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LES RUES DE DOL-DE-BRETAGNE.

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I. - CHATEAU. - FORTIFICATIONS. - REMPARTS.

Aujourd'hui, l'emplacement de l'ancien Château de Dol est à peu près au centre de la ville, bien qu'il tire vers le Nord. Mais, lorsque le Château existait dans sa splendeur, il ne s'y trouvait pas. Alors la ville proprement dite s'étendait de la porte Saint-Michel à la porte Notre-Dame, et ainsi le Château se trouvait à l'une des extrémités. Pour se convaincre de la rigoureuse exactitude de notre assertion, il suffira de consulter avec deux bons yeux le plan de Dol, dressé en 1693 par l'architecte Picot.

Dans les chroniques du Moyen-Age, aux onzième et douzième siècles, le Château de Dol est désigné sous le nom de « Turris Doli ». Ces mentions historiques prouvent son existence authentique à ces époques [Note : Dom Morice, Preuves de l’Histoire de Bretagne, t. Ier, pages 129-133. — Chronique de Robert de Thorigny, abbé du Mont, ad annos 1075 et 1164].

Quant à son origine, M. Marteville, dans ses annotations sur le Dictionnaire de Bretagne, semble la faire remonter jusqu'au temps des Romains. C'est ce qui résulte d'un passage où l'annotateur a écrit que c'est à cette époque qu'il faut « rattacher… une partie des anciennes murailles qui ont été détruites en 1840, et dans lesquelles on a trouvé à cette époque une médaille en grand bronze de Jules-César, admirablement conservée ».

Dol-de-Bretagne (Bretagne) : les remparts.

Le fait de l'invention de cette médaille est constant ; dès lors il n'y a pas lieu de le discuter. Mais, à part ce premier fait, les assertions contenues dans la citation précédente sont toutes inexactes. Nous allons donc rétablir les détails de cette trouvaille, d'après une lettre de l'administration municipale de Dol, écrite au préfet du département à la date du 23 mai 1839.

C'est au mois de mai 1839 que la médaille mentionnée par M. Marteville fut trouvée, dans la basse-cour du collège, en face du petit escalier de pierre qui introduit dans les caves de l'édifice, qui auparavant 1789 était le palais épiscopal.

Cette médaille fut recueillie par des ouvriers employés à l'enlèvement de décombres qui formaient le sol de cette basse-cour. On ne remarqua rien d'extraordinaire aux environs du lieu où cette médaille fut découverte. Elle était, d'ailleurs, presque à fleur de terre. (Archives de la Mairie de Dol. - D. 31).

Tel est, en quelques mots, le résumé exact de la lettre écrite par le maire de Dol au préfet du département, en lui envoyant la médaille que celui-ci avait réclamée.

Comme on le voit, il n'est aucunement question de murailles détruites en 1840, comme le dit M. Marteville. Quant à la provenance des décombres où fut trouvée la médaille, c'est ce que nous allons présentement examiner.

Avant la construction de l'évêché, qui sert vers 1858 de collège communal, il existait un Château-fort, celui-là même qui fait l'objet de cet article, et dont les constructions intérieures couvraient tout l'espace qui est actuellement en basse-cour. Ce Château fut démoli en 1753-1754, et le nouvel édifice, tel qu'il existe, fut construit sur un emplacement plus rapproché de la Cathédrale. Alors on combla les caves et les souterrains de l'ancien Château au moyen des déblais provenant des démolitions de la citadelle et aussi d'ailleurs.

Ainsi la médaille de Jules-César découverte en 1839, dans les déblais de la basse-cour, pouvait y avoir été apportée de très-loin, par suite d'une foule de circonstances, toutes aussi probables les unes que les autres. La trouvaille de cette médaille dans l'intérieur de l'ancien Château ne peut donc, en aucune manière, prouver que l'origine de ce Château remonte jusqu'au temps de la domination romaine.

Alors s'écroule tout l'édifice de suppositions et d'hypothèses bâti par M. Marteville.

L'ancien Château de Dol, en y comprenant ses fossés et fortifications extérieures, couvrait l'emplacement du collège actuel avec toutes ses dépendances, et, de plus, divers espaces au Nord et l'emplacement du passage de la Trésorerie.

Ce Château fut démoli en 1753-1754, sous l'épiscopat de Monseigneur Jean-François Dondel, lequel en obtint l'autorisation du roi, s'il faut en croire le municipal Juhel de La Plesse, ou qui peut-être y fut contraint. Pendant les démolitions, un pauvre diable, nommé Gilles Bachelot, maçon de Vildé-Bidon, périt sous les décombres ; il était âgé de cinquante ans.

Ce n'est pas chose facile que de vouloir donner une idée un peu exacte de l'importance et de l'étendue de notre ancienne citadelle, comme l'appelle l'abbé Deric ; néanmoins, nous allons essayer de localiser les principaux points.

Du côté du Midi, le mur de clôture formait, comme aujourd'hui, le point d'appui des maisons qui sont au Nord de la rue de Wagram. Ces maisons, je voulais dire ces mauvaises baraques, sont fort anciennes et en même temps très-hideuses. Elles rétrécissent considérablement cette rue, qui aurait un urgent besoin d'être élargie. Cette désirable innovation pourrait être facilement obtenue par la démolition de l'ancien mur du Château, qui est une propriété communale. On pourrait ensuite élargir la rue en prenant sur la basse-cour du collège. Fiat igitur !

A l'Est, l'enceinte faisait, comme aujourd'hui, un angle rentrant, très prononcé. L'une de ses extrémités allait retomber jusqu'au milieu du passage actuel de la Trésorerie. C'était là que s'élevait ce fameux donjon bâti par Thibault de Moréac, suivant le récit du P. Albert-le-Grand, qui en donne une description de visu. (Catalogue, page 288).

« C'estoit, dit-il, une très-forte pièce, elle avait trois estages, le premier estoit quarré, le second estoit octogone ou de huit faces, le troisième estoit rond, decouvert par le haut en plate-forme » [Note : Le donjon et le fossé qui le circuilait occupaient toute la partie inférieure du passage de la Trésorerie. La petite rue de la Licorne n'existait pas. Pour arriver à la Cathédrale, on passait par la Cour-aux-Chartiers et l'on suivait le bord du fossé qui entourait le Château].

Du donjon, l'enceinte se recourbait d'une manière sensible dans la direction du petit porche de la Cathédrale, ce qui laissait un espace assez vaste pour arriver au grand porche [Note : Le fossé qui entourait le mur d'enceinte du Château suivait la direction oblique de ce mur. Ce fossé couvrait la plus grande partie de l'emplacement actuel du haut de la Trésorerie, de sorte que les bords du fossé s'étendaient en partie sur l'emplacement des jardins et des maisons qui bordent cette rue à l'Est].

L'entrée du Château se trouvait au Nord, tout-à-fait en face du petit porche [Note : Dans les registres de l'ancienne paroisse du Crucifix, on lit : « … Le petit portail qui conduit au Château, » ad annum 1688]. La porte principale était entourée de fortifications qui, d'un côté, se portaient jusqu'au petit porche, et, de l'autre, jusqu'au pied de la tour, tout en laissant cependant un petit passage pour pénétrer sur la place de la Posterne, située entre la Cathédrale et le mur de circonvallation de la ville.

Dans l'intérieur de l'enceinte du Château, il y avait deux principaux corps de bâtiments allant de l'Est à l'Ouest, et séparés l'un de l'autre par une galerie qui allait vers l'entrée principale. Comme nous l'avons dit précédemment, ces bâtiments occupaient tout l'emplacement de la basse-cour actuelle. A l'Est de ces bâtiments était la grande tour du donjon, dont il a été parlé un peu plus haut.

Maintenant, nous allons parler des fortifications qui formaient la clôture du Château du côté de l'Ouest, puis nous ferons, plutôt en esprit qu'en réalité, le pourtour de nos anciens remparts.

Dol-de-Bretagne (Bretagne) : les remparts.

Du mur occidental du Château, il subsiste encore une partie, qui se prolonge jusqu'au jardin actuel du collège et est fort reconnaissable à sa dentelle de créneaux dans les interstices desquels ont poussé des arbustes et des plantes parasites. Les oiseaux du ciel nichent dans les embrasures de la forteresse qui fut autrefois assiégée par Guillaume le Conquérant et Henri de Plantagenet.

Autrefois, comme aujourd'hui, ce mur de clôture suivait les contours du terrain, et dans son prolongement il rencontrait la Tour du Château qui se dressait là où est la tonnelle circulaire du jardin, — puis la Tour au Lutin, élevée à l'angle Nord-Ouest de la tour Nord de la Cathédrale [Note : Une douve très large et semblable à celles qui existent encore ceignait le pied du mur occidental depuis la Tour de la Prison jusqu'à celle du Château. Les eaux qui descendaient de la ville s'arrêtaient en cet endroit sans en pouvoir sortir, et se mêlaient aux « vidanges » que les voisins jetaient nuitamment dans le cloaque, comme on l'appelait. De ce mélange impur, il résultait un limon noir et fétide qui infectait l'air et causait des maladies dangereuses. Un arrêt du conseil du 10 juin 1762 autorisa la communauté de Dol à combler cet infect cloaque, en y jetant l'Eperon, dit de la Porte d'Embas, lequel séparait le faubourg de la Boulangerie du reste de la ville].

Entre ces deux tours, mais plus près de la seconde, vis-à-vis et à douze mètres de la grande porte de la Cathédrale, [Note : Dans le cintre qui est au-dessus de la grande porte il existait, avant la révolution de 1793, une statue de la Sainte Vierge placée derrière une vitrine. On la désignait vulgairement sous le nom de Notre-Dame de la Posterne, parce que, effectivement, elle faisait face à la Posterne. On allait en pèlerinage à cette madone pour retrouver les objets égarés] s'ouvrait la Posterne du Château, par où l'on descendait à la Lavandrie, en passant sur un pont jeté sur le fossé.

Le mur, se contournant ensuite, renfermait la basilique de Saint-Samson. Une tour, dite de Saint-Samson, existait à l'encoignure de la chapelle de la Vierge. Tours, murs, poterne ont disparu. Les fossés de la Posterne furent comblés en 1754. La muraille qui longeait la Cathédrale fut démolie en 1760 et les matériaux servirent à reconstruire l'hôpital.

C'est à cette même époque que fut construit le mur de clôture qui joignait la chapelle Saint-Samson, et qui a été démoli en février 1854, afin d'isoler complètement la Cathédrale.

De la tour Saint-Samson, en continuant l'enceinte des murailles de la vieille cité, on trouvait la tour de la Motte ; grande tour des Carmes ; petite tour des Carmes (ruinée), — et enfin la porte d'Enhaut ou porte Saint-Michel.

De la porte d'Enhaut, en tournant au Midi, on rencontrait la tour Saint-Michel (ruinée), tour du Presbytère, tour des Bas-Celliers, tour de la Barcane, tour des Bourgeois, [Note : C'était sur cette tour qu'étaient placés les canons que l'on tirait dans les circonstances solennelles] (à demi-ruinée), et enfin la tour de la Prison et la porte d'Embas ou Notre-Dame.

Les portes d'Enhaut et d'Embas de la ville de Dol ne disparurent entièrement qu'en 1784. Mais, dès le 19 juillet 1782, on avait mis en adjudication la démolition du couronnement de la porte d'Embas, ainsi que des murs et parapets à gauche, en sortant ; même des trottoirs existant des deux côtés de ladite porte et conduisant de ladite porte aux faubourgs de la Boulangerie et de la Lavandrie.

Le 18 juin 1784, on mit en adjudication la démolition des portes d'Enhaut et d'Embas et des deux cavaliers qui étaient au-devant de ces portes. Cette adjudication fut approuvée par ordonnance de l'intendant du 16 juillet suivant.

Dol-de-Bretagne (Bretagne) : les remparts.

 

II. - GRAND-RUE. - DOS-D’ANE. - POMPE.

Il y a de la Grand'Rue de Dol une description écrite eh 1836 et publiée à la page 108 de l'ouvrage intitulé Notes d'un Voyage dans l'Ouest de la France. Il y a bien des « étourderies » dans ce livre, ainsi que l'a fait très judicieusement observer notre compatriote, M. Guillaume Le Jean. Etourderie, par exemple, quand le voyageur officiel vient nous débiter que « l'ancienne église des Carmes sert aujourd'hui de halle au blé, » quand, à cette époque, il y avait déjà plus de trente ans que cette église avait été démolie. Etourderie, encore, quand il affirme — que les piliers qui soutiennent les porches de la Grand'-Rue « proviennent, pour la plupart, d'édifices considérables, détruits depuis un siècle, au plus, »« qu'on n'avait absolument rien trouvé » sous la pierre du Champ-Dolent, lors des fouilles exécutées en 1801, etc., etc., etc., etc. [Note : Toutes, ces inexactitudes ont été reproduites dans la nouvelle édition du Dictionnaire Historique et Géographique de Bretagne (tome 1, p. 251 et suivantes), publiée par M. A. Marteville, même l'éditeur de cet ouvrage a surenchéri, comme quand il dit, à propos des porches : « Quelques-unes de ces colonnes provenaient, dit-on, de la Cathédrale qui existait avant celle d'aujourd'hui ». L'ancienne édition du Dictionnaire de Bretagne, éditée en 1778, contenait, à l'article DOL, plusieurs erreurs qui ont été conservées daus la nouvelle, et de plus se sont augmentées de beaucoup d'autres, empruntées à diverses publications, dont les assertions auraient eu besoin d'être passées à un contrôle sévère. Dans l'intérêt de la vérité historique, nous nous sommes appliqués, avec le plus grand soin, à rechercher toutes les inexactitudes des divers ouvrages où il est question de Dol. De cette manière, nous sommes parvenus à réunir les éléments de nombreuses rectifications : bon nombre ont déjà paru ; nous les continuerons dans la suite de notre mémoire].

Ces réserves faites, je dirai hautement que la description sus-mentionnée est la meilleure qui existe, et que tout le monde l'a analysée ou copiée. Quant à nous, nous ne la reproduirons pas ici, parce que chacun pourra la lire dans l'ouvrage où elle se trouve et qui est assez commun.

Toutefois, écrite il y a plus de vingt ans, cette description était alors exacte : aujourd'hui, elle ne l'est plus, tant les démolitions vont vite et prennent une progression rapide. Sauf quatre à cinq, qui existent encore [Note : Parmi ceux qui restent, on peut citer celui qui est à l'entrée de la Cour-aux-Chartiers, et celui qui fait l'encoignure de la rue des Chantres (ou des Perrons), où il y a une colonne délicieusement évidée. Citons encore le porche de la maison des Voûtes, qui est au haut de la Grand'-Rue, et qui se distingue par ses massifs piliers romans, usés par les siècles, et ses arcades en retrait. On pourrait signaler, pour les mêmes raisons, la maison de la Boussinière ou Grisardière, contiguë à celle des Voûtes ; mais, depuis douze ans, le porche a été masqué par une devanture qui empêche d'apercevoir les piliers, qui, du reste, sont semblables à ceux qu'on peut examiner tout auprès], tous les autres porches ont disparu. C'est un malheur pour l'archéologie locale. Mais il faut dire que cette considération, puissante sur quelques âmes d'élite seulement, est sans autorité aucune sur le plus grand nombre, qui, absorbé par son petit négoce, livré à son commerce et à ses intérêts, goûte infiniment peu les souvenirs historiques, et voit très indifféremment les choses en leur état actuel, sans jamais s'inquiéter de ce qu'elles ont pu être dans le passé.

Entre tous ces fragments du Moyen-Age qui existent encore à Dol, il faut mettre au premier rang la maison des PETlTS-PALLETS (Actes de transmission. — Acte de 1643. — Registres capitulaires), et non pas des Plaids, comme on l'a dit et ignoramment répété, sans s'enquérir de l'exactitude de cette dénomination.

Cette relique du passé, déjà signalée en 1836, l'était une seconde fois, en 1843, par le Nouveau Dictionnaire de Bretagne, qui le premier l'a appelée la maison des Plaids, et prétend que c'était là que se rendait la justice. Ecoutons du reste M. Langlois, auteur de la susdite description (t. 1, p. 251) : « Trois baies, placées au premier étage, sont, dit-on (quelle preuve qu'un dit-on), les ouvertures par lesquelles les jugements étaient proclamés. L'une était destinée aux grands jugements, l'autre aux petits jugements, la troisième, aux jugements criminels ».

Ici, je ferai une petite question. — Si tous les jugements grands et petits étaient proclamés du haut des baies de la maison des Petits-Pallets, — à quel usage pouvait servir la maison des GRANDS-PALLETS, aujourd'hui séparée de la première par la cour du Quengo, mais qui, autrefois, pouvait lui être contigüe ? — Ne serait-il pas convenable de partager la publication des jugements entre les deux Pallets ? Quant à moi, j'estime qu'avant d'indiquer l'usage de ces baies, M. Langlois aurait dû servir quelque document qui eût bien ostensiblement prouvé l'usage auquel il veut que sa maison des Plaids ait servi. Pour mon compte, et jusqu'à preuve du contraire, je conteste énergiquement que la maison que j'appelle des Pallets ait jamais été le sanctuaire de la justice.

Maintenant j'ouvre un aveu présenté à la chambre des comptes de Bretagne, par l'évêque Charles d'Espinay, en 1575, et au folio deux, verso, je lis : « Et y a en ladite ville de Dol, trois cohues, l’une en laquelle est l'auditoire où s'exerce la juridiction temporelle dudit évêché, au-dessous duquel auditoire se vend du bled aux jours de foire et marché… ».

Nous venons d'administrer nos preuves : que nos détracteurs en fassent autant, et qu'ils démontrent, s'il est en leur pouvoir, que la justice a été, à une époque précise, rendue dans la maison des Petits-Pallets. Mais nous faisons remarquer que ce sont des preuves valides que nous exigeons, et non de grosses plaisanteries, telles qu'on a eu « la courtoisie » de nous en adresser.

Plusieurs autres maisons, situées tant dans la Grand'Rue que dans d'autres, doivent être pareillement mentionnées, soit à cause de leurs noms, soit à cause des redevances singulières auxquelles elles étaient astreintes au temps de la féodalité.

Dans la rue de la Boulangerie, la maison de La Truyequi-File, appartenant à Jacques Hamelin, dit Fesse-Noire, devait à la Maison-Dieu de Dol « cinq sols, pour la chandelle de la minuit de Noël, » à cause de la fondation de Léonard Beaumesnil, faite en 1615.

Au seizième siècle, la maison du Paradis, appartenant à M. Etienne Lecorvaisier, devait à l'évêque de Dol « cinq sols, une corvée ». Une autre, sise « près le château, » devait « une corvée de fanage, un saucier de bois à chacune nouvelle entrée d'évêque, et le devoir de bouteillage ». La maison de la Tête-Noire devait « trente sols, une livre de poivre et une corvée » ; enfin, celle appelée le Cheval-Blanc devait encore « trois corvées, une livre d'amende » (Aveu de Charles d'Espinay, évêque de Dol, 1575).

L'emplacement du Dos-d'Ane, que nous voyons si spacieux à cette heure, et où nos sommités doloises se promènent, causant politique et affaires, était, avant 1794, couvert par divers établissements que nous allons rapidement énumérer ici.

On y trouvait la Croix-aux-Pigeons, [Note : C'était autour de cette croix que se groupaient les marchands de pigeons ; inde nomen] grande croix de pierre, élevée vis-à-vis la maison du Grand Cheval-Blanc (en 1858, auberge Picard) ; puis, en descendant la boucherie, [Note : A l'endroit de la maison des Petits-Pallets, nous avons donné un extrait de l'aveu de Charles d'Espinay, qui prouve l'existence de trois cohues ; mais il n'y en avait que deux sur le Dos-d'Ane, nous indiquerons plus loin où se trouvait la troisième] les quatre pots de la Vergue, la cohue au blé, et, à la suite, en face la rue des Chantres, la fontaine publique, établie par la communauté en 1620, et, par conséquent, longtemps avant Matthieu Thoreau, à qui on voudrait en faire honneur, mais sans raison.

Cette masse de constructions présentait un aspect hideux, interceptait l'air, et, en outre, la circulation était si difficile tout autour, que le samedi, jour de marché dès le onzième siècle, peut-être, mais bien certainement depuis le quinzième, on était obligé de remiser les charrettes dans un espace intérieur qui, de cet usage, a retenu le nom de Cour-aux-Chartiers. Les cohues et tous les magasins qui les accostaient furent démolies en l'an II (deux), par arrêté de Le Carpentier, du 15 floréal, pris sur une requête de la société populaire et montagnarde, signée : Corbinais, président, Fristel, commissaire. Un sieur Julien Guineheu resta adjudicataire de la démolition pour la somme de 2.425 livres en assignats. La commune ne se réserva que la campanile qui était au-dessus de la cohue au blé.

Cette situation des cohues (en latin du bas âge, cohuœ) au cœur de la cité, y avait fait affluer les tavernes et les cabarets (on ne connaissait pas les cafés, alors), lieux bénis de tout temps à Dol, qui, comme on le sait, produit pas mal de cidre, que l'on pourrait appeler, avec le curé Rabelais, « la benoîte purée seplembrale ».

Ainsi, du côté Midi, on retrouve à partir du dix-septième siècle, auprès de la maison des Petits-Pallets, les Trois-Pigeons ; un peu au-dessus, en remontant, le Grand Pot-d'Etain, le Gros-Chesne, le Pignon-Blanc, le Croissant, l'Image du Petit-Saint-Martin ; au-dessus encore, le Petit Cheval-Blanc et le Grand Cheval-Blanc, la Petite Tête-Noire et la Grande Tête-Noire ; du côté nord, l'Image Saint-Michel, la Croix-Verte, le Petit-Paradis, le Pilier-Blanc, le Pilier-Rouge, le Grand-Croissant et le Petit-Croissant, la Grandc-Trotellière.

A propos du Pot-d’Etain, il y a une joyeuse historiette, par nous retrouvée dans les poudreux registres du chapitre de Dol, à la date de 1662. La parole est laissée au secrétaire de Messieurs du vénérable Chapitre, suivant la féodale expression.

« Du vendredi 13 octobre 1662.

Le mardy 26 dudit mois de septembre, durant les sons des vespres dudit jour, ledit JOUSSELIN, sortant d'une maison voisine du cabaret nommé Pot d'Estaing (sic), d'où il venoit de faire la débauche et estant fort espris de vin se seroit détaché de sa compagnie, appercevant non loin de là messire Pierre Gillouaye, prêtre habitué en cette église, qui prenait son chemin pour se rendre à vespres, et l'ayant abordé avec deux verres vides à une main, et saisy par le bras de l'autre, auroit fait effort de le mener boire avecque luy, dequoy ledit Gillouaye s'estant voulu excuser sur l'obligation de se trouver à vespres, et taschant de se defaire de luy, ledit Jousselin l'auroit, enfin laissé après luy avoir donné sur la joue, l'appelant bigot et hypocrite, ensuite de laquelle action, faite en pleine rue et à la vue de plusieurs personnes, ledit Jousselin estant venu à vespres et s'estant placé proche ledit Guillouaye, il aurait continué à le maltraiter de paroles injurieuses, de menaces et autres paroles : que l'evesque ni le chapître ne le pouvaient exempter des coups de baston qu'il luy donneroit. Ce qui auroit obligé ledit Gillouaye à se retirer d'auprès dudit Jousselin, lequel durant le reste de l'office, fist si bien paroistre, aux yeux du chœur, le honteux estat auquel il estoit, que M. le Chantre, l'ayant rencontré au sortir de l'église, crut avec raison ne se pouvoir dispenser de luy remonstrer le scandale qu'il venoit de causer, de quoy ledit Jousselin auroit fait si peu de compte, que partant brusquement, comme un homme transporté de colère, et estant entré dans sa maison, il serait aussitost sorty en soutane devant sa porte, tenant une espée nue à la main, jurant et meriassant avec tant d'insolence et d'emportement, que, perdant toutte sorte de respecte, il auroit eu l'audace de quereller ledit sieur de Corbeau, qui passoit par la rue, et de luy crier avec injures que s'il avençoit davantage, il ne l'espargneroit pas, ce qu'ayant esté fait à la vue de M. le Chantre et de quelques autres de mesdits sieurs, ils auroient à l'instant envoyé les appariteurs et sergents de la juridiction de céans, pour arrêter ledit Jousselin et empescher les desordres qu'il estoit capable de commettre, à laquelle fin lesdits sergents advancez vers le logis de Jousselin, et luy s'estant retiré, fermé sa porte et monté dans sa chambre, il aurait en même temps, par la fenestre, jetté à deux mains une grosse pierre sur la teste de l'un d'iceux, duquel coup il l'auroit couché par terre et blessé si grièvement, qu'il est encore présentement entre les mains des chirurgiens. Ensuite de quoy ledit Jousselin prenant l'épouvante et la fuite, et s'estant jetté par dessus les murs de son jardin dans celuy d'un marchand de cette ville, passant à travers sa maison et la Grand'-Rue l'espée à la main, au scandale et à l'estonnement de plusieurs personnes, se seroit enfin réfugié dans ledit cabaret du Pot-d'Estaing, d'où estant sorty sur les six heures du soir, au mesme équipage qu'il y estoit entré, traversant la ville et suivy de loin de quantité d'enfants et de petite canaille, que la curiosité de voir un prêtre dans un estat si extraordinaire faisoit aller après luv, il seroit revenu dans la rue Ceinte, auquel lieu ayant esté de rechef rencontré par mondit sieur le Chantre et deux ou trois autres de mesdits sieurs, ils l'auroient désarmé de son espée et fait conduire, pour plus grande seureté et obvier à quelque plus funeste accident, dans le palais épiscopal, où voyant qu'il continuoit en ses extravagances, l'on auroit esté obligé de le renfermer en une chambre à part jusqu'au lendemain 27 dudit mois, que, par délibération capitulaire, il auroit esté transferé par emprunt aux prisons ordinaires de cette ville .....  » AUTIN, secrétaire (Archives départementales, fonds 5, g. 2).

C'était dans la Grand'-Rue, vis-à-vis la Cohue au Blé, dans la maison du Petit-Paradis, que demeurait Arnauld Caperan, le dernier imprimeur à Dol. C'est là qu'il fournit sa besogneuse et pénible carrière : pauvre il avait vécu, pauvre il mourut, car, non plus qu'à bien d'autres, l'insolente et capricieuse fortune ne lui sourit jamais [Note : Voir notre Histoire de l’Imprimerie en Bretagne, in-8, 1857, pages 5, 6 et 7, et encore pages 47, 48, 49, 50, 51 et 52. Julien-Guillaume Mesnier, prédécesseur immédiat de Caperan, était né à Dol, où son père exerçait avant lui la profession d'imprimeur. Après la mort de Julien Mesnier, sa veuve se remaria avec Caperan. (15 juin 1750)].

A la suite de la Grand'-Rue est l'ancienne rue du Château, dont le nom vient évidemment du voisinage du Château, dont les murs extérieurs du Midi formaient et forment encore un des côtés de cette rue. Aujourd'hui, sa dénomination officielle est : rue de Wagram ! Pourquoi ? Je n'en sais rien. Aussi me permettra-t-on de dire ici, sans détour, qu'il serait tout aussi national, et surtout infiniment plus rationnel, de substituer le nom de rue Toullier, puisque c'est au haut de cette rue, dans la maison des Trois-Bécasses, portant la date de 1617, qu'est né, le vingt-un janvier 1752, maître Charles-Bonaventure-Marie TOULLIER, l'un des plus célèbres jurisconsultes du dix-neuvième siècle, l'auteur universellement connu du Droit Civil Français.

Toullier mourut à Rennes, le vingt-deux septembre 1835, à l'âge de près de 84 ans. Cette ville intelligente et amie des lettres a fait placer son portrait à la bibliothèque publique, dans la salle de droit, et lui a fait élever une statue qui décore l'entrée du palais de justice. Bien plus, si, en mourant, le vieux doyen n'eût exprimé un désir contraire, ses restes mortels eussent été inhumés dans les caveaux réservés du cimetière communal. Mais Toullier voulut être inhumé auprès de sa fidèle épouse, si indulgente envers lui, fidèle, du reste, à sa devise favorite : Plebeius moriar, je mourrai plébéïen.

 

III. HALLES OU COHUES. - AUDITOIRE. - GREFFE. - POTENCE. - PRISONS.

Anciennement, et suivant qu'il a été dit ci-dessus, plus amplement, la Boucherie ou Cohue à la Viande et la Cohue au Blé occupaient la majeure partie du Grand Dos-d'Ane [Note : Voir § II, Grand'-Rue. — Dans un aveu présenté en 1575 à la chambre des comptes de Bretagne, par Charles d'Espinay, évêque de Dol, on lit ce qui suit : « Et y a en ladite ville de Dol trois -Cohues, l'une en laquelle est l'auditoire où s'exerce la juridiction temporelle dudit évêché, au-dessous duquel au ditoire se vend du bled aux jours de foire et marché… Item, une autre Cohue, appelée la Boucherie, où se vend, par détail, la viande, et plusieurs autres marchandises, qui est affermée, chacun an, deux cent livres tournois.... Et l'autre Cohue est où se vend, par détail, le poisson et autres marchandises, affermée, chacun an, dix livres. Le poids public, appartenant à l'évêque, était établi, en dernier lieu, en la maison du Grand Pot-d'Etain, siluée au Midi de la Cohue au Blé, et où est, à cette heure, le café Louvet. C'était là que les sujets de Sa Grandeur étaient « tenus d'aller peser et balancer leurs marchandises » — Le poids public était affermé, au seizième siècle, soixante sols par an. La ferme de la Crocheterie était affermée cent sols. C'était un droit établi sur les crocs de chanvre].

Dol-de-Bretagne (Bretagne) : les halles ou cohues.

Au-dessus de la Cohue au Blé était une grande salle où s'exerçaient la juridiction de Dol et les autres juridictions cataloguées par le bonhomme Ogée, qui a cru faire une pointe d'esprit en appelant, par ironie, sans doute, l'humble auditoire de Dol « Palais de Justice ». Outre la salle d'audience, il y avait encore la salle du conseil.

Quant au greffe, il se tenait chez le greffier. En 1767, on le voit dans la rue de la Poissonnerie, chez Placide Dupré ; et, en 1774, dans la rue Ceinte, chez Augustin-Joseph Dupuy de Saudray.

Entre les deux Cohues, et dans toute la largeur de l'hôtellerie du Gros-Chesne, avait été ménagé un espace à peu près carré, où se faisaient les exécutions capitales par strangulation.

Monsieur Arthur Lemoyne de La Borderie, jeune bourgeois de Vitré, affirme, avec ce ton tranchant et sentencieux que tout le monde se plaît à lui reconnaître, que les fourches patibulaires étaient toujours situées hors des villes, « du moins en Bretagne » (Mélanges d'Histoire et d'Archéologie Bretonnes, tome II, p. 30).

Nonobstant cette décision, promulguée avec non moins d'assurance que d'irréflexion, je dirai nettement à M. Arthur de La Borderie qu'il s'est tout-à-fait mépris, et qu'en Bretagne, précisément, il était un endroit et peut-être plusieurs, « où l'exécution des criminels de justice patibulaire » se faisait au cœur même de la ville. C'est ce qui se vit à Dol, notamment en 1773, année où eut lieu la dernière exécution, celle d'une malheureuse fille, Anne Lepesant, qui avait tué le fruit de son libertinage. Aujourd'hui, on n'est plus aussi sevère ; aussi l'infanticide et tous ses criminels accompagnements se commettent-ils sans compliment ni cérémonies.

Dol-de-Bretagne (Bretagne) : les halles ou cohues.

Dans les baux d'adjudication pour l'enlèvement des boues de la ville, passés par la communauté de Dol au dix-septième siècle, on voit, parmi les conditions imposées aux adjudicataires, celle de « prendre lesdites boues sur les Dos d'Ane de cette ville, scavoir celluy d'entre les QUATRE PILLIERS proche la Boucherie, et sur celluy d'au dessoubz la pompe », etc.

Le 16 novembre 1790, M. Jean-Jacques Hamelin, procureur de la commune de Dol, fut chargé par le conseil de faire démolir les piliers de la Vergue ou Carrée, dont on voit encore un sur la place de l'Eperon, à ce que l'on prétend, du moins.

PRISON. — Les constructions affectées en 1858 au service de la maison d'arrêt paraissent avoir cette destination depuis au moins le commencement du dix-septième siècle, et peut-être bien antérieurement.

Avant 1789, l'évêque de Dol, comme seigneur de toute la ville, avait l'entretien des bâtiments. Joint à celui de l'auditoire, de la boucherie et de la poissonnerie, cet entretien se montait à 600 livres.

Le chapelain de la prison avait 50 livres de traitement ; et il était alloué au geôlier, pour ses gages, une somme de cent livres.

(Toussaint Gautier, 1858).

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