Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE DOYENNÉ DE GOURAY

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Gouray   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

LE GOURAY.

En 1790, la paroisse du Gouray était administrée par M. l'abbé Colin, qui avait pour vicaire M. l'abbé Moro. L'an 1790, à la formation de la municipalité, M. Colin fut élu maire et M. Moro secrétaire. Ces bons prêtres ne furent pas longtemps sans apercevoir l'abîme dans lequel allait les entraîner le flot révolutionnaire. Dès le 12 juillet de la même année, M. Colin donne sa démission de maire, M. Moro sa démission de secrétaire.

Le 20 février 1791, le gouvernement leur demande le serment à la Constitution. Prêtres fidèles à leur conscience, dévoués à la sainte Eglise, tous les deux répondent publiquement : « Non, jamais ». Après ce refus, M. Colin est obligé de gagner l'Angleterre. Que devint M. Moro ? Fidèle imitateur du courage de son curé, il reçut la même récompense, revenu en 1802, il fut nommé recteur de Collinée.

Le 2 février 1793, arrive au Gouray le jureur Le Verger, Louis-Mathurin, natif de Loudéac. Craignant de voir mes contemporains m'accuser de partialité à son sujet, je me borne à placer sous les yeux du lecteur des extraits du registre de la paroisse du Gouray que M. l'abbé Cormault, doyen de notre canton, a eu l'extrême bonté de me communiquer.

« Nous, maire et procureur de la commune ; officier municipaux et notables de la commune du Gouray, attestons et certifions que le citoyen Louis-Mathurin Le Verger, faisant les fonctions de curé provisoire de la paroisse de Gouray, a ce jour deuxième feuvrier an quatre-vingt-treize deuxième de la République françoise, prêté le serment requis par la loi de tous fonctionnaires publics conçu en ces termes : " Je jure de maintenir l'égalité la liberté ou de mourir en les défendant et de veiller avec soin et exactitude sur les âmes me confiées ". En foi de quoi nous avons signé à la maison commune du Gouray le même jour et an que devant. L.-M. LE VERGER, curé provisoire ; P. PERRET ; Christophe LE DUC ; Jacques OGIER ; René COLLEU, etc. ».

« Nous, maire et procureur officiers municipaux, nôtable de la paroisse du Gouray, attestons et certifions que le citoyen Louis-Mathurin Le Verger, en vertus de son institution canonique du citoyen Jacob, évêque du département des Côtes-du-Nord, en date du vingt mars dernier, a, le dimanche vingt-quatre mars mil sept cent quatre-vingt-treize, deuxième de la République françoisse, déclaré prendre possessions de la cure de la ditte paroisse du Gouray, après avoir prêté le serment de mintenir l'égalité et la liberté ou de mourir en les défendant et de veiller avec soin et exactitude sur les âmes à lui confiées. De tout quoit nous avons raporté acte à la maison commune du Gouray, ce vingt-quatre mars mil sept cent quatre-vingt-treize l'an deuxième de la République françoisse. Signé PERRET, offi. mun. ; Christophe LE Duc ; TARDIVEL, maire, et autres signatures illisibles ».

Le citoyen curé eut pour vicaire le citoyen Olivier Le Parcau, dont voici le procès-verbal d'installation.

« Cejourd'hui dimanche, vingt-neuf septembre mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an second de la République françoise, une et indivisible, Nous, maire, procureur de la commune, officiers municipaux et notables du Gouray, district de Broons, département des Côtes-du-Nord, attestons et certifions que le citoyen Olivier Le Parcau, faisant les fonctions de vicaire de la paroisse du Gouray, a prêté le serment requis par la loi de tous fonctionnaires publics conçu en ces termes : " Je jure de maintenir l'égalité, la liberté ou de mourir en les défendant et de veiller avec soin et exactitude sur les âmes qui lui sont confiées et de mourir en son poste ". En foi de quoi nous avons signé à la maison commune du Gouray le même jour et an que devant. Signé Olivier LE PARCAU, Vic. du Gouray ; Jean FAUVEL, Of. pub. ; G. TARDIVEL, maire ; René COLLEU ; J. COUTÉ ; PERRET ; Jacques OGIER ; G. GILLET ; F. BRUSSO ; PIGNOCHET ».

Qu'est devenu le citoyen Le Parcau ? Le registre n'en fait plus mention.

Voici le dernier acte fait au Gouray par Le Verger, comme curé constitutionnel.

« Le vingt-deux germinal, l'an second de la République, une et indivisible, Nous, maire et officiers municipaux de la commune du Gouray, rassemblés au lieu ordinaire de nos séances, a comparu le citoyen Louis-Mathurin Le Verger, curé de cette commune, lequel a déclaré renoncer à son métier de prêtre, et a déposé sur le bureau de cette municipalité, ses lettres de prêtrise du 23 décembre 1786 et son institution canonique du 20 mars 1793 (vieux stile). De quoi il a requis acte et a signé les jour et an que devant et le tout pour être envoyé au district de Broons. Signé : Louis-Mathurin LE VERGER ; P. PERRET ; René COLLEU ; Jacques OGIER ».

A mon humble avis il n'est pas facile de s'avilir davantage.

L'an 1801, le dimanche de la Pentecôte, après neuf années d'exil, reparaît au Gouray M. l'abbé Colin ; la joie brille sur tous les fronts, l'allégresse est dans tous les coeurs. Le bon pasteur s'empresse de se procurer les objets nécessaires au culte, car la nation s'était emparée des vases sacrés et des vêtements sacerdotaux que M. Colin avait laissés au Gouray lorsqu'il fut forcé de prendre le chemin de l'exil. M. Colin vécut jusqu'au mois de septembre 1816 et il eut pour successeur M. Louis-Mathurin Le Verger dont nous nous sommes occupés plus haut. Sans doute il s'était rétracté. Etait-ce pour réparer tous les scandales donnés par lui à la paroisse du Gouray qu'on l'obligea à y retourner ? L'autorité épiscopale de cette époque a pu seule en être juge. (Extrait du registre de paroisse du Gouray).

 

LANGOURLA.

Au moment où la Révolution éclata, la paroisse de Langourla avait pour pasteur M. Jean Dubos, né à Gausson, et cousin germain du grand-père maternel de M. l'abbé Rault, recteur de la même paroisse. A son arrivée à Langourla, en 1782, M. Dubos trouve comme vicaire l'abbé Laléton, nommé recteur de Collinée en 1788. La tourmente révolutionnaire se déchaîne : le pasteur est chassé du presbytère et proscrit. N'écoutant que son zèle pour le salut des âmes et la gloire de Dieu, M. Dubos reste caché dans le pays et rend encore à ses ouailles les plus éminents services. La persécution devenant de plus en plus violente, M. Dubos se voit forcé d'abandonner le troupeau que le Seigneur lui avait confié et de gagner l'Angleterre. M. Charles Perret, né au Faouët ou à Trémel, probablement parent de ceux qui édifient si bien notre pays maintenant, devint curé constitutionnel de Langourla. Combien y resta-t-il d'années ? nous l'ignorons ; seulement nous savons qu'il quitta Langourla pour s'en aller remplir les mêmes fonctions à Trémel. Des faits et gestes de M. C. Perret, curé constitutionnel dans notre contrée, l'histoire et la tradition ne nous ont laissé aucun souvenir.

Vers 1800 ou 1801, M. Dubos quitte son lieu d'exil et l'un des premiers reprend le gouvernement de son église et le soin de son troupeau. Mais il ne put longtemps porter sa houlette, la mort étant venue le frapper le 14 prairial an XI de la République (4 mai 1803). M. Jean-Marie Alexandre Duval, né à Saint-Brieuc, vicaire de M. Dubos avant la révolution, fut choisi par l'autorité diocésaine pour remplacer ce dernier. M. Duval a administré Langourla durant trente-deux années, et y est décédé au mois de mars 1835. Voici les renseignements consignés au registre de paroisse par M. l'abbé Duval et ayant trait à la Révolution.

« L'église de Langourla possédait et exposait à la vénération des fidèles des reliques du premier Evêque de Saintes, saint Eutrope, reliques renfermées dans un bras d'argent. Pendant la tourmente de 1793, Palasnes de Champeaux, né à Saint-Brieuc le 17 mai 1769, capitaine adjoint à l'état-major de l'armée des côtes de Bretagne, fit, avec les troupes qu'il commandait, une descente dans notre paroisse. Sans foi ni conscience, le capitaine s'empare de la châsse, de son précieux trésor, des ornements et de l'argenterie de l'église. Champeaux emporta vingt chasubles, dix chapes, quatre dalmatiques, quatre tuniques, un ciboire, un ostensoir, un calice d'argent. François Richard du Cran, s'étant introduit dans la sacristie, parmi les soldats de Champeaux, saisit un petit calice en argent, le cacha sous ses vêtements et le remit au recteur après la Révolution » (Note de M. le recteur de Langourla).

 

SAINT-JACUT-DU-MENÉ.

Jean-François-Marie Pasturel gouvernait l'église de Saint-Jacut-du-Mené à la triste époque qui nous occupe. Ce saint prêtre refusa énergiquement le serment à la Constitution civile du clergé ; par suite, dès le commencement de 1791, obligé de quitter le sol natal, il choisit l'Angleterre comme lieu de refuge. Après douze années d'exil, la tempête révolutionnaire apaisée, M. Pasturel regagna la France, rejoignit vite ses ouailles de Saint-Jacut. Le pasteur aimait mieux son peuple que son peuple ne l'aimait. A sa rentrée d'Angleterre, M. l'abbé Pasturel ayant trouvé son presbytère tout à fait en ruines, fut obligé de se retirer dans le château du Parc-Locmaria. Ne pouvant obtenir aucune réparation pour le presbytère de la part des habitants de la paroisse, qui se faisaient au contraire un plaisir de tracasser leur pasteur, le bon prêtre demanda son départ et fut nommé recteur d'Erquy vers la fin de 1805 (note de M. Bourdon, recteur de Saint-Jacut-du-Mené). Cette paroisse, dit-on, est restée plusieurs années sans pasteur.

 

COLLINÉE.

Collinée, trêve du Gouray, quand le gouvernement exigea du clergé la prestation du serment de fidélité à la Constitution civile, possédait déjà, depuis 1788, un curé selon le coeur des révolutionnaires : Laléton est son nom. Ce dernier, dit le chroniqueur des temps, offrit à la bonne population de Collinée le triste spectacle de toutes les vertus civiques de mise à cette époque. Enchantés de son patriotisme, en 1792, les sans-culottes le viennent chercher à la capitale du Mené et le bombardent curé constitutionnel de Plougue­nast, où nous n'avons pas à le suivre.

En l'an 1802, M. l'abbé Henri Moro, vicaire du Gouray, quelque temps après son retour de l'exil, fut nommé recteur de Collinée.

 

SAINT-GILLES-DU-MENÉ.

Saint-Gilles-du-Mené, au moment de la Révolution, est desservi par un prêtre qui porte le nom de Jean-Baptiste Presse, lequel signe curé de Saint-Gilles, parce que Saint-Gilles, à cette époque, était trêve de Saint-Jacut-du-Mené. Jean-Baptiste Presse était curé de Saint-Gilles depuis 1772. En 1793, il devient curé constitutionnel ; le 21 et 24 janvier de la même année il fait deux baptêmes de Saint-Gouéno et de Laurenan ; le 27 du même mois il fait un enterrement, attestant que la défunte s'est confessée et a reçu l'Extrême-Onction. Ces actes sont signés de lui comme curé. En février il fait trois mariages, puis les époux vont se présenter à la mairie : l'officier public, François Ropert, rapporte que Jean-Baptiste Presse a fait les publications et le mariage, selon le vieux style, et en se conformant à la loi du mois de septembre dernier, puis le qualifie de citoyen vicaire.

Au mois d'août suivant, Jean-Baptiste Presse meurt dans sa maison du bourg. La déclaration du décès fut faite par Thomas Bédel, de la Ville-Dié, en Langourla, son parent. Quelque temps auparavant, il assistait au mariage de ce Bédel avec Jeanne Auffray de Mérillac, dont la mère portait le nom d'Anne Presse. Cette Auffray était la nièce propre du curé constitutionnel. Ce mariage était purement civil, et lui signe Jean-Baptiste Presse, vicaire.

L'église de Saint-Gilles fut convertie en grenier à fourrages. Nous en trouvons la preuve dans le récit suivant extrait du livre pour enregistrer les décrets, proclamations, arrêtés, etc. de la République. « L'an III, etc., des brigands en nombre considérable (lisez chouans) se sont répandus dans cette commune la nuit dernière …. se sont saisis de haches, se sont rendus au pied de l'arbre de la liberté, l'ont abattu aux cris répétés de : Vive le roi ; ont pénétré dans l'église où se trouvaient ramassés les fourrages qui nous ont été requis … les ont portés au pied de l'arbre de la liberté et là ont brûlé le tout, etc. Signé Jean QUÉRO, notable ; F. QUÉRO, maire ; Jean LE MAÎTRE, agent national ; Jan SAGORY, officier municipal ; Jacques LE MAÎTRE, secrétaire, greffier ».

J'ai oublié de dire que Jean-Baptiste Presse était né à Kerroët, village alors de Plessala. En 1770, sous M. Dutertre, recteur de Saint-Gouéno, il fait des actes du saint ministère et signe J.-B. Presse, prêtre de Plessala. En 1771, on le trouve curé de Saint-Gilles.

 

SAINT-GOUÉNO.

M. P. D. Raoult, originaire de Gausson, était recteur de Saint-Gouéno depuis 1775 lorsque la Révolution éclata. Par lui énergiquement refusé, le serment à la Constitution civile lui valut le chemin de l'exil ; l'île de Jersey lui servit d'abord de lieu de refuge, mais pour plus grande sûreté, il passa ensuite en Angleterre. C'est de là que Dieu jugea à propos de rappeler à lui l'âme de son fidèle serviteur. M. l'abbé Raoult dut quitter sa paroisse de Saint-Gouéno dans les premiers mois de l'année 1791. M. l'abbé Jean Presse était en ce moment curé de Saint-Gouéno. Enfant de la paroisse, il habitait le village de Launay, où il était né. Comme M. Raoult, son recteur, il fut obligé de quitter son pays ; il put se cacher et faire du ministère jusqu'à la fin de 1792. Les anciens de la localité nous désignent d'une manière spéciale une maison, située à la Saude d'en haut, où M. Presse avait l'habitude de célébrer la sainte messe et de remplir les autres fonctions du ministère pastoral. On avait creusé sous le foyer de cette maison une cachette où le bon prêtre, l'office terminé, déposait en sûreté les vêtements sacerdotaux et les vases sacrés. Ne pouvant plus tenir, le jour de Noël 1792, après avoir célébré la sainte messe, il se fait conduire à cheval jusqu'à Erquy, par un sien parent du village de Launay. A Erquy il s'embarqua pour les îles Anglaises.

Plus heureux que son recteur, il rentra à Saint-Gouéno et mourut deux ans environ après son retour, dans la 58ème année de son âge, le 23 novembre 1802. On dit que sa vénérable mère, mourante, eut la consolation de recevoir des mains de son fils les derniers Sacrements.

Aucun prêtre constitutionnel n'a administré Saint-Gouéno. Le ministère fut fait par des prêtres cachés : M. Le Veneur de la Ville-Chapron, le Père Jean, capucin, né à Laurenan, et un M. Jumeau, disent les anciens, lequel, venu du Languedoc, se promenait comme marchand de toile, accompagné d'un de ses frères qui, lui, n'était pas prêtre.

M. Le Veneur de la Ville-Chapron était prêtre habitué et, pour cette raison, fut moins vite persécuté. Il habitait ordinairement le Guénorme, maison à lui appartenant et située à peine à un kilomètre du bourg de Saint-Gouéno.

Le 1er septembre 1795, jour et fête de saint Gilles, M. Le Veneur se disposait à partir pour cette trève, afin d'y célébrer la sainte messe. La colonne mobile passe à ce moment, fait une descente au Guénorme, demande le citoyen de la Ville-Chapron. M. l'abbé présente immédiatement un laissez-passer. A l'instant, le commandant dit : Citoyen, suivez-moi. L'abbé obéit. Arrivé à 100 mètres à peine au-dessus de sa demeure, sur la route qui conduit au bourg, sans autre forme de procès, il est adossé à une épine. Sur l'ordre du commandant de la colonne mobile, deux balles viennent lui donner la mort.

Les bourreaux s'en vont au bourg annoncer la mort du prêtre ; les coups de fusil avaient été entendus. Dans l'acte de décès, l'officier public, Roland, prend bien garde de relater la mort du martyr. Le corps fut enterré dans le lieu même, sous la grande épine. La dépouille mortelle de M. Le Veneur ne resta pas longtemps dans cet endroit ; le corps fut relevé de terre et inhumé dans le cimetière de la paroisse. L'épine sous laquelle fut tué et enseveli M. Le Veneur de la Ville-Chapron, disent les gens, fleurissait chaque année ; mais à partir de ce moment, elle a cessé de porter des fleurs. Pour mon compte personnel, j'ai vu cette épine plus de dix années durant, et jamais mes yeux n'ont pu y découvrir une fleur.

M. Le Veneur de la Ville-Chapron possédait deux permis de séjour, l'un signé du Comité des Chouans et l'autre par les chefs républicains. Au Guénorme, il se trompe, remet au commandant de la colonne mobile celui signé par le Comité royaliste ; cette erreur lui valut la mort.

Du Père Jean, capucin, né à Laurenan, nous savons seulement qu'il a habité une maison délabrée à la Saude d'en haut, où il faisait du ministère. Le triste aspect de son lieu de refuge sauva plus d'une fois, dit-on, la vie au Père Jean. Nous n'avons jamais pu découvrir le nom de famille de ce bon religieux. Nous ne pouvons donner aucun renseignement sur la manière dont il termina ses jours, ni sur le lieu où la mort l'a frappé.

M. l'abbé Jumeau (si toutefois c'est là son nom), se retirait avec son frère au fond d'une anfractuosité de rochers, dans un champ dit la Rochette. Ces rochers étaient couverts de halliers très épais, et au-dessous les deux frères avaient construit un appentis qui les préservait des injures de l'air et leur servait d'abri contre les intempéries des saisons. M. l'abbé faisait du ministère. Combien de temps sont-ils restés dans le pays ? Que devinrent-ils ? Sur ces questions, l'histoire et la tradition gardent un profond silence.

A Saint-Gouéno, pendant la tourmente révolutionnaire, il y eut encore d'autres victimes de la persécution.

M. l'abbé Loncle, jeune prêtre, né à Montorien, en Plouguenast, fut saisi par les bleus, conduit au tribunal du fameux Laléton, qui n'osa pas condamner son compatriote, amené ensuite à Plessala devant le juge de paix du canton, Hautbourg-Amette, honnête homme, qui ne trouva pas motif à condamnation chez le ministre du Seigneur, dirigé enfin sur le district de Broons en passant par Collinée. A deux kilomètres de cette célèbre bourgade, au village de Saint-Quia, alors de Saint-Gouéno, le commandant de la colonne, ennuyé de sa victime, ordonne à ses soldats de fusiller M. l'abbé Loncle. Une croix en granit indique aujourd'hui le lieu du massacre. Sa dépouille mortelle repose dans l'ancien cimetière de Saint-Gouéno. Lorsqu'il se vit saisi par les soldats, M. Loncle, prêtre vertueux, aimé de tout le monde, même des républicains, fit généreusement le sacrifice de sa vie ; il se prépara à la mort avec calme, la subit avec une résignation qui étonna la colonne mobile elle-même. M. Loncle avait été arrêté la veille de Noël, mais je ne sais de quelle année, vers 1799, je crois.

Anne Plesse, de Launay-Meussu, sortait un jour de l'église de Saint-Gouéno. Un officier de la colonne mobile, qui se trouvait au bourg en ce moment, l'aperçoit et lui crie : Citoyenne, d'où viens-tu de ce pas. — Je viens de prier Dieu, répond Anne. — Viens ici. Il la fit entrer dans une maison, et lui offrant un calice qu'il avait volé à l'église et rempli de boisson : Eh bien, bois maintenant un coup à la santé de ton Dieu. — Je ne boirai pas, dit la pieuse fille. — Crie : Vive la république, reprend le soldat. — Jamais, dit Anne. — Alors tu vas mourir : Citoyenne, mets ta tête sur cette table. — Anne l'y plaça. A cet instant l'officier, mû par un sentiment d'humanité et de honte, donne un coup de sabre sur la table, crie au miracle et fait relever sa victime en lui appliquant le pied quelque part. Après cela Anne fut emmenée à Loudéac, de là traînée à Quintin dans la maison des Ursulines, transformée en prison. Après quinze jours de réclusion, elle fut mise en liberté et revint à Saint-Gouéno.

François Robert, de la Touche-ès-Noblets, distribuait un matin la nourriture à ses boeufs, lorsque sur le seuil de l'écurie se présentent deux soldats de la colonne mobile. Après l'avoir considéré, examiné quelque temps, l'un des soldats lui adresse ces paroles : « Citoyen, tu as la peau trop fine pour un laboureur, tu dois être calotin ». Ennuyé des taquineries des deux lurons, François, homme solidement bâti, les serre vigoureusement l'un contre l'autre, leur faisant sentir la puissance de ses poignets, puis quitte l'étable se dirigeant vers sa demeure. Au moment où il passait au pignon de l'écurie, les deux bleus, le croyant toujours calotin, de deux balles le font mordre la poussière. François eut encore le courage de se relever sur ses deux genoux, mais il était atteint mortellement et le jour même il expira. François Robert était le fils du maire de la commune de Saint-Gouéno.

Pendant la tourmente révolutionnaire, la croix de procession de Saint-Gouéno, belle et très ancienne, fut cachée dans une mare à 200 mètres du bourg.

Grâce à la bienveillance des recteurs et vicaires du canton, grâce au souvenir des anciens de Saint-Gouéno, voilà ce que j'ai pu trouver concernant le clergé et les confesseurs de la foi dans le doyenné du Gouray.

Le premier prêtre envoyé à Saint-Gouéno, après la révolution, fut M. Le Bigot, curé de Saint-Hervé avant la tourmente ; il signe curé d'office. Bientôt la maladie le força à cesser son ministère, l'autorité diocésaine lui donna comme auxiliaire, M. Juglet, né à Laurenan, qui lui aussi avait été emprisonné sous la Terreur. Envoyé à Saint-Gouéno au mois d'octobre 1803, M. Juglet prend le titre de vicaire et ne signe recteur qu'à la mort de M. Le Bigot arrivée le 23 septembre 1804. M. Le Bigot, né à Loudéac, était arrivé à Saint-Gouéno en 1802. Il avait amené, comme auxiliaire, son compagnon d'exil, M. Mathon, ancien recteur d'Uzel, décédé à l'âge de 70 ans et inhumé, le 5 février 1824, dans le cimetière de Plessala.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

 © Copyright - Tous droits réservés.