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La chapelle Notre-Dame-de-la-Rivière ou des Marais en Domloup

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Rare et bel exemple de chapelle gothique en Haute-Bretagne, la chapelle Notre-Dame-de-la-Rivière ou des Marais [Note : Paul BANÉAT, le Département d’Ille-et-Vilaine, histoire, archéologie, monuments, 1927, tome I, p. 533] constitue par son histoire et la dévotion dont elle fut l'objet un parfait modèle de chapelle de pèlerinage. Sans doute la simplicité de son plan et ses faibles dimensions ne lui permettent-elles guère de rivaliser avec les grandes chapelles tréviales ou de pèlerinage de la Basse-Bretagne. Mais la qualité et l'originalité de son décor et de son architecture, que sont venues rehausser de récentes et salutaires restaurations, la présence d'une maison destinée à loger le chapelain, maison sans doute d'origine médiévale, sont autant d'éléments qui justifient qu'on s'y arrête.

Chapelle Notre-Dame de la Rivière de Domloup (Bretagne).

La chapelle au début du XXème siècle. Le bâtiment à gauche sur la carte postale en prolongement du logis du chapelain et à vacation agricole, a été supprimé à l’occasion des restauration entreprises à partir de 1983

Chapelle Notre-Dame de la Rivière de Domloup (Bretagne).

 

L'implantation et les origines.

La chapelle est située à 400 mètres en contrebas de l'actuelle route de Rennes à Angers au bord de la route qui mène à Domloup à Nouvoitou. Orientée vers l'est, la chapelle est de plus construite à proximité de la rivière d'Yaigne. La topographie a ici quelque peu changé. L'endroit fut beaucoup plus marécageux par le passé s'il faut en croire le témoignage du premier plan cadastral de Domloup, levé en 1810 [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine 3 P 5590]. Ce plan indique en effet très précisément que la rivière se séparait au nord de la chapelle en deux bras, délimitant ainsi une sorte d'îlot. Avant que les bras ne se rejoignent au niveau du pont qui franchit l'Yaigne au nord, le bras sud s'étalait le long de la route jusqu'aux murs de la chapelle en une pièce d'eau régulière appelée la « Douve ». Les risques d'inondations ont entraîné depuis longtemps une surélévation de la route, la chapelle se retrouvant ici aussi en contrebas. Distante de 1400 mètres du bourg de Domloup, d'environ 2 000 m du château de Châteaugiron et, précision intéressante, de 1200 mètres de l'ancienne voie romaine Rennes-Angers qui passait au sud, la chapelle n'était cependant pas complètement isolée. Elle était encadrée par deux manoirs : le manoir des Vignes ou de la Haute-Vigne au nord, à 100 mètres de la route Rennes-Angers et, à 200 mètres au sud, le manoir de la grande Pince-Guerrière, lui aussi en bordure de la route menant à Nouvoitou. Ces deux manoirs mentionnés en 1427 appartenaient aux seigneurs de Châteaugiron [Note : Paul BANÉAT, ibidem et Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 4 E 283. Minutes Bertelot : prise de possession de la baronnie de Châteaugiron par René Le Prestre de Lézonnet le 12 avril 1701].

L'occupation du site pourrait remonter à la période gallo-romaine, sinon près-romaine. En effet, à l'occasion de la campagne de prospection aérienne de 1989, on a pu repérer à environ 250 mètres à l'est de la chapelle, à flanc de coteau, deux enclos apparemment associés, l'un semi-ovalaire, l'autre rectangulaire [Note : Gilles LEROUX, Alain PROVOST, Carte archéologique de la Gaule. L'Ille-et-Vilaine, Paris, 1990, p. 69]. La destination de ces enclos, dont on retrouve de nombreux autres exemples le long de la Seiche et de ses affluents, comme l'Yaigne, aurait pu être cultuelle. L'hypothèse est même avancée que la route au bord de laquelle est construite la chapelle serait un ancien chemin gaulois qui rejoignait l'ancienne voie romaine de Rennes-Angers [Note : Je remercie M. Alain Priol, président du Centre d'études et de recherches archéologiques des pays de Rennes, pour cette information]. En l'absence de sondages ou de fouilles archéologiques, il est difficile d'en savoir plus. Mais le choix du site pour l'implantation de la chapelle ne relève sans doute pas du hasard.

Si l'on ignore tout de l'origine de la chapelle, on sait toutefois qu'elle existait avant 1393. Le 3 août de cette année-là, le pape Clément VII répondit à une supplique de Patri, seigneur de Châteaugiron, demandant à faire reconstruire « ...dans son manoir appelé de la Rivière une chapelle fondée en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie et totalement détruite en même temps que le manoir, à cause des guerres qui ont sévi plus longtemps dans ces régions »... [Note : G. MOLLAT, « Les désastres de la guerre de Cent-Ans en Bretagne » dans Annales de Bretagne, 1910, p. 170-171]. Le pape accorda à Patri et ses successeurs le droit de présentation du chapelain.

L'interprétation de cette réponse du pape n'est pas aisée. On pourait penser qu'à l'origine, la chapelle appartenait à un ensemble architectural plus vaste dont il ne resterait plus trace, sinon peut-être dans le toponyme de « la Douve » et les fondations d'un mur [Note : L'actuel propriétaire, M. Deshommes, a retrouvé l'occasion de travaux les fondations d'un mur à environ 4 m. au sud de la chapelle, face à l'entrée]. Pourtant, alors que la présence des manoirs voisins de la Pince-Guerrière et des Vigiles, possessions eux aussi des seigneurs de Châteaugiron est attestée dans les actes (il est vrai uniquement à partir du XVème siècle), il n'en va pas du tout de même pour l'existence d'un manoir de « la Rivière » [Note : Mollat, qui donne la transcription de l’acte en latin, avait traduit le terme « hospitium » par hotel. J’ai retenu le terme de « manoir » qui me semble plus conforme. Le contexte du début du passage de la lettre citée n'autorise pas voir dans ce terme une allusion au logement du chapelain ou à un simple hébergement de pèlerin].

Quoiqu'il en soit, chapelle manoriale ou non, la chapelle Notre-Dame des Marais, fondée par les seigneurs de Châteaugiron à une période inconnue, fut bien reconstruite par les mêmes à la fin du XVème siècle s'il faut en croire, comme nous le verrons plus loin, le témoignage de son architecture et des blasons sculptés sur sa façade. Ce même témoignage et l'empressement de Patri à reconstruire la chapelle laissent par ailleurs à penser que Notre-Dame-de-la-Rivière était déjà avant les destructions un lieu de pèlerinage. La chapellenie de la Rivière devait continuer à dépendre de la seigneurie de Châteaugiron jusqu'au XVIIIème siècle ainsi qu'en témoigne le procès-verbal de la prise de possession de la baronnie de Châteaugiron par René Le Prestre de Lézonnet, prise de possession intervenue le 12 avril 1701 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 4E 283, minutes Bertelot. « Entrés dans la chapelle de la Rivière qui nous a esté ouverte par Jan Grosdoy fermier du temporel scituée entre lesdits deux métairyes [des Vignes et de la Pince-guerrière] dont la présentation et patronnage dépend de ladite terre de Châteaugiron, nous avons mis et installé ledit seigneur président de Lézonnet dans la possession réelle et actuelle de ladite chapellenye de Notre-Dame de la Rivière, présentation, patronnage, supériorité, fondation, terres, revenus, droits et dépendances en général que ledit Sieur Hindré faisant pour luy a prise et acceptée ayant sonné la cloche, fait prières devant l'autel et icelly baisé, circuit et environné ladite chapelle sur la porte de laquelle nous avons remarqué plusieurs écussons en pierre posés en bannière aux armes de Brissac et de Châteaugiron et autres alliances »].

La chapelle sous l'Ancien Régime.

Hypothétique au Moyen-Age, le caractère de lieu de pèlerinage est attesté sous l'Ancien Régime. Certains auteurs, comme Guillotin de Corson et Henri-François Buffet ont bien mis en valeur la dévotion populaire qui s'attacha à Notre-Dame de la Rivière [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Paris-Rennes, tome IV, 1883, p. 535 et Henri-François BUFFET, En Haute Bretagne. Coutumes et traditions d'Ille-et-Vilaine, Paris, 1954]. Il est vrai que les documents pour cette période ne manquent pas. La plus ancienne mention concernant un pèlerinage ou une procession se trouve dans le livre des comptes de la paroisse d'Acigné de 1594. On y trouve mentionnée la somme de « 30 sols payés aux porteurs d'enseignes lors des quatre processions ordinaires faictes à la Rivière en Domloup ». Plusieurs autres mentions dans les archives des paroisses rennaises de Saint-Hélier et de Saint-Sauveur précisent la vitalité de cette vénération tout au long des XVIIème, et XVIIIème siècles [Note : Voir notamment GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., tome V, 1884, p. 575. Un vitrail moderne dans l'église Saint-Hélier montre d'ailleurs les paroissiens en pèlerinage à Notre-Dame de la Rivière]. Il n'est jusqu'à la carte de Bretagne d'Ogée, parue en 1771, qui ne fasse l'écho de ce pèlerinage : au contraire par exemple de l'importante chapelle frairienne de Lannelou en Montauban, Notre-Dame de la Rivière y est figurée. Guillotin de Corson dit même qu'on y venait de fort loin sans donner plus de précisions, ce qui est bien dommage : on aurait pu mesurer le réel impact de ce pèlerinage qui n'était sans doute pas qu'une simple manifestation de piété locale [Note : GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., tome V, p. 535]. Quant à l'origine même du pèlerinage, elle est tout aussi problématique que celle de l'édifice lui-même. Au moins semble-t-il aussi ancien que la chapelle elle-même. La dévotion à la Vierge en était l'objet principal. Elle s'exprimait plus précisément, depuis l'ancien Régime, à travers la vénération d'une statue de la Vierge présentée à la piété populaire jusqu'au début du XXème siècle dans une niche de la façade de la chapelle. On n'hésitait pas à invoquer la Vierge contre les fièvres [Note : Henri-François BUFFET, op. cit., p. 313].

Chapelle Notre-Dame de la Rivière de Domloup (Bretagne).

La chapelle était desservie par un chapelain dont la maison existe toujours. Il était bien sûr toujours présenté par le seigneur de Châteaugiron. Nous connaissons les noms de plusieurs des chapelains chargés de dire la messe en Notre-Dame de la Rivière tous les samedis et aux quatre fêtes de Notre-Dame : Ollivier Geffroy à partir de 1557, Geslin mort en 1627, Paul le Duc, archidiacre de Dinan, Nicolas Chastelier, à partir de 1718, Étienne Guihery à partir de 1757 et démissionnaire en 1777 et enfin François Chédor à partir de cette année-là [Note : GUILLOTIN DE CORSON, ibidem et Archives départementales d'Ille-et-Vilaine G 495 (B)]. On conserve encore l'acte de présentation de François Pierre Chédor, par René-Jacques-Louis Le Prestre, marquis de Châteaugiron, daté du 18 juin 1777, ainsi que l'acte de prise de possession de la chapellenie, intervenue le lendemain [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine G 495(B)]. La prise de possession mentionne notamment les terres et maison dépendantes de la chapellenie, qui consistaient en « un jardin potager, une pièce de terre nommée la grande pièce de la Rivière et une quantité contenant environ trois jours de fauche dans une prairie à côté de ladite pièce de terre » et une « maison, étable et greniers au-dessus ». On apprend qu'une nommée Anne Loriol, femme d'Ollivier Giboire jouissait alors comme fermier de ces terres et maison, affermées pour 80 livres par an à Nicolas Fresnel qui demeurait à la métairie des Vignes. La maison dont il est question était en fait la maison du chapelain où ce dernier ne résidait plus sans doute depuis longtemps. Pierre Chédor, devenu recteur de la paroisse de Noyal-sur-Vilaine, affermera à partir de 1789 terres et maison à Jean Goupil et Marie Gaudon de Domloup pour 150 livres [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine G 495(B)].

De la Révolution française à aujourd'hui.

Au moment de la Révolution française, la chapelle et la ferme dépendant de la « ci-devant chapellenie de la Rivière » furent vendues comme biens nationaux le 11 août 1791 pour la somme de 4000 livres (l'estimation était de 3091 livres) à Antoine-Charles Burnel demeurant à Rennes, qui les céda à Mathurin Thébaut [Note : Armand RÉBELION, Adolphe GUILLOU, Documents relatifs à la vente des biens nationaux. Districts de Rennes et de Bain, Rennes, imprimerie Oberthur, 1911. p. 208]. Toujours en possession de cette famille au siècle suivant, la ferme de la Rivière fut affermée en 1842 pour 200 francs [Note : Archives départementales, d'Ille-et-Vilaine 4E. Burdelot, 7 septembre 1842].

Les pèlerinages à la chapelle semblent avoir repris, mais dans des proportions moindres, dès le début du XIXème siècle. Tout au long de ce siècle et jusque tard dans le XXème siècle, la paroisse de Domloup s'y rendait en pèlerinage pour conjurer les intempéries et s'y rencontrait avec celle de Nouvoitou. On trempait le bâton des bannières ou la hampe de la croix processionnelle dans la fontaine aujourd'hui disparue [Note : Henry-François BUFFET, op. cit., p 310, note 43]. On venait en général à la chapelle pour les processions des Rogations et la procession du 15 août. Puis, tombée en désuétude, ruinée, la chapelle menaça de disparaître. Grâce aux efforts de son propriétaire, M. Deshommes, de l'association des Amis de Notre-Dame de la Rivière, de l'association Breizh Santel et des Bâtiments de France, d'importants travaux de restauration furent engagés à partir de 1983 pour sauver cette belle chapelle, inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1973.

Une architecture marquée par le pèlerinage.

Comme toutes les chapelles de pèlerinage, la chapelle Notre-Dame de la Rivière comportait un ensemble cultuel complet qui comprenait, en dehors de la chapelle proprement dite, une croix et une fontaine de dévotion.

La fontaine se trouvait aussi au bord de la route, au niveau de la ferme de la Haute-Vigne, à environ 300 mètres à l'ouest. Simple bassin maçonné, elle disparut il y a plusieurs années sous des remblais. De la croix, seuls subsistent le socle et le fut. La croix elle-même a disparu. Un croquis de cette croix conservé aux Archives départementales permet de penser qu'elle était par son style contemporaine de la chapelle [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 4J Domloup. Le croquis fut réalisé par l'érudit Joseph des Bouillons aux alentours de 1900].

La chapelle comme il a déjà été dit, est de faibles dimensions (12 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur). De plan rectangulaire, elle ne possède aucun transept. Deux contreforts à double ressaut épaulent les murs aux angles du chevet ajouré d'une grande baie avec réseau gothique. La chapelle est aussi éclairée, du côté sud, par deux petites baies, l'une en plein cintre, l'autre en arc brisé qui comprenait autrefois un meneau et dont subsistent deux arcs trilobés. La chapelle, comme c'est souvent le cas dans nombre d'églises et de chapelles bretonnes des XIVème et XVème siècles, n'avait pas de voûte en pierre mais un lambris de bois reposant sur des sablières sculptées, ici, d'un tore. Plusieurs entraits engoulés maintiennent la charpente. Ces entraits présentent en leur milieu des écus sculptés sur lesquels étaient apposées sans doute les armoiries des barons de Châteaugiron. Tout ce travail du bois n'est pas d'ailleurs sans faire penser au reste de décor encore en place au château de Châteaugiron, château dont on sait maintenant qu'il fut reconstruit aussi, en partie, par Patri de Châteaugiron, à la fin du XIVème siècle [Note : Michel MAUGER, « De la forteresse médiévale à la demeure classique à la Française : le château de Châteaugiron », dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, tome LXVIII, 1991, 449-465]. Le sol de la chapelle était recouvert d'un dallage de carreaux vernissés bleus-verts et jaunes-orangés, qu'on a en partie retrouvé en place [Note : Selon le témoignage du propriétaire, les carreaux étaient disposés en figures géométriques simples : quatre carreaux jaunes - orangés entourés de carreaux bleus-verts disposés en losange. Le dallage, en mauvais état, n'a pas été conservé].

Mais tout l'intérêt de la chapelle se concentre autour de la façade d'entrée à l'ouest. La porte d'entrée, tout à fait caractéristique des années 1400 par ses colonnettes avec chapiteaux est surmontée d'une baie avec décor de choux frisés qui comprend un bas-relief. Ce bas-relief présente un ensemble héraldique sculpté tout à fait unique en Bretagne. Trois anges prenant appui sur l'extrados de l'entrée y tiennent cinq bannières et trois blasons. Malheureusement, l'œuvre du temps a rendu presqu'illisibles ces armoiries. On dispose toutefois de deux descriptions. Frotier de La Messelière exécuta un relevé de l'ensemble en 1898. Il crut reconnaître de gauche à droite et de haut en bas, les armoiries des Malestroit (de gueules à 9 besants d'or, représentées ici avec 8) dans les deux premières, des armoiries non identifiées portant un lambel en chef dans la troisième bannière et dans la quatrième bannière, la plus lisible aujourd'hui, les armes ducales de Dreux-Bretagne. Les deux autres bannières et les trois écus porteraient les armes de Châteaugiron d'or au chef d'azur, seules ou en alliance dans la sizième bannière et le troisième écu [Note : FROTIER de La MESSELIÈRE, Documents héraldiques du département d'Ille-et-Vilaine, Saint Brieuc, Prud'homme, 1946].

Paul Banéat, pour sa part, croyait reconnaître dans les armoiries de la rangée de bannières supérieure, outre les anciennes armes des Dreux-Bretagne abandonnées en 1316, les armes récentes de Bretagne et des armes associant un champ d'hermines et la brisure d'un lambel. Comme Frotier de la Messelière, il reconnaissait dans les autres armoiries les armes de la famille de Châteaugiron [Note : Paul BANÉAT, ibidem].

André Mussat, sans revenir sur le détail de ces armoiries, a concilié les deux lectures. La présence des écus ducaux à partir de l'échiqueté de Dreux au franc quartier d'hermines sur la façade de Notre-Dame de la Rivière fondée par les seigneurs de Châteaugiron, fidèles des ducs Jean IV et Jean V, témoignait selon lui de la volonté des ducs de Bretagne d'assurer leur légitimité [Note : André MUSSAT, Arts et cultures de Bretagne : un millénaire, Berger-Levrault, 1979, p. 79, « Les armes de Châteaugiron et de Malestroit rattachent ce monument héraldique à l'actualité politique puisque cette famille fait partie des fidèles les plus directs de Jean IV et Jean V »]. Ces armes qui marquent une prééminence ducale seraient donc un signe politique qui prend toute sa dimension avec le rappel des armes des premiers ducs, abandonnées depuis presqu'un siècle... Les ducs, à la même époque, devaient multiplier leurs prééminences dans d'autres édifices appartenant aussi à des proches, comme à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët.

Si la première série de bannières posera toujours quelques problèmes d'identification, les autres bannières et écus semblent bien présenter les armoiries de la famille de Châteaugiron [Note : Le procès-verbal de prise de possession de la baronnie en 1701 déjà mentionné (par ailleurs) ajoute à la confusion en décrivant « des écussons en pierre posés en bannière aux armes de Brissac et autres alliances ». Il est difficile de reconnaître dans une des bannières ou un des écus les armes de la famille de Cossé-Brissac qui étaient de sable à trois fasces d'or, denchées par le bas. Il peut s’agir tout simplement d'une erreur d'analyse de la part des acteurs de la prise de possession]. On pourrait même reconnaître dans le deuxième écu où les armes sont brisées d'un lambel de trois pendants les armes d'Armel de Châteaugiron, fils de Patri de Châteaugiron, écuyer proche du duc Jean V [Note : BLANCHARD, Lettres et mandements de Jean V duc de Bretagne, Nantes, Socièté des bibliophiles bretons, 1894 et Michel MAUGER, art. cit., p. 461, note 34].

La niche-au-dessus de l'ensemble abritait un groupe sculpté en terre cuite de sainte Anne et la Vierge. La colonne engagée sur le côté sud de la façade peut étonner. Il semblerait en fait qu'une colonne identique existait symétriquement de l'autre côté de la façade. Ces colonnes aux chapiteaux moulurés supportaient sans doute un auvent destiné à protéger l'espace devant la chapelle pour des messes célébrées à l'extérieur, à l'occasion des grandes fêtes mariales, la chapelle ne pouvant par son exiguïté accueillir les nombreux pèlerins. La présence à l'extérieur d'un bénitier et d'une armoire à côté de la porte au sud et d'une niche de l'autre côté, au nord, niche qui abritait la statue de la Vierge à l'Enfant en bois polychrome, objet de la dévotion populaire, et surtout l'écrasement étonnant de la baie sur l'entrée, laissent penser que dès l'origine la chapelle avait été conçue comme chapelle de pèlerinage.

Le logis du chapelain, adossé au mur nord de la chapelle, a été très remanié. Composé d'une salle basse et d'une salle haute, il a conservé peu d'éléments d'origine en place. Seuls présentent un certain intérêt la cheminée à l'étage, adossée au pignon nord et le linteau de la fenêtre ouest, à côté de la porte d'entrée, sur lequel figure un décor en accolade avec fleuron. D'autres éléments, de remploi, intriguent, comme dans la salle basse, engagée dans le mur nord, vers l'angle, une colonne ou encore un chapiteau de colonne utilisé comme corbeau pour supporter une des poutres du plancher supérieur. Autre élément étonnant : la présence d'une ouverture percée en biais dans le mur nord de la chapelle au niveau de l'étage du logis, ouverture qui devait permettre de suivre l'office depuis le logis. Mais le plus surprenant est bien le grand arc muré dans le mur nord de la chapelle en partie caché par le logis du chapelain, logis du coup incontestablement postérieur à la construction de la chapelle. Sur quoi pouvait-il déboucher ?

L'architecture de la chapelle Notre-Dame-de-la-Rivière, à l'instar de son histoire, soulève encore bien des questions. Tous ces détails architecturaux ou décoratifs énigmatiques, ces étrangetés de configuration, en un mot ces mystères de pierre ne sont-ils pas en définitive le reflet de la longue évolution et des nécessaires adaptations d'un lieu d'une intense vitalité ?

(Michel Mauger).

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