

Tous ces prêtres restèrent fidèles à l'Eglise.

Pierre Morin refusa le serment, et, au mois d'août 1791, il partit pour Jersey avec François Potier, et Mathurin Aubert vint bientôt les rejoindre. De là ils se rendirent à Londres et à Winchester.

Après la tourmente, il revint prendre possession de son poste et mourut en prenant un bain dans l'étang du Fourreau, en Saint-Launeuc.

C'était un homme de grande taille et légèrement louche. Il avait beaucoup de dignité dans toutes ses manières. Mais son beau maintien ne l'emportait point sur les qualités de son esprit qui étaient fort au-dessus du commun. Il charmait en chaire et au choeur ; il était l'oracle et le guide du clergé fidèle de la contrée. Avant la Révolution, il avait été fait chanoine du diocèse.

François Potier était le frère de Marc Potier, grand-père de l'ancien maire de Merdrignac et du docteur Sotinel. A son retour d'Angleterre, il devint recteur de Saint-Launeuc, où il aimait à montrer des pièces d'or anglaises, qu'il avait péniblement gagnées en donnant des leçons aux jeunes anglais. Il mourut en 1823.

Mathurin Aubert était natif de Baussaine, près de Bécherel.

Il refusa le serment et alla en Angleterre rejoindre Pierre Morin. Il le quitta au printemps 1796, pour venir au secours d'Esprit Thomas que la mort de J. M. Lecorgne et de Gaborel avait laissé seul.

Il prit un chapeau plat et rond, un habit de berlinge, un gilet de molleton, un pantalon de grosse toile, et ainsi déguisé, il courait la paroisse, un faucillon sur le bras, et arrivait dans toutes les maisons porter les secours de la religion.

Après la tourmente, il ne retourna pas de suite au presbytère. Il resta à la Ville-Hubault, dans la maison de Jean-Marie Lecorgne. C'est là qu'il eut pour pensionnaire Jean Posnic, successeur de Pierre Morin. C'est là qu'il reçut en 1803 Mgr. Caffarelli, venu pour donner la confirmation.

Esprit Thomas était né à Paimpont, vers 1760. Il refusa le serment, comme tous ses collègues, et se retira à la Ville-Hubault avec Jean-Marie Lecorgne. L'ennemi ne tarda pas à découvrir son asile. Les perquisitions qu'on fit pour le saisir ayant été vaines, on s'en vengea sur son hôte. En vertu d'un décret du directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), en date du 15 février 1792, le vénérable Jean-Marie Lecorgne fut saisi et traîné à Dinan et jeté dans un cachot sans air et sans lumière, où il périt quelque temps après. Esprit Thomas resta dans la paroisse jusqu'en 1796. Alors il se retira à Saint-Jouan-des-Guérets, au château du Poudhet, où il mourut en 1832. D'autres prêtres étaient cachés dans cette paroisse. M. Josse y resta quelque temps et s'enfuit en Angleterre et fut à son retour nommé vicaire de Gommené.

M. Gaborel était aussi à la Ville-Hubault. Il souffrait de la poitrine. Son refuge fut longtemps au milieu d'un champ de blé. Sa mère allait lui porter là les secours que réclamait sa santé. Il mourut en 1795.

Un prêtre, dit-on, fut aussi tué au bois de la Chouannerie, dans un fossé rempli de fougères. La légende raconte qu'avant de mourir, il prit la fougère à témoin du crime qu'on allait commettre : « Jamais, dit-il à ses bourreaux, jamais fougère ne poussera dans ce fossé ». Et depuis jamais fougère n'y a poussé.

C'est, le 25 juillet 1791 que le vénérable Pierre Morin fit son dernier baptême à Merdrignac, avant de partir pour l'exil. Merdrignac grandissait au souffle de la Révolution, il devenait cure et canton, honneur que désormais lui enviera vainement Trémorel. Au commencement d'août 1791 arriva, je ne sais d'où, prendre possession de cette nouvelle cure le citoyen Jean-Gabriel Huet, moine défroqué natif du Berry, dit-on, et ci-devant prieur de l'abbaye de Bon-Repos, en Saint-Gelven. Il était de taille médiocre, trapu et nanti d'un nez aquilin plus long que son visage. Il vint flanqué de deux vicaires dignes de lui, les citoyens Pierre-Marie Taillard et Jean-Baptiste Corlay. Jean-Baptiste Corlay était aussi un moine défroqué d'Auray. Tout le monde parle encore de ses ivrogneries. Un jour qu'il chantait seul les vêpres, dans l'église déserte, avec un bedeau qui ne savait pas lire et ne pouvait répondre qu'au Gloria, il se fâcha dès le premier psaume. Il saisit un manche à balai et se mit à poursuivre autour de l'église son triste serviteur que les coups forcèrent à sortir et à chercher refuge dans une auberge voisine. Le célébrant l'y suivit et la réconciliation fut faite. Les chopines remplacèrent, les antiennes et les psaumes, et, à la brune, on se quitta bons amis. De 1804 à 1806 ce prêtre dégradé balayait la rue Saint-Guillaume, à Saint-Brieuc, pour gagner des chopines.

Dès que les intrus furent installés, la pauvre paroisse de Merdrignac fut livrée au schisme et à tous les scandales. Tous les jureurs du pays s'y donnaient rendez-vous et venaient dans des saturnales fraternelles se consoler du mépris public et de l'horreur qu'ils inspiraient.

C'étaient Louis-François Chené, de Laurenan ; Déloynes, moine défroqué, curé de Brignac ; Barbier, dont nous ignorons la paroisse ; Joseph Heaud qui était sans position sociale, et frappait vainement aux portes d'Illifaut pour trouver emploi de ses vertus schismatiques ; et, enfin, un moine défroqué, ci-devant religieux de Cîteaux.

Et ce ci-devant moine, sans pudeur, avec l'approbation do citoyen Huet, entouré de tout ce collège d'intrus, bénissait les grands mariages, dans cette chapelle de Saint-Thomas qui était celle du monastère qu'il avait déshonoré.

Lc citoyen-évêque Jacob vint aussi festoyer avec eux sous prétexte de confirmation. Il arriva monté sur un beau coursier et ayant en croupe une belle demoiselle. Le lendemain, personne ne voulut de sa confirmation.

Enfin, pour balayer cette tourbe déshonorée, arriva 1793. Les vicaires furent chassés par la haine des révolutionnaires et le mépris des honnêtes gens. Nous ne savons ce que devint Taillard. Jean-Gabriel Huet tint bon un instant. Il défroqua tout à fait et se fit nommer président du district de Broons. En 1797, il perdit cette dignité et fut pendant la vacance momentanément remplacé par Jan Potier, ancien commissaire municipal de Merdrignac et surtout bon chrétien. Huet devint maire de Broons, puis, à la fin de la Révolution, il retourna, dit-on, dans son pays, on il confessa ses erreurs.

 

GOMMENÉ.

En 1789, la paroisse de Gommené avait pour recteur Jean-Baptiste Duplessix-Juliot. Son rectorat remontait à 1745. Il était donc d'un âge avancé. Il mourut en 1791. Dans un vieux Manuscrit qui m'est tombé entre les mains, on parle de ses bonnes manières et de ses formes élégantes. Par ailleurs, je n'ai pu découvrir de lui absolument rien que ses signatures aux registres des naissances, des mariages et des sépultures. On ne garde de lui aucun souvenir, et c'est à peine si les plus anciens se rappellent son nom. Nous ne savons point de quelle manière il se conduisit au début de la Révolution. Nous sommes sûrs pourtant qu'il ne prêta pas serment, puisque ses funérailles en 1791 furent présidées par ses deux vicaires, qui tous deux sont morts pour la foi.

Je dis ses deux vicaires. Alors Gommené était plus étendu en territoire et plus nombreux en population, et il avait deux vicaires.

L'un d'eux, Joseph Gaultier, fut en décembre 1789 appelé à un autre poste que nous ne connaissons pas. Il fut remplacé par Pierre Dénoual, dont le séjour à Gommené ne fut pas long. Sa dernière signature est du 8 juillet 1792. Pierre Dénoual était ferme et inébranlable dans sa foi et ardent contre les jureurs. Nous en voyons la preuve dans un acte de mariage (mariage Pierre Audier), rédigé par lui le 9 février 1792, où il maltraite les jureurs de Laurenan et de Merdrignac à qui Audier avait demandé un certificat de publications. C'est cette noble ardeur qui le fit saisir des premiers. Pris au mois de juillet 1792, je ne sais où ni comment, il fut conduit à Broons et de là, dit-on, à Rennes, où il fut guillotiné en 1793.

L'autre vicaire de Gommené, Augustin-Alain Lemoine, fidèle comme son collègue et non moins intrépide, resta seul et signa les registres jusqu'au 28 septembre 1792. Après cette date, nous trouvons encore, aux registres de 1792, 15 baptêmes. Cinq sont faits par Mathurin Cochon, vicaire de la Trinité-Porhoët, qui s'était réfugié à la Galinais, chez son frère. Six sont faits par Guillaume Hervé, qui signe : F. Joseph, de Loudéac, capucin, prêtre catholique romain. Enfin les trois derniers baptêmes sont faits par Mathurin Cochon. L'acte de baptême est rédigé de sa main ; mais la signature est d'un Jean Garel qui, sans respect pour l'orthographe, signe toujours, J. Garel, pr. de la commune. Qu'était-ce ce Jean Garel ? Deux ans après nous le retrouvons témoin d'un mariage avec la qualité de laboureur. Enfin, je possède un passeport, délivré à un certain Pierre Chassebieu, de Lequidy, qui voulait aller à la Prénessaye chercher un tonneau vide. Il fallait un passeport pour aller alors de Gommené à la Prénessaye ! Le passeport est signé : J. Garel, agent national ; Pierre Le Roy, municipal ; Izel, secrétaire.

Tous nos baptêmes se faisaient encore à l'église, et il en fut ainsi jusqu'au mois de février 1793. Mais ils se faisaient la nuit, comme il est déclaré au baptême de Malo Cochon, de la Ville-ès-pies, qui fut baptisé par Augustin-Alain Lemoine, dans la nuit du 18 au 19 septembre 1792. En janvier 1793, le maire, Pierre Duchauchix, enregistrait les naissances en constatant bien que les enfants avaient été tenus sur les saints fonts du baptême. Les choses se passaient encore ainsi chez nous, et on venait de Plémet même réclamer le supplément des cérémonies pour des baptêmes qu'on faisait à la maison, pour échapper aux intrus. (Baptême Marcadé, 12 décembre 1792). Augustin-Alain Lemoine était toujours dans la paroisse. Sa vie mémorable a été écrite en partie. Nous n'avons pas voulu lire les livres qui la racontent. Nous consignons ici seulement ce que nous ont appris les petits-fils de ceux qui furent témoins de ses vertus.

Il avait quitté l'habit ecclésiastique pour prendre le vêtement couleur de paille de blé noir que portent encore, à la fin du XIXème siècle, les vieillards de Gommené. Ainsi ajusté, il allait partout, visitait tous les villages, se rendait aux foires, aux marchés, et se trouvait en tous lieux au milieu de ses paroissiens qui lui étaient fidèlement attachés.

Le bourg était de toute la paroisse le lieu le moins sûr. Il était tout entier possédé par Pierre Duchauchix, maire de Gommené, et fier de pouvoir, ant l'apssance de l'officier publique, remplacer les calotins pour tous les actes importants de la vie, et par Julien Rault. C'était un personnage que ce Julien Rault. Avant la Révolution, il était notaire ès-juridictions de la Garenne-Bossenie, de Roquetton, des Aulnays-Gommené, du Plessix au Rebours, du Chauchix, de Vaucouleurs et Lamusse, et du marquisat de Coëtlogon. Sa résidence ordinaire était au berceau même de sa famille, au village de Saint-Guénaël, en Gommené, comme il résulte d'une lettre adressée à lui, le 5 décembre 1790, par Chaye, son cher collègue de Ménéac. Il acquit beaucoup de biens d'émigrés et vint bâtir au bourg la maison de la Buharaie, où il établit sa résidence.

Rault, se repentit plus tard et revendit aux propriétaires légitimes ce qu'il leur avait volé, et, déshonoré par son fils qui mourut aux galères, il s'enfuit avec sa fille au pays de Montfort. J’ignore ce que fit Duchauchix.

Malgré la présence dans le bourg de ces deux hommes, Augustin Lemoine y passait de temps en temps. Il visitait la vieille église abandonnée, le vieux presbytère que personne n'avait voulu acheter, et y accomplissait la nuit les devoirs de son ministère.

Mais ce n'était pas là son refuge ordinaire. Il y a, dans les vallons de Gommené, une foule d'endroits tellement sauvages et mystérieux qu'il ne serait pas encore possible à un gendarme d'y saisir un chasseur.

Citons d'abord le Vaux-Janot. C'est une petite maison, jetée au fond d'une vallée profonde, couverte de bois et où viennent converger, à travers les gros rochers, les broussailles et les ruisseaux, cinq ou six sentiers tellement couverts et tortueux que la vue ne s'y peut guère étendre à plus de vingt mètres. Au-dessus, tout près, sur un coteau à pic, s'élève la Chenaye, d'où la vue, par-dessus les arbres du Vaux-Janot, s'étend sur toutes les hauteurs voisines. Le tout appartenait alors aux Daboudet, dont les descendants le possèdent encore à la fin du XIXème siècle. Augustin Lemoine aimait cet endroit. Il disait souvent la messe au Vaux-Janot, où l'on montre encore le petit marteau qui annonçait sa venue, de même qu'à la Chenaye, l'armoire qui contenait ses ornements, chacune des branches de la famille ayant tenu à posséder quelque chose qui rappelle son souvenir. Pendant qu'il était au Vaux-Janot, on montait la garde à la Chenaye, et, si quelque chose de suspect apparaissait à l’horizon, vite le cri d’alarme était jeté et le prêtre s’enfuyait à travers le bois, par l'un des sentiers aux mille détours.

La même chose se reproduisait encore aux Vaux-Dinet, où l'on montre encore le buisson de buis qui lui servait de confessionnal. Mais son séjour le plus ordinaire était à la Chiévrue, petite maison perdue dans les bois et aujourd'hui encore inaccessible. Le seul petit chemin qui y mène est toujours rempli par une mare profonde, et la maison est si bien cachée, qu'on pourrait 20 ans circuler dans le voisinage, sans pouvoir, à moins d'en être averti, en soupçonner l'existence. Cette maison était occupée par une vieille femme, nommée Julienne Lenoir, et par Julien Posnic, son époux. Ce Julien était le parent de Messire Jean Posnic, dont nous parlerons bientôt. C'est là que logeait ordinairement Augustin-Alain Lemoine, mais à l'insu de toute la paroisse. Quand la nuit était venue et que son ministère était accompli, il arrivait tout seul et frappait trois coups à la petite fenêtre de derrière. S'il n'y avait point d'étrangers au logis, on ouvrait ; on faisait manger le prêtre, puis il montait dans son grenier où il s'était fait une chambre avec des gerbes de paille. Il en fermait l'entrée avec des gerbes qu'il repoussait derrière lui et restait là jusqu'à ce que Julienne ne vint l'avertir qu'il pouvait sortir sans danger. Tout près se trouvait l'antique chapelle de Saint-Guénaël, barbarement détruite en 1875, avec sa maison presbytérale, Augustin Lemoine y célébrait parfois la messe ; mais pourtant il préférait pour les saints mystères une maison que l'on montre encore à la fin du XIXème siècle au milieu du village. Là il était plus facile de l'avertir à temps et de lui assurer une retraite de quelque côté que vinssent les bleus.

Malgré le dévouement et la discrétion de l'immense majorité de la population, la présence d'Augustin Lemoine au milieu de son peuple fut connue des mauvais. On finit par découvrir la plupart des lieux qu'il fréquentait. On l'épia.

Un jour, sur le tertre de la Ville-Haie, il fut surpris dans un buisson confessant un nommé Coëtbat. Les balles passèrent autour de lui sans l'atteindre. Coëtbat ne fut pas si heureux. On le prit, on le mena au bourg, on le fusilla ; on lui brisa le crâne devant la maison Rault, et une domestique vint recueillir la cervelle dans une écuelle.

Quelques jours après, il était à la Châtinière. Il avait célébré la messe dans la fenêtre de Jean Malard. Au sortir de là, comme il remontait le coteau de la Corbinière, il se trouva, dans un détour, en face d'une dizaine de bleus.

« — Qui es-tu, dit le chef de la bande ? ».

« — Je suis Lemoine, répondit bravement le confesseur ».

Aussitôt un coup de sabre lui tomba sur la tête, lui coupa le chapeau et lui enleva l'oreille.

« — Arrêtez, s'écria Jacques Cazot, du Breil-Malard, qui se trouvait dans le champ voisin... Ce n'est pas un prêtre que vous frappez, c'est un cabaretier ».

Cette affirmation hardie déconcerta les soldats. Augustin Lemoine s'enfuit et se réfugia à la Chiévrue. Mais l'heure de son glorieux martyre arrivait. Il n'était pas encore guéri qu'on le réclama pour un malade qui demeurait dans le voisinage du bourg. Julienne Lenoir pleura longtemps. Elle le suppliait de ne pas sortir. Elle savait qu'on était encore à la recherche du bon prêtre. Cet appel lui semblait une trahison.

Et lui répondait à Julienne : « — Ma fille, si je ne dois pas mourir de leurs mains, le bon Dieu saura bien me garder ». C'est du reste cette parole qu'il avait toujours sur les lèvres, toutes les fois qu'on voulait le retenir. Il partit donc, accompagné d'un Sauvage du Vaux-Dinet. Arrivé à la Ville-Haie, il se trouva tout à coup en face de soldats. Sauvage s'enfuit et échappa en se jetant dans un lavoir qu'il traversa. Mais Augustin-Alain Lemoine fut saisi. On le mena au bourg chez Rault. Il put encore échapper un instant et se croire sauvé. Il fuyait à travers le cimetière, entre la vieille église et le vieux presbytère. Encore un pas et les bleus le perdaient de vue. Mais une balle vint l'atteindre à la porte de la sacristie, là où s'élève aujourd'hui la sacristie nord. Il s'affaissa l'épaule contre le mur. Les bleus, triomphants et joyeux, le saisirent et le traînèrent par les pieds, jusqu'à la grande porte de l'église, pour que tout le bourg fût témoin de leur crime.

Augustin-Alain Lemoine vivait encore. Les bleus lui percèrent la gorge d'un coup de baïonnette, voulant en face de tous se donner la joie bête et féroce de le saigner, disaient-ils, comme certains animaux.

C'était le 6 août 1795. Toute la paroisse ce jour-là avait le pressentiment de ce qui devait arriver, tous redoutaient un malheur et toutes les oreilles étaient attentives. C'est ce qui nous explique comment la fusillade qui renversa notre glorieux martyr put être entendue des villages lointains du Vaux-Dinet, de la Chiévrue, etc. La nouvelle se répandit de là dans tous les villages et on pleura longtemps.

Le sang du martyr avait coulé à flots, disent les bonnes gens, à l'endroit même où s'élève aujourd'hui la tour de Gommené. Pourquoi n'y graverait-on pas son nom sur le marbre ou sur le granit ? La tour serait le monument élevé à sa mémoire, et certes il ne serait pas trop beau pour Messire Augustin-Alain Lemoine, martyr de Jésus-Christ.

Après la mort d'Augustin Lemoine, la paroisse de Gommené n'ayant plus aucun de ses prêtres, reçut les secours de la religion des mains du frère Joseph, de Joseph Vrot, de Jean Posnic et de Mathurin Cochon dont il nous reste à parler.

Le frère Joseph était un Guillaume Hervé, du village de Saint-Lubin, en Plémet. Il était caché à la maison des Lespiaux, au village de la Hautière, en Gommené, et disait la messe dans un petit bois, au pied d'un gros chêne qu'on a jeté au feu il y a seulement quelques années. De là il rayonnait sur Laurenan, Plémet et Gommené, rendant tous les services aux âmes fidèles qui avaient besoin de lui. Il signa toujours : F. Joseph de Loudéac, capucin, prêtre catholique romain. Son souvenir est encore vivant dans le pays, presque autant que celui de Augustin Lemoine. Les vieillards racontent encore ses conversations, ses prophéties et cinquante choses qui ne doivent point trouver place ici, et tous l'appellent le bon père de Saint-Lubin. Il fut enterré à Plémet après la Révolution.

Joseph Vrot était du village de la Ville-ès-pies, en Gommené. Par sa mère il était parent assez rapproché de Mathurin Cochon. En 1792, le 8 février, il était déjà retiré à Gommené où il bénit, avec la permission d'Auguste Lemoine, le mariage de Jean Poupio. Au registre, il signa : J. Vrot, professeur en théologie. Il demeura à Gommené et environs tout le temps de la Révolution, toujours à la disposition de tous ceux qui avaient besoin de son ministère. Après la Révolution, il fut nommé professeur au Séminaire de Dinan, où il est mort.

Jean Posnic était né en 1735, à la ferme de la métairie d'A-bas, aux Aulnays, en Gommené. J'ai la donation qui constitua son titre clérical en 1760. C'était, à la Révolution, un grand et bel homme, aux cheveux blancs. Pendant 17 ans il avait été recteur de Lancieux. A la Révolution il s'exila à Jersey et en revint avant le calme. Il se cacha quelque temps à la Chiévrue. Il fut découvert. On le saisit et on le renferma dans la prison de Guingamp. Il avait pour compagnon de captivité, M. Manoir, vicaire général de Saint-Brieuc, qui admira la belle âme et l'esprit ecclésiastique de ce bon vieillard, et en fit, en 1803, un curé de Merdrignac.

Mathurin Cochon naquit le 17 mai 1751, au village de la Galinaye, en Gommené. Il était fils de Michel Cochon et de Perrine Carré, et descendait ainsi de deux familles encore bien nombreuses et très estimées à Gommené. Devenu prêtre, il fut nommé vicaire de la Trinité-Porhoët, où il conquit bien vite l'estime des habitants, qui le nommèrent membre des notables, puis, le 27 juin 1790, maire de la commune. Au registre de la municipalité, on trouve une dizaine de délibérations rédigées par lui. Il se démit de ses fonctions le 8 janvier 1791. C'était le lendemain, le dimanche 9 janvier, qu'on venait réclamer au clergé de la Trinité le serment constitutionnel. Mathurin Cochon refusa. Son recteur, Ignace Macé, du haut de la chaire jura fidélité à la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. Mais les gens ignorants confondirent ce serment avec celui des jureurs vulgaires, et, Ignace Macé, ennuyé de se trouver en mauvaise compagnie, retira son serment et protesta de sa fidélité à l'Eglise, le 24 avril 1791. Ils continuèrent, Mathurin Cochon et lui, d'exercer solennellement leur ministère jusqu'au mois d'octobre 1792. La dernière signature de Mathurin Cochon, aux registres des naissances, est du 20 octobre 1792. A partir de ce jour, il se mit à errer dans le pays pour échapper aux poursuites dirigées contre lui.

C'est à lui surtout qu'on en voulait : c'est lui, disait-on, qui avait trompé à la fois et la municipalité et le recteur, en faisant enregistrer et accepter comme valable le serment très inconstitutionnel du recteur, ce qui avait attiré sur la Trinité toute l'animadversion du district de Josselin.

Mathurin Cochon se retirait à Gommené, chez son frère, à Plumieux et souvent à la Trinité, et dans toutes ces localités, le jour comme la nuit, il était à la disposition de quiconque réclamait son ministère. Il avait, comme les autres, quitté l'habit ecclésiastique pour prendre une chemisette en drap gris de Moncontour ou en peluche brune. Ainsi vêtu, avec sa grande taille de cinq pieds neuf pouces, il franchissait l'espace, ne redoutant aucune fatigue, ne craignant aucune surprise, tant, après Dieu, il comptait sur ses paroissiens, sur ses jambes et sur ses bras. Chose incroyable, en 1793, le dimanche il arrivait tout à coup à la Trinité, faisait sonner les cloches à toute volée et chantait solennellement la grand'messe comme aux beaux jours de calme, bien convaincu que dans ce pays personne ne voudrait l'arrêter, et, pour ce motif, le 17 mai 1793, le district de Josselin ordonna d'enlever les cloches rebelles à la loi.

Cette audacieuse témérité le perdit à la fin.

Un jour qu'il était réfugié à Plumieux, il fut surpris et se mit, pour échapper aux bleus, à aider un couvreur en ardoise. Une femme, le saluant, le fit reconnaître ; il échappa pourtant. Le lendemain il se promenait tranquillement dans le jardin de la veuve Raulot, à Launay-Jeffray ; à plusieurs reprises on l'avertit de s'éloigner. Il n'en voulut rien faire, tant il se croyait sûr de lui-même. Bientôt il vit entrer dans le jardin l'un de ses amis de Loudéac, dont j'ignore le nom. Il était sans armes, et ces deux mots mal écrits ont fait croire à un historien que Sansarmes était le nom du traître. Quoiqu'il en soit, on envoyait pour le prendre, un de ses amis. Un autre n'aurait pas été admis à l'aborder ou bien n'aurait pas pu l'atteindre. Cet ami l'aborde et l'embrasse affectueusement. C'est comme au jardin des Olives. Le nouveau Judas causa longtemps avec lui, et d'une voix forte qu'on pouvait entendre de loin. Il lui demanda enfin s'il ne serait pas bien aise de se rendre avec lui à Loudéac. C'était le signal convenu. Au même instant, des soldats que le citoyen Bauchet, de Plumieux, avait fait venir de la Chèze, envahirent le jardin de toutes parts. Les soldats venaient de La Chèze et le dénonciateur était de Plumieux. Personne à la Trinité-Porhoët n'aurait voulu se prêter à ce ministère. On saisit Mathurin Cochon, on le mena à la Trinité où il passa la nuit en prison. Le lendemain on le dirigea sur La Chèze. Les soldats qui l'emmenaient le croyaient riche, et ils lui proposèrent de le laisser fuir, s'il voulait leur livrer son argent. Le marché fut conclu. Ils revinrent donc ensemble à Launay-Jeffray et le trésor fut livré... Mais soit déception, soit mauvaise foi, ils ne lâchèrent point leur captif. Ils le conduisirent à La Chèze et de là à Loudéac. Pendant qu'ils le menaient, l'infâme Bauchet, le dénonciateur de Mathurin Cochon, faisait égorger Tessier, qui avait voulu le sauver, et la veuve Raulot elle-même fut écrouée à Loudéac.

Mathurin Cochon passa une nuit à la prison de Loudéac. Un de ses frères s'y rendit pour le voir et n'eut pas la permission de lui parler.

Le lendemain on le conduisit vers Saint-Brieuc, pour y être, disait-on, jugé par le tribunal de cette ville. Avant son départ, on fit venir un serrurier qui lui serra si fort les menottes que le sang jaillissait des deux poignets.

« Ne serrez pas tant, dit le prêtre, je ne veux pas m'échapper ».

« De quoi te plains-tu, reprit le serrurier ; tu en verras bien d'autres sur la route ».

En passant au village du Pontgant, on le fit entrer chez un prêtre jureur nommé Lalaiton.

« Fais le serment, lui dit Lalaiton, et je te promets la vie ».

« Non ! répondit le confesseur, j'ai trop souffert pour consentir à me damner maintenant ».

Lalaiton, dont nous voyons ici apparaître la sinistre figure, était peut-être originaire des environs du Pendu, en Plédran, où il avait des propriétés.

Un jour les Chouans vinrent pour le saisir dans son presbytère. Il appela son vicaire et descendit dans son escalier, avec une douzaine de carabines.

« Charge, dit-il au vicaire, ou je te crève.... ».

Et le vicaire chargeait, tout tremblant devant ce farouche recteur, et à mesure que les Chouans voulaient pénétrer dans la maison, il leur envoyait la balle au coeur. Ce Lalaiton a fait dans tout le pays un mal immense. Non seulement il essayait de décourager et de corrompre les bons prêtres, mais il dénonçait ceux qui résistaient à ses instances et faisait emprisonner tous les humbles fidèles qui ne voulaient pas pactiser avec le schisme. C'est grâce à lui que Messire Saillet, recteur de Trédaniel, faillit un jour payer de sa vie sa fidélité à Dieu, et que son cousin, chez qui il se cachait, au village du Pendu, fut obligé de s'enfuir à Saint-Brieuc, laissant sa demeure à la dévastation et sa famille à la terreur.

Du presbytère du Pontgant, Mathurin Cochon fut conduit dans la direction du village de la Tantouille, en Plémy.

Ses conducteurs étaient devenus plus furieux et plus barbares, depuis l'entrevue de Lalaiton. Etait-ce cet apostat qui les avait excités ? Je l'ignore ; mais après avoir vu cet homme néfaste, ils ne faisaient plus que déchirer et torturer leur captif. On voyait bien qu'ils en voulaient finir. Alors l'apaisement se faisait de toutes parts. Les tribunaux, par lâcheté, absolvaient encore les assassins de prêtres ; mais ils ne condamnaient plus eux-mêmes les prêtres qu'on leur livrait. Conduire Mathurin Cochon jusqu'à Saint-Brieuc, c’eût donc été probablement le délivrer. Ce n'était pas leur compte : ils voulaient sa vie, il leur fallait son sang et ils lui infligeaient toutes les tortures. Ils en vinrent même jusqu'à l'attacher par les mains à la queue d'un cheval, qu'ils éperonnaient ensuite pour se donner la joie ignoble de voir le pauvre prêtre rouler et traîner sur la route et s'y meurtrir et déchirer à tous les cailloux. Arrivés à la Tantouille, ils le menèrent encore à quelques pas sur la route de Moncontour et le fusillèrent, et, pour se délasser de tant d'exploits, passèrent la nuit à ribauder à l'auberge.

Cela se passait dans la nuit du 8 au 9 septembre 1798. Le lendemain, on trouva le saint martyr baigné dans son sang, sous les broussailles, dans le fossé à droite de la route de Moncontour, à 37 mètres de la maison de la Tantouille.

Sa tête avait été broyée, tout son corps était en lambeaux. Une femme, Marie Lanoe, donna une coiffe pour recueillir la cervelle. Le beau-père de Marie Lanoe, Guillaume Badouard, prit un os de la tête qu'il porta longtemps à son chapelet comme une précieuse relique.

On ramassa le corps du martyr dans un linceul. On le porta dans l'église de Plémy, et, le lendemain, on l'enterra dans le cimetière. Plus tard son tombeau fut entouré d'une grille.

Les pèlerins vinrent bientôt de toute part à ce tombeau. On ne peut pas faire plus que de donner sa vie pour Dieu. Mathurin Cochon était donc un saint, et on l'invoquait et on l'invoque encore.

Des miracles s'accomplirent qui augmentèrent encore la piété des fidèles. Ou voulait s'agenouiller sur la tombe du martyr, on voulait en emporter un souvenir, ne fût-ce qu'un peu de la terre qui le recouvrait.

Le clergé de Plémy voyant cette pieuse affluence, a jugé bon de transporter dans l'église les restes de notre martyr, et c'est là qu'on le vénère aujourd'hui.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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