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HISTOIRE DE LA FONDATION DE LA CATHEDRALE DE DOL.

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I.- INTRODUCTION.

Un point historique assez débattu parmi les antiquaires, c'est l'époque de la construction de la Cathédrale actuelle de Dol.

Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (Bretagne).

Quand fut rebâtie cette Cathédrale ? Tout l'édifice a-t-il été construit à la même époque ? Voilà deux questions auxquelles on a essayé de donner une solution, mais, jusqu'à ce jour, les réponses ont été loin d'être satisfaisantes.

Ce n'est pas, toutefois, que des notices, même étendues, n'aient été écrites sur ce point en litige ; dès 1836, M. Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, puis membre du Sénat, publiait une notice, remarquable par la propriété des termes et l'exactitude de la description. Nous avons dit description : car c'en est une. M. Mérimée n'invoque ni ne cite aucun document historique à l'appui des quelques dates fixées par lui très-approximativement. Ce fait ne doit pas étonner chez un homme, écrivain très méritant, mais tellement persuadé que la Bretagne n'avait aucun document sur son histoire, pendant le Moyen-Age, qu'il se croyait dès lors dispensé, par cela même, de faire aucune information à cet effet. [Note : Bien avant nous, la même remarque avait été formulée par un critique breton, M. Guillaume Lejean, auteur de la Bretagne, son Histoire et ses Historiens, p. 281].

Il est à remarquer, du reste, que le travail de M. le sénateur Mérimée a servi de base et de modèle à toutes les descriptions subséquentes à la sienne, et dont aucune n'est assez complète, historiquement parlant, pour porter le nom de monographie.

J'ajouterai que, sauf un document emprunté à Dom Morice, qui le premier l'avait publié, je ne retrouve dans les notices postérieures à celles de M. Mérimée, rien de plus que ce qui se rencontre déjà dans celle par lui publiée.

Je crois pouvoir m'expliquer, assez facilement, cette absence de documents historiques. Pour mettre en lumière des documents inédits, qui eussent permis de compléter, et au besoin de rectifier les données précédemment émises, il eût fallu beaucoup chercher, chercher longtemps, inutilement peut-être, mais, cependant, sans perdre courage ni regarder en arrière. Il eût fallu dévorer la poussière des bibliothèques, remuer les vieux registres poudreux et moisis par les siècles.

Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Tout le monde n'est pas né chercheur ; - disons plus, — il y a peu de gens qui aient la vaillance de ces recherches, bien moins encore qui aient la persévérance nécessaire pour les conduire à bonne fin.

Quant à nous qui, dernier venu, allons essayer à notre tour de raconter les annales de l'ancienne métropole, nous osons nous vanter d'avoir effectué des recherches persévérantes, énergiques ; mais qui, nous l'avouons en toute humilité, ne sont pas complètes au gré de nos désirs. Toutefois, nous avons droit de le dire, ce n'est pas nous qui avons fait défaut aux documents ; ce sont les documents qui nous ont manqué.

Néanmoins, et tout incomplets que sont encore les documents que nous avons recueillis, nous les produisons avec une satisfaction intérieure que nous ne chercherons nullement à dissimuler ; d'autant plus que leur recherche a été pour nous un charme et une trêve dans des tribulations pénibles, et qui nous faisaient douter si jamais nous verrions l'instant de les publier.

Béni soit donc le Ciel d'avoir enfin fait luire le jour où ces documents peuvent être publiés !

L'honneur de les publier, car c'en est un, nous appartenant à nous, plus qu'à tout autre, nous, enfant de cette Eglise, qui nous a vu nattre et grandir, qui reçut nos premières aspirations.

 

Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (Bretagne).

 

II. - OPINIONS DIVERSES SUR L'ORIGINE DE L'ÉGLISE DE DOL.

Avant d'aller plus loin, et tout d'abord, nous allons étudier l'origine de l'Eglise et du diocèse de Dol.

Dom Alexis Lobineau, auteur des Vies des Saints de Bretagne, écrit dans la vie de saint Samson, que ce saint personnage bâtit son monastère au lieu où est à présent la ville de Dol, et suppose que c'est vers l'an 548, que cette ville a commencé par son Église.

Dans la même biographie, mais un peu plus loin, le même hagiographe, après avoir raconté les deux voyages de Samson à Paris, et les prodiges par lui opérés à la cour de Childebert, ajoute : « Avant que saint Samson partît de Paris, le roi Childebert aiant sceu qu'il etoit évêque, voulut qu'il en fit les fonctions en son roiaume et établit son siège dans son monastère de Dol... C'est donc, conclut-il, à l'an 555 qu'on doit rapporter la naissance de l'Eglise de Dol, et reconnoitre Childebert pour le fondateur de cet Evêché, puisque le légendaire de saint Samson et celui de saint Magloire conviennent en ce point très-important, que ce fut Childebert qui établit saint Samson évêque de Dol, et qui lui donna de grands biens dont les évêques de cette ville sont encore en possession (1725)…… ».

L'auteur de l'Histoire Ecclésiastique de Bretagne, Gilles Deric, ne partage pas l'opinion du bénédictin Lobineau.

Suivant le chanoine de Dol, cette ville doit son existence à une colonie formée par une partie de la jeunesse bretonne, qui s'était attachée à la fortune de Maxime et l'avait suivi en Bretagne [Note : Deric, Histoire Ecclésiastique, t. 1, p. 12, 13, 186, 187 (notes 2, 3, 4), 213, 397, 418]. Pour le prouver, l'abbé Deric s'appuie des étymologies des noms Dolomhoir et Adala.

Le même historien donne Conan-Mériadec pour le fondateur de l'évêché de Dol, et appelle Senior, le premier évêque.

Enfin, l'abbé Deric regarde comme deux choses bien distinctes, la ville de Dol qui, à son avis, existait dès la fin du quatrième siècle, et le monastère dit Dol, fondé en 548, par saint Samson II.

« De là, dit-il, on doit conclure quel cas on doit failre le l'opinion qui attribue à ce monastère l'origine de la ville de Dol, et qui n'en fait remonter les premiers évêques qu'à saint Samson II…

L'un (le monastère) dominoit sur le rivage de la mer et sur un port ; l'autre (la ville) sur la plaine de la forêt voisine. L'un étoit une ville 150 ans avant l'arrivée de saint Samson II en Armorique ; l'autre ne fut habité que quand cet évêque y établit un monastère » (Deric, ibidem, p. 417).

Il est juste de dire ici que M. Deric n'est point le premier qui ait mis en avant qu'un siège épiscopal existât dans le pays de Dol avant l'arrivée de saint Samson. Mais, avant lui, personne n'avait établi, ainsi qu'il l'a fait, une distinction entre la ville de Dol et le monastère fondé par saint Samson en 548.

D'ailleurs, la distinction établie par l'abbé Deric est d’autant moins facile à admettre, qu'elle s'appuie principalement sur des étymologies, dont l'exactitude rigoureuse n'est pas généralement admise.

Quant à l'existence du siège épiscopal, qui aurait existé dans le pays de Dol, antérieurement à l'arrivée de saint Samson II, elle est admise en principe par les plus anciens historiens, qui, pour la plupart, le placent au lieu de Carfenten, sous Dol.

« .... Aucuns, dit le sénéchal d'Argentré, tiennent celuy (l'évêché) de Dol avoir esté estably par sainct Samson en l'an cinq cens cinquante six ; et qu'il luy donna le nom ete appellation de Dol, pour avoir après son passage de l'Isle, habité en c'est endroit de Bretaigne, et y avoir trouvé un seigneur du terroir nommé Privatus, en douleur et fort affligé pour le desplaisir de sa femme, qui estait esprise de ladrerie laquelle il guarit. Mais, à la vérité, il se trouve de plus ancienne mémoire que Dol fust lors ville, ou village, que du temps de sainct Samson : et si disent encore aucunes anciennes chroniques que le siège épiscopal estait dès lors qu'il vint en ce pays, érigé en un lieu ou de présent est assis la paroisse et Eglise de Carfentain, [Note : D'Argentré, Histoire de Bretagne, in-folio, édition de 1582, pages 130, 131, 132. - Voir encore : Ogée, Dictionnaire historique de Bretagne, édition de 1778, t. II, verbo Dol. - Deric, Histoire Ecclésiastique, tome 1, pages 12, 13, 185, 186, 187, édition de 1847. - Et enfin notre Petite Géographie historique de l'arrondissement de Saint-Malo, in-32, 1858, pages 62, 63,64, 65] distante d'un quart de lieue de Dol ; lequel Surget dit avoir esté ruiné par les Danois, et ès degats faits par les Frisons et Goths, lorsqu'ils estoient entrés au pays : et aussi, malproprement aurait-on formé le mot de Dol, pour avoir prins cause de la douleur: car ce mot de Dol vaut autre chose que douleur et aurait mal prins sa formation de telle occasion. Bien est véritable que ledit sainct Samson édifia l'Eglise et oratoire pour luy et ceux qui avec luy avoient passé d'Angleterre et d'Escosse et s'en dist et porta evesque, les autres disent archevesque ...... ».

Albert-le-Grand admet également que saint Samson ait eu des prédécesseurs, seulement il veut qu'ils aient fait leur résidence « en l'ancienne ville de Kerfeunten, » aujourd'hui Lanmeur, auprès de Morlaix. Du reste, il revient au sentiment de d'Argentré en ce qui est de la translation du siège épiscopal, faite à Dol par saint Samson.

Voici en quels termes le candide dominicain raconte l'arrivée du pontife et la fondation du monastère de Dol. Après avoir dit l'apparition de l'ange qui ordonna à Samson de se diriger vers l'Armorique, il ajoute : « Le saint prélat ayant receu ce commandement du Ciel, se disposa pour l'exécuter, et l'ayant manifesté à ses chanoines et religieux, il donna ordre aux affaires de son Eglise d'Eborac et monta en mer avec ceux qui le vouleurent suivre, et d'un bon vent fut en peu de temps porté au rivage de la Bretagne Armorique, et ayant posé l'ancre à l'embouchure d'vne rivière (portu in fluvio GUBIOLO capto (BALDVIK), descendit à terre et trouvant sur le rivage un personnage nommé Privatus fort triste et désolé, il lui demanda ce qu'il faisoit là et quel estoit le sujet de sa tristesse, il luy répondit qu'il attendoit un saint personnage qui devoit bien tost venir d'outre-mer lequel guériroit sa femme qui estoit lepreuse, et sa fille qui estoit possédée du malin esprit. S. Samson le consola et le suivit jusques dans sa maison, où ayant prié pour les deux patientes il les guérit. Privatus ayant veu ces guérisons miraculeuses, reconneut que saint Samson estoit celuy qu'il attendoit pour guérir sa femme, et s'estant mis à genoux devant luy, le remercia, le suppliant de vouloir demeurer en ses terres, qu'il luy donneroit telle place qu'il voudroit, pour demeurer. Saint Samson accepta son offre [Note : Dom Lobineau (Vies des Saints de Bretagne, page 104), parle aussi de cette donation faite à saint Samson par le prétendu Privatus ; mais dans des termes moins décisifs qu'Albert-le-Grand. M. l'abbé Deric, au contraire, après avoir cité le texte original de la vie de saint Samson, conclut ainsi : « Ce ne peut être que par inadvertence ou par une ignorance grossière, ou par dérision, qu'on a tenté d'attacher au mot Privatus des idées de grandeur. 2° Ce texte ne fait pas même soupçonner que le mari de cette lépreuse, ou elle, eussent des possessions considérables. 3° Rien n'y indique, même indirectement, qu'ils aient donné le moindre fonds à Samson, en signe de reconnaissance. Ce Prélat trouve un endroit propre à bâtir un monastère, et presque sur le champ l'ouvrage est commencé. Qu'est-ce qui a fait la cession du terrain ? C'est sur quoi les actes de saint Samson gardent un profond silence....] et choisit un lieu où il y avoit un puits tout couvert de ronces et brossailles, y édifia un monastère, lequel en peu de temps fut achevé et s'y logea avec ses religieux et ce monastère s'appela Dol, où depuis fut édifiée une ville qui fut siège d'archevesché…. ».

Dom Lobineau, déjà cité, a donné , lui aussi, un récit de l'arrivée de saint Samson. Sa narration ne diffère de celle d'Albert-le-Grand qu'en ce qu'elle est plus détaillée sur les commencements du séjour du saint dans nos contrées.

Donc, après avoir raconté le voyage et la traversée de saint Samson, son entrevue avec Privatus, la guérison de l'épouse et de la fille de ce dernier, l'invitation faite par le sieur Privatus à saint Samson, le bénédictin poursuit ainsi son récit :

« Lui (saint Samson) et ses religieux furent reçus charitablement chez Privat et y passèrent cette première nuit à louer, bénir et remercier Dieu, et à le prier de leur faire connoitre si c'étoit sa sainte volonté qu'ils fissent là leur établissement. Sur quoi l'on dit qu'un ange apparoissant en songe à Samson, l'avertit que le lendemain on trouveroit dans le fonds du desert un vieux puits comblé, et que c'étoit là qu'il devoit bâtir une église et fixer sa demeure ; que le lendemain tous ses disciples se dispersèrent par troupes dans tous les lieux voisins, pour chercher cet indice ; que Samson, accompagné de deux de ses religieux, trouva le puits ; et qu'aiant aussitôt fait appeler tous les autres, ils travaillèrent au moment même à défricher le lieu avec tant de ferveur, qu'ils firent avant la nuit une cabane de branches d'arbres pour y coucher, afin de n'importuner pas plus long-temps leur hôte et de s'éloigner au plutôt de tout commerce avec les personnes du siècle.

Ce furent là les commencemens du premier monastère de Saint-Samson, deçà la mer, auquel il donna le nom de Dol, pour conserver éternellement, dit la légende de Baldric, la mémoire de la douleur de celui qui lui en a donna l'emplacement, qui l'aida de ses moïens pour le construire et qui le dota de ses revenus. Mais on est bien « plus disposé à croire que Baldric a inventé cette histoire à l'occasion du nom de Dol, [Note : Effectivement, l'étymologie de Monseigneur Baldric paraît bien une fable, par lui inventée, et l'on doit regarder comme une ignorance grossière cette opinion du Dictionnaire d'Ogée (ancien et moderne) ; laquelle opinion indique comme le premier comte de Dol, ce pauvre diable (Privatus, un simple particulier), qui demeurait au bord de l'élément liquide et y cherchait sa chétive existence, lorsque Samson aborda. Du reste, il ne faut point s'étonner de hardiesses de cette force dans un ingénieur qui ne savait pas un mot de latin et voulait cependant faire part au public de ses études philologiques. Dirons-nous, maintenant, avec Robert Cenalis, évéque d'Avranches au seizième siècle, que le mot Dol est dérivé du nom de ses anciens habitants les Diablintes, qui s'appelèrent ainsi, dit-il, parce que « lintribus trajici ebant oras maritimas ». Voilà une étymologie renversante et « subjecte à une prise d'ellebore, » comme dit l'impatient Vitréen, Bertrand d'Argentré. Sur le mot Dol, on peut lire une longue et curieuse dissertation de l'abbé Deric, insérée dans une note de son Histoire Ecclésiastique de Bretagne, tome II, page 10, 1847. Certainement nous sommes bien éloignés de prétendre que toutes les étymologies du bon chanoine dolois doivent être prises au sérieux. Mais ce n'était pas une raison de ridiculiser le labeur de l'écrivain, ainsi que l'a stupidement fait l'ignorant et insolent Ogée. (Voir Dictionnaire de Bretagne, ancien et moderne, verbo Dol)] qu'à se persuader que le nom de Dol ait été donné au lieu en conséquence de l'histoire. Et en effet la signification du nom de Dol, qui en breton cambrien (Dictionnaire de Daviès) marque une plaine basse et fertile, represente si bien la nature du pais, qu'on voit bien que c'est ce qui lui a donné le nom. Le nom de Dole (Dictionnaire de Borel, p. 138) en ancien gaulois signifioit aussi une plaine.

D'ailleurs les Actes de la Vie de Saint Magloire ne disent rien de cette étymologie et supposent même que le canten avait nom le pais de Dol, avant que saint Samson y arrivât. [Note : Mare transfretavit, properans finibus territorii Dolensis. Acta S. Maglor. - Tome I. Act. Benedict, page 223, n° 2]. L'auteur de la Vie de Saint Albée, cité dans Usserius, dit encore que le lieu où Samson demeuroit avoit nem Dol, indépendamment de la douleur de Privat. [Note : Antiq. Eccles. Brit. p. 253].

Quoi qu'il en soit, Samson bâtit son monastère au lieu où est à présent la ville de Dol, dans une plaine un peu marécageuse et basse, à une lieue environ de la côte de la mer, et il se peut que Privatus lui en ait donné l'emplacement et les terres environnantes. On peut supposer que c'est vers l'an 548, que la ville de Dol a commencé par son Eglise… ».

Tel est le récit des deux principaux hagiographes bretons. Sauf quelques légères différences de peu d'importance, tous les deux sont unanimes dans leur narration. En effet, tous les deux mentionnent l'existence de ce puits qui se trouvait au lieu que Samson choisit pour l'emplacement de son monastère. Tous les deux encore reconnaissent identiquement, que c'est le monastère de Saint-Samson qui a donné naissance à la ville actuelle de Dol.

Au fait, cette dernière opinion a des caractères de vraisemblance qui la rendent extrêmement probable. Elle a, pour elle, la tradition recueillie par les plus anciens historiens de Bretagne, Pierre Le Bault. Alain Bouchard et Bertrand d'Argentré.

Il y a plus. Aujourd'hui encore, et à l'heure où nous écrivons, il existe au côté midi de la Cathédrale de Dol un puits qui a deux ouvertures, l'une en dedans, l'autre en dehors de l'Eglise [Note : Ce puits est partagé dans toute sa profondeur par le mur de clôture de l'Eglise. Seulement, à quelque distance de terre, le mur s'arrondit en forme de voûte, de sorte que l'eau de ces deux puits se communique. Cette disposition des lieux remonte indubitablement à l'époque où fut rebâtie la Cathédrale actuelle, si même elle n'existait déjà antérieurement]. Or, je ne vois rien qui empêche de croire que ce ne soit le même puits que saint Samson trouva, couvert de broussailles, lors de son arrivée dans nos contrées et qu'il aura fait nettoyer par ses religieux pour procurer de l'eau potable à sa communauté (Lobineau, Vies des Saints de Bretagne, p. 104).

Lors de la construction de la première Cathédrale, au neuvième siècle, (?) on renferma ce puits dans l'intérieur de l'Eglise, afin d'avoir plus à proximité l'eau nécessaire pour les immersions baptismales, et aussi pour l'usage des habitants, lorsqu'ils étaient obligés de se retrancher dans l'Eglise, pour échapper aux invasions normandes.

Enfin, au treizième siècle, lors de la reconstruction de la Cathédrale actuelle, on eut soin de construire le mur de clôture extérieure de la chapelle du Puits [Note : Dans les registres de l'ancienne paroisse du Crucifix, cette chapelle est appelée « Sacellum Putei »], de manière à ce que l'on pût puiser de l'eau tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Cette disposition nouvelle avait pour résultat de permettre aux membres du chapitre de faire prendre, avec beaucoup de facilité, l'eau qui était nécessaire pour leur usage particulier ; avantage dont le reste de la ville fut dépourvu jusqu'au dix-septième siècle.

A ce premier fait, de l'existence du puits de la Cathédrale, vient se joindre un second détail, qui ne me paraît pas du tout indifférent et qui nous est fourni par une bulle du pape Boniface VIII, datée de la troisième année de son pontificat.

Dans cette bulle, inconnue jusqu'ici, et dont nous ferons un fréquent usage dans le cours de notre monographie, le pontife confirme les principales possessions du chapitre, desquelles il donne l'émunération. Or, dans cette curieuse énumération, nous trouvons, en première ligne : L'emplacement sur lequel est édifiée l'Eglise de Dol.... « locum ipsum in quo prefata, Ecclesia Dolensis est sita..... » (Livre Rouge du chapitre de Dol, aux archives du département).

Ainsi donc l'emplacement de l'Eglise appartenait au chapitre de la Cathédrale, qui le possédait à titre d'héritier direct et légitime de la communauté de Saint-Samson. Mais, ici se présente une question incidente. — A quelle époque remontait l'établissement du chapitre de Dol ?

Sans prétendre poser une date fixe, il y a lieu de penser que le chapitre de Dol avait commencé d'exister vers le commencement du neuvième siècle, et peu après le concile de Tours de l'an 813, puisque, à la fin de ce siècle, l'Eglise de Dol avait un défenseur de ses biens, conformément au cinquantième canon du concile de Mayence de l'an 813 (Sirmundus, Concilia Galliae, t. 2, p. 391 et 392).

Au commencement du siècle suivant, on voit Radhod, prévôt du chapitre de Dol, entretenir correspondance avec Aldestan, roi d'Angleterre, relativement aux reliques de saint Scubilion et de saint Paterne (Warthon. - Anglia Sacra, t. 2, p. 48).

Des diverses observations qui précèdent, nous pensons qu'il y a lieu de conclure :

1°. Qu'un siège épiscopal a pu exister d'abord à Carfanten, lequel aura été, ensuite, transféré au lieu où s'élevait le monastère fondé par saint Samson II.

2°. Que c'est bien le monastère fondé par saint Samson II qui a donné naissance à la ville actuelle de Dol.

3°. Que l'Eglise actuelle est construite au lieu où exista le monastère de saint Samson II.

Avant de terminer notre dissertation sur l'origine de l'Eglise de Dol, il conviendra de toucher un mot, ne fût-ce qu'en passant, d'une nouvelle opinion qui s'est produite dans ces dernières années, relativement à l'origine et à l'antiquité de cette Eglise. Quand j'ai dit : nouvelle opinion, je me suis mépris, car ce n'est qu'un réchauffé d'une très vieille hérésie historique, hérésie que l'on croyait disparue à tout jamais, et que, certes, l'on ne s'attendait guère à voir se ranimer au grand jour du dix-neuvième siècle.

Le promoteur de ce réchauffé s'appelle J. Geslin de Bourgogne : l'ouvrage où nous l'avons retrouvé porte pour titre : Anciens Evêchés de Bretagne. — Diocèse de Saint-Brieuc. Nous ouvrons donc le prédit ouvrage susmentionné, et, à la page L de l'introduction, nous lisons : « Lors de l'avènement de Nominoé, l'Armorique comprenait quatre anciens sièges épiscopaux, établis dans les cités gallo-romaines : c'étaient Nantes, Rennes, Vannes et la Cornouaille......

Tréguier, Saint-Brieuc et Dol étaient des monastères, » dont les abbés, fort puissants, exerçaient probablement une autorité épiscopale sur leurs possessions étendues : Dol était dans l'évêché de Porhoët ».

Après avoir posé ces prémisses, notre personnage raconte les circonstances qui précédèrent et accompagnèrent le conciliabule de Coëtlouh, dans lequel, dit-il, Nominoé « créa les diocèses de Saint-Brieuc, de Tréguier et de Dol… ».

« Nous n'ignorons pas, » dit ensuite sournoisement notre Briochin, « que le récit précédent est encore contesté par quelques personnes ; mais, après une étude approfondie, nous n'avons pu hésiter à nous ranger à l'avis des historiens les plus nombreux, de ceux dont l'autorité est la plus imposante, à l'opinion des Bénédictins et des Bollandistes, entres autres ».

Il ne serait pas sans intérêt de savoir quels sont les Bénédictins sur l'autorité imposante desquels M. le Briochin a la prétention d'appuyer son opinion.

Ce n'est pas Dom Alexis Lobineau, l'auteur des Vies des Saints de Bretagne, car nous avons textuellement reproduit ci-dessus son opinion, quant à l'origine de la ville et de l'Eglise de Dol, et il ne s'y trouve rien de semblable.

Ce ne sont pas, non plus, les Bénédictins, auteurs de la grande Histoire de Bretagne. En effet, voici en quels termes Dom Taillandier, continuateur de Dom Morice, établit l'origine du diocèse de Dol :

« ..... Que saint Samson, évêque ou archevêque, ait établi son siège à Dol dès le VIème siècle, et ait eu pour successeurs saint Magloire, saint Budoc et saint Thuriave, c'est une vérité constante par les actes de ces saints évêques. Le clergé de Dol, fondé sur la lettre du Pape Alexandre III, soutenait que Restovaldus et Junemenus avaient été reconnus pour archevêques dès le VIIIème siècle et revêtus du pallium par les papes Sirice et Adrien. Dans le long différend qu'ont eu entre eux les archevêques de Tours et de Dol, touchant le droit de métropolitain, jamais les premiers n'ont allégué, pour la défense de leur droit, que le siège de Dol avait été érigé par Nominoé, quoique cette affaire ait été agitée avec beaucoup de chaleur de la part des Français en présence de plusieurs papes et dans les conciles de Troyes et de Soissons. Une érection si récente suffisait pour terminer le différend en faveur de l'archevêque de Tours....

L'Eglise de Doi prouvait sa longue possession par les actes de ses saints évêques, par la lettre d'Alexandre III et par la conduite du pape Nicolas Ier, qui donna le pallium à Festinien ..., et jamais celle de Tours n'a avancé que l'Eglise de Dol ne fut pas un ancien siège épiscopal.....

Ces considérations ne nous permettent pas de rapporter l'érection du siège de Dol à Nominoé ; c'est un » honneur qui n'est dû qu'au roi Childebert, qui fonda et dota cette Eglise en faveur de saint Samson, si l'on en croit le pape Alexandre III..... » (Histoire de Bretagne, t. II, p. LI du catalogue des évêques).

De la citation précédente, il résulte que M. J. Geslin de Bourgogne est atteint et convaincu du fait d'avoir mensongèrement attribué aux Bénédictins bretons la responsabilité d'une bévue qu'ils n'ont jamais commise, même contre laquelle ils ont vaillamment combattu. Ce fait du susdit M. Geslin peut n'être pas considéré comme le résultat d'un calcul intéressé, mais au moins il accuse une légèreté impardonnable de la part d'un homme qui vante hautement sa maturité d'action.

Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (Bretagne).

 

III. - RECONSTRUCTION DE LA CATHÉDRALE.
ÉTABLISSEMENT DE LA DATE DES PRINCIPALES PARTIES.

Après avoir assassiné son neveu Arthur de Bretagne, Jean-sans-Terre entra en Bretagne au commencement de l'année 1203. Ayant pris la ville de Dol, il y fit d'étranges ravages. Le feu, soit qu'il y fût mis par ses ordres ou autrement, consuma le toit de la Cathédrale ; les murs en furent démolis et les saintes reliques enlevées de force. Les Routiers (ruptuarii) qui étaient à la suite de Jean-Sans-Terre, imitant la férocité des Normands, leurs aïeux, s'emparèrent de diverses reliques de saint Samson et de saint Magloire, et du pallium du premier. Les ravisseurs portèrent le tout à Rouen. Philippe des Colombiers (de Columbiis), informé de cet enlèvement, leur arracha ce sacré trésor, mais il ne fut restitué au chapitre de Dol qu'en 1223.

Ces curieux détails, si intéressants dans leur brièveté, nous sont fournis par une lettre de Thibaud de Falaise [Note: Nous disons Thibaud de Falaise, et non pas d'Amiens, ainsi que l'a fait M. Brune, et après lui M. du Vautenet, parce que Thibaud était réellement de Falaise, comme il conste, par la citation suivante, extraite du Gallia Christiana Nova, t. XI, col. 60 : « 1222. Theobaldus d'AMIENS ; dicitur à Sammarthanis Theobaldus patriâ fuisse et cognomine, Ambianensis, sed malé ; natus enim erat Falesiae ; undè vocatur de Falesio in necrologio Lexoviensi. Ambianensis tamen, propter diuturnam Ambiani moram appellatus est .... »], archevêque de Rouen, ladite lettre adressée au chapitre de Dol.

Dans cette lettre, datée de janvier 1222 (vieux style), l'archevêque annonce aux chanoines qu'il leur renvoie les reliques enlevées au temps des guerres entre Jean-Sans-Terre et les Bretons, lors de l'incendie et du pillage de leur Eglise, « in subversione et combustione Dolensis Ecclesia ». — « Ce qui suppose, dit M. Brune, que l'ancienne Cathédrale fut complètement détruite à cette époque, et que dès les premières années du XIIIème siècle, on s'occupa de la reconstruire, puisque l'évêque et son chapitre demandent les reliques qu'ils désirent apparemment y replacer, et que l'évêque sous le pontificat duquel cette restitution s'opérait fut inhumé dans sa Cathédrale, suivant Albert-le-Grand, qui place sa mort en 1224 » [Note : Jean de Lezenech mourut en 1231, suivant la lettre écrite par le chapitre de Dol à l'archevêque de Tours, le mardi après la fête de sainte Luce].

L'argumentation de M. l'abbé est admissible, mais avec quelques restrictions. En effet, malgré ce qu'il dit de la complète démolition de l'ancienne Cathédrale, il me paraît évident qu'il dut échapper quelques parties de l'ancien édifice.

Sur ce point, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire littéralement quelques passages de la notice de feu M. du Vautenet. Quand un sujet a été convenablement exposé, il est juste d'en laisser l'honneur et la gloire à qui ils appartiennent.

« De la Cathédrale de Dol, incendiée et détruite dans les dernières années du XIIème siècle, pendant la minorité d'Arthur et les guerres dévastatrices des Anglais dans cette partie de la Bretagne, il ne paraît avoir été conservé que le mur de clôture de l'ouest, dans lequel se trouve percée la grande porte à voûte plate ou architravée qui contraste avec le style des reconstructions, dans lequel il est difficile de supposer qu'un porche n'ait pas été projeté, dont l'exécution aura pu alors être d'autant plus facilement différée que la clôture ancienne, avec sa porte, avait probablement échappé au désastre [Note : Ce mur de clôture de l'ouest forme le point de jonction entre les deux tours qui existent encore. Au milieu du dix-septième siècle, époque à laquelle la boiserie de l'orgue fut placée, on a pratiqué dans ce mur de l'ouest les constructions nécessaires à son établissement, et réédifié en la bouchant la grande ouverture fenestrale de l'ouest, dans laquelle furent pratiquées trois petites baies à plein cintre, surmontées d'une lunette elliptique du plus mauvais goût].

L'époque de cette construction conservée, visiblement romane, ne peut être assignée avec précision, et nous n'avons pas cru nécessaire de nous arrêter à des recherches sans intérêt au point de vue où nous nous étions placés. M. Brune, déjà cité, semble croire que les piliers de la nef auraient bien pu aussi avoir été conservés avec addition des colonnettes cantonnées dans le plan actuel, et cette opinion nous a paru mériter discussion. Si, en effet, le mur de clôture ouest et la grande baie d'ouverture ont été conservés, il en résulte que le plan de la Cathédrale romane devait présenter, quant à la nef du moins, la disposition actuelle, et que les piliers elliptiques restés intacts après l'incendie ont dû subir l'augmentation de volume, au moyen des colonnettes cantonnées et isolées qui semblent en effet y avoir été juxtaposées plutôt qu'appareillées, comme elles eussent dû l'être dans une construction régulière. Alors encore s'expliquerait cette singulière anomalie observée dans le bas-côté, où la colonnette isolée reste sans objet et sans amortissement. Si le plan de la basilique primitive n'a pas, en effet, subi de changements dans la division des espaces, la nécessité statique a dû exiger l'augmentation de puissance des piliers à raison de leur destination nouvelle, l'arceau ogival à trois diamètres du vide de hauteur. La colonnette isolée, symétrique à la face intérieure des collatéraux, s'est trouvée alors en dehors de la division de l'espace où la retombée de l'arceau reportée sur le pilier la laissait sans amortissement. Il paraît bien, à cette inadvertance de construction, que le plan de la basilique n'avait point été étudié, pour la transformation qu'on allait lui faire subir, avec la précision des méthodes graphiques, peut-être inconnues au maître dé l'œuvre, bien qu'elles aient été pratiquées dans le même siècle…

Aux imitations nombreuses du style romano-byzantin que la nef présente plus particulièrement, et surtout à la simplicité de l'ordonnance et des lignes, on peut supposer que cette partie de l'édifice a été la première reconstruite à une époque très-rapprochée de la destruction, probablement dans la dernière année du XIIème siècle et les premières du XIIIème. La transition n'y est, pour ainsi dire, que la transformation de l'arc à plein cintre dans l'arc ogival, avec un rayon si peu différent du demi-diamètre, que le caractère ogival y est quelquefois très-peu prononcé. Ce style de transition très-caractérisé distingue du reste la nef du chœur, de la façon la plus heureuse. Cette dernière partie, plus riche de détails, n'a plus la simplicité des lignes romanes ; la forme ogivale, avec ses combinaisons variées, y étale toutes ses ressources ; l'imitation végétale se substitue, sur les tambours des chapiteaux, à la crossette romane de ceux de la nef ; les ouvertures fenestrales se subdivisent en meneaux, en trèfles, en rosaces que celles de la nef ne présentent pas. Enfin il y a, entre la nef et le chœur, une opposition des effets de la forme, véritable inspiration qu'aucun autre monument du style ogival ne présente peut-être aussi nettement constatée…

Le plan primitif de la basilique romane pourrait bien n'avoir subi à la reconstruction que des additions peu nombreuses d'abord et plus étendues ensuite, comme nous aurons l'occasion de le remarquer dans son appropriation aux nouvelles ordonnées. Une nef avec ses collatéraux, deux transepts, et un chœur un peu moins long que la nef, dont les collatéraux ont été élargis des chapelles en addition probable au plan de la basilique romane, se terminant par une abside carrée dont la disposition fut usitée dans les églises du style ogival, viennent à l'appui de nos conjectures sur la similitude du plan de reconstruction avec celui antérieur. Cette disposition du chevet, avec ses deux arcades supportées par un léger pilier et déchargées par une grande arcade à plein cintre qui supporte le grand vitrail et le pignon, porte encore un caractère de transition remarquable. Il nous paraît évident que cette disposition a pu faire naître la pensée de l'addition d'une chapelle absidale, conjecture que paraît confirmer l'agencement embarrassé et hors de l'axe de la chapelle de Saint-Samson, ajoutée dans le but de prolonger l'espace et la perspective à travers ces deux arcades, dont l'effet eût été perdu si la muraille de clôture collatérale eût été fermée comme l'indique le plan primitif.

Le raccordement des piliers angulaires et des arceaux de la chapelle avec ceux des bas-côtés démontre à tous les yeux la difficulté mal étudiée et l'embarras des constructeurs dans cette addition imprévue. Nous avons trouvé cette opinion établie, et, dans le fait, nous n'hésitons pas à croire que la construction de cette chapelle a dû suivre immédiatement. L'ornementation des chapitaux de colonnettes, restée à l'état fruste ou seulement galbée, nous paraît venir à l'appui de cette conjecture ; le temps ou les moyens d'exécution auront manqué à ce dernier complément des travaux, évidemment » (Congrès scientifique de France, T. II, p. 285-287, - Rennes, 1850, in-8°. — Mémoire de M. Alfred du Vautenet).

Des observations ci-dessus de M. du Vautenet, et notamment du troisième alinéa, il est facile d'induire que ce savant archéologue regardait la construction de la nef comme antérieure, au moins d'un quart de siècle, à la construction du chœur de notre ancienne Cathédrale.

Cette nef au style roman et raccordée avec les débris des anciennes constructions, était assez avancée en 1222 pour être livrée au culte divin. Voilà pourquoi, sans doute, l'évêque Jéan de Lezenech et son chapitre s'adressent à l'archevêque de Rouen pour lui redemander les reliques des saints patrons de leur Eglise.

La construction du chœur se place d'elle-même de 1231 à 1265. — Entrons dans les détails.

Dans la lettre écrite à l'archevêque de Tours pour lui notifier la mort de Jean de Lezenech et le choix de l'archidiacre Clément de Coëtquen, on lit que les chanoines se réunirent au lieu convenu, « nos prœsentibus omnibus qui debebant et poterant interesse LOCO DEBITO convenientes in unum... » (Dom Morice, Preuves de l’Histoire de Bretagne, t. 1er, p. 877).

Comme il se voit, aucune partie de l'Eglise n'est nominativement désignée.

Les actes de l'élection de l'évêque Etienne ne nous étant pas venus, on ignore les détails et le lieu de cette cérémonie.

Dans la lettre écrite à l'archevêque de Tours, pour lui annoncer l'élection du chanoine Jean Mahé, laquelle avait eu lieu le lundi de la fête après la Circoncision 1265, on lit : « Vocatis omnibus evocandis et prœsentibus omnibus qui voluerunt, debuerunt et potuerunt commode interesse et IN IPSA ECCLESIA congregatis.... » (Ibidem, p. 999).

Ici le texte est clair : pas d'ambiguité possible. L'élection eut lieu dans l'Eglise même, in ipsâ Ecclesiâ. Et le terme ipsâ porterait à penser que l'on a eu intention de faire comprendre que c'était la première fois qu'une élection épiscopale avait lieu dans la nouvelle Eglise, dont le chœur venait d'être terminé. Nous disons : dont te chœur venait d'être terminé. Or, ceci mérite bien une explication convenable, et pour cela nous reprendrons les choses d'aussi haut que possible. Dans la notice si brève qu'il a accordée à Clément de Coëtquen, le bénédictin Dom Taillandier a cependant noté un fait qui, jusqu'à ce jour, a été peu remarqué, mais duquel il me semble que l'on peut extraire quelques inductions qui rentrent parfaitement en notre sujet.

« Il (Clément de Coëtquen) tenoit encore le siège de Dol en 1241, mais il ne tarda pas à se retirer dans l'abbaye de Saint-Pierre de Chartres, où il finit ses jours… » (Hist. de Bretagne, t. II. Catalogue, p. LX).

Voilà le fait dont nous parlions tout-à-l'heure, et maintenant voici le commentaire dont nous allons l'accompagner.

Une lettre d'Haymon, abbé de Saint-Pierre-sur-Dive, diocèse de Rouen, nous apprend que le pieux usage de se réunir pour travailler à la construction des églises avait pris naissance à Chartres, à l'occasion des travaux exécutés à la cathédrale de cette ville ; que peu après de pareilles réunions eurent lieu à Saint-Pierre-sur-Dive pour aider à la construction de l'église de cette abbaye, et qu'ensuite de semblables confréries se formèrent dans toute la Normandie, et notamment dans les lieux où l'on élevait des temples sous l'invocation de la Sainte Vierge [Note : Voir notre Dictionnaire des Confréries et Corporations d'Arts et Métiers, - Mont-Rouge, — Migne, 1854, - in-4°, colonnes 191 à 197, article Constructeurs de Cathédrales. - Voici le fragment analysé plus haut. « Hujus sacrae Institutionis, ritus apud, Carnotensem ecclesiam est inchoatus, ac deinde in nostrâ virtutibus innumeris confirmatus ; postremo per totam ferè Nermanniam longé latcquè convaluit ; ac loca per singula, Matri misericordia, dicata praecipuè occupavit »].

Il ne faut pas oublier que l'Eglise de Dol possédait des fonds de terre en Normandie, et particulièrement à Saint-Samson-sur-Rille, paroisse dépendante du diocèse de Dol, mais enclavée dans l'archevêché de Rouen.

On comprend dès lors que Clément de Coëtquen, en visitant cette partie de son diocèse, dut avoir facilement connaissance de ces grandes associations d'ouvriers bénévoles, et qu'il aura pu aller jusqu'à Chartres, pour inviter une certaine quantité d'ouvriers à venir à Dol continuer la construction de la Cathédrale, interrompue depuis la mort de Jean de Lezenech. Pendant son séjour à Chartres, Clément fut sans nul doute bien accueilli dans l'abbaye de Saint-Pierre-de-Chartres, où l'on conservait religieusement les reliques de saint Gilduin, son prédécesseur (Albert Le Grand, Vies des Saints, page 30-31). Revenu à Dol, Clément aura fait reprendre les travaux interrompus ; puis, après s'être fait donner un successeur zélé et capable de conduire les travaux à bonne fin, il se sera retiré à l'abbaye de Saint-Pierre-de-Chartres pour s'y reposer des fatigues d'un épiscopat que l'âge, peut-être, mais surtout les vexations de Pierre Mauclerc avaient rendu trop pesant pour lui.

Chacun de mes lecteurs pourra réduire d'autant qu'il voudra les inductions que j'ai extraites de la citation de Dom Taillandier ; mais encore restera-t-il toujours acquis que cette circonstance de la retraite de Clément de Coëtquen à Chartres implique nécessairement des relations anciennes de sa part avec la communauté de Saint-Pierre et, par contre-coup, avec les confréries d'ouvriers de cette ville et le clergé du diocèse.

Au par sur, et bien qu'éloigné de son église par la distance des lieux, Clément ne l'oublia point dans l'acte de ses dernières volontés. En effet, dans le nécrologue qui est écrit au commencement du Livre Rouge du vénérable chapitre de Dol, on lit le memento suivant : « — VII. Id. — Sept. Obiit felicis memoriæ Clemens de Vitreyo, Dolensis Episcopi III, qui dedit Canonicis et… Clericis Dolensis Ecclesiæ, LX sol. supe domos thesaurarii ».

Installé évêque de Dol, au lieu et place de Mgr Clément de Coëtquen, Etienne imprima aux travaux de reconstruction de la Cathédrale une vigueur extraordinaire et qui ne se démentit pas d'un jour durant tout son épiscopat.

Je puise la preuve de mon affirmation dans la lettre écrite par le prélat à l'archevêque de Tours en juin 1264, c'est-à-dire dans la vingt-deuxième année de son épiscopat. Le métropolitain de Tours avait invité l'évêque de Dol à assister au sacre de l'un de ses comprovinciaux qui devait avoir lieu ; mais, à la date du 24 juin, l'évêque de Dol s'excuse de ne pouvoir se rendre à cette cérémonie. Et sur quoi s'excuse-t-il ? — Un peu sur la faiblesse de sa santé, « proprii corporis infirmitate detenti ; » mais surtout et principalement sur les nombreuses et incessantes affaires de son Eglise, « Et maxime pluribus negotiis Ecclesiæ nostræ inevitabilibus impediti » (Dom Morice, Preuves I, p. 993). Or, je le demande, quelle affaire pouvait intéresser plus vivement l'évêque de Dol que le soin de la reconstruction de son église, dont le chœur était sur le point d'être fini et fut livré au culte dans le cours de l'année suivante (1265).

Pour étayer ce que je viens d'avancer, je me fonde sur ce curieux règlement, dont une partie seulement a été publiée par Dom Morice, dans la collection de ses Preuves (t. 1, p. 994), mais dont une copie complète existe manuscrite entre nos mains.

Depuis que la Cathédrale de Dol avait été brûlée par les bandes de Jean-Sans-Terre, et pendant tout le temps des reconstructions, la majesté et la décence convenables aux cérémonies religieuses avaient nécessairement eu à souffrir de ces deux circonstances ; même quelques abus s'étaient glissés, car il n'avait pas été possible, eu égard à l'état des choses, de tenir sévèrement la main à l'exécution des règlements et statuts intérieurs.

Aussi, à peine le nouveau chœur de la Cathédrale eut-il été affecté au service divin, que l'évêque Etienne s'empressa de rendre aux solennités de l'Eglise de Dol toute leur primitive splendeur, en prescrivant l'exécution des anciens règlements, auxquels il en ajouta de nouveaux.

A cet effet, le 31 juillet 1265, surlendemain de la fête patronale de saint Samson, jour auquel le nouveau chœur avait été solennellement inauguré, Etienne tint son chapitre général, dans lequel, de concert avec ses vénérables frères les chanoines de l'Eglise de Dol, il arrêta les divers articles du règlement dont nous avons parlé ci-dessus et dont le préambule vient d'être analysé. [Note :  Universis, etc. Stephanus miseratione divina Dolensis Ecclesiæ minister humilis et ejusdem loci commune Capitulum salutem in Domino. Cultum Divini Nominis in Ecclesiam nostram cupientes augeri et honestatem CHORI et claustri nostri ad laudem et honorem omnipotentis Dei, ipso annuente et in melius reformari, in Capitulo nostro generali celebrato in Vigilia B. Petri ad Vincula (31 juillet), et aliis diebus ad hoc continuatis ; proinde de consensu omnium canonicorum tunc ibidem presentium duximus statuenetum : - ut quatuer pueri. (Dom Morice, I, 994-95).

L'article 1er du règlement d'Etienne est relatif à l'institution de quatre enfants de chœur qui devaient assister notamment aux matines, à la grand'messe et aux vêpres. Et dont les honoraires sont aussi réglés dans cet article.

Le second établit la différence de costume à introduire entre les chanoines et les chapelains, durant leur présence dans le chœur. Ce même second article renouvelle d'anciens statuts déclaratifs du recueillement et du silence à conserver pendant la durée des divins offices. Voici, du reste, le texte complet de ce second article :

« Item - ut inter Canonicos et Capellanos seu Clericos CHORI in ipso CHORO aliqua distinctio in habitu cognoscatur, statuimus : ut nullus, nisi canonicus utatur publicè pileo de pinillis in Ecclesiâ Dolensi ; et si quis contra hoc venire præsumpserit, co præsente in CHORO cum pileo de pinillis, cessetur penitùs à Divinis. Innovamus etiam antiquum statutum : ut nullus Canonicus, sive Clericus CHORI, de nocte vel die, intret CHORUM sine caligis et tibialibus. Et ne divinum turbetur officium, Canonici et Clerici, quandùs Missa vel Hore celebrantur, abstineant IN CHORO à confabulationibus que ad divinum officium non pertinent : Et si simut, loqui voluerint, CHORUM exeant, sicut in antiquis consuetudinibus, super hoc editis et juratis centinetur ».

Lorsqu'il publiait ces statuts, Etienne avait déjà un pied sur le bord de la tombe, et peut-être la défaillance de sa santé lui faisait-elle présager la fin prochaine de ses jours. Toujours est-il qu'il décéda le 16 novembre 1265, et fut inhumé dans le sanctuaire de son Eglise, devant le grand autel, en présence du Saint des Saints.

Ce ne fut que le lundi après la fête de la Circoncision 1265 (1266), qu'eut lieu l'élection de son successeur Jean Mahé, élection à propos de laquelle nous avons donné tous les détails qui précèdent. Jean Mahé étant mort le 16 novembre 1279, ses restes mortels furent inhumés avec les honneurs de la sépulture de l'Eglise. « ..... Ipsius que Corpore, Ecclesiasticæ traclito Sepulturæ ».

Ainsi parlent les chanoines de Dol dans leur lettre à l'archevêque de Tours, pour demander l'autorisation d'élire un nouvel évêque ; mais ce document se tait quant au lieu de la sépulture.

Heureusement le silence de la lettre capitulaire peut être suppléé par des documents postérieurs. En effet, dans les notes recueillies par les laborieux enfants de saint Benoît, à la fin du dix-septième siècle, on lit le passage suivant : « .... Proche les marches du presbytère, est un vieux tombeau d'evesque ; savoir une figure à plate terre, de pierre, qu'on dit estre d'un evesque MAHÉ .....  Sur la table est sa figure en chape et mître portant grande barbe ».

Ce témoignage de visu, rendu par les Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, me paraît d'un poids bien imposant. L'existence du tombeau que la tradition affirmait être celui de Jean Mahé, et l'emplacement où il fut encore vu par les religieux de Saint-Maur, à la fin du dix-septième siècle, doivent être considérés comme une preuve incontestable que le chœur de la Cathédrale de Dol était terminé à l'époque du décès de Jean Mahé.

Je dis à l'époque du décès de Jean Mahé ; car nul ne saurait prouver que ce prélat n'ait pas été inhumé au moment même de son décès, dans le lieu où se trouvait son tombeau, encore à la fin du dix-septième siècle, et d'ailleurs, d'après la description laissée par les Bénédictins, la pierre tumulaire vue par eux portait tous les caractères des tombeaux du treizième siècle.

Il faut même bien reconnaître que le chœur de la Cathédrale devait être terminé longtemps avant le décès de Jean Mahé, puisque, lors de son inhumation, le presbytère ou sanctuaire était déjà disposé avec ses marches pour y parvenir ; de sorte que nous sommes autorisés à fixer cette construction à l'année 1265, ainsi que nous l'avons amplement exposé ci-dessus.

Il est un adage fréquemment répété, et que nous-mêmes sommes en droit de répéter ici : Quod abundat non viciat, dit-on, ce qui peut se traduire par : abondance de preuves ne nuit pas.

Ce nous est donc une raison de ne pas nous lasser d'accumuler ici les preuves qui peuvent venir en aide à l'opinion que nous avons avancée, non sans mûre réflexion, savoir : que le chœur de la Cathédrale de Dol était terminé en 1265.

Jean Mahé étant mort, et sa dépouille mortelle ayant reçu les honneurs de la sépulture de l'Eglise, comme il a été dit ci-dessus, les chanoines, dans le but de procéder à l'élection de son successeur, se réunirent dans le chœur de l'Eglise, le mardi avant la fête de sainte Marguerite, 1280. « Nos in choro nostræ Ecclesiæ congregati » (Dom Morice, Preuves, t. Ier, p. 1094).

Le chœur était donc terminé et en état de recevoir le chapitre, puisque cette puissante compagnie s'y réunissait en 1280 pour vaquer à l'élection d'un évêque. Et quand je parle du chœur, je dois m'expliquer clairement et dire que je veux indiquer celui que nous admirons aujourd'hui, car je regarde comme essentiellement inadmissible l'interprétation suivant laquelle les mots « in choro » désigneraient une partie de la nef qui aurait servi de chœur provisoirement.

Il est évident, toutefois, que personne n'est tenu de me croire sur parole. Aussi, avant d'aller plus loin, vais-je produire les preuves et raisons sur lesquels je m'étaye pour contester l'interprétation sus-mentionnée.

Dans l'acte public dressé lors de l'élection de Henri Du Bois, on lit que, le trente mai 1340, après les cérémonies préliminaires, les chanoines et les témoins à ce requis restèrent seuls dans le chœur de l'Eglise, lieu où, d'après l'ancien usage, les élections avaient coutume d'être célébrées : «  Nobis una cum tabellionibus, et testibus infrascriptis, solis in nostro choro Dolensi remanentibus, ubi de consuetudine antiquâ, solitum est electiones nostræ Dolensis Ecclesiæ celebrari.... » (Ibidem, 1403).

Si cet usage était déjà ancien, il remontait donc au moins à soixante et quelques années, ce qui se rapporte assez exactement à l'année 1265, année que nous avons fixé plus haut comme étant celle où le chœur de notre Cathédrale avait été affecté au culte divin.

Mais poursuivons. Dans ce même acte, on lit à la suite de ce qui précède, qu'aussitôt après l'élection, le grand chantre de la Cathédrale, vénérable et discret Matthieu Leopardi, monta sur le jubé « in pulpito, » pour l'annoncer au bas clergé et au peuple qui encombraient la nef et le transept.

« Et confestim prædictam electionem nostram, modum et formam ipsius in pulpito dictæ, Ecciesiæ ubi solet Evangelium legi diebus solemnibus et festiris per venerabilem et discretum virum Ecclesiæ nostræ, Cantorem solemniter publicavimus et publicari fecimus, prout decet, ibidem existente Cleri et populi multitudine copiosâ » (Dom Morice, Preuves, t. Ier, p. 1403).

Le texte que nous venons de reproduire ci-dessus prouve incontestablement que le jubé qui séparait le chœur de la nef existait déjà depuis fort longtemps en 1340, puisque c'était du haut de cette élévation que l'on avait coutume de lire le saint évangile les jours des grandes solennités. D'où je conclus assez logiquement, ce semble, que le chœur de la Cathédrale était terminé depuis bien longtemps, puisque le jubé, addition nécessairement accessoire et détail d'ornementation, l'était lui-même depuis longtemps.

Tout se réunit donc pour attester l'extrême probabilité, je dis plus, la presque certitude de l'époque que nous avons assignée.

Maintenant, si l'on demande au moyen de quelles ressources extraordinaires put être construit le magnifique édifice que nous admirons encore aujourd'hui, je répondrai qu’au premier rang il faut placer les libérales générosités des fidèles, auxquelles venaient se joindre les revenus immenses des évêques de Dol.

Quant au chapitre de Saint-Samson, il ne put contribuer pour une large part aux frais de la construction, car ses revenus étaient fort modiques, même au commencement du siècle suivant.

Au par sur, si, comme on le peut croire, les fidèles du diocèse de Dol firent preuve de générosité, il faut convenir que cette générosité fut vertement stimulée par les évêques qui se succédèrent pendant la construction. Par les citations que nous donnerons tout-à-l'heure, on pourra juger que déjà, à cette époque si reculée de nous, les évêques comprenaient tout le parti qu'on pouvait tirer des quêtes organisées, soit dans les églises, soit à domicile ; que, d'ailleurs, ils ne regardaient pas toujours à la légalité des voies employées. Du reste, dans la présente circonstance, plus d'un lecteur pensera que la fin justifiait les moyens, et je l'avoue, sans détours, c'est ici parfaitement mon avis.

Voici donc les instructions adressées aux recteurs des paroisses par les évêques du diocèse de Dol, au treizième siècle.

Nous les empruntons à la collection de statuts publiés en 1507 par l'évêque Mathurin de Plederan [Note : Le Recueil de Statuts publiés par Mathurin de Plederan, en 1507, fut imprimé à Nantes, chez Guillaume Tourquetil, imprimeur, rue des Carmes, à l'enseigne de Saint-Jean. Dans un opuscule précédent, intitulé Dol et ses Alentours, histoire politique et municipale, nous avons avancé, que les plus anciens statuts de cette collection étaient l'œuvre de Henri Du Rose ; c'est une erreur, car ils furent publiés par des évêques anterieurs à Guillaume Meschin, qui les revit et les confirma de 1325 à 1328. Lui-même en publia quelques-uns qui viennent à la suite des premiers].

« Monemus omnes Ecclesiarum Rectores.
§ IX. — Item. — Ut in CONFESSIONIBUS INDUCANT, et exhortentur subditos, ut semet in anno peregre visitent Ecclesiam Dolensem et in infirmitate et testamentorum confectione ipsos inducant et exhortentur ut dicte Ecclesie competens legatum relinquant ...

§ XXVI. — Item. — Canonice in hiis scriptis monemus omnes Rectores et Capellanos curam animarum habentes ut ipsi in Ecclesiis suis questas pro Ecclesia Dolensi faciant diligenter et parochianos inducant et moneant IN CONFESSIONIBUS SUIS, ut de suis bonis Fabricæ Ecclesiè Dolensis [Note : Encore a la fin du treizième siècle, il existait à la Cathédrale un tronc special où l'on déposait les oblations faites pour aider à la continuation des travaux. C'est ce qui resulte d'une bulle de Boniface VIII, qui mentionne les oblations : « Que ad edificationem Ecclesia nominatim relinquitur » - (Livre Rouge du chapitre de Dol)] largiantur, nec alios questores recipiant, in Ecclesiis suis sine nostrâ Licentiâ speciali… ».

Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (Bretagne).

 

IV. - TOURS.

Deux tours s'élèvent de chaque côté du portail occidental. « L'une, au Nord, s'arrête bientôt inachevée et sans espoir de monter jamais plus haut, dit M. l'abbé Brune. Elle est à pans coupés, et chacune de ses faces est ornée de moulures dans le style du gothique fleuri, et d'ouvertures carrées ou en accolades, qui annoncent les premières années du XVIème siècle, époque où elle a réellement été construite ».

L'époque indiquée par M. Brune est exacte et conforme aux documents historiques que nous produirons tout-à-l'heure, mais que M. Brune ne connaissait pas, puisqu'il n'en fait pas mention. Il est d'ailleurs à remarquer que M. l'abbé n'est point tombé dans l'erreur commise par M. le sénateur Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, lequel écrivait en 1835, à la page 116 de ses Notes d'un Voyage dans l’Ouest :

« ..... Le premier étage de la tour du sud paraît appartenir au treizième siècle ; au quinzième, je crois, on l'a continuée ; enfin, au seizième, on l'a surmontée d'une lanterne dans le goût de la Renaissance. Le reste du portail semble avoir été ébauché au quinzième siècle, du moins c'est à cette époque que l'on peut rapporter des ornements fort médiocres sculptés sur le massif qui devait porter la tour du Nord ».

M. l'inspecteur général sera assez indulgent pour excuser sans doute la hardiesse que je prends de le rectifier, mais, en présence des pièces historiques qui vont suivre, il est tout-à-fait impossible de partager son opinion.

Voici d'abord un bref d'indulgences accordées par le pape Léon X :

« Le grand pardon de pleniere remission et aultres plusieurs plenieres remissions donnees de nostre sainct Pere le Pape Léon dixiesme a la devocieuse Eglise Cathedralle de Monsieur Sainct Samson de Dol non obstant quelques suspenses et derogations de semblables indulgences etiam en faveur de la Cruciade et de la fabrique de Monsieur Sainct Pierre de Romme.

Nostre Sainct Père considerant la vetuste et caducite de la dicte Eglise et mesme la ruygne de l'une des maitresses tours avenue depuis trois ans les corps saincts et reliques estantes en la dite Eglise et la réparation que de jour en aultre s'y faict a laquelle on ne peult fournir sans laide du bon peuple chrestien, a la fin que led edifice se puisse plus facillement conduyre et que le peuple soit plus enclin à y aller et donner de ses biens, a donne les pardons et indulgences qui ensuyvent.

En premier lieu nostre Sainct Pere Léon, pape, etc. » (Suivent les indulgences accordées par le Pape).

J'entends qu'on me dit que le rescrit de Léon X n'est pas daté. Cela est vrai. Mais ce pape n'ayant été élu qu'en 1513, la concession ne peut être antérieure à cette date. Au par sur on peut rapporter à l'année 1519 la concession du bref pontifical, d'après la citation suivante que nous empruntons à la Chronologie des Evêques de Dol, par Juhel de La Plesse (1771). A l'article de Mathurin de Plederan, on lit :

« En 1520, il fit commencer et continuer la tour à droite de la Cathédrale sur les fondations d'une ancienne dont se voient encore les vestiges (1771). Ses armes y sont en bas et par en dehors et la date de l'année. [Note : Ces armes furent grattées en 1792, ainsi que les inscriptions commémoratives, sur le réquisitoire du procureur de la commune, Juhel de La Plesse. - (Archives de la Mairie de Dol)] Sur cette tour sont des crosses entrelacées, marques de l'épiscopat ..... ».

Nonobstant les indulgences accordées par Léon X, et peut-être même à cause de ces indulgences, la tour Nord de la Cathédrale de Dol est restée inachevée, sans doute par défaut d'argent, ce signe prestigieux de toute volonté. En effet, c'est le levier puissant qui fait mouvoir toutes choses, même les montagnes. Mais aussi, sans ce grand mobile, nuls sont les résultats qu'on obtient. Voilà, je crois, ce qui explique cette soif insatiable de l'or dont aujourd'hui tous, pasteurs et brebis, sont altérés. Chacun, petit à petit, vient fléchir le genou devant le Veau d'Or, suppliant le dieu sourd et aveugle de lui départir quelques-unes de ses faveurs.

La seconde des tours dont nous avons parlé est au Sud du portail occidental. « Elle est plus élevée, dit encore M. l'abbé Brune, et rappellerait un peu celles de Coutances, à cause des arcatures simulées dont ses murs sont décorés et où l'on remarque un mélange sensible de l'ogive et du plein-cintre ; mais elle n'a point au-dessus de sa plate-forme cette flèche élégante et hardie qui termine si bien la plupart des tours ogivales de la première période. Une balustrade qui annonce, par ses compartiments contournés en flammes, le style du XVème siècle, couronne son sommet et semble y avoir été ajoutée postérieurement, car l'ensemble de cette tour paraît la partie la plus ancienne de l'édifice, à l'exception de la base, qui a été reprise en sous-œuvre dans le dernier siècle, et un petit clocheton qui s'élève à l'angle Sud-Est, et qui n'est guère plus ancien que cette restauration ».

Les dernières lignes de la précédente citation vont donner ouverture à diverses observations et rectifications qu'il convient sans plus de retard de formuler ici.

Et tout d'abord, je rappellerai l'opinion de M. Alfred du Vautenet, opinion reproduite au paragraphe précédent et suivant laquelle, lors de l'incendie allumé par les routiers de Jean-Sans-Terre, « le mur de clôture de l'Ouest » de la Cathédrale fut épargné par les flammes des impies Normands.

A chaque extrémité de ce mur « de l'Ouest » à s'élevaient deux tours, occupant les mêmes emplacements qu'aujourd'hui, et qui, elles aussi, furent plus ou moins maltraitées, sans doute, mais non complètement détruites. Du reste, je vais essayer, comme toujours je l'ai fait jusqu'ici, d'administrer les preuves de mes assertions, car c'est justice.

Cette « maîtresse tour, » dont il est parlé dans le bref d'indulgence de Léon X, et qui était en « ruygne » en 1519, existait déjà, et depuis longtemps, sans doute, lorsque la Cathédrale de Dol fut incendiée par les bandits de Jean-Sans-Terre. Il n'est guère supposable, en effet, que si cette tour eût été rebâtie au treizième siècle, elle fût déjà dans la nécessité d'être reconstruite au commencement du seizième siècle. Cette tour existant déjà avant le treizième siècle, et préservée de l'incendie, avait donc survécu jusqu'au commencement du seizième, mais à cette date elle était venue à un point de vétusté tel, que l'évêque et le chapitre de Doi durent songer à la rebâtir, et c'est à cette date que l'on commença à rebâtir la tour, qui est encore inachevée aujourd'hui.

Quant à la tour du Sud, il est à penser que si elle fut très maltraitée, elle ne fut pas non plus complètement détruite, et que même la base fut conservée jusqu'aux premières arcatures, au-dessus desquelles elle fut plus tard continuée.

Ce que je viens d'avancer se justifie, ce semble, par le fait de la reprise effectuée au milieu du dix-huitième siècle, suivant M. l'abbé Brune. En effet, cette base qui fut reprise en sous-œuvre, au milieu du dix-huitième siècle, notamment à l'Est, au Sud et au Sud-Ouest, était bien plus ancienne que le reste de la tour, puisqu'il fallut la reconstruire, sans doute, pour cause de vétusté. Elle était probablement antérieure au treizième siècle et avait eu à souffrir des dévastations des bandes de Jean-Sans-Terre. Mais, avec quelques réparations, elle avait pu être continuée au quinzième siècle. Toutefois, avec le cours des siècles, son état de vétusté était devenu tel qu'il avait fallu songer à la reconstruire, moins cependant l'angle Nord-Ouest, dont la maçonnerie se rapporte identiquement à celle de l'angle Sud-Ouest de la tour inachevée, dite Vieille Tour.

Suivant M. l'abbé Brune, la reprise de la tour Sud fut exécutée au milieu du dernier siècle. Nous voulons bien accueillir cette date de M. Brune telle qu'il la donne, mais, bien entendu, sans en accepter la responsabilité, car nous n'avons eu aucun moyen de la contrôler. Toutefois, nous affirmons que M. l'abbé est dans l'erreur positivement, lorsque, après avoir parlé de la reprise exécutée au dernier siècle, il attribue à la même époque le petit clocheton du Sud-Est.

Du reste, comme M. Brune n'est point le premier qui ait donné cours à cette erreur, nous reprendrons les choses a principio.

M. Prosper Mériméc, en parlant de la tour en question, dit : « qu'au XVIème siècle, on l'a surmontée d'une lanterne dans le goût de la Renaissance » (Notes d'un Voyage dans l'Ouest de la France, par P. Mérimée, 1836, in-8°, page 116).

M. M.-J. Brune, comme on vient de le voir ci-dessus, attribue au dix-huitième siècle « un petit clocheton qui s'élève à l'angle Sud-Est » de la tour Sud de la Cathédrale (Archéologie Religieuse, par M. J. Brune, 1846, in-8°, page 250).

Enfin, M. Alfred du Vautenet, établissant la date des diverses parties de notre Cathédrale, arrive à la tour Sud et dit : « De plus récentes encore sont dues au dernier siècle, telles la sacristie et la reprise faite à la tour au Sud, avec la campanile Louis XV qui termine l'escalier octogonal » (Congrès Scientifique de France, p. 286).

Avant d'aller plus loin, nous croyons devoir bien faire remarquer que notre intention n'est pas, le moins du monde, d'importantiser les choses au-delà de leur valeur réelle : et partant que nous ne regardons pas comme une chose miraculeuse la découverte par nous faite de quelques documents inconnus, et au moyen desquels peut se rectifier l'erreur de quelques écrivains précédents. Mais comme l’erreur, pour si légère qu'elle soit, doit toujours céder le pas à la lumière de la vérité, et que le meilleur moyen d'arrêter le cours de l'erreur est de la déraciner dans son essence même, j'ai cru de mon devoir de signaler les inexactitudes qui avaient pu être commises avant nous.

D'ailleurs, je ne marche pas sans preuve ; et si j'ai avancé que divers écrivains s'étaient trompés sur le point historique qui nous occupe, à cette heure, eh bien ! je vais en administrer la preuve.

Au folio 62, verso, d'un registre capitulaire pour l'année 1663, on lit la délibération suivante du chapitre de Dol :

« Ledit jour (3 avril), mesd. Srs ont ordonné qu'il sera travaillé continuellement à refaire la tour de l'Horloge qui menace ruine, et Mrs les fabriqueurs à présent en charge, priez de faire trouver architectes et ouvriers pour ce faire. AUTIN, secrétaire ».

Deux autres délibérations, en date des 6 avril 1663 et 15 août 1664, complètent la première.

« Ledit jour, le sieur Deschamps, architecte, ayant été fait venir de Rennes pour visiter le bastiment de l'Horloge, élevé sur le haut de l'escalier de la tour de la sonnerie de céans, sur son rapport mesd. Srs ont esté d'avis de faire construire de pierres de taille tout l'édifice de l'Horloge, qui n'estoit que de bois, et Messieurs les fabriqueurs sont chargés de faire marché avec luy, aux meilleures conditions qu'il pourra. AUTIN, secrétaire ».

« Le dit jour a été exposé par Mrs les fabriqueurs à mesd. Srs, qu'en exécution de la résolution prise, il y a plus d'un an, de faire construire de pierres de taille tout l'édifice de l'Horloge, élevé sur le degré de la tour de la sonnerie de cette Eglise, ils auraient depuis ce temps-là faict de grandes dépences à tirer et faire tailler la pierre nécessaire à la construction du dit édifice, dont le travail a esté discontinué l'hyver passé et recommencé dès la fin du mois d'Avril dernier, ayant pour cet effet, par l'advis de mesd. Srs, faict venir de Rennes le Sr Corbineau, architecte, qui n'ayant pas approuvé le dessein faict par ledit Deschamps, et esté d'avis de le reformer en plusieurs parties ; cela aurait encore causé de nouvelles depences et beaucoup de frais, à quoy les dits Srs fabriqueurs ne pouvant satisfaire, faute de fonds qui non seulement se trouve épuisé, mais mesme auraient esté obligéz de faire plusieurs advances et emprunts particuliers, pour continuer le bastiment dudit Horloge, dont ils seront contraints de faire cesser le travail, si mesd. Srs ne trouvent à propos par l'advis et du consentement de Monseigneur de Dol de prendre à Saint-Malo ou ailleurs quelque some (sic) considérable, à rente constituée sur le fonds et revenuz de la dite fabrique pour leur donner le moyen de faire continuer le travail, et le conduyre à sa fin avant le prochain hyver.

Sur quoy mesd. Srs délibérants, ont député les dits sieurs fabriqueurs vers mon dit Seigneur, pour lui représenter ce que dessus et obtenir de luy le consentement nécessaire pour prendre à rente constituée la some de seize cent liv., dont la rente de cent liv. Par an, sera payé sur les revenus de la dite Fabrique jusqu'au remboursement de la some principale. AUTIN, secrétaire ».

Suit l'autorisation du Seigneur Evêque en date du 30 août, signé : « THOREAU, evesque de Dol ».

En conséquence de cette autorisation, le vendredi cinq septembre 1664, une procuration fut passée, par laquelle les chanoines donnent « pouvoir et procure, » au sieur Charles De La Haye, leur confrère, de se transporter en la ville de Saint-Malo, pour y faire « là où il pourra » l'emprunt nécessaire pour la continuation du bâtiment de l'Horloge.

 

V. - PORCHES.

Du côté Sud de la Cathédrale, deux porches s'avancent en saillie sur le corps de l'Eglise : un petit dans le flanc du bas-côté, et un plus grand à l'entrée du transept.

« Le petit porche… très simple à l'extérieur, est orné de riches sculptures à l'intérieur. L'entrée se subdivise en deux arcades portées par de légères colonnes ; celle du centre est octogone et couverte de cœurs en relief, ce qui a fait croire que ce petit édifice était dû à Etienne Cœuret [Note : Dom Taillandier, et M. Tresvaux qui le reproduit, prétendent que ce prélat n'assista point en personne au Concile de Pisc (juin 1409) ; cependant l'un et l'autre citent le second volume du Thesaurus Anecdotorum de Dom Edmond Martène et Dom Ursin Durand, p. 1550, où il est mis parmi les évêques présents. Le père Lenfant, dans son Histoire du Concile de Pise, le compte aussi parmi les évêques présents. (Voir d'Argentré, chap. 16, p. 78. — Albert-le Grand, Catalogue des Evêques de Dol)]…, élu évêque de Dol en 1405, mais nous croyons qu'on s'est trop préoccupé de la signification de ces cœurs, et qu'on a oublié le reste de l'ornementation qui n'a rien de commun avec celle du XVème siècle, où il faudrait rejeter la construction de ce porche. Nous croirions plutôt qu'il est à peu près du même temps que l'Eglise ; etc. » (Abbé Brune).

Malgré les efforts déployés par M. l'abbé Brune pour infirmer l'opinion qui attribue à Etienne Cœuret l'édification du petit porche précité, nous retrouvons à Dol une tradition confuse, il est vrai, bien vague sans doute, mais qui enfin semble venir en aide à l'opinion combattue. Cette tradition ne s'appuie sur aucun document positif que nous sachions, mais néanmoins nous la rapporterons ici.

Suivant un des statuts du chapitre de Dol, si un évêque mourait le vendredi saint, à l'autel, son successeur devait être le plus ancien des enfants de chœur, dits encore vulgairement choristes et cœurets. Ce cas s'étant rencontré, le plus ancien choriste, qui avait connaissance des statuts, en réclama l'exécution : force fut aux chanoines d'y consentir. Mais, pour lui prouver qu'ils ne l'avaient reçu qu'involontairement pour leur évêque, ils lui intimèrent l'ordre de ne point entrer par la porte principale de leur Eglise. En conséquence, cet évêque mis à l'index par son chapitre aurait fait édifier le petit portail en question et serait entré par cette porte, dans sa Cathédrale, pendant tout son épiscopat.

Dans la tradition dont nous venons de faire le récit, il y a un mélange confus de faits relatifs, les uns à Thomas James, les autres à François de Laval. Aucun, ce semble, ne paraît devoir être rattaché à l'épiscopat d'Etienne Cœuret, sauf pourtant ce fait de la construction du petit porche par un évêque qui aurait été choriste ou cœuret. La similitude qui existe entre la dénomination vulgaire cœuret et le nom de l'évêque dolois de ce nom, me porte à supposer que le peuple, dans ses souvenirs peu mémoratifs, aura pris le nom de Cœuret comme voulant désigner un évêque qui aurait été choriste ou cœuret. Par suite de cette confusion de souvenirs, et pour donner plus de relief à ce petit cœuret, devenu évêque par le hasard des circonstances, on aura rattaché à son histoire des circonstances qui appartenaient à l'épiscopat d'évêques ses successeurs.

En résumé, donc, le petit porche ayant été édifié par un évêque que la tradition porte avoir été enfant de chœur ou cœuret, et ce nom de cœuret, quant à son orthographe, étant identique avec le nom de l'évêque Etienne Cœuret, je crois pouvoir induire de la tradition locale, que le petit porche de la Cathédrale, dit autrefois le petit porche de la porte de l'Evêque, [Note : M. Alfred du Vautenet, parlant du grand portail, dit « le grand porche, dit porte épiscopale… » — Cette dénomination n'est pas rigoureusement exacte : elle ne l'est même pas du tout. C'était le petit porche qui portait ce nom, avec d'autant plus de raison, qu'il était situé vis-à-vis l'entrée principale du château et s'y reliait, au moyen d'une galerie couverte, ce qui permettait à Monseigneur de se rendre directement de son palais à la Cathédrale. M. Du Vautenet et autres ignoraient ces détails, qui sont cependant très authentiques. (Registres du Crucifix, ad annum 1688)] a été construit par l'évêque Etienne Cœuret.

Maintenant je passe au grand portail.

« A l'entrée du transept s'élève un porche spacieux et d'un aspect imposant, ouvert sur chaque côté d'une large arcade divisée par des meneaux, comme les grandes fenêtres du XIVème siècle, et ornée de voussures autrefois remplies de statuettes et de rinceaux mais aujourd'hui dégradées et hideuses encore des traces que le vandalisme de 93 y a laissées… ».

A propos de ce portail, nous allons entendre un instant M. Alfred Ramé :


« A l'extrémité méridionale du transept de la Cathédrale de Dol, s'ouvre un porche de dimension inusitée et aussi large que le bras de la croix dont il protège l'entrée. Il fut élevé au XIVème siècle par l'évêque Henri Cœur, dont le père Albert seul a gardé le souvenir, et que l'inexact et incomplet Tresvaux a passé sous silence dans son Catalogue des Evêques de Dol. La clef de voûte porte les armes du prélat accompagnées d'une crosse, telle qu'on les retrouve sur le chapiteau d'une maison de la ville élevée sous son épiscopat. A l'intérieur, ce porche a été blanchi à la chaux, mais, en écaillant l'épais badigeon qui le recouvre et en faisant revivre les couleurs effacées, j'y ai découvert, en 1850, une peinture murale, contemporaine et du porche et du prélat, dont elle reproduit les armes parlantes. Cette décoration était fort simple : sur un fond jaune, des encadrements circulaires de couleurs variées renferment les uns des lions ou des aigles, comme sur le pourpoint de Charles de Blois, les autres des dragons ou des oiseaux ; ils sont reliés entre eux par des cœurs d'or : les vides sont remplis par de grandes fleurs de lis d'azur…. Autant qu'il est permis d'en juger d'après un fragment aussi petit que celui que j'ai mis à découvert, cette décoration, exécutée au pinceau, avait pour but de simuler une de ces tentures que l'on suspendait le long des murs des Cathédrales aux jours des fêtes .... » (Bulletin Archéologique de l'Association Bretonne, 3ème volume, p. 255, — Lettre de M. Ramé).

La citation précédente va donner ouverture à diverses rectifications qui ne sont pas sans importance.

Et tout d'abord je crois que M. Alfred Ramé est mal fondé à reprocher à l'abbé Tresvaux d'avoir oublié de mentionner dans son catalogue le nom de l'évêque Henri Cœur. Ce reproche, s'il avait sa raison d'être, devrait s'adresser à Dom Charles Taillandier, auteur du Catalogue des Evêques de Dol, (D. Taillandier, Histoire de Bretagne, t. II, in fine) et non pas à l'abbé Tresvaux, qui n'a fait que reproduire ce catalogue, en le copiant servilement, et sans y apporter aucune rectification.

Du reste, l'évêque dolois qui, dans le catalogue d'Albert-le-Grand, porte le nom de Henri Cœur, s'appelle Henri du Bosc ou du Bois, dans le catalogue de Dom Taillandier. La dénomination adoptée par Dom Taillandier me paraît infiniment plus admissible que celle adoptée par le dominicain Albert de Morlaix. — Mais, pourquoi ? dira-t-on. Parce que cette dénomination : Henri du Bosc (De Bosco), se retrouve dans le procès-verbal d'élection de cet évêque en date du 30 mai 1340. — Au contraire, la dénomination Henri Cœur ne se retrouve nulle part que dans le catalogue du bonhomme Albert, lequel est fort sujet à caution et ne doit pas toujours être cru sur parole. D'ailleurs, le bon religieux de Bonne-Nouvelle paraît avoir douté de l'exactitude de la dénomination qu'il donnait, car il l'a soulignée, ainsi que tout le monde peut s'en assurer.

Nous concluons donc en disant que c'est indument et à tort que le reproche ci-dessus formulé par M. Alfred Ramé est à l'adresse et au nom de M. l'abbé Tresvaux, d'autant plus que mon dit sieur Tresvaux n'a fait que reproduire le texte et la dénomination publiés par Dom Taillandier, lequel Dom Taillandier écrivait en bonne connaissance de cause et mérite bien un certain degré de crédibilité.

Au surplus, et à part la réserve que nous venons de faire en ce qui touche le nom de l'évêque Henri du Bosc, nous devons déclarer que M. l'abbé Tresvaux mérite de tout point le reproche d'inexactitude et d'incurie que lui applique M. Alfred Ramé. En effet, son catalogue des évêques de Dol est rempli d'inexactitudes et d'erreurs de faits, de dates et de noms. Deux ou trois de ces inexactitudes existaient bien dans l'édition donnée par les savants Bénédictins, mais non seulement M. Tresvaux n'a pas relevé ces inexactitudes, ce qui était pour lui un devoir et une chose facile, mais il y a encore joint un contingent très respectable d'erreurs et qui dénotent un manque presque absolu de recherches et de vérifications. Certaines gens trouveront ce jugement bien amer, sans doute ; mais nous ne le rétracterons pas, car il est vrai.

Cela dit, je passe à une seconde série d'observations. M. Ramé a remarqué à la clef de voûte du grand porche méridional des armes qu'il affirme être celles de l'évêque Henri Cœur ou Henri Du Bois, constructeur présumé du susdit grand porche. Il m'en coûte beaucoup de contredire le jugement d'un archéologue comme M. Ramé, correspondant du ministère de l'instruction publique ; mais, pour mon compte, j'affirme que ces armes peuvent tout aussi bien, même beaucoup mieux, être attribuées à l'évêque Etienne Cœuret (1405-1429). J'ouvre, en effet, le bouquin d'Albert-le-Grand, je cherche l'article d'Etienne Cœuret (Albert-le-Grand, Catalogue des Evêques de Dol, page 242) et j'y lis : « D'azur à trois cœurs d'or, 2 et 1 » — Or, sauf erreur de ma part, et si j'ai bien distingué, ce sont ces trois cœurs qui sont les armes de la clef de voûte. Ainsi se justifierait l'hypothèse de Jean Ogée, qui attribue à Etienne Cœuret la construction du grand porche méridional.

Quant à « l'épais badigeon » dont parle ensuite M. Ramé et qui recouvre le frontispice et le dessus de la grande porte, il date de 1819.

Le 8 septembre de cette année, la municipalité de Dol passa une adjudication de quelques minimes réparations à faire aux galeries et au grand portail. Dans le cahier des charges et conditions, qui est joint au procès-verbal d'adjudication, on lit :

« Art. 1er. Les réparations consistent… dans l'applanissement des restes des anciennes figures ou bas-reliefs qui existaient au frontispice et aux voûtes du grand portail, qui ont été mutilées pendant la révolution, dans la reprise et recrépîment en mortier de plâtre ou chaux et sable de ce frontispice, et des corniches des voûtes où se trouvaient ces figures, pour en faire disparaître les traces, dans la fourniture et placement d'un cadran solaire dans le demi-rond qui surmonte ledit portail.....

Art. 5. Les pierres de tuff ou tuffeau sur lesquelles étaient sculptées les figures ou bas-reliefs mutilés seront applanies au ciseau ou avec tel autre instrument que l’adjudicataire jugera convenable, de manière à pouvoir y placer un enduit en plâtre ou mortier de chaux et sable, suivant qu'il sera définitivement statué au moment même de l'adjudication. L'adjudicataire fera cet enduit proprement, il sera bien uni et poli, sans saillies ni défectuosités ; il sera tenu de faire des moulures dans les corniches, si on l'exige, comme aussi de donner une couleur à cet enduit, si cela est déterminé, lors de l'adjudication ; il reprendra en mortier de chaux et sable ou ciment tous les joints dégradés des pilastres et de la voûte, et recrépira de la même manière les endroits dégradés de dessous la voûte, auxquels il donnera deux laits de chaux, ainsi qu'aux niches qui sont sous le dit portail...

Art. 8. La plate-forme de plomb sera bien réparée partout où besoin sera. Les morceaux seront proprement rapportés et solidement soudés ; les petits trous seront bouchés à la soudure.... ». Signé au procès-verbal d'adjudication : - Joseph GEFFROY ; — GAUTIER le jeune ; — Charles MALARD ; — POULLET ; — LAIR ; — DEMINIAC, adjoint ; — LEJAMPTEL, adj. ; — J. BOURSEUL ; — Jh. PASQUIER » (Archives de la mairie de Dol, Fonds, M. 4).

Des diverses parties qui composent l'harmonieux ensemble de la Cathédrale de Dol, le porche du transept Midi est certainement celle qui a le moins profité des restaurations opérées de 1839 à 1848.

En 1845, on démolit le demi-rond qui était au-devant de la plate-forme, et l'on établit la balustrade qui existe aujourd'hui tout autour de cette plate-forme ; laquelle balustrade M. Brune trouve être d'un style peu en rapport avec celui du monument.

En 1819, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'administration municipale de Dol avait fait réparer la plate-forme de plomb ; mais, peu à peu, les pieds des visiteurs et des ouvriers avaient tellement crevassé cette toiture, que les eaux s'infiltraient dans les interstices des voûtes, qui se couvraient d'une teinte verdâtre.

Dans la pensée de remédier à cette infiltration, l'administration municipale de Dol fit établir, en 1856, une toiture en béton. Mais les voûtes du grand porche ont conservé leur teinte verdâtre. Les meneaux des arcades latérales, les sculptures des voussures, rien de tout cela n'a été restauré. Et cependant tout cela devait être restauré, suivant le devis de restauration, dressé en 1837, par l'ordre du préfet du département.

Espérons donc, car il faut toujours espérer, lors même qu'il n'y a plus d'espoir, espérons, dis-je, que le gouvernement de l'empereur Napoléon III fera compléter les plans de restauration et fera disparaître les traces qui subsistent encore du vandalisme de 1794.

 

VI. - INTÉRIEUR.

Après avoir attentivement examiné l'extérieur de notre basilique, nous entrons à l'intérieur, et, procédant avec ordre et circonspection, nous nous occupons tout d'abord de la nef.

Au plus bas de la nef, on aperçoit le jeu d'orgues dont il est fait mention dès 1575 dans les registres du chapitre, et qui, à cette époque, était déjà ancien [Note : Laissées sans aucun soin pendant la révolution, ces orgues furent réparées de 1812 à 1813, par les soins du curé François Julien Portier]. Un peu plus haut, on trouve deux cuves en Pierre d'inégale hauteur, qui servaient de fonts baptismaux au milieu du XVIIème siècle, ainsi qu'il résulte d'un procès-verbal de visite faite par Robert Cupif en l'année 1655. Aujourd'hui, elles n'ont aucune destination, quoiqu'il fût à désirer qu'il leur en fût donné une. Plus haut encore, mais à droite, on distingue une petite porte cintrée qui introduit dans une salle servant autrefois de chambre capitulaire à Messieurs du vénérable chapitre. C'étaient aussi là qu'étaient déposées ses précieuses archives, dont les débris sont encore si riches aujourd'hui.

Cette salle du vieux chapitre sert, à cette heure (vers 1860), de dépôt pour les cercueils. Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque moyen de lui donner une autre destination ? [Note : Peut-être ce serait ici le cas de dire que le curé de Tréguier, M. l'abbé Durand, a réuni dans l'ancienne salle capitulaire de cette Eglise tout ce qu'il a pu se procurer de portraits des anciens Evêques de cette ville].

La nef que nous voyons si vaste et où la circulation est si facile aujourd'hui, n'a pas toujours été ainsi. Au commencement du dix-huitième siècle, il s'y trouvait encore cinq autels. Deux d'entre eux étaient dédiés, l'un au Saint-Esprit, l'autre à saint Yves, le bienfaisant official de Tréguier. En 1714, ils étaient tous dans un état assez peu satisfaisant, aussi, sur le rapport du fabriqueur Servais-Etienne de La Motte-Thumbrel, le chapitre prit une délibération, en date du 31 mai 1714, dans laquelle il émettait l'avis qu'ils fussent démolis. Joint à une requête du fabriqueur Thumbrel, le tout fut présenté au seigneur évêque François-Elie De Voyer De Paulmy d'Argenson, qui occupait le siège de Dol. Celui-ci, par ordonnance donnée au château des Ormes, le 31 mai 1714, approuva la délibération du chapitre, et, en conséquence, on procéda à la démolition des autels (Archives départementales. Fonds 5 G. 108).

De la nef nous entrons dans le transept, qui partage l'Eglise en deux parties à peu près égales.

Au Nord de ce transept se trouve la chapelle, anciennement dite de Notre-Dame-de-Pitié, au fond de laquelle est un tombeau monumental, « l'ornement le plus précieux de la Cathédrale de Dol, et cependant le moins apprécié du commun des visiteurs et des habitants de la ville, » dit M. Alfred Ramé. Ce monument funéraire est celui qui fut élevé à l'évêque Thomas James, par son neveu, Jean James, dit Letellier, chanoine-trésorier de l'Eglise de Dol et scolastique de l'église de Nantes.

Il n'est pas inutile de dire ici que le prélat n'avait aucunement réclamé ce fastueux mausolée, et qu'au contraire, dans son testament du 4 avril 1503, il déclare vouloir être inhumé sans aucune pompe, et comme le dernier du peuple. Et de fait cette dernière volonté devait être celle de l'évêque qui, dans son inscription tumulaire, est représenté comme ayant porté le cilice et dompté sa chair par le jeûne [Note : « .... Ego Thomas Dei gratiâ indignissimus minister et episcopus Dolensis Ecclesiæ.... Meam in hunc modum, declaro voluntatem ultimam : Et imprimis do animam meam Domino nostro Jesu Christo, etc. Corpus que meum seu cadaver terræ unde exivit, in Ecclesiâ Sancti Samsonis SPONSA MEA, in Capella quæ dicitur Sancta Maria de Pietate, non pempose, sed SICUT UNUS DE POPULO, VOLO HUMILITER SEPELIRI, jaxtâ considerationem executorum meorum… » (Testament de Th. James)].

Mais le neveu Jean, pour satisfaire sa vanité aristocratique, et par une prétendue reconnaissance des biens dont son oncle l'avait gorgé, voulut lui faire élever cet immense tombeau que les troubles politiques n'ont pas respecté, peut-être par un secret retour de la justice céleste.

Avant d'avoir subi les mutilations de 1793, le monument de Thomas James présentait beaucoup de détails artistiques qui n'existent plus aujourd'hui. Mais les Bénédictins Breton, lorsqu'ils parcoururent la Bretagne à la fin du dix-septième siècle, le virent dans toute sa splendeur, et ils en ont laissé une briève description que nous empruntons au volume XLV de la collection dite des Blancs-Manteaux.

« Au pignon de la croisée, du costé de l'Evangile, dans une grande et magnifique arcade ornée de deux pilastres quarrez fort enjolivez de sculptures aux chapiteaux, architrave, corniche, deux figures et un grand fronton est un tombeau de pierre blanche dorée par filets, de figure quarrée, oblongue, de quatre pilastres semblables de façon au grand soutenant architrave, frize et fronton : sur la table duquel qui est de quatre pieds de haut est la figure de l'evesque James en habits sacerdotaux, mître en teste, deux petits anges soustenant les oreillers, et derriere sont deux petits demy-piliers ou supports quarrez sur lesquels sont deux anges assis soustenant les armes Crux (sic) de la teste avec casque Crux (sic) des pieds, avec mitre, et au fond, deux grands anges en bas-relief, tenant les armes, avec la simple croix ; sur le devant deux niches, avec la figure de deux vertus, et au milieu une plaque de cuivre enchâssée dans la massonnerie, où l'on voit ces paroles escrites autrefois en or » (Voir Mélanges d'Histoire et Archéologie bretonnes, t. 2, p. 10. Rennes, 1856, in-8°).

Suit l'inscription reproduite par Dom Charles Taillandier, page 65 de son catalogue des évêques de Dol.

Après avoir lu la citation précédente, empruntée au Recueil des Blancs-Manteaux, il n'y a pas un instant lieu, ce me semble, de douter que ce ne soit bien le tombeau de l'évêque Thomas James qui se trouve dans le transept Nord de la Cathédrale de Dol. Nous devons dire cependant qu'il y a vingt ans et plus que M. Prosper Mérimée a formulé une assertion toute contraire :

A la page 117 de ses Notes d'un Voyage dans l'Ouest, art. Dol on lit : « .... On voit dans le transept gauche (de la Cathédrale) un magnifique tombeau de la Renaissance, malheureusement aujourd'hui fort mutilé. Deux médaillons échappés aux destructeurs représentent le chanoine à qui ce tombeau fut érigé, et son frère » [Note : Notes d'un Voyage dans l'Ouest de la France, par Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments de France. Paris, 1836, in-8°].

Je dirai ici, sans aucun détour, qu'il est vraiment surprenant que M. Mérimée ait pu formuler une telle assertion, surtout si l'on suppose qu'il a lu les inscriptions qui existent encore aux deux extrémités du sarcophage et sur l’un des principaux pilastres du tombeau. Or, il est positif qu'il a dû les lire, puisqu'elles sont reproduites dans son livre, d'une manière peu exacte, il est vrai.

On a vu ci-dessus que sur la table du mausolée était « la figure de l'évesque James, en habits sacerdotaux, et mitré ». Cette statue n'existe plus.

Mais quant aux bustes qui sont des deux côtés du monument, ce sont ceux de deux neveux du défunt, Jean et François James, tous deux chanoines de Dol. Jean, l'aîné des frères, est représenté du côté de la tête du prélat. Sous son buste on lit cette inscription : Do : Jo : James : Jur : leaureatus : Lehonii : Comenda : ac huius Ecclie : thesau : Et Cano : œtat. XXXI anni : M : Vcc : VII.

Sous le buste de François, placé aux pieds du prélat, une cartouche brisée par le milieu porte ces mots : M : Franciscus .... James : huius : eccl.... Scolasticus : cano ca.... Conditoris frater 1507.

Cette dernière inscription porte que François James était le frère de celui qui avait fait ériger le tombeau.

C'est sans doute ce dernier détail qui aura été cause de la méprise dans laquelle est tombé M. Mérimée. En lisant « Conditoris Frater, » il en aura conclu, sans plus ample information, que le défunt qui reposait dans ce monument était frère de celui qui l'avait fait élever. Or, il n'en est rien.

Le contraire même est prouvé par la citation précédente, empruntée à la collection des Blancs-Manteaux, et aussi par l'inscription tumulaire qui était autrefois « enchâssée » au-devant du tombeau, et qui a été publiée en entier par les Bénédictins au tome II de l'Histoire de Bretagne, p. LXV.

Il reste donc bien et dûment établi que c'est le tombeau de Thomas James qui existe dans le transept Nord de la Cathédrale de Dol.

Une inscription gravée sur un des principaux pilastres, à la partie la plus apparente du tombeau, nous apprend que c'est aux frais et sous la surveillance de Jean James, ci-dessus mentionné, que l'œuvre fut exécutée.

Joannes : James : Juriu : lau : - Lehonii : commendat : Dol - Thesaur : et Cano : impensâ - Et : Cura : structum ac -Ornatum : Sepulcrum. - M. Vcc VII.

A deux pieds environ du socle du tombeau de James, on distingue une pierre de granit. Nous approchons les yeux pour lire l'inscription qui y est gravée, mais inutilement, cette pierre est muette : elle ne dit pas le nom de celui dont elle recouvre les ossements.

Heureusement, nous trouvons encore dans les portefeuilles des Blancs-Manteaux les renseignements nécessaires pour combler la lacune qui existe ici.

La pierre que nous voyons aujourd'hui a remplacé depuis un siècle (1742) « une tombe de cuivre gravée à plat, où un evesque est peint aiant mitre et crosse, » et aux quatre coins, il y avait quatre écussons en bannières chargés d'un sautoir, chargé lui-même de douze besans ou « tourteaux ». Ces armoiries se reproduisaient sur la poitrine, mais « en escu ».

Autour de cette tombe était écrit :

Hic jacet pie recordationis et Ecclesiæ defensor, Dominus Johannes de Bruc .... Venetensis Diocesis, parrochiæ de Glenac oriundus olim ...... Millesimo quadragentesimo trigesimo sept. Cujus anima in pace requieseat. Amen.

A l'une des extrémités de la pierre tumulaire dont nous avons parlé ci-dessus, et qui ne porte plus d'inscription, est un humble pédicule de marbre, avec un couvercle de bois commun. Ce sont les anciens fonts baptismaux de la paroisse de l'Abbaye. Depuis 1804, ils servent à la Cathédrale ....

 

VII. - CHOEUR.

Une simple grille en fer, de travail très commun, forme la séparation entre la nef et le chœur de la Cathédrale. — Nous franchissons donc cette grille [Note : A la place de cette grille se trouvait jadis un jubé ou chanceau ; en dehors étaient deux petits autels, dédiés l'un à la Sainte Vierge, l'autre à saint Nicolas. Aux quatre coins du jubé étaient placées les statues des évangélistes, avec leurs emblèmes. Vers le milieu du seizième siècle, François de Laval l'avait fait recouvrir de boiseries dans le goût du temps. En vertu d'une délibération du général de la paroisse de Dol, du 17 juin 1792, confirmée par arrêt du département, du 20 juillet suivant, on procéda le 17 septembre à l'adjudication à qui pour moins de la démolition du jubé et de rétablissement d'une grille en fer provenant de l'église conventuelle de l'abbaye de la Vieuxville, et la même qui existe aujourd'hui. Après divers débats, la démolition du jubé et l'établissement de la grille en fer restèrent à la charge du sieur Joseph Erambourg, exécuteur de basses-œuvres, pour la somme de 200 livres. — (Procès-verbal d'adjudication — penès nos)] et nous entrons dans le choeur, où tout le monde peut entrer aujourd'hui, ce qui n'avait pas lieu autrefois [Note : En effet, le premier dimanche de chaque mois, le clergé de la paroisse Notre-Dame se rendait à la Cathédrale pour les processions ordinaires, mais le clergé et même le recteur revêtu de son étole restaient à la porte du chœur. En 1790, le procureur de la commune de Dol, M. Jean Hamelin, fit à ce sujet une remontrance au corps municipal, qui, dans sa séance du 19 avril, arrêta « de faire conoitre (sic) à MM. du chapitre de la Cathédrale, que le vœu général des habitants de cette ville (de Dol) est que M. le Recteur de la paroisse Notre-Dame. Et le clergé de la même paroisse entrent processionellement dans le chœur de l'Eglise Cathédrale »].

Les stalles et le trône épiscopal, quoique mutilés, présentent encore des détails intéressants. Ce travail de menuiserie serait fort ancien, suivant M. l'abbé Brune, qui, s'appuyant sur le rapport de M. le comte de Montalembert, le fait remonter au quatorzième siècle, assertion qui est formellement contredite par la tradition locale [Note : Nous avons souvent entendu dire jadis que les stalles du chœur avaient été faites au temps de Mgr De Sourches, par un menuisier nommé Jean Pinel. — Ce détail assez curieux avait été transmis par Mlle Jeanne-Thérèse Bidan, veuve Gautier, décédée à Dol le 30 novembre 1802, à l'âge de 75 ans].

On ne voit plus aujourd'hui les balustrades en bronze qui renfermaient le choeur et surmontaient les stalles : c’était Mgr de Sourches qui les avait fait placer en 1743. L'autel de marbre, qui subsiste encore de notre temps, est dû à la munificence du même prélat [Note : C'est au-dessus du grand autel que se déploie la belle verrière du treizième siècle, sur laquelle on pourra consulter l'intéressante monographie de M. Brune (Congrès Scientifique de France, t. II, p. 84, Rennes, 1850), et aussi celle de M. Alfred Ramé]. Il fut sculpté en 1743 par Maurice Pierlet, marbrier de Laval, ainsi qu'il est appris par divers actes du chapitre. De chaque côté de cet autel sont deux grands et beaux reliquaires, en bois doré, sculptés à Rouen, en 1746 et 1747, par maître Jean Le François, et qui coûtèrent 720 livres, tant pour la façon que pour la dorure : depuis le 4 juin 1848, ils renferment des ossements que l'on croit avoir appartenu à saint Samson et à saint Magloire.

La nef, le transept et les bas-côtés servaient à la sépulture des chanoines et du bas-chœur de la Cathédrale. Mais le sanctuaire, considéré comme la partie la plus noble de la basilique, recevait les dépouilles mortelles de nos Seigneurs les Evêques. Beaucoup d'entre eux y dorment silencieusement leur dernier sommeil, mais les fondations qu'ils avaient établies ne sont plus exécutées. Bien plus, il n'en est aucun dont les pierres tumulaires aient échappé à la main dévastatrice des hommes. Et quand nous parlons de main dévastatrice, nous n'entendons pas parler des hommes de la Terreur, mais bien des chanoines du chapitre, qui fut le promoteur impie de ces « honteuses spoliations ».

Avant de donner ici le principal document relatif à cette démolition, nous croyons devoir servir à nos lecteurs, qui nous en sauront gré, la description de l'état ancien des lieux, telle qu'elle se trouve dans les notes des Bénédictins bretons, conservées à la Bibliothèque Impériale, fonds des Blancs-Manteaux.

« Entre les deux piliers de la seconde arcade du cœur (sic) du costé de l'Evangile, est le tombeau d'Estienne Cueret (?) haut de trois pieds et demy, garny d'arcades et figures, sur lequel est la figure vestue pontificalement, aiant deux anges à la teste et deux aux pieds, aiant les armes du défunt aux agraphes de leurs habits, un chapiteau par dessus la teste, et la broderie du bord de sa chasuble bordée par quarreaux de trois cœurs d'or sur azur, et fantaisies de broderies.

Au Milieu du chœur est un tombeau haut de trois pieds deux ou trois pouces, avec une table de marbre jaspé, supporté de quatre pilliers en termes de mesme matière, et sous le milieu une espèce d'urne de pierre ; au bord de la dite table de marbre est escrit : « Messire François DE LAVAL, evesque de Dol, abbé de Paimpont et du Tronchet, qui fonda 12 obits: décédé le 2 juillet, dort ici. Requiescat in pace ».

Au-devant encore et proche les marches du presbytère, [Note : En cet endroit, le mot presbytère, en latin presbyterium, a la signification de sanctuaire, aussi en latin sanctuarium, presbyterium. Ainsi que tout le monde le sait, le sanctuaire est, dans le chœur d'une église, l'endroit où est l'autel, renfermé d'une balustrade. Le chœur et le sanctuaire ne doivent donc pas être confondus ensemble, ainsi que l'a fait M. l'abbé Brune, en parlant de l'inhumation prétendue de Jean du Bosc dans le chœur de la Cathédrale. (Archéologie Religieuse, page 246)] est un vieux tombeau d'evesque, savoir I figure à plate terre, de pierre, qu'on dit estre d'un evesque Mahé....

Sur la table est sa figure en chape et mître portant grande barbe....

Au presbytère, il y a trois tombes d'evesques, [Note : Vraisemblablement, c'étaient les tombeaux des évêques Etienne (1267), Thibault de Pouencé (1302) et Thibault de Moréac (1312)] de marbre noir, garnies autrefois de pièces et de raports de marbre blanc, sur lequel les noms estoient escrits, il n'en reste plus rien.

Devant le grand autel (sur) est une tombe de cuivre, au costé de l'Evangile, avec ces mots :

Hic jacet inclyta ac honestissima Maria

James, que vivens Deum colebat et

Venerabatur ; ergà pauperes Chi erat

Misericors et eos fovebat et consolabatur ;

Quæ rapta est ad cœlum anno Incarnaton

Dmni millesimo qugentesimo tertio Xmo Maii

Vixit annis 12, mensib. 96 & diebus 7.

Oretis omnes, pro eâ

Hoc monumentum procuravit Thomas hujus

Ecclesiæ minister ac Epus avunculus,

Anno quo supra.

au bas, il y a un écusson ».

En 1742, Mgr Jean-Louis De Sourches, ayant donné plusieurs sommes pour la réparation intérieure de la Cathédrale, le chapitre nomma des commissaires pour faire marché avec les ouvriers. Nous donnons ici un extrait de la transaction relative aux réparations du chœur, transaction dont nous avons l'original sous les yeux à l'instant où nous écrivons.

« Entre nous Messire-Jean-Claude Armand, chanoine et fabriqueur de l'Eglise Cathedralle de Dol, demeurant dans la dite ville de Dol, rue Sainte (sic), paroisse du Crucifix.

Et Messire-François-Joseph de Brunes de Montlouet, aussi chanoine et vicaire général de Dol, y demeurant dans la maison presbyteralle de la paroisse de Notre-Dame, faisant pour eux et au nom des autres Messieurs chanoines du dit chapitre de Dol, conformément au pouvoir leur en donné par délibération de ce jour quatorzième Aoust 1742, — d'une part ;

Et maître Maurice Pierlet, marbrier de sa vacation, demeurant à Laval, rue d'Ernée, paroisse de la Trinité, d'autre part ;

S'est fait et passé le présent en double, par lequel moy dit Maurice Pierlet m'oblige :

1° Faire le pavé du chœur et du sanctuaire de l'Eglise Cathedralle de Dol, conformément au devis de moy signé pour rester aux mains de Messieurs du chapitre ; c'est-à-dire d'un carreau octogone de pierre de Caen, accompagné de quatre carreaux de marbre noir ou autre couleur, au choix de mesdits sieurs du chapitre; les dits carreaux de marbre de quatre poulces en quarré et d'un poulce d'épaisseur, m'obligeant de me servir de la pierre de Caen que Messieurs du chapitre ont fait venir ; de lever et me servir aussi des tombeaux de marbre que j’ay vus et examinés dans la dite Cathédrale, c'est-à-dire trois dans le sanctuaire, un au milieu du chœur, un dans la chapelle Saint-Samson, et l'autre dans la chapelle de Mr James .........

5° De descendre et scier le tombeau de M. De Laval qui est au milieu du chœur à l'épaisseur de trois poulces, sans le casser sauf à en répondre, à moins qu'il n'y ait quelques défauts, qui ne paraissent pas au dehors et à le replacer dans le même endroit, au niveau de l'autre pavé et sans qu'il soit compris dans le touazé.

Arresté sous nos seings, à Dol, ce quatorzième jour a du mois d'Août. 1742 ». Suivent les signatures.

Le document que nous venons de reproduire est éloquent et parle assez haut, de lui-même ; malgré ses fautes d'orthographe, il est fort clair, et ce serait peine perdue d'y joindre le plus bref commentaire. Après l'avoir parcouru, on reste convaincu que le chapitre de Dol est coupable d'avoir le premier donné l'exemple des dévastations dans son Eglise, et que les Vandales de 1793 n'ont fait qu'achever ce qu'il avait commencé.

Après avoir indiqué l'état ancien du chœur de la Cathédrale et le remue-ménage qui y fut opéré par le chapitre en 1742, il nous reste à dire quel est l'état des lieux en 1860.

Sur le dernier degré de grand-autel, auprès de la porte latérale du chœur, côté Nord, on lit sur un carreau de marbre octogone :

Hie jacet - Stephanus - Cœuret Dolensis - Episcopus, quondam - Demùm Britanniæ - Cancellarius, doctor - Utrinsque juris… qui - Obiit anno Domini - 1429. Die 6ta decembris, - et pontificatus - Anno 24. Anima - ejus in pace - Requiescat. Amen.

Au milieu du chœur, sur un autre carreau de marbre, on lit :

Hic jacet Joannes - De Bosco, quondam - Episcopus Dolensis, - De Cenomaniâ - Natus, utriusque - Juris Doctor, - Excellens et fuit - In parlamento - Regio advocatus, - Qui obiit anno Dni - M. C.C. C. XXIII, - Die Mercurii festo conversi - Onis Sancti Pauli. Orate pro eo. [Note : Sur cette inscription, voir ci-dessous, Chapelle absidale].

Un peu au-dessous de l'inscription de Jean Du Bosc, on remarque une pierre du pavé, plus large que les autres, mais, toutefois, sans aucune indication. Peut-être était-ce là que s'élevait le fastueux mausolée de François de Laval, qui fut « descendu » en 1742. Suivant le devis des réparations, le tombeau devait être « replacé au même endroit et au niveau du pavé » ; mais il n'en fut rien fait. Il ne faut pas s'en étonner, surtout si l'on veut bien faire attention que le chapitre de Dol dut être charmé d'avoir une si belle occasion de faire disparaître le tombeau , et avec ce tombeau, la mémoire d'un évêque dont la nomination, en 1528, fut un déshonneur éternel pour la compagnie.

François de Laval, fils naturel et illégitime de Guy XVIème du nom, comte de Laval, et d'Anne d'Espinay, sa concubine, fut nommé, en 1528, à l'évêché de Dol, par François Ier. Une telle nomination n'a rien d'étonnant de la part de ce roi. Mais le chapitre de Dol, rigoureux observateur des saints canons, se trouva profondément mortifié de voir ce bâtardeau s'asseoir sur le siège de son Eglise. Il voulut donc faire rapporter cette nomination ; mais ce fut en vain. Il fallut courber la tête sous le despotisme royal et avaler jusqu'à la lie ce calice d'ignominie.

Obligé de recevoir un évêque dont la naissance véreuse était pour lui un déshonneur, le chapitre lui refusa l'entrée du chœur de la Cathédrale : ce que voyant François de Laval, il se retira dans la chapelle Saint-Sébastien [Note : La chapelle Saint-Sébastien était celle qui se trouve vis-à-vis la porte du chœur, côté Mid], qu'il fit orner et embellir, et où il célébrait l'office, tandis que les chanoines placés dans leurs stalles lui répondaient de dedans le chœur. Il en agit ainsi pendant toute sa vie, et refusa constamment de mettre le pied dans le chœur, bien qu'il en fût prié et supplié par les chanoines, qui avaient été forcés de l'aller chercher à son palais, avec le cérémonial obligé [Note : Ces derniers détails d'opposition souterraine ne se trouvent que dans la Chronologie des Evêques de Dol, par Juhel de La Plesse. Mais il avait très bien pu les recueillir de la tradition locale, et il y a tout lieu de croire qu'ils sont bien fondés. D'ailleurs, avant 1793, on voyait dans la chapelle Saint-Sébastien une haute colonne de pierre, et au-dessus, la statue de François de Laval le représentant à genoux en adoration devant le Saint-Sacrement. Pendant la révolution, la statue fut renversée par les iconoclastes du lieu ; mais la colonne subsiste encore et porte la date de 1537].

Sur ses vieux jours, François de Laval devint « malsain, » soit par suite de constitution vicieuse par le fait de son origine, ou affaiblie par les désordres d'une jeunesse orageuse. — Quoi qu'il en soit, François de Laval se retira au prieuré de Sainte-Catherine de Laval, l'un des nombreux bénéfices dont la prodigalité royale l'avait surchargé. C'est là qu'il mourut, le 2 juillet 1555 [Note : On lit dans le Dictionnaire Historique de Bretagne, p. 232, édition Marteville : « François de Laval-Montmorency, évêque de Dol, y établit, en 1634, un couvent de Récollets ». Je ne vois qu'une objection à faire à cette donnée du Dictionnaire de Bretagne, c'est que le Bâtard de Laval mourut le 2 juillet 1555, et ainsi, — à moins d'avoir anticipé sur la résurrection générale, — il ne pouvait fonder un couvent quelconque en 1634. Cette erreur de M. Ogée, premier éditeur du Dictionnaire, aurait pu et même aurait dû être convenablement relevée par le nouvel éditeur ; mais ce brave homme s'est borné à dire, à la page 251 : « Nous ignorons où était l'ancienne église des Récollets ». — A l'avenir, cette ignorance ne sera plus permise et il faudra rayer cette prétendue église des Récollets, qui n'exista jamais]. Son corps, rapporté à Dol, fut inhumé dans le chœur, sous le mausolée dont les Bénédictins nous ont conservé la description, et qui fut « descendu » en 1742.

 

VIII. - CHAPELLES. - PAROISSE DU CRUCIFIX.

De chaque côté du chœur, quatre chapelles de forme carrée et voûtées en pierres, comme les nefs, correspondent aux travées du chœur. Au Midi, celles de Sainte-Marguerite, auprès de la sacristie, de Saint-Joseph, de Saint-Prix et de Saint-Denis ; au Nord, celles du Sacré-Cœur, de Saint-Gilles, de Saint-Gilduin et Saint-Méen, et celle de la Sainte Vierge, joignant la chapelle absidale de Saint-Samson.

Nous avons essayé précédemment de prouver que le chœur de la Cathédrale de Dol avait été inauguré en 1265 ; mais nous n'avons rien dit relativement aux chapelles qui rayonnent autour du chœur ; c'est ici le lieu de combler cette lacune.

« La ville épiscopale de Dol, dit Messire Tresvaux, n'avait qu'une paroisse, desservie à la Cathédrale. ». Il y a dans ce peu de mots deux grosses erreurs qu'il convient de relever ici.

Aujourd'hui encore il est de notoriété à Dol, qu’avant 1791, il y avait en cette ville trois paroisses, savoir : celle de Notre-Dame, celle de l'Abbaye, enfin celle du Crucifix.

Les deux premières avaient leur église distincte et subsistèrent jusqu'en 1791.

Quant à celle du Crucifix, elle se desservait réellement à la Cathédrale, dans la chapelle actuelle de la Sainte Vierge. Mais elle fut supprimée en 1775 et réunie à la paroisse de Notre-Dame [Note : Les registres de ces paroisses sont conservés aux archives de la Mairie de Dol]. Voilà l'exacte vérité.

C'est par erreur que, dans un précédent opuscule, nous avons dit que le service religieux de la paroisse du Crucifix se faisait à la chapelle de Notre-Dame-des-Tangueres, située tout auprès du pont de ce nom [Note : Histoire de la Cathédrale et autres Monuments de Dol, 1852, in-8°, p. 9].

Toutefois, il n'est pas inutile de faire remarquer que cette petite chapelle dépendait de la paroisse du Crucifix, et qu'elle servait de lieu de sépulture à un certain nombre de paroissiens, notamment aux plus fortunés.

Cependant il existait encore un petit cimetière auprès de la Cathédrale, dans l'angle formé par le grand porche et le mur latéral de la chambre capitulaire. On l'appelait le cimetière du Rosaire.

Vers la fin du dix-huitième siècle, et après la démolition de la muraille de fortification qui entourait la Cathédrale, le cimetière de la paroisse du Crucifix fut transféré dans le fossé qui longeait le côté nord de la Cathédrale. On ne cessa d'y enterrer qu'en 1789.

La paroisse du Crucifix comprenait la rue Ceinte et la rue de la Licorne. En outre, par suite d'une bizarrerie de circonscription dont on trouve bien d'autres exemples ailleurs, elle avait encore dans sa dépendance les maisons situées à la Croix-Binette, à la barrière du Moulin, sur le chemin de l'Abbaye, et encore une maison située vis-à-vis le Clos-Lupin, sur la route de Rennes.

Jean-Baptiste Jambon, dernier recteur du Crucifix et chapelain de la chapelle de Saint-Yves, dans la Cathédrale, mourut le 21 juin 1775, et fut inhumé le même jour devant l'autel du Crucifix.

L'existence de la paroisse et de la chapelle du Crucifix est parfaitement établie dès le commencement du quatorzième siècle.

Dans le préambule d'une pièce publiée par Dom Morice et qui est datée du onze juin 1340, on lit : «
[Note : Dom Morice. — Preuves de l'Histoire de Bretagne, tome premier, page 1403]. ...... Rollandus de Hirel, Capellanus desserviens Capellæ Crucifixi, Curatus in ecclesiâ Dolensi ..... ».

Toutefois, si la paroisse du Crucifix était déjà régulièrement établie en 1340, avec sa chapelle particulière, il est à croire que son institution remontait à une époque bien plus ancienne ; ce qui me donne lieu de penser que la chapelle dite du Crucifix (Crucifixi) dans le document de 1340, est la même que celle dite de Sainte-Marie (Beatæ Mariæ), dans une bulle du pape Boniface VIII, laquelle est de la troisième année de son pontificat, ce qui revient à l'année 1297.

Dans cette bulle, jusqu'ici restée inconnue, le pontife d'Anagnie confirme les possessions du chapitre de Saint-Samson, et parmi ces possessions il signale nominativement : « Capellam Sancte Marie, quæ est juxtà ipsam Ecclesiam » (Livre Rouge du chapitre de Dol).

La description de la bulle pontificale me paraît parfaitement convenir à la chapelle actuelle de la Vierge, qui est l'ancienne chapelle du Crucifix, comme il a été dit cidessus. Cette chapelle est, en effet. Tout auprès de l'Eglise et du chœur auquel elle est juxtaposée. La bulle indique l'Eglise, en général, sans préciser aucune partie, mais un document postérieur vient trancher la question de la véritable situation.

Un fragment du Livre Rouge du chapitre de Dol, qui contient le catalogue des bénéfices de la Cathédrale, au commencement du quinzième siècle (1442), mentionne ainsi la paroisse du Crucifix : « ...... Item in eadem Ecclesiâ (Dolensi), et extrà chorum, fundata vicaria Curata, Crucifixi vulgariter nuncupata, quæ spectat ad præsentationem Capituli, quotiens casus vacationis occurit et ad collationem Episcopi » (Archives départementales. — Fonds, chapitre de Dol, liasse 108).

Comme l'indique la citation que nous venons de produire, la chapelle où se desservait la cure du Crucifix se trouvait en dehors et par conséquent auprès du chœur (extrà chorum). Cette citation nous révèle encore un autre détail intéressant. C'est que l'évêque conférait le titre ecclésiastique du Crucifix, mais sur la présentation du chapitre de la Cathédrale, qui était patron de la cure. Aussi, la bulle de Boniface VIII compte-t-elle la chapelle du Crucifix parmi les possessions capitulaires.

Il nous reste encore à expliquer et à justifier cette dénomination de Sainte-Marie, qui est donnée à la chapelle paroissiale du Crucifix dans la bulle de 1297.

La paroisse qui se desservait dans l'intérieur et à l'un des autels de la Cathédrale portait le nom de paroisse du Crucifix. — Crucifixi vulgariter nuncupata, - comme le dit le Livre Rouge. Mais l'autel, mais la chapelle où se desservait la paroisse était, ou pouvait être sous l'invocation de la bienheureuse Marie, en l'honneur de qui la Cathédrale de Doi a été fondée, disent les titres de cette Eglise. Or, dans les actes ecclésiastiques, on donne à une chapelle, à une église, à une cathédrale, le nom du patron ou de la patronne sous l'invocation duquel elle se trouve. Ainsi, ce me semble, s'explique et se justifie très évidemment la dénomination de Sainte-Marie, donnée à la chapelle du Crucifix, dans la bulle confirmative du Pape Boniface VIII (Dom Morice. — Preuves, tome premier, page 1444).

Au surplus, ce ne sont pas seulement les documents historiques ci-dessus invoqués qui viennent en aide à l'opinion que nous avons formulée, savoir, que la paroisse du Crucifix était déjà régulièrement établie en 1297 et que la chapelle de Sainte-Marie est bien la chapelle paroissiale du Crucifix.

L'état même actuel des lieux, les développements inusités donnés à la chapelle actuelle de la Vierge, démontrent aux yeux les moins clairvoyants que cette chapelle avait été construite pour une destination particulière.

Il est hors de doute qu'une paroisse, dite le Crucifix, exista dans la Cathédrale jusqu'en 1775, qu'elle fut supprimée par Mgr de Hercé et réunie à celle de Notre-Dame. Il est également hors de doute que, lors de sa suppression, cette paroisse se desservait depuis un temps immémorial à l'autel de la chapelle, qui est à l'angle Nord-Est du chœur, et qui est, aujourd'hui encore, sous le vocable de la Sainte Vierge. Nous ne sachions pas que la tradition ait conservé le souvenir qu'une autre chapelle de la Cathédrale ait jamais servi à cette paroisse. Donc, nous concluons de tout ce qui précède,

1° que la paroisse du Crucifix existait dans la Cathédrale de Dol dès 1297 ;

2° Que cette paroisse se desservait, dès cette époque, dans la chapelle qui est à l'angle Nord-Est du chœur et est aujourd'hui sous le vocable de la Sainte Vierge ;

3° Que la chapelle de Sainte-Marie et la chapelle du Crucifix sont une seule et même chapelle.

Maintenant que nous avons établi ces trois propositions, nous allons plus loin et nous affirmons que la paroisse du Crucifix et sa chapelle, telle qu'elle existe encore à cette heure (1860), existaient déjà en 1269.

En effet, dans l'article que les frères Sainte-Marthe ont consacré à l'évêque Jean Mahé, dans leur Gallia Christiana, page ..., on lit le passage suivant que nous allons commenter, après l'avoir reproduit : « JOANNES Mahé ...... composuit litem inter Guitellum Dominum de Coetquen et Oliverium Rectorem Capellaniæ beatæ Mariæ, in Ecclesiâ Sancti Samsonis Dolensis. 1269 ». (Sainte-Marthe. Gallia Christiana, t. 2, p ...).

Dans les deux pages précédentes, nous avons prouvé, autant qu'il nous a été possible, l'identité parfaite entre la chapelle de Sainte-Marie-du-Crucifix et la chapelle actuelle de la Sainte Vierge : nous avons également prouvé l'existence de la paroisse du Crucifix en tant que bénéfice ecclésiastique.

Ainsi, dans la citation précédente du Gallia Christiana Antiqua, il n'y a que les mots : Rectorem Capellaniæ Sanctæ Mariæ, dont nous ayons à prouver la relation directe avec la chapelle et la paroisse du Crucifix.

Le mot Capellania employé dans les anciens actes ecclésiastiques s'entend le plus ordinairement d'un bénéfice ou fondation desservie à l'autel d'une chapelle: de là est venu le mot chapellenie.

Quelquefois, cependant, le mot Capellania s'entend aussi d'une chapelle accostée auprès d'une église cathédrale, collégiale ou autre, où il y avait un autel et où l'on disait la messe. C'est ce que les canonistes appèlent sub tecto, c'est-à-dire, renfermée sous le toit d'une plus grande église. Ainsi l'ont entendu Ducange, Rebuffe et quelques autres (Rebuffe. Tractatus de Pacificis possessoribus).

Du reste, peu importe dans lequel des deux sens cidessus indiqués on voudra entendre le mot Capellaniæ, employé dans la citation des frères Sainte-Marthe.

En effet, l'un et l'autre de ces deux sens sont favorables à l'opinion par nous émise ; savoir : que la paroisse du Crucifix existait dès 1269 ; et qu'elle se desservait, dès cette époque, dans la chapelle actuelle de la Sainte Vierge dans la Cathédrale de Dol.

On objectera peut-être que cette chapellenie de Sainte-Marie pouvait être un bénéfice, autre que la cure du Crucifix. A cette objection, je réponds que toute confusion est prévue ici par la présence du mot Rectorem qui précède le mot Capellaniæ, et qui a toujours désigné le chef spirituel d'une paroisse, en Bretagne surtout.

C'est dans ce sens qu'il est employé dans les ordonnances synodales de Thibault de Pouencé et de Jean du Bosc, évêques de Dol à la fin du treizième siècle.

En dernière analyse, nous concluons de tout ce qui précède que la paroisse de Sainte-Marie-du-Crucifix existait en 1269 ; — que la chapelle de la Sainte Vierge et les autres chapelles qui rayonnent autour du chœur existaient pareillement dès 1269 [Note : M. Mérimée mentionne la chapelle de la Vierge en deux endroits de ses Notes d'un Voyage dans l'Ouest, pages 110 et 114. Mais, par la description qu'il en fait, on voit, de prime abord, qu'il a confondu la chapelle absidale de Saint-Samson avec la chapelle latérale de la Vierge].

Cette conclusion définitive vient corroborer celle que nous avons prise plus haut et suivant laquelle le chœur de la Cathédrale aurait été inauguré en 1265.

 

IX. - CHAPELLE ABSIDALE.

« La chapelle absidale, dédiée à saint. Samson, est à pans coupés et percée de trois belles fenêtres ; elle est plus spacieuse que les autres. M. de Caumont a cru y voir des marques de raccord à l'endroit où elle se réunit au chœur, ce qui lui a fait penser qu'elle pouvait n'être que du quatorzième siècle.

On remarque dans cette chapelle une arcade prise dans l'épaisseur du mur Nord, où devait être apparemment le tombeau de saint Samson. Elle est maintenant fermée d'une grille derrière laquelle on place les aliénés qu'on amène en pèlerinage » [Note : Il y a quinze ans (vers 1845) que la grille a été enlevée, et dès auparavant le pèlerinage avait perdu de sa vogue. — On ne le connaît plus à cette heure].

Je reviens sur la citation précédente, empruntée à l'ouvrage de M. l'abbé Brune, et je demanderai au digne chanoine à quelle source historique il a puisé les détails, assez vagues, toutefois, qu'il a donnés touchant l'existence et la situation du tombeau de saint Samson ? (Archéologie Religieuse, par M. l'abbé M.-J. Brune, p. 264). Pour moi, je déclare n'avoir rien trouvé de semblable dans les nombreux documents que j'ai recueillis touchant saint Samson. J'ajouterai même que, nonobstant les affirmations contraires et irréfléchies de gens peu au courant de ce point historique, il n'y a aucune tradition qui vienne à l'appui de l'assertion émise par M. l'abbé Brune.

Donnons quelques détails.

En 878, Mahen, archevêque de Dol, transporta à Orléans le corps d'un saint Samson et le déposa dans l'abbaye de Saint-Symphorien, où il resta toujours.

Au dixième siècle, le clergé de l'Eglise de Dol, fuyant devant l'invasion normande, emporta, d'abord à Avranches, puis à Paris, le corps d'un autre saint Samson, et le corps de saint Magloire, archevêques de Dol. Le clergé de Dol resta longtemps à Paris, et lorsqu'il songea à revenir à Dol, Hugues Capet, comte de Paris, qui lui avait donné l'hospitalité en cette ville, retint la partie la plus considérable des reliques de saint Samson, et laissa au clergé de Dol l'autre partie, où se trouvait le chef du saint pontife (Déric, Histoire Ecclésiastique de Bretagne, t. II, page 478 et suivantes, édition 1847).

Les reliques rapportées à Dol par les clercs de cette Eglise, à la fin du dixième siècle, se retrouvaient encore, en partie du moins, dans la Cathédrale, lorsque le farouche Jean-Sans-Terre vint ravager la ville de Dol en 1203. Les malandrins et routiers qu'il menait à sa suite enlevèrent ces reliques, mais elles furent restituées en 1222 au chapitre de Dol, ainsi que nous l'avons raconté précédemment, avec toute l'étendue désirable.

Il y a bien lieu de croire que, dès le moment de cette restitution mémorable, les reliques de saint Samson furent conservées dans cette châsse d'argent, que l'évêque Etienne Cœuret fit ouvrir en 1411, comme nous le redirons tout-à-l'heure. Ce qui nous induit à penser que la châsse en question pouvait bien remonter à cette date, c'est que, dans un procès-verbal de visite faite par l'orfèvre Rondeau, en 1400, on voit qu'il y manquait déjà une statue de saint Paul, trois colonnes et nombre d'ornements moins importants [Note : Mélanges d'Histoire et d'Archéologie bretonnes, t. Ier, p. 262, Rennes, in-12, 1855. — L'ancien et le nouvel autel de la Cathédrale de Dol, par M. A. Ramé, aujourd'hui substitut du procureur impérial à Rennes].

Le 16 août 1411, « l'évêque Etienne Cœuret, dit M. Alfred Ramé, fit procéder en sa présence à l'ouverture de la grande chasse de saint Samson [Note : A la page 253 de l'Archéologie Religieuse de M. l'abbé Brune, dans une note relative à Etienne Cœuret, on lit : « … Il (Etienne Cœuret) fit ouvrir, en 1411, le tombeau de saint Samson, dans lequel on trouva un bras, deux os de la jambe et quelques os du cou..... ». La visite des reliques de saint-Samson dont parle M. Brune est bien certainement la même que celle que nous mentionnons ci-dessus. Mais il est impossible de deviner où M. Brune a trouvé ce qu'il avance à propos du « tombeau de saint Samson, » où les reliques devaient exister. Il est bien positif que ce n'est pas dans le procès-verbal de visite, que nous produisons plus haut. En effet, il y est question de la châsse et non du tombeau de saint Samson]. ..... Elle (cette châsse) était adossée au maître-autel, sous un petit édifice analogue à ceux qui protégeaient à Paris le corps de saint Marcel ; à Bourges, celui de saint Guillaume. Aussi l'auteur d'une description manuscrite du chœur qe l'Eglise nous dit-il : « Sur l'autel de la Cathédrale a un bastiment en forme de chasse. On y trouya de nombreuses reliques du premier évêque de Dol, un bras, deux des grands os des jambes, de nombreux ossements du cou, des mains et des pieds. Pour satisfaire la piété des fidèles, on admit tous ceux qui le voulaient à baiser ces reliques vénérées, puis la chasse fut refermée » (Mélanges d'Histoire et d'Archéologie bretonnes, t. Ier, p. 262, Rennes, 1853, in-12).

« In anno sequenti, videlicet M. CCCCXI, fuit capsa sci, Samsonis aperta, in quâ fuerunt invente multe reliquie corporis B. Samsonis, videlicet unum brachium el due tibie et multa ossa, colli, manuum et pedum. Et postquam omnes qui volebant illas osculati sunt, iterùm fuit clausa. Factum die dominicâ, XVI Augusti presentibus Dno Stephano Epo Dolensi, etc. Signé J. LORIÉ. Verum est » (Obituaire de l'Eglise de Dol, aux archives du département).

Je reviens un peu sur la citation ci-dessus de M. Alfred Ramé, pour y faire quelques légères rectifications.

M. le substitut Ramé a eu sans doute des raisons pour dire « la grande châsse de saint Samson », mot que nous avons souligné, plus haut, avec bonne intention. Mais ce qu'il dit ne me paraît pas être identique avec le passage suivant que je vais extraire d'un procès-verbal de visite faite en 1579 [Note : Et non pas en 1569, comme on le lit dans l'histoire de M. l'abbé Deric, peut-être par suite d'une faute d'impression] par l'évêque Charles d'Espinay, et où on lit : « …. CAPSELLAM eidem divo Sansoni ANTIQUITÙS DICATAM .... visitavit ...... ». Le mot capsella signifie une très-petite châsse, et cependant le texte que nous avons produit (antiquitùs dicatam) ne permet pas de douter que ce ne fût encore la même châsse, visitée au commencement du quinzième siècle, par Etienne Cœuret.

Je poursuis. — Charles d'Espinay, prélat généreux et bienfaisant, après avoir dévotieusement visité (devote visitavit) les saintes reliques, fit don d'une plus grande châsse, pour renfermer l'ancienne petite châsse. — « ..... Quam quidem capsam, seu PARVAM ARCHAM honorificè et religiosè in majori Archâ recondidit ; eamque archam majorem suis stipendiis et pulchrè deaurificatam liberalitate quâ solet, motus, dono dédit, et in honorem divi Samsonis dedicavit et de proprio consecravit » (Registre du chapitre de Dol, ad annum 1579, folio 1).

Sauf à M. Ramé à démontrer que nous sommes dans l'erreur, il nous semble bien que le « bastiment en forme de chasse » dont parlent les Bénédictins bretons dans leur description [Note : C'est la description dont veut parler M. Ramé. Elle se trouve au volume XLV des Blancs-Manteaux], n'est pas autre que la châsse donnée par Charles d'Espinay, et que, par ailleurs, il n'existait aucun autre édifice.

Les reliques de saint Samson, visitées le 24 décembre 1579, par Charles d'Espinay, le furent de nouveau en 1643, sous l'épiscopat d'Anthyme-Denys Cohen (Deric, Histoire Ecclésiastique, t. II, p., 1847, note).

Nous avons longuement insisté sur les diverses pérégrinations que les reliques de saint Samson ont subies pendant le cours des siècles. Peut-être y aurait-il eu moyen d'épargner tous ces détails aux lecteurs ; mais je tenais essentiellement à démontrer que les reliques, et par conséquent le tombeau de saint Samson, ne se sont jamais trouvés au lieu où M. Brune les place.

Cela fait, je vais indiquer à quel usage a servi l'arcade où M. Brune veut prétenduement placer le tombeau de saint Samson.

Ici encore, je suis heureux de recourir aux notes recueillies par les vaillants religieux de la congrégation de Saint-Maur.

J'ouvre donc le volume XLV de la collection des Blancs-Manteaux, et au folio 31, recto, je lis :

« ÉPITAPHES DE L'ÉGLISE DE DOL.

A la chapelle de Saint-Samson, derrière le chœur, et au fond.

A la main gauche, une tombe, dans une arcade de la muraille ; de marbre noir ; autrefois relevée d'arcades et de figures de marbre blanc, au nombre de 6. Sur le tombeau, y a figure de pierre blanche, et au bord extérieur est écrit, le tout sur une ligne :

Hic jacet Johannes de Bosco codam epus - Dolensis, de Cenomania natus utriusqne juris - Doctor excellens et fuit in parlamento - Regis advocatus, q. obiit anno Dni M. CCC. XX III. Die mercurii, festo conversionis S. Pauli. Orate pro eo ».

Après cette citation, j'estime que personne ne sera plus tenté de vouloir substituer le tombeau de saint Samson à la place de celui de son successeur Jean du Bosc.

Mais ce n'est pas tout. Puisque Jean du Bosc fut inhumé en 1324, dans la chapelle Saint-Samson, cette chapelle existait donc dès lors, et peut-être ne serait-ce pas aller à rencontre de toute vraisemblance que d'avancer que c'est cet évêque qui lui-même la fit construire.

En tout cas, c'est sans fondement aucun que M. l'abbé Brune à écrit dans son Archéologie Religieuse que « Jean du Bosq (Joannes de Bosco) ........ fut enterré dans le sanctuaire de la Cathédrale où l'on voit encore une inscription, et non pas, comme le dit M. Tresvaux, dans la chapelle Saint-Samson .... ».

M. Brune a voulu infliger une rectification à son confrère dans le sacerdoce ; mais cette rectification n'a pas sa raison d'être : elle porte complètement à faux. Dans ce qu'il avance, M. Tresvaux est exact, mais toutefois sans le savoir. Je dis — sans le savoir, — car, pas plus que M. Brune, M. Tresvaux, qui cependant habite la capitale depuis trente ans, n'a songé à revolver la collection des Blancs-Manteaux. Seulement, il a été assez heureusement inspiré pour copier fidèlement le catalogue de Dom Charles Taillandier. Ainsi, la rectification de M. Brune, si elle était fondée, se serait adressée à Dom Taillandier, auteur du catalogue publié, en 1756, à la fin du second volume de l'Histoire de Bretagne. Mais Dom Taillandier écrivait en connaissance de cause, et d'après les mémoires de ses frères en religion. Il n'ignorait pas sans doute que, depuis 1693, de grands changements avaient eu lieu dans la Cathédrale de Dol, mais il tenait à constater l'état ancien des lieux, et l'on doit lui en savoir gré.

Au contraire, quand il a écrit sa rectification prétendue, M. l'abbé Brune ne connaissait pas l'état ancien de l'intérieur de la Cathédrale de Dol ; il ne connaissait pas plus les transformations vandaliques opérées au milieu du dix-huitième siècle ; mais, ayant lu au milieu du chœur de notre Cathédrale une inscription, en caractères tout modernes, mais où se trouve le nom de Jean du Bosc, il en a conclu, sans plus ample information, que Jean du Bosc avait été « enterré dans le sanctuaire de la Cathédrale… ». Rien cependant n'est moins avéré [Note : Tout ce que l'on pourrait supposer de plus favorable à l'opinion de M. Brune, c'est que, lors des changements de 1742, le chapitre de la Cathédrale fit transporter dans le chœur les restes mortels de Jean du Bosc et aura fait replacer sur la nonvelle sépulture l'inscription qui se lisait auparavant autour de son tombeau, dans la chapelle Saint-Samson].

Ç'aurait donc été une bonne fortune pour M. l'abbé Brune, si, à l'exemple de M. Tresvaux, il eût fidèlement copié le texte des Bénédictins. Les lecteurs de son Archéologie y eussent gagné et lui aussi. En effet, M. Brune n'eût point hasardé une rectification qui, en résumé, n'est qu'une erreur profonde. Et, en second lieu, de ce fait de l'inhumation de Jean du Bosc, dans la chapelle Saint-Samson, en 1324, il eût été en droit de tirer cette conclusion, savoir : non seulement que la Cathédrale, mais encore la chapelle Saint-Samson, existaient au commencement du quatorzième siècle.

Il paraît bien, du reste, que M. l'abbé Brune s'est formé une conviction toute contraire, car, dans un mémoire sur les vitraux de la Cathédrale, publié en 1850, parlant de la chapelle Saint-Samson, il dit : « La chapelle absidale, que je crois ajoutée à l'édifice principal vers la fin du XIVème siècle .... » (Congrès scientifique de France, tenu à Bennes en 1849, tome 2, page 85).

Certainement, et je m'empresse de le reconnaître, les erreurs qui tiennent à l'archéologie sont bien éloignées d'avoir l'importance de celles qui touchent à la morale et à la religion. Mais cependant une erreur, par cela même qu'elle est erreur, doit faire l'objet d'une rectification, et l'on doit saisir la première occasion de relever cette erreur, car elle n'a pas été plutôt produite, Qu’elle est presque aussitôt répétée.

Ainsi est-il arrivé pour l'erreur de M. Brune. En effet, dans la première édition du Panorama d'un Beau Pays, M. Bertrand Robidou affirma, lui aussi, que « Jean du Boscq fut enterré dans le chœur ».

Je ne doute point qu'il ne se rencontre certains esprits qui me fassent un péché irrémissible d'avoir délayé si longuement ma rectification ci-dessus, et qui me taxent d'insolence, d'humeur peu courtoise, et cœtera. Mais je déclare être préparé à tous ces revenants-bons habituellement réservés à l'homme assez intrépide pour déployer au grand jour l'étendard de la vérité. J'ajouterai même qu'avec un peu d'attention, on ne se fût pas fourvoyé de la sorte.

Pour obtenir ce résultat si désirable, il n'était pas nécessaire de fouiller les portefeuilles des Blancs-Manteaux, mais il eût suffi de lire attentivement le catalogue de Dom Taillandier, [Note : Voici en quels termes s'exprime Dom Taillandier, page LXJ de son catalogue: « Il (Jean du Bosc) mourut le 25 de janvier, l'an 1324, et fut inhumé dans la chapelle de Saint-Samson sous un tombeau de marbre avec cette inscription : Hic jacet, ... » etc.] et, par surcroît d'exactitude, celui de l'avocat Jean Chenu qui, en 1611, d'après des renseignements lui transmis par Mgr de Revol, s'exprimait comme il suit, à l'article de Jean du Bosc :

« ..... Ipsius (Joannis de Bosco) tumulus in capellâ Sancti Sansorij (sic) visitur, quæ est in Cathedrali Dolensi cum epitaphio » [Note : Jean Chenu. — Archiepiscoporum et Episcoporum Galliæ, Chronologica Historia, p. 177, Episcopi Dolensis].

La chapelle Saint-Samson est en partie pavée par les pierres sépulcrales de quelques évêques de Dol, qui y sont inhumés. Nous allons rapporter ici celles de ces épitaphes qui n'ont pas encore été publiées. [Note : M. Brune, après avoir constaté l'existence des épitaphes de la chapelle Saint-Samson, ajoute : « On peut voir dans l'ouvrage de M. Tresvaux sur l'Eglise de Bretagne, diocèse de Dol, les inscriptions que nous indiquons » (Archéologie Religieuse, p. 264-265). Le renvoi de M. Brune à la compilation indigeste de l'abbé Tresvaux est mal fondé. En effet, ce Monsieur Tresvaux n'a pas donné les inscriptions de MMgrs deSourches et Dondel. Avant nous, personne ne les avait reproduites ; aussi avons nous cru d'autant plus intéressant de reproduire ces deux inscriptions, dans leur disposition graphique, qu'elles ne tarderont pas, avec le temps, à devenir illisibles] — Du côté de l'évangile, on lit :

Hic jacet illustrissimus ac - Reverendissimus D. Joannes - Ludovicus de Bouschet de - Sourches, Episcopus Comes - Dolensis, abbas S. Martini - de Troarno, pastor vigilantiss, - Pietate et Doctrinâ insignis - Fidei Catholicæ propugnator - Acerrimus, pauperum pater, hujus - Templi, restaurator, - Munificentassimus, Collegiique - Dolensis fundator et exstructor, - Liberalissimus, oblit die XXIII - Junii, an D, MDCCXLVIII, ætatis - Suæ, anno 70, pontific. vero sui, - Anno 32. Requiescat in pace. Amen. - Mærens posuit Capitulum Dolense.

Du côté de l'épître, dorment côte à côte, mais chacun en leur sépulcre, Matthieu Thoreau, décédé le 31 janvier 1692, à l'âge de 80 ans, et Jean-François Dondel, enlevé à son diocèse le 11 février 1767, à l'âge de 74 ans.

Dom Charles Taillandier donne l'inscription tumulaire de l'évêque Thoreau. Nous consignerons ici celle de Mgr Dondel :

Hic Jacet - Illustrissimus ac Reverendissimus D. D. Joannes Franciscus - Dondel - Nobili et antiqua prosapia Venetiæ - Ortus, - Apud suos, Ecclesiæ Cathedralis, Thesaurarius - Tùm Archidiaconus & Vicarius Generalis, - Munia sic ademplevit nt exemplar - In omnibus haberetur - Universorum plausu Dolenses ad Infulas - Vocatus - Christianâ humilitate, morum suavitate doctrinæ - Integritate, - In Deum pietate, in ecclesiam observantiâ, - Assiduâ ad fovendum gregem sibi creditum - Præsentià, - Paternâ in pauperes charitate, dilectum se Deo et hominibus - Præstitit. - Hujus Basilicæ tecta restauravit - Eamque prætiosis ditavit ornamentis. - Xenodochium vetustate collabens - Restituit. - Domum ad puellarum institutionem - Et ad egenorum levamen erexit et dotavit - Denique - Vitam laboribus exercitam claram virtutibus, - Meliore vitâ commutavit - Tertio Idûs Februarii - Anno 1767 - Sui Pontificatiis XIX, - Oetatis LXXIV. - Hoc monumentum gratus ac mœrens - Posuit - Joannes-Hyacinthus Colin de La Biochaye, - Abbas B. Mariæ de Truncheto, - Ecclesia Dolensis præcentor et Canonicus - Vic. gene & officialis.

Il est encore un autre prélat qui repose sous les dalles de la chapelle Saint-Samson, et qui n'a été indiqué ni par M. l'abbé Brune, ni par aucun autre écrivain breton. C'est Mathurin de Plederan, le restaurateur de la liturgie et de la discipline dans son diocèse, décédé le 21 décembre 1521.

Un siècle plus tard (1629), M. Antoine de Revol fut inhumé dans le même tombeau. Ces faits, que personne ne s'était occupé de remarquer avant nous, ressortent évidemment du passage suivant, que nous empruntons au Gallia Christiana des Frères Sainte-Marthe.

« Ejus Corpus (Antonii de Revol) in medio sacelli Sancti Samsonis Cathedralis Ecclesiæ reconditur in Crypta inquâ Corpus Mathurini de Plederan Episcopí Dolensis quondam humatum et plumbeo loculo contentum repertum est » (Folio 569).

Par reconnaissance pour les bienfaits dont il les avait accablés, les neveux d'Antoine de Revol firent placer, à droite et à gauche de la chapelle Saint-Samson, deux inscriptions fort laudatives, flagorneuses même, et qui énuméraient fort au long les faits et gestes de l'épiscopat du prélat. L'une, qui existe encore, est gravée sur une table de marbre scellée dans le mur. Avant les dévastations vandaliques de 1793, on voyait au-dessus un buste du seigneur évêque, buste dont des contemporains nous ont fait l'éloge, comme pièce de sculpture. En 1793, il fut jeté bas et malheureusement il n'a pas été rétabli. La première épitaphe est rapportée par Dom Charles Taillandier et a été reproduite par M. Tresvaux.

La seconde inscription avait été gravée sur une lame de cuivre « æneæ laminæ » et elle était aussi scellée dans le mur, mais du côté Nord.

Cette seconde inscription ne se trouve dans aucun ouvrage relatif à la Bretagne, mais on peut la lire à la page 569 du tome 2 du Gallia Christiana Antiqua.

Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (Bretagne).

 

X. - DÉVASTATION DE LA CATHÉDRALE, EN 1794. RÉPARATIONS. — ÉTAT EN 1858. RÉPARATIONS QUI RESTENT A EXÉCUTER (après 1858).

Certainement, ce ne serait pas sortir du cadre que nous nous sommes tracé en commençant notre travail, mais ce serait l'étendre démesurément que de prétendre à raconter en détails toutes les démolitions commises dans la Cathédrale de Dol pendant les mauvais jours de 1793. — Cependant, quel sujet plus douloureusement intéressant que de représenter ces malheureux municipaux qui, chaque jour, stimulés par les réquisitoires furibonds du procureur de la commune, Juhel de La Plesse, se résignent, tout en gémissant, à prendre, par réitération, des arrêtés, pour « faire disparaître enfin tout ce qui peut rappeler l'ancien régime et ses infâmes attributs, partout où ils sont et où ils peuvent exister » [Note : Le onze fructidor, an deux, le citoyen agent national Jubel de La Plesse déclara, sur les registres de la commune, renoncer à son nom semi-nobiliaire, de La Plesse, et « s'attacher désormais à ceux de René-François-Thimothée Juhel, nom de naissance et de famille ». — En l'an huit, Juhel reprit sa dénomination ancienne et devint antiquaire et archéologue décidé. (Voir registre de l'an 1806)].

Il faut, cependant, leur rendre une certaine justice, à ces municipaux révolutionnaires de Dol, et constater que, malgré les excitations de l'agent national, ils ne se prêtent qu'avec répugnance aux actes de vandalisme que l'on exige d’eux, surtout lorsqu'ils sont de nature à compromettre la conservation de l'édifice.

Le 7 pluviôse an II, l'agent national Juhel ayant requis, conformément à l'ordre verbal du représentant Jean Bon Saint-André, et l'invitation du district, que « les grilles, fer et plomb des ci-devant églises… » de la commune fussent enlevés et transportés à Saint-Malo, les municipaux s'exécutent sans broncher en ce qui est « des bâtiments nationaux et églises supprimées de Dol ; » mais, quand il s'agit d'appliquer cette mesure ostrogothique « à l’éditice ci-devant dit Cathédrale, » les municipaux se prennent à réfléchir et se demandent s'ils peuvent, en conscience, se permettre de porter une main sacrilège sur le monument qui fait l'honneur de leur cité ; ils s'arrêtent donc ; mais, ne voulant pas prendre sur eux toute la responsabilité de cette résistance d'inertie, ils envoient vers le Directoire deux de leurs collègues, les citoyens Cousin et Lair, officiers municipaux, pour savoir si « ce monument devait, comme les autres, être dégarni de fers et plombs ; les commissaires de retour ont fait rapport que le Directoire, informé de la prochaine arrivée en cette commune du représentant du peuple Lecarpentier, se réservait de lui exposer la marche que la municipalité doit tenir en ce qui concerne les fers et plombs de la ci-devant Cathédrale ; qu'elle devait tarder à les faire enlever, jusqu'à ce que le représentant ne lui en eût donné l'ordre .... ».
(Registre municipal, folio 22).

Du reste, cette surséance ne devait avoir aucun bon résultat, car, Lecarpentier étant arrivé à Dol, ordonna l'enlèvement de tous les plombs qui recouvraient les galeries, plates-formes, chenaux et arceaux de la Cathédrale. En vertu des mêmes ordres, les grilles en fer qui fermaient les onze fenêtres du bas-côté Nord furent toutes enlevées, et les ouvertures bouchées en maçonnerie de moellon (Archives municipales de Dol, fonds 4. M).

Peu avant l'exécution des ordres du proconsul de Port-Malo, une partie de la Cathédrale avait été choisie par la société populaire pour servir aux fêtes de la Raison (18 nivôse an II). Un autel de forme triangulaire avait été dressé au milieu de la nef, de hauteur à pouvoir servir de tribune aux harangues (Voir la note d'autre part).

L'autel de la Patrie une fois dressé, il fallait faire choix d'une déesse qui représentât aux yeux cette raison, en démence, et qui se substituait au Dieu qui lui avait donné l'être.

De concert donc avec la société populaire, la municipalité de Dol [Note : Les commissaires de la municipalité étaient les citoyens Lair et Moquet ; ceux de la société populaire étaient les citoyens L. Anger du Plassis, J. Poinçon, Lepoitevin et Vilalard] choisit à cette fin une grosse jeune fille de 22 ans (O… L … ), citoyenne bien joufflue, à la jambe bien faite, aux seins fort dodus, et qui, par parenthèse, n'en était pas à regretter son temps perdu.

Ce fut assise sur l'autel dont nous avons parlé, vêtue du costume léger de l'époque, les jambes et le sein découverts, que cette réminiscence du paganisme antique reçut l'encens de ses adorateurs.

Il est bien établi, du moins, que ces libidineuses cohues n'eurent point lieu dans le sanctuaire de la Cathédrale. Et ce nous est une réelle consolation de penser que la prostitution déifiée n'envahit point l'autel où le Saint des Saints avait tant de fois été offert par les vieux évêques de Dol, pour attirer les bénédictions du Ciel sur les populations de notre pays.

Du reste, pour n'avoir pas servi aux momeries de la Raison, le chœur de la Cathédrale de Dol n'en fut pas mieux traité.

En effet, la 18ème, demi-brigade de chasseurs, ayant pris garnison à Dol, peu après le passage des Vendéens, le chœur lui fut donné pour servir d'écurie à ses chevaux. Quelle profonde et amère indignation n'éprouve-t-on pas quand, jetant un regard rétrospectif, on croit entendre encore ces animaux hennir et piaffer dans ce sanctuaire consacré au Très-Haut, et les voûtes aériennes retentir des jurements et des blasphèmes de la soldatesque avinée ! ...

Après avoir servi d'écurie, le chœur fut transformé en magasin et destiné à recevoir les blés versés pour contributions en nature, ce qui dura près de deux ans. Des étrangers, préposés à cette régie et munis d'ordres, s'emparèrent de l'Eglise et achevèrent de consommer les dévastations commencées par la soldatesque. Ils employèrent les boiseries de chapelles à former des magasins particuliers et à fermer le devant du chœur, pour dérober au public le mélange de leur farine. Ils établirent leurs bureaux dans la sacristie, dont ils firent un poulailler pour élever de petits poulets de grains, ce qui eut pour résultat de pourrir le plancher de cet appartement. Les vitraux de l'Eglise, où ces bandits jouaient tous les jours à la paume, n'eurent pas peu à souffrir de ces jeux diaboliques. Ce fut enfin pendant ces jours si néfastes que la table de marbre du maître-autel disparut, et que le pavé de marbre du chœur fut brisé en plusieurs endroits (Registre de la correspondance municipale, an VIII à 1807).

En présence de ces diverses destinations, aussi ignominieuses les unes que les autres, n'est-ce pas le lieu de s'écrier avec le roi-prophète : Deus venerunt gentes in hœreditatem tuam, et polluerunt templum tuum, et posuerunt Jérusalem in pomorum custodiam. (Psalm. LXXVIII, verset premier).

Quelque peu étendus que soient les détails par nous donnés, tant sur les attentats commis contre la Cathédrale de Dol, que sur les ignobles usages auxquels elle fut vouée pendant la révolution, il est facile de se représenter en quel affreux état elle se trouvait lorsqu'elle fut restituée au culte au mois de floréal, an XI.

Un devis dressé à cette époque, par l'ordre de la municipalité, portait à 9.424 francs les réparations urgentes et indispensables à effectuer. Ce devis était bien réduit, sans doute, surtout quand on saura qu'un autre devis, dressé en 1838, c'est-à-dire plus de trente-cinq ans après, portait à plus de 60.000 francs les travaux de restauration. Du reste, quelque restreint que fût le devis de l'an XI, il ne fut rempli que très-imparfaitement, la commune étant dans un dénuement complet, et les secours qu'elle put obtenir, si même elle en obtint, n'étant pas suffisants pour parer à ces réparations indispensables.

Aussi les dégradations commises en l'an II, et surtout l'enlèvement des plombs, ne tardèrent-ils pas, avec le temps, à produire les plus funestes résultats. Les eaux pluviales et surtout les neiges de l'hiver, qui fondaient lentement dans les galeries, dépouillées de leur garniture de plomb, pénétrèrent de toutes parts dans les gros murs, les imprégnèrent tellement d'humidité, qu'on vit bientôt croître dans les joints des mousses, des plantes de toute espèce, même des arbustes, dont les racines déplaçaient les pierres de l'édifice. L'eau, pénétrant de toutes parts dans l'intérieur de l'Eglise, pourrit les mortiers des joints et fit graduellement tomber les enduits des ogives, des vitraux et des voûtes, des nefs et des chapelles. A la place des enduits, on vit peu à peu apparaître une teinte verdâtre et dégoûtante. Enfin, on ne tarda pas à remarquer à plusieurs voussures des lézardes qui faisaient craindre pour la conservation de l'ancienne Cathédrale, si l'on ne portait promptement remède à un tel état de choses, qui se prolongea cependant jusqu'en 1820 et même un peu au-delà. (Devis de M. Jacques Deslignières, — 1820, — archives de la Mairie de Dol, fonds M. 4).

C'est dans cette situation que la ville de Dol fit de nouveau dresser un devis général des dépenses à faire pour opérer toutes les grosses réparations, et mettre ainsi l'édifice en état de simple réparation. Ce devis, du premier novembre 1820, montant à trente mille francs, servit de base à une adjudication assez considérable, faite aux frais de la ville de Dol, pour pose de plomb sur les parties les plus dégradées ; pour réparations très urgentes aux charpentes et couvertures. De son côté, la fabrique fit recrépir et badigeonner tout l'intérieur. Ces divers travaux eurent lieu de 1821 à 1826, et, bien que considérables pour les ressources très-faibles de la commune et de la fabrique, les fonds qui furent dépensés étaient de beaucoup insuffisants pour arrêter la ruine dont l'édifice était menacé, ils ne pouvaient que pallier le mal. Aussi l'administration municipale [Note : La ville de Dol, à cette époque, était administrée par M. Julien Le Jamptel, dont le souvenir vivra dans la mémoire des habitants de Dol, aussi longtemps que dureront ces charmants boulevards où nous allons respirer l'air embaumé de la campagne, et dont il provoqua l'appropriement, avec cette volonté persévérante et tenace qu'il mettait à tout. Ce ne fut pas, du reste, le seul bienfait de son administration ; nous pourrions encore citer, parmi beaucoup d'autres, l'acquisition de l'hôtel du Gros-Chesne, sur l'emplacement duquel l'administration actuelle vient de faire élever le nouvel hôtel-de-ville. (Voir registre de la correspondance municipale, de 1821 à 1826, fonds D)] n'épargna-t-elle aucune démarche auprès du ministère des affaires ecclésiastiques, qui accorda, au nom du gouvernement, dans les années 1826 et 1827, une somme totale de 8.500 francs.

Ce secours, joint aux dépenses locales dont il a été parlé plus haut, permit de faire disparaître les plus grosses dégradations des murs et des couvertures. Un nouveau fonds de 6.000 francs fut accordé sur les exercices de 1828, 1829 et 1830, et fut employé à la même fin.

Mais c'est surtout sous le gouvernement de 1830 à 1848 que d'importantes restaurations ont été faites à la Cathédrale de Dol. Sur le rapport de M. Prosper Mérimée, présenté au ministre de l'intérieur en 1836, elle fut classée parmi les monuments « qui ..... méritaient l'attention du gouvernement, comme intéressants, tant par leur valeur propre, que par leur importance pour l'histoire de l'art ».

Dès l'année suivante, un architecte de Rennes reçut mission d'examiner en détail l'état et les besoins de l'édifice, et de dresser pour la dixième fois, peut-être, un devis de réparations les plus urgentes. Sur la communication de ce projet, montant à environ 60.000 francs, le conseil municipal de Dol vota, en 1837, un premier fonds de 2.000 francs, et le conseil général un de 3.000. Le ministre de l'intérieur et celui des cultes fournirent, en deux années, chacun 5.000 francs, en tout 15.000 francs, avec lesquels on commença à rétablir ceux des ouvrages dont la dégradation était le plus menaçante. On restaura notamment les balustrades extérieures et les colonnettes de la nef et des transepts.

Lorsqu'éclata la révolution du 24 février 1848, le chiffre de dépense des restaurations se montait à 51.000 francs, dans lesquels la ville de Dol avait contribué pour 18.000. Aussi la vieille Eglise commençait-elle à renaître de ses ruines.

Depuis dix ans, environ (vers 1848), les travaux de restauration de la Cathédrale de Dol ont été complètement interrompus. Cette interruption est fort regrettable, car le devis de 1837 n'est pas complètement rempli. Je signalerai, entre autres, ce majestueux portail qui est à l'entrée des transepts, et dont on devait rétablir les meneaux et les sculptures, de tout quoi rien jusqu'ici n'a été refait.

Aussi, en terminant cette notice, déjà si longue, mais pourtant trop courte, à notre gré, nous formons des vœux pour que le gouvernement impérial achève les travaux qui ont été commencés. Nous avons d'autant plus lieu de l'espérer, que, dans son discours du 29 novembre 1852, Napoléon III, répondant au président du corps législatif, disait : « Non seulement je reconnais les gouvernements qui m'ont précédé, mais j'hérite, en quelque sorte, de ce qu'ils ont fait de bien ou de mal… ».

Espérons donc que le digne magistral qui dirige aujourd'hui si habilement le département d'Ille-et-Vilaine (M. P. Féart) accueillera avec faveur les réclamations de l'autorité locale, et, à l'exemple de ses prédécesseurs, voudra bien attirer l'attention du gouvernement de l'Empereur sur un édifice, l'un des plus complets et des plus remarquables que l'art gothique, dans son premier développement, ait laissé en France, et dont la ruine, si elle n'était prévenue à temps, serait une honte pour le dix-neuvième siècle.

(Toussaint Gautier, 1858).

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