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CORRESPONDANCE du Directoire du District de Dinan

avec les Comités de Salut public et de Sûreté générale

DE LA CONVENTION NATIONALE (1ère Partie).

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I. — Aux Comités de Salut Public et de Sûreté Générale.
(25 nivôse an II. — 14 janvier 1794)
.

Note : C'est nous qui ajoutons toujours les dates du calendrier grégorien. Cf. P. CARON. Concordance des calendriers républicain et grégorien. Paris 1905

Depuis que la Convention Nationale marche d'un pas ferme et rapide dans la carrière de la Révolution, depuis les glorieuses journées du 31 mai et du 2 juin (vieux stile) la France alors vraiment régénérée a pris une attitude fière et imposante [Note : Ce sont les deux journées où les Montagnards triomphèrent des Girondins, et qui, dans l’ouest, devaient déterminer le mouvement fédéraliste. Un comité central avait été institué à Caen, et un bureau de correspondance à Rennes. Cf. LÉON DUBREUZ. La Révolution dans le département des Côtes-du-Nord, pp. 105 et sqq. Vingt-et-un Girondins furent exécutés le 31 octobre]. Les ennemis extérieurs, les vils satellites des brigands couronnés tombent sous les coups assurés des soldats républicains ; [Note : A la fin de 1793, le siège de Toulon avait pris fin ; — la guerre de Vendée était achevée] les administrations régénérées chargées de l'exécution des loix révolutionnaires font rentrer dans le néant tous les ennemis de la Liberté, aristocrates, feuillans, fédéralistes, modérés et jusqu'aux trembleurs qui n'ont pas la hardiesse de s'élever à la hauteur des circonstances, elles doivent aussi rendre impuissans les efforts de ces patriotes d'une date récente qui, par les mouvemens convulsifs d'un patriotisme simulé et contrerévolutionnaire [Note : Sans doute trouverait-on ici une allusion aux exagérations des deux prêtres Tobie et Tudeau], sont semblables à ces grands débordemens des fleuves qui après une inondation instantanée ne laissent après eux que la dévastation et la mort. Le devoir des administrations régénérées est donc de marcher juste sur la ligne des Loix révolutionnaires. Ce moyen seul peut assurer à la France les hautes destinées vers lesquelles elle se porte rapidement ; ce moyen nous fera jouir du fruit de nos travaux et seconder fructueusement les efforts des représentans : telle est la profession de foi politique de l'administration régénérée du district de Dinan. Elle a voulu en remettre sous vos yeux le tableau succinct avant qne d'entrer dans la communication exigée par la loi du 14 frimaire (4 décembre 1793) [Note : La loi du 14 frimaire suspendait l'application de la constitution de 1793 et déclarait que le gouvernement serait « révolutionnaire » jusqu’à la paix. Désormais le Comité du Salut Public (sa création remontait cependant au 6 avril 1793) est le maître du pays Cf. DUGUIT et MONNIER. Les Constitutions et les principales lois politiques de France depuis 1789 — p. XLII] concernant le gouvernement provisoire et révolutionnaire.

L'article 6ème de la seconde section de cette Loi régénératrice nous prescrit une surveillance active. Nous nous pénétrons profondément de son obligation à cet égard. D'abord nous nous sommes occupés de la promulgation ; nous vous envoyons copie de notre circulaire. Nous y avons démontré combien cette loi étoit nécessaire pour le complément de notre Révolution. Depuis l'envoi de la loi du 14 frimaire, l’espace de tems, qui s'est écoulé, n'a pu nous permettre de recevoir des municipalités et comités de surveillance de notre arrondissement les détails exigés par l'article huitième de la section seconde. Ce ne sera que dans 10 jours qu'il nous sera possible de faire un résumé des renseignemens qui nous seroient parvenus dans l'intervalle ; peut-être même les municipalités et les comités de surveillance des campagnes nous feront éprouver des retards ; nous les rappellerons à leur devoir et nous ne leur donnerons aucune tranquillité jusqu'à ce qu'ils se soient mis à la hauteur des principes. Nous vous dirons aujourd'hui, républicains, que notre arrondissement comprend une population de 60 à 64 mille individus divisés en 58 communes, que si la masse du peuple est bonne comme elle l’est dans toutes les parties de la République, elle n'est pas encore à la hauteur révolutionnaire. Le peuple des campagnes vit dans une grande ignorance, il a grand besoin que l'éducation nationale achève la régénération ; les prêtres conservent encore quelque influence, mais leurs vues ambitieuses et dominatrices, leur conduite machiavélique ouvrent les yeux, dissipent les erreurs et le Peuple, désabusé, dirige une marche plus prompte vers la raison et la philosophie. Déjà, la Société des Sans-Culottes [Note : C'était l’ancienne Société Populaire. Nous n'avons pu trouver les noms des apôtres civiques qu'elle désigna. Elle n'avait fait, au reste, qu'imiter la Société républicaine de Lamballe, qui, dès le mois de mars 1793, avait désigné Bellanger aîné, Bellanger cadet, Henry, Audouard, Loncle, Veillet des Landelles, Bavay, Le Dosseur, Le Bol, Le Nay, Paulmier, Revel, Baudry, Coppin, Restif, Glolay, Restif aîné, Thomas, Bourgneuf, Robiquet, Charles Heurtault, Guillard, Duparc, Hervé-Destroches, Mathieu Hervé, Hervé-Desmaisons, Bienvenue, Micouin et Yves Hervé pour « se porter dans les campagnes…., lire au peuple assemblé les lois et autres écrits, dont la Convention Nationale a ordonné ou ordonnera l'impression, les adresses des corps administratifs et... faire en un mot toutes les instructions patriotiques que leur zèle dictera ... » (A. D. C. N. I. 7. 5 ff 173-174)] de la commune de Dinan a nommé des apôtres civiques qui vont se répandre sur notre territoire et ils déconcerteront la malveillance sous quelque forme qu’elle ose se produire. Avant de finir cet apperçu que nous rendons commun aux Comités du Salut Public et de Sûreté Générale, nous dirons que nous avions été instruits par une lettre du département des Côtes-du-Nord d'un versement de prêtres réfractaires sur les côtes voisines de notre arrondissement [Note : Le 8 nivôse an II (28 décembre 1793) le département avait avisé circulairement les districts qu'un capitaine de barque de Guernesey, Abraham, aurait débarqué plusieurs prêtres réfractaires à Pléneuf, district de Lamballe, d'où ils se seraient répandus dans l’intérieur. « Nous n'oublions pas que la loi du 14 frimaire nous interdit toute mesure de surveillance et de sûreté publique, mais nous croyons de notre devoir, comme citoyens, de vous dénoncer les faits, etc. » (A. D C. N. 1. L 6/3)]. Nous écrivons une circulaire à toutes les municipalités ; nous vous en adressons un exemplaire. Dans dix jours, nous entrerons dans les détails sur les mesures de Sûreté Générale et de Salut Public, nous exposerons dans la suite de notre correspondance à cet égard tous les renseignemens qui seront en notre connoissance et en peu de tems vous serez instruits d’une manière circonstanciée du caractère moral et révolutionnaire de nos administrés.

 

II. — Questions proposées par le Comité de Sûreté Générale de la Convention Nationale avec les réponses du Directoire de Dinan (département des Côtes-du-Nord) commencées le 27 nivôse [Note : 16 Janvier 1794] et finies le 13 pluviôse [Note : 1er Février 1794].

1ère. Les comités de surveillance ont-ils été formés suivant le vœu de la loi ?

Un comité de surveillance avoit été établi à Dinan, mais les délibérations avoient été suspendues pendant quelque tems parceque le nombre des membres ne se trouvoit pas compétent. [Note : Sur les débuts malheureux du comité de surveillance de Dinan, nous n'avons aucun document].

Un délégué de la représentation nationale à Rennes en forma un autre révolutionnairement vers la fin de vendémiaire [Note : Corbigny]. Il ne fut point rapporté procès-verbal de cette élection. Le comité est composé de 24 membres. Nous pensons que les sections de cette commune n'étant pas délibérantes, il devroit être réduit à 12 [Note : Il est probable que cette réduction eut lieu, car, à la date du 10 germinal an II (30 mars 1794), nous ne relevons que 12 noms : Le Forestier, président ; Le Mazurier, Le Guennec, Lucas, J. Auger, Moncoq, Nourés (dit Le Breton), Goulliar, Bucaille, Hamon, Arondél, membres]. Quant à ceux établis dans les autres communes de notre arrondissement, nous ignorons s'ils sont également formés, n'ayant point reçu les procès-verbaux d'élection. Nous savons seulement que des curés constitutionnels s'étoient glissés dans ces comités contre la disposition de la loi.

Nous en ignorons le nombre. La loi du 21 mars (vieux stile) a été adressée aux communes ; nous leur envoyons derechef une circulaire pour leur enjoindre de se conformer à ses dispositions, en leur démandant les procès- verbaux d'élection des membres des comités. Cependant nous savons qu'il en existe dans les communes de Ploubalay, Corseul, Plancoët, Trégon, Saiut-Jacut, Pleudihen, Plélan-le-Petit, Plouer et Evran, qui sont les plus grandes de notre arrondissement, sans que cette connoissance soit officielle pour quelques-unes.

Il existe des communes si peu conséquentes qu'il est difficile que des comités s'y établissent, capables de remplir les obligations que la loi leur impose.

3ème. — La loi du 17 septembre (vieux stile) qui désigne les gens suspects a-t-elle reçu son entière exécution ?

Presque tous les ci-devant nobles et plusieurs personnes suspectes de la commune de Dinan avoient été mis en état d'arrestation, mais, à l'approche des brigands, un fort détachement composé de l'élite de la garde nationale s'étant rendu à Rennes avec une pièce de canon, le reste des hommes en état de porter les armes ayant été requis de se rendre à Port-Malo avec la seconde pièce, par ordre du général Thellesert, point considéré comme plus important pour la République et qui étant imminemment menacé, le petit nombre des volontaires existans dans cette cité l'ayant évacué, n'ayant plus d'hommes armés qui pussent la garder, la maison d'arrêt fut ouverte, [Note : Nos n'avons malheureusement pour la période antérieure à nivôse an II aucun document particulier à Dican. Pour la question d'intérêt général, on peut y suppléer par les délibérations et la correspondance du Directoire du Département ; sinon il faut se bornér aux indications rétrospectives des comptes-rendus décadaires] l'ordre donné à toutes les personnes suspectes de rester chez elles, défense leur fut faite d'en sortir sous les peines les plus sévères. Peu de jours après, les Citoyens qui avoient été à Port-Malo ayant été renvoyés à Dinan, les Comités de surveillance firent incarcérer de nouveau les gens suspects.

Deux administrateurs [Note : Delourmel et Carillet. La maison « de Plouer » servait de maison d'arrêt. N'étant pas assez spacieuse pour tous les détenus, le Directoire ordonna le 11 ventôse an II d'y joindre le bâtiment du collège qui donnait sur le jardin. — Le secrétaire de l'ancienne administration était Jacques Fontaine, maintenu dans celle-ci] et le secrétaire de l’ancienne administration avaient été destitués par un délégué de la représentation nationale à Rennes, mais il ne les avoit pas fait mettre en état d’arrestation. Cependant le Comité de Surveillance exigea par mesure de sûreté la [caution] de quatre Citoyens chacun. Ils ont été constamment dans cette cité sous la surveillance du Comité à l'exception de l’ex-secrétaire, qui demanda et obtint la permission de partir avec ses camarades (les canonniers de la Garde Nationale de cette commune) qui alloient combattre les rebelles occupant alors Avranches. A son retour de la bataille de Pontorson, qui se donna le 28 brumaire (18 novembre 1793), où il montra des preuves d'une vraie fermeté républicaine, puisqu'il resta le dernier à la pièce qu'il servoit après avoir vu renverser à ses côtés plusieurs de ses frères d'armes, ses camarades l'ont récompensé de son courage en le nommant lieutenant de leur compagnie.

4ème. — Les procès-verbaux d’arrestation ont-ils été adressés exactement au Directoire comme le prescrit le décret sur le gouvernement révolutionnaire ?

Le Comité de Dinan, seul, a rendu compte des opérarations qu'il a faites, par une lettre détaillée, sans nous avoir remis de procès-verbaux d'arrestation.

5ème. — S'ils ne l'ont pas fait, quels moyens avez-vous employés pour obliger les Comités de Surveillance à remplir une obligation sacrée et résultante de leur engagement ?

Nous avons écrit à celui de Dinan pour le presser de nous les remettre. Il nous a répondu n'avoir point rapporté de procès-verbal mais avoir consigné sur ses registres les arrêtés qu'il a pris pour l'incarcération des personnes suspectes. Nous presserons ceux des campagnes de nous satisfaire sur ce point important. Nous ne pouvons nous dissimuler que dans plusieurs communes où il existe des Comités, il est difficile de se procurer les renseignemens nécessaires, la majeure partie des membres ne sachant ni lire ni écrire.

6ème. — Etes-vous persuadés qu'il y ait eu des arrestations occasionnées par des passions particulières et non déterminées par la loi ?

Nous ignorons si des passions particulières ont conduit les membres du Comité de Dinan. Cependant il nous paroit que tous les détenus sont sous le coup de la loi du dix sept septembre (vieux stile). Nous savons que dans les campagnes où les prêtres avoient audacieusement pris le timon des affaires, plusieurs arrestations ont eu lieu des personnes dont le seul crime paroissoit être de ne pas assister à la messe. Nous n'avons pas les procès-verbaux de ces arrestations. Le Comité de Dinan qui alors exerçoit une surveillance sur les autres élargit ces personnes après les avoir interrogées.

7ème. — Combien existe-t-il de sociétés populaires dans le district et où sont-elles établies ?

Il en existe six, savoir à Dinan, à Plancoët, Evran, Saint-Solain, Pleudihen et Plouer. Nous apprenons qu'il vient ou qu'il doit s'en former une à Ploubalay.

8ème. — Les Sociétés qui doivent être partout, loin du magistrat et du Législateur, y exercent-elles le droit salutaire de la censure ?

Nous ne savons pas ce qui passe dans les sociétés populaires des campagnes. Celle de Dinan surveille avec la plus grande activité.

9ème. — Sont-elles affiliées aux Jacobins de Paris ?

Celle de Dinan est affiliée aux Jacobins de Paris depuis son origine qui est très ancienne, et correspond avec elle. Les autres le sont à celles-ci et nous ne croyons pas qu'aucune le soit aux Jacobins de Paris [Note : Se rapporter à AULARD. La Société des Jacobins].

10ème. — Les autorités constituées sont-elles à la hauteur des circonstances ?

Le Comité de Surveillance de Dinan nous a paru marcher droit sur la ligne révolutionnaire. Ceux des communes de Ploubalay, Corseul, Plancoët, Trégon, Saint-Jacut, Pleudihen, Plélan-le-Petit, Plouer et Evran étant composés de citoyens que nous connoissons, dont le civisme s'est toujours mis en évidence, nous pensons qu'ils ne se démentiront pas et qu'ils rempliront avec zèle la tâche qui leur est imposée. Celui de Ploubalay nouvellement et révolutionnairement établi par ordre du Représentant du peuple Le Carpentier renferme également plusieurs membres d'un patriotisme soutenu [Note : Ses dénonciations sont constantes et sont parfaitement accueillies jusqu'au jour où Boursault épure les autorités. Les nouveaux administrateurs se montrèrent beaucoup moins bienveillants ; mais il est vrai que les lettres comminatoires s'adressent surtout à la municipalité, qui, sous des dehors révolutionnaires, s'efforce de toutes manières d'échapper à l’exécution de lois] qui ont toujours été le fléau des aristocrates, et qui (nous n'en doutons pas) justifieront l'opinion que nous en avons.

La plupart des municipalités de notre arrondissement sont à la hauteur des circonstances. D'autres ne marchent qu'à force d'être stimulées [Note : En réalité l'indolence des municipalités fut presque générale. On a vu dans l'introduction quel mauvais vouloir elles opposérent pour la levée de l’impôt. Elles ne fournissaient ni rôles, ni matrices et ne procédaient pas même à l'adjudication des impositions]. Nous sommes contraints de leur faire souvent entendre le langage révolutionnaire. Il est vrai aussi que plusieurs communes, et surtout les moins étendues, renferment peu ou point de citoyens propres aux fonctions qui leur sont déléguées. Il nous faut souvent envoyer des commissions pour les instruire de ce qu'elles ont à faire. Elles ont grand besoin de l'éducation nationale pour éteindre en elles cet esprit de fanatisme qui les égare et qui est encore entretenu par les ministres d'un culte dont la superstition fut toujours la base.

11ème. — Les lois sur le partage des communaux, sur le maximum, sur les certificats de civisme et de résidence et sur le brûlement des titres féodaux ont-elles été exécutées ?

Les lois ont été régulièrement envoyées dans les communes ; celle relative au partage des communaux n'a point encore reçu son exécution [Note : Loi du 10 juin 1793. « … L'assemblée de tous les habitants âgés de 21 ans devait être consultée ; si un tiers des suffrages se prononçait pour le partage, celui-ci était décidé. Il devait se faire par tête d'habitant domicilié de tout âge et de tout sexe, à l'exclusion des propriétaires non résidents, au moyen d'un tirage au sort. Pendant dix ans, toute vente, aliénation, saisie des parts ainsi allouées était interdite ; l'échange toutefois était autorisé et ne devait donner lieu pendant quinze ans qu'à la perception d’un droit fixe de quinze sous. Une disposition... soumettait à l'arbitrage toutes les contestations existant ou pouvant s'élever entre propriétaires et communes à raison des biens communaux... ». M. MARION, La Vente des Biens Nationaux pendant la Révolution. pp. 126-127]. Dans plusieurs communes, des débats ont eu lieu à cet égard, sans obtenir aucun résultat ; dans d’autres, le peu de connoissance ou la négligence les a probablement empêchées d'y songer (il en existe peu dans notre district). Quelques-unes ont arrêté de jouir en commun.

Celle sur le maximum [Note : Cette loi du 29 septembre 1793 fixait un maximum pour toutes les marchandises de première nécessité et pour les journées de travail et de main-d'œuvre] a eu son exécution, mais le tableau formé par l'ancienne administration et réformé par la regénérée se reçoit avec difficulté Ce n'est que par des réquisitions qu'on peut parvenir à approvisionner la ville. Ces obstacles tiennent à différentes causes, la principale est que les habitants des campagnes ne trouvent pas à se procurer à Dinan les choses dont ils ont un besoin journalier [Note : Il faut ajouter qu'ils étaient déjà épuisés par les réquisitions de toute nature par suite des incessants passages de troupes et des charrois militaires]. Cette dernière commune manquant absolument de denrées de première nécessité, comme raisine [Note : Résine], savon, eau-de-vie, étoffe, fer et acier, dont la plus grande partie est mise en réquisition pour les besoins de la République.

La loi sur les certificats de civisme et de résidence a été scrupuleusement observée. Celle relative au brûlement des titres féodaux a été exécutée surtout dans les grandes communes avec joie et enthousiasme Nous ignorons si tous les notaires ont remis ceux dont ils pouvoient être saisis.

12ème. — Observe-t-on dans vos gardes nationales cette ardeur et ce dévouement qui distingue si éminemment le peuple françois ?

La garde nationale de Dinan s'est toujours distinguée par une ardeur vraiment civique. Nous avons rencontré dans plusieurs gardes nationales des campagnes, notamment daus celles des grandes communes, une énergie satisfaisante. Un seul canton s'est fait remarquer par son insouciance, son fanatisme et son aristocratie [Note : Tréfumel]. Des germes d'insurrection y ont éclaté dans le mois de mars dernier [Note : Le 2 mars 1793, le Directoire du Département avait ordonné au district de Dinan de tenir cent hommes en état de réquisition permanente pour les envoyer avec un commissaire civil là où le besoin s'en ferait sentir. (A. D. C. N. L. 7-5)]. Ils ont éte étouffés dès leur naissance par un détachement de la garde nationale de Dinan, qui eut le plaisir de voir se réunir à elle une autre du canton d'Evran, voisine du foyer insurrectionnel, qui jointes ensemble, parvinrent après leur avoir tué 18 à 20 hommes et fait 50 prisonniers, dont quelques-uns ont subi le châtiment dû à leur crime, à dissiper un attroupement infiniment considérable de fanatiques et de royalistes qui, déjà, après avoir arboré la cocarde blanche et déployé l'étendard de la révolte, avoient exercé plusieurs actes de brigandage.

13ème. — La levée de la première réquisition s'est-elle faite avec cet élan digne des hommes qui doivent brûler du saint amour de la liberté ?

La levée en masse des citoyens à l'approche des brigands a retardé cette salutaire mesure. Tout est disposé pour son exécution et nous ne faisons aucun doute qu'elle ne s'opère avec calme.

14ème. — Le fanatisme exerce-t-il son empire dans quelque partie du district et, dans ce cas, quels sont les auteurs de cette dépravation de l'esprit publie ?

Le fanatisme abattu n'ose lever la tête. Cependant dans plusieurs communes il n’est pas entièrement détruit. Il y est sourdement nourri par deux espèces de gens et par les personnes qui se souviennent de la doctrine des bramines non assermentés et par quelques prêtres fanatiques. Nous remarquons cependant avec plaisir que les prestiges sont moins forts et qu'ils se dissipent devant le flambeau de la raison qui éclaire la commune de Dinan, dont le plus grand nombre des citoyens a secoué le joug avilissant sous lequel les préjugés de l'enfance lui avoient fait courber la tête.

Quelques communes ont déjà déposé leurs vases soi-disant sacrés [Note : Dans le courant de ventôse, le curé de Plouër, alors incarcéré dans les prisons de St-Brieuc, devait déposer ses lettres de prêtrise] ; leur régénération morale est dûe à la doctrine fraternelle des apôtres civiques de la Société des Sans-culottes de Dinan. Nous nous flattons qu'elles seront bientôt imitées par d'autres et que cela se fera sans crise. Si nous étions totalement purgés de la vermine sacerdotale, la raison feroit des progrès encore plus rapides.

15ème. — Le mouvement sublime du peuple contre la superstition a-t-il trouvé des obstacles à son développement et quels sont les détails que vous pouvez transmettre au Comité de Sûreté Générale ?

Nous n'avons remarqué de mouvement éminemment sublime contre la superstition que dans la grande majorité des habitans de la commune de Dinan. Quelques citoyens foibles et crédules eussent bien voulu mettre des obstacles à son développement, mais l'impérieuse voix de la raison a fait entendre des accents mâles et énergiques. Les hochets de la superstition ont disparu, ils seront jetés dans le creuset et convertis en espèces républicaines [Note : Les objets d'or et d'argent de la région dinannaise étaient chargés à St-Malo et dirigés sur la Monnaie de Rouen]. Ils feront sans doute des miracles que la fourberie des derviches qui les encensoient a fait vainement attendre au peuple qu'ils avoient su si adroitement tromper. Les ex-curés de Dinan [Note : Du district de Dinan. — Les 2 curés de Dinan, Tobie et Tudeau, étaient considérés comme terroristes] s'intriguent en tout sens pour faire faire au peuple un pas rétrograde.

16ème. — Comment s’est faite la vente du mobilier et des biens des émigrés ?

La vente des meubles des émigrés s’est très bien faite et a produit le double, même le triple des inventaires.

Celle des immeubles n'est pas faite encore : l'approche des brigands, les embarras multipliés dont l'administration étoit chargée alors, son peu d'expérience sur la marche à suivre dans cette partie, étant régénérée depuis peu de jours, à cette époque, ont empêché qu'elle se fût occupée de cet objet aussi important. Cependant les premières enchères de plusieurs terres et maisons ont été reçues et ont déjà plus que doublé l'estimation. On s'occupe de cet objet sans relâche et nous espérons que le résultat en sera aussi avantageux que celui de la vente des domaines nationaux qui ont constamment triplé et quadruplé les estimations.

17ème. — Existe-t-il des hommes qui ayent tenté par l'astuce d'y mettre des obstacles ?

Non, nous n'en connaissons pas.

18ème. — Avez-vous, dans votre arrondissement, des personnes qui ayent voulu discréditer les assignats, gage de la fortune publique, et atténuer nos ressources contre les tyrans ?

Non, nous n'en connaissons pas.

19ème. — Avez-vous des individus qui ayent entretenu des correspondances avec les émigrés, prêtres réfractaires ou autres, habitans les pays avec lesquels la République est en guerre ?

Dans les diverses battues que nous avons fait faire dans les campagnes contre les prêtres réfractaires dénoncés, on a saisi des lettres adressées à quelques individus par leurs frères, fils et parens, prêtres déportés ou réfugiés à Jersey, mais insignifiantes, respirant néanmoins le fanatisme et la superstition.

Comme dans plusieurs communes, où ces chasses révolutionnaires ont eu lieu, il n’y avoit pas toujours de Comité de surveillance, nous avons fait, par mesure de sûreté générale, mettre en arrestation les personnes à qui ces lettres étoient adressées.

20ème. — Les lettres parvenoient-elles directement ou par intermédiaire et, dans les correspondances interceptées, existe-il des preuves, ou au moins des indices, qui puissent faire saisir le fil de la trame par laquelle on a voulu perdre la liberté publique ?

Les lettres saisies chez les parens des prêtres réfractaires portoient la vraie adresse aux inscriptions : mais nous ignorons si elles parvenoient directement ou par intermédiaire. Quelques-unes étoient signées, d'autres ne l'étoient pas. Dans les lettres il y est nommé des personnes résidantes à Port-Malo qui paroissoient devoir servir d'intermédiaire, soit pour faire passer des effets ou argent à ces prêtres réfugiés à Jersey et quoiqu’elles fussent ou sans datte ou dattées de 1792 (vieux stile), à l'exception d'une qui l’étoit du mois de janvier 1793, nous avons cru devoir envoyer, au représentant du peuple Le Carpentier, actuellement à Port-Malo, les noms de ces personnes avec copie des articles ou lettres qui les concernoient.

21ème. — A-t-il existé et existe-t-il des accaparemens de blé, farines et autres objets de première nécessité que les ennemis intérieurs ont fait, soit dans les vues d’affamer le peuple et de le dégoûter de la liberté, soit pour nourrir les armées contraires que la scélératesse des conspirateurs vouloit faire promener dans les départemens ?

Non, nous n’en connaissons pas.

22ème. — Les propriétaires et les cultivateurs de votre district ont-ils changé l’ordre de la culture des terres ?

Non. Elles ont été ensemencées aux époques ordinaires et avec le même soin. Les cultivateurs, nullement dans l'usage de cultiver les pommes de terre [Note : La culture des pommes de terre ne s'est guère développée que depuis 25 à 30 ans. En 1844, les pommes de terre sont généralement consommées dans les fermes et par les bestiaux. « On en vend très peu. Le prix est communément de 2 à 3 francs les 100 kilogrammes ». Agriculture Française. Département des Côtes-du-Nord, 1844, p 199], n'ont pas déféré à nos invitations pressantes à cet égard. Nous y avons derechef engagé, et nous espérons que l'an prochain on en récoltera une plus grande quantité.

23ème. — Y a-t-il des obstacles qui s'opposent à la libre circulation des grains ? Sait-on, d'un autre côté, qu'on en ait fait sortir pour approvisionner les armées des rebelles ou ennemies ?

Partie des grains provenans des biens des émigrés ayant été versés au commencement de 1793 (vieux stile), les besoins de l'armée de la République dirigée contre les rebelles de la Vendée manquant de subsistances [Note : La phrase est évidemment incorrecte, et grammaticalement l'anacoluhe est difficile à expliquer. Néanmoins, le sens n'est pas douteux : l'armée .... manquant de subsistances], l'Admistration lui envoya, d'après les ordres qu'elle en reçut, ce qui en existoit dans ses magasins ; ce qui donna lieu à des malveillans de répandre dans le public qu'on en faisoit passer à l'armée catholique, pour prévenir les esprits contre la pureté des intentions des anciens administrateurs. Depuis ce tems, les hommes fortement soupçonnés d'être les auteurs de ces manœuvres (deux prêtres) [Note : Tobie et Tudeau] n'étant plus dans la commune de Dinan, la circulation des grains n'a pas éprouvé d'entraves.

24ème. — N'avez-vous pas de preuves ou tout au moins de fortes présomptions que des gens de votre district achetoient dans les foires et marchés ainsi que chez les différens particuliers, des bœufs et des moutons pour les différentes armées ?

Nous l'ignorons, et il est plus que probable que ces sortes d'achats n'ont point eu lieu dans notre district [Note : Plus tard, cependant, l'employé de bureau Jean de la Roche au Lion dénoncera des achats de bestiaux effectués dans les foires, payés en numéraire pour le compte des Chouans. Mais ces dénonciations ne se rapportent qu'à des communes voisines de l’Ille-et-Vilaine].

25ème. — Avez-vous sur votre territoire des traîtres qui ayent contrarié ouvertement le vœu national sur les événemens des 31 Mai et 2 Juin ?

Il est possible que dans des conversations particulières, quelques personnes ayent déclamé contre le mouvement sublime qui a sauvé la République, en la purgeant des conspirateurs, mais nous n'en connaissons qu'un très petit nombre qui ait paru vouloir contrarier ce vœu [Note : L'administration comprend encore dans ses rangs un certain nombre de « fédéralistes ». Après l'épuration de Le Carpentier, le Directoire montrera moins de ménagements].

26ème. — Y existe-t-il de ces faux patriotes qui, par l’exagération extraordinaire de leurs principes, veulent en imposer au peuple, soit pour obtenir des places, soit pour l’égarer sur le compte des amis constans et impertubables de la Révolution et faire triompher par des écarts la cause de la tyrannie ?

Il a existé dans la commune de Dinan deux prêtres, Tudeau et Tobie, frères, qui ont tenté, par leurs principes exagérés, de se former un parti pour dominer et placer leurs créatures dans les fonctions publiques ; mais leur conduite fanatique contrastoit d'une manière si frappante avec leurs discours qu'ils ont été abandonnés par ceux-là mêmes qu'ils avoient trompés un instant. La haine générale ayant éclaté, ils ont été dénoncés à la Convention nationale le 17 nivôse [Note : 6 janvier 1794] par des envoyés de la commune, chargés aussi de faire hommage des vases soi-disans sacrés qu'on a arrachés de leurs mains avec tant de peine [Note : Cf. Conférences ecclésiastiques du diocèse de St-Brieuc, article Dinan].

 

III. — Aux Comités de Sûreté Générale de la Convention Nationale et de Salut Public. 19 Pluviôse (7 février 1794).

Le 13 nivôse [Note : 2 janvier 1794], nous vous adressions notre première lettre ou plutôt notre premier compte-rendu [Note : On remarquera que le premier compte-rendu porte la date du 25 nivôse. Il y a une erreur évidente. Le département ne fit passer que ce même jour, 25 nivôse, la loi du 14 frimaire aux 9 districts, les assurant qu'il se cantonnerait désormais dans ses attributions. Les administrateurs du district de Dinan s'étaient donc hâtés d'adresser un compte rendu qui devait nécessairement rester dans le vague], en conformité de l'article 6 de la section seconde de la loi du 14 frimaire [Note : 4 décembre 1793], concernant le gouvernement provisoire et révolutionnaire. Nous aurions dû vousadresser celui-ci dès le 9 pluviôse [Note : 28 janvier 1794], mais nous attendions les différens comptes que nous doivent les municipalités de notre arrondissement ainsi que les comités de surveillance, suivant le vœu de l’article 8 de la section seconde de ladite loi. C'est sur ces bases seules que nous pouvons établir les faits, les raisonnemens, les conséquences politiques et d'administration qui deviendroient, d'après une semblable rédaction, un travail très essentiel pour les Comités de Sûreté Générale et de Salut Public de la Convention Nationale. Mais malgré nos efforts réitérés il est impossible d'obtenir des administrations des campagnes l'exécution de l’article 8 de la section seconde de ladite loi. Nous allons encore faire une circulaire ; nous employerons tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour les placer à la hauteur des circonstances révolutionnaires, dont elles sont encore bien éloignées. L'éducation féodale et sacerdotale, dans laquelle presque tous les membres qui les composent ont été élevés, a enchaîné leurs facultés morales et intellectuelles dans une espèce d’abrutissement que l'institution [Note : L'instruction] nationale, comme nous vous le disons dans notre dépêche du 15 nivôse [Note : 4 janvier 1794, Nouvelle erreur], peuvent seules faire disparaitre. C'est donc dans les comptes-rendus des administrations des communes des ci-devant villes [Note : Le District de Dinan en possédait deux : Dinan, siège d'une sénéchaussée royale, et Plancoët, siège d'une subdélégation] que nous pouvons puiser les élémens de notre correspondance avec vous, ou pour mieux dire, c'est en suivant nous-mêmes presque immédiatement toutes les opérations que nous pouvons faire un travail qui présente une utilité publique. Les brigands menacèrent notre territoire dans le courant de brumaire. La commune de Dinan devint le quartier-général de l’armée républicaine. La situation importante, qui la rend le boulevard de toute la ci-devant Basse-Bretagne, fut tellement appréciée par les représentans du peuple, les commissaires du Comité du Salut Public et les généraux, qu'on prit tous les soins que l’art indique pour la fortifier [Note : Allusion aux événements du mois de brumaire. Les Vendéens s'étaient avancés jusqu'à Dol, aprés avoir évité Rennes : leurs éclaireurs étaient même allés jusqu'à Saint-Hélen. Le représentant Pocholle avait fait entrer quelques centaines d'hommes dans Dinan. Mais, grâce aux appels réitérés du département des Côtes-du-Nord, il pouvait y en avoir 5.000 dans la ville. On sait que les Vendéens préférérent prendre la route de Pontorson et de Granville où ils vainquirent le général Tribout], Les brigands disparurent devant les défenseurs républicains ; mais l'importance de ce poste a fait continuer les travaux [Note : Abattage des bois, défoncement des chemins, rupture des ponts et, sans doute aussi, quelques fortifications, car dès frimaire on cessa les travaux du premier genre] ; ils ne sont pas encore achevés, mais Dinan est déjà à l'abri d'un coup de main. Pendant ces circonstances pressantes, l'administration du Directoire du district de Dinan, qui, précédemment avoit été régénérée par un délégué de la représentation nationale [Note : Corbigny], seconda de tout son pouvoir les efforts communs de la liberté et de l'égalité [Note : Si les administrations du Directoire avaient rempli leur devoir, il n'en était pas le même des membres du Conseil. Le département écrivait en effet au district le 19 novemnbre 1793 (29 brumaire an II). « Quoi ! les membre de votre Conseil n'étoient pas à leur poste au moment même où les brigands étoient à vos portes et menaçoient votre ville. Ils n'y sont même pas à présent que le danger est passé. Il y a dans cette conduite insouciance et lâcheté ». Et le département ordonnait de les faire rejoindre ou de les mettre en état d’arrestation jusqu'à la paix, sauf excuses légitimes. A. D. C .N. 1 L 63]. Depuis la loi du 14 frimaire concernant le gouvernement provisoire et révolutionnaire, l'Administration s'est pénétrée des moyens d'exécution en se livrant à une méditation approfondie. Elle ose assurer qu'elle ne s’est point éloignée de la ligne révolutionnaire relativement aux mesures de Sûreté Générale et de Salut Public dont nous devons vous rendre compte en vertu de l'article 6 de la section seconde. Nous observons que, comme il existe une grande connexité entre les mesures, nous transmettons encore aujourd'hui les mêmes détails aux deux Comités, nous craindrions de ne pas pouvoir distinguer les nuances qui caractérisent chaque matière. L'expérience que nous acquerrons successivement nous mettra à lieu de hâter chaque effet. Nous vous dirons aujourdhui que le citoyen Le Carpentier, représentant du peuple délégué pour le département de la Manche et autres environnans, ayant destitué la municipalité de Ploubalay, nous a confié l'exécution de cette mesure. Ce représentant a applaudi à notre dévouement et à notre célérité. La nouvelle municipalité dont les membres ont été nommés par lui, ainsi que ceux du comité révolutionnaire de surveillance ont été installés. La réunion des communes de Lancieux et Ploubalay, précédemment annoncée par le département [Note : En avril 1792 des troubles avaient éclatés à Lancieux et à Ploubalay. Le 23 avril, le département avait enjoint au district de Dinan de poursuivre conformément aux lois le curé de Lancieux, Gallais et son vicaire, qu'on rendait responsables des troubles qui venaient d'éclater dans leur paroisse. L'influence des prêtres était d'autant plus grande qu'on se trouvait au moment de Pâques, et que le département, assailli de plaintes, demandait sans cesse leur déportation. Nous n'avons pu retrouver la date de l'arrêté du département. Les prêtres de cette région paraissent avoir été très turbulents et le 26 juin 1792 encore, on dénonçait à l'accusateur public Besné le curé et le vicaire de Ploubalay qui « se sont refusés à enterrer une femme de leur paroisse, sous le prétexte qu'ayant été administrée par le curé assermenté de Plessis-Balisson, elle n'étoit pas de leur communion et qu'ils ne pouvoient lui rendre les devoirs funéraires comme à un autre catholique » A. D. C. N. 1 L 6/2 f 136], a été consacrée par le même arrêté que Josselin et Jean Bourdet, ex-maires de ces deux communes, et Joseph Ollivier, fils de l’un des agens nationaux, sont en état d'arrestation. Le 25 nivôse [Note : 14 janvier 1794], nous avons mis en exécution la loi du 17 frimaire [Note : 7 décembre 1793. — A partir de floréal an III les parents purent donner leur partage de présuccession avec la République aux droits de leurs enfants émigrés, retrouver ainsi une partie souvent importante de leurs domaines et concourir aux adjudications des lots échus à la République], relative au séquestre des père et mère des enfans des émigrés. Dans le moment, toutes les possessions des personnes qui se trouvent dans ce cas sont sous la main de la Nation. Nous joignons une circulaire que nous avons écrite à cette occasion aux municipalités de notre arrondissement. Vous y connoitrez notre caractère énergique et révolutionnaire [Note : Nous n'avons malheureusement trouvé aucune de ces circulaires].

Comme les municipalités et les comités de surveillance des campagnes sont loin d’avoir atteints la hauteur des circonstances, nous nous occupons immédiatement de l'exécution de la loi du 17 septembre (vieux stile) concernant les personnes suspectes et nous les renfermerons dans la maison de détention de la Commune de Dinan.

Tout est disposé pour la levée de la première réquisition, elle produira environ 2.000 défenseurs républicains [Note : Cf. dans l'introduction les difficultés de toutes sortes qui s'y opposèrent]. Les étoffes nécessaires pour l'habillement ne nous parviennent point, celles qui seroient disponibles sont déposées dans le magasin établi depuis l'arrêté du Comité de Salut Public de la Convention Nationale du 25 frimaire [Note : 15 décembre 1793]. Elles sont loin d'être suffisantes pour l'habillement des 2.000 hommes de la levée. Elle auroit été organisée il y a longtems sans l'approche des brigands. Alors tous les citoyens se levèrent en masse et ils n'ont point déposé les armes qu'après leur destruction au Mans et à Savenay [Note : Il convient de faire la part de l'exagération. Il est certain que le 3ème bataillon des Côtes-du-Nord se trouvait à Nantes pendant toute l'année 1793. Mais il ne s'agit pas de la levée en masse. En réalité, les Dinannais avaient bien fait leur devoir à Pontorson, mais ils rentrèrent immédiatement dans leur ville et ne remplirent d'autre service armé que celui de la Garde Nationale. — C’est en effet près de Savenay que Westermann extermina les débris de l’armée vendéenne (23 décembre)]. Malgré les contrariétés que nous éprouvons pour cette levée, nous allons former nos moyens et, en agissant révolutionnairement, nous espérons les surmonter. L'extraction des salpêtres est un objet confié à notre administration et auquel nous donnons toute notre attention : nous faisons dans ce moment réimprimer l'institution [Note : L’instruction. Est-ce erreur de copiste ? Il est courant dans le texte que nous imprimons que le mot institution remplace le mot instruction dans quelque acception qu'on le prenne] que nous espérons rendre familière à tous les bons citoyens [Note : Cette instruction contenait les moyens de gouter la terre pour reconnaître si elle contenait du salpêtre, les terres susceptibles d'en avoir, des procédés de lessivage et de cuisson. Efflam Le Maout, pharmacien à Saint-Brieuc, devait diriger cette « exploitation révolutionnaire » dans tout le département. Ch. Le Maour (Annales Armoricaines p. 334) évalue la fabrication pour le département à 34 274 livres. Le district de Dinan y tiendrait le 3ème rang avec 5.891 livres, après St-Brieuc (6.793) et Guingamp (6.218). Ces ateliers furent fermés par la loi du 17 germinal an III (6 avril 1795)].

Notre correspondance générale ainsi que nos délibérations dont nous vous envoyons un extrait fidèle fera connoître aux représentans du Peuple qui composent les deux Comités, auxquels nous rendons compte, que nous sommes des Administrateurs vraiment républicains et révolutionnaires.

 

IV. — Aux Comités de Sûreté Générale et de Salut Public. 22 pluviôse (10 février 1794).

Depuis notre dépêche du 12 pluviôse nous n'avons eu qu'une seule occasion de mettre à exécution les mesures révolutionnaires que la Convention a confiées à notre disposition. Cette occasion a été terrible pour le coupable et elle sera susceptible d'effrayer ses complices. Depuis quelque tems nous savions qu'il existoit dans des communes de notre arrondissement des prêtres réfractaires. L'extrême difficulté étoit de s’en emparer, car les prêtres ne couchent pas toujours deux fois dans le même lieu. Enfin le 13 de ce mois, nous fimes partir de Dinan, avec beaucoup de secret, une force armée qui arriva sur le territoire indiqué. La voilà en plusieurs détachemens. Le résultat de cette chasse révolutionnaire produisit une espèce d'animal féroce qu'on nommait jadis prêtre. Nous l'avons envoyé au chef-lieu du département en conformité de la loi du 27 et 30 vendémiaire [Note : 20-21 octobre 1793] et nous avons appris que le glaive de la Justice nationale en avoit fait raison [Note : Nous n'avons trouvé aucune précision sur cetre affaire. Cependant en janvier, trois prêtres furent exécutés : Jean Le Maître, du diocèse de Saint-Malo, pris à Henanbihen (aistrict de Lamballe) guillotiné le 6 janvier ; J.-F. Boulanger, du diocèse de Saint-Brieuc vers la même époque ; le 31 janvier, J.-L. Conan-Dujardin, du diocèse de Tréguier, chanoine de la collégiale du Mûr à Morlaix. (J. GESLIN DE BOURGOGNE et A. DE BARTHELEMY. Etudes sur la Révolution en Bretagne, principalement dans les Cotes-du-Nord, p.172). Le seul qui pourrait répondre aux indications du Directoire serait J.-F. Boulanger, sur lequel nous n’avons aucune indication. A moins encore, d'après les renseignements qui suivent, qu'il s'agisse de l'abbé Avril. du diocèse de Saint-Brieuc, exécuté au début de février. Il avait été pris chez sa mère. Traduit avec elle devant le tribunal criminel du département, il fut condamné à mort, tandis que sa mère était relaxée, le tribunal n'ayant pas voulu lui appliquer la peine de mort portée contre les personnes donnant asile à un prêtre].

La mère de ce prêtre dans le domicile de laquelle il avoit été arrêté a été au tribunal criminel suivant l'article XIX de la même loi, nous ne savons pas quel sort elle a éprouvé. Dans la battue révolutionnaire du 19 de ce mois nous avons encore trouvé, chez le père et le frère de prêtres réfractaires émigrés, une correspondance de Jersey, écrite vers la fin de 1792 et commencement de 1793 (vieux stile) ; les lettres ne contiennent pas un grand intérêt politique mais néanmoins nous avons fait arrêter et renfermer dans la maison de détention toutes les personnes qui s’y trouvoient dénommées, et relativement à celles qui étoient domiciliées en la commune de Port-Malo, nous en avons envoyé les noms au représentant du peuple Le Carpentier avec les extraits des lettres qui les concernent. La même expédition nous a encore prouvé [Note : Fourni la preuve de...] quatre enregistremens de mariages faits clandestinement vers la fin de 1792 par un prêtre réfractaire. Quatre des contracteurs [Note : Contractants. — Nous n'avons pas retrouvé leurs noms avec certitude bien qu'ils doivent être compris dans le nombre des suspects, mis en liberté par ordre du Comité de Sûreté générale, le 25 brumaire an III. A. d. C.-N. L. (m. 5) liasse 76] se trouvant domiciliés dans notre arrondissement, nous les avons fait détenir et incarcérer dans la maison de détention. Les quatre autres ne sont point de notre arrondissement. Nous enverrons des collationnés de ces deux dernières pièces à l'administration du district de Port-Malo dans l'arrondissement duquel les individus suspects et fanatiques habitent. Enfin nous vous addressons un état nominatif des individus qui ont été arrêtés ainsi que le procès-verbal rapporté par le républicain qui accompagnoit et dirigeoit la force armée que nous avons fait marcher pour cette salutaire opération. Surveillance, activité, inflexibilité tel doit être le devoir des administrateurs, et tel est le nôtre.

 

V. — Au Comité de Salut Public de la Convention Nationale. 29 Ventôse (19 mars 1794).

Note : Bien que nous n'ayons trouvé aucun des documents auxquels cette lettre fait allusion — probablement s'agit-il de subsistances — nous ayons jugé utile de la conserver à cause de son style même.

Nous vous adressons copie des lettres que nous avons écrites au représentant du peuple Le Carpentier à Port-Malo, à l'administration du département des Côtes-du-Nord et à la Commission des subsistances et approvisionnemens de la République. C'est à vous, Républicains Représentans, qui tenez dans vos mains les destinées de la République, celles de l'Univers, en exécutant avec sagesse et énergie les mesures du gouvernement révolutionnaire dont la Convention nationale est le centre, c'est à vous qui avez sçu triompher des satellites de la tyrannie et terrasser les reptiles conspirateurs [Note : Allusion aux Hébertistes. Le terme « reptiles conspirateurs » paraît très singulier accolé aux noms des amis d'Hébert. Mais il ne s'agit évidemment là que d'une figure de style pour les représenter plus méprisables] qui osoient s'élever dans les ténèbres de l'intrigue que des administrateurs républicains et montagnards addressent avec confiance une réclamation qui intéresse la subsistance d'environ 68.000 administrés. Le Citoyen Devisme, délégué par la commission des subsistances, le 8 ventôse [Note : 26 février 1794], pour se rendre à l’armée des Côtes de Brest et dont les pouvoirs ont été vérifiés par vous le 9 de ce mois a pris aujourd'hui même connoissance de nos travaux. Nous lui avons donné copie des dépêches que nous vous addressons.

 

VI. — Questions faites par Devisme délégué du Comité de Salut public, le 29 venteôse. Réponses par l’Administration, souscrites le 30 ventièse. (19-20 mars 1794).

Note : Bien que nous n'ayons pu l'établir avec certitude, il semble que ce Devisme soit le même que celui que nous retrouvons Préfet des Côtes-du-Nord pendant les Cent-Jours. (Cf. notre ouvrage : La Vente des Biens Nationaux. Appendice).

1ère. — Quelle est la population du district et particulièrement de la commune du chef-lieu ?

1e La population du district de Dinan peut se porter à environ 68.000 individus [Note : D'après la publication de M. TEMPIER (Rapport au Préfet, 1891) ce nombre en 1791 aurait été de 64.611 habitants ], quoique les anciennes évaluations du département n'en ayent fait état qu'à 64.800. La commune de Dinan comprend environ 7.000 âmes [Note : 7.925], mais il est bon d'observer qu'elle est un lieu de passage continuel pour la communication avec Brest et qu'un grand nombre de foires occasionnent un séjour multiplié d’acheteurs et de vendeurs surtout pour le commerce des chevaux et bestiaux. Outre la commune de Dinan, le district comprend une autre ci-devant ville dont la population ne passe pas 700 individus [Note : Plancoët, siège d'une subdélégation. Le dernier subdéléoué fut Marie-Antoine-Bénigne Bédée de la Bouétardays qui émigra. — 620 habitants. (loc. cit.)].

2ème. — Quels sont les cantons les plus fromenteux ?

Les cantons les plus fromenteux sont ceux de Ploubalay, Evran, Plouer, Plancoët, Corseul et Dinan. Quelques communes de ces cantons fournissent des seigles, mais il faut remarquer que le grain a entièrement manqué à la récolte dernière. Les trois autres cantons [Note : St-Méloir, Plumaudan et Tréfumel, au sud et au sud-ouest du district] produisent du seigle. Ils se trouvent dans un dénuement extrêmement funeste. Les bleds noirs et les paumelles [Note : Orges] qui nous procurent, dans les années ordinaires, les quatre cinquièmes de la nourriture des citoyens des campagnes, ont été entièrement défectueux et n'ont donné [que] : savoir, le bled noir, un huitième, et la paumelle un quart des années précédentes.

3ème. — Quelles sont les communes qui se trouvent dépourvues de grains ?

Aucune des communes du district de Dinan ne possède une quantité de grains suffisante pour la nourriture des citoyens qui la composent, mais celles de Saint-Jacut, Plancoët, Plessix-Balisson et Dinan en sont entièrement dépourvues. C'est dans cette intime conviction que l’administration écrit au représentant du peuple Le Carpentier, à la Commission des subsistances et approvisionnemens de la République et à l'administration du département des Côtes-du-Nord, à l'effet d'obtenir un secours de 60.000 quintaux de bled [Note : Cf. supra lettre du 29 ventôse, p. 26]. Copies de ces lettres ont été remises au citoyen Devisme.

4ème. — Quelles ont été les réquisitions faites pour le service de l'armée des côtes de Brest, en grains et fourrages ?

Les représentans du peuple Gillette [Note : Pierre-Mathurin Gillet, élu 6ème député du Morbihan, à la Convention, exerçait auparavant les fonctions de procureur-général syndic de son département et avait été élu suppléant à la Législative. Il fut élu aux Cinq-Cents, mais il n’y siégea pas car il mourut le 14 brumaire an IV (5 novembre 1795). Il était célibataire. Gillet était né à Broons, le 28 juin 1792. — Cf. L. GROSJEAN. Lettres du conventionnel Gillet aux administrateurs du département du Morbihan (Rév. Fse) 14 sept. 1911-14 février 1912] et Filippaux [Note : Pierre Philippeaux, juge au district du Mans, élu 4ème député de la Sarthe. Il fut condamné à mort le 16 germinal an II (5 avril 1794), en même temps que son ami Danton. — Cf. l'ouvrage de P. MAUTOUCHET sur Philippeaux] firent une réquisition dans les cinq départemens composans la ci-devant province de Bretagne de cent mille qx froment et de quarante mille qx de seigle. Cette réquisition est en date du 30 novembre (v.s.) Par le répartement de cette réquisition opéré par le département, le 16 octobre, le district de Dinan y fut compris pour six mille qx de froment et trois mille de seigle. Le 24 du 1er mois [Note : 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793)], les représentans du peuple Gillette et Ruelle [Note : Albert Ruelle, président du tribunal de Langeais, suppléant à la Législative, élu 5ème député d'Indre-et-Loire. Il devint député aux Cinq-Cents] ont fait une réquisition de fourrages à fournir par les mêmes départemens, consistante en cinq cent soixante mille boisseaux d'avoine, mesure de Paris, cent soixante trois mille quintaux de foin et quatre vingt quatorze mille de paille. La répartition du 3ème jour du 2ème mois [Note : 3 brumaire an II (24 octobre 1793)], le district de Dinan a été compris pour douze mille boisseaux d'avoine, trois mille qx de foin et mille qx de paille. Les bleds et fourrages provenans des biens des émigrés devoient être recus en diminution suivant les arrêtés des dits représentans du peuple.

5ème. — Quelles sont celles qui avoient été faites en faveur d’autres armées et qui se trouvent maintenant appliquées à l'arrondissement de la dite armée ?

Le 28 frimaire [Note : 18 décembre 1793], le représentant du peuple Bréard fit une réquisition de 1.666 qx de bled pour les besoins de la marine, avec ordre de les verser à Port-Malo. Le 27 frimaire, la Commission des subsistances et approvisionnemens de la République a fait une réquisition de mille qx de farine livrée au chef civil de la marine à Port-Malo.

6ème. — Les réquisitions faites ont-elles été effectuées dans leur totalité, et, dans le cas contraire, combien reste-t-il à remplir dans chaque nature de réquisition ?

Les mille qx de farine requis par la commission des subsistances, le 27 frimaire, ont été fournis en entier. Sur les 1.666 requis le 28 frimaire par le représentant Bréard, il en a été fourni quatorze cent treize qx quatre vingt onze livres. On a fourni au-delà des réquisitions des fourrages faites par les représentans Ruelle et Gillet le 24 du 1er mois. Suivant les états du garde magasin des fourrages, on a fourni depuis moins d'un an six mille cent 33 qx de foin et 17.276 boisseaux d'avoine.

La réquisition générale, au 30 septembre, par les représentans Ruel et Philippaux, dans laquelle le district de Dinan se trouve compris pour 9.000 qx, a soufferte plusieurs variations. L'ancienne administration avoit reçu la promesse du citoyen Rée, délégué par la Commission des subsistances, d'être exemptée de ce qui restoit à fournir en pluviôse et il avoit assuré que, de retour à Paris, il mettroit sous les yeux de la dite Commission les besoins de nos administrés. Depuis son départ, le séjour de l'armée républicaine sur notre territoire et dans ses environs a nécessité de nouveaux efforts. Le représentant du peuple Le Carpentier vient par son arrêté du 17 ventôse [Note : 7 mars 1794] de déterminer l’accomplissement de cette fourniture. Dans ce moment, on est en pleine livraison et le 28 au soir cette nouvelle livraison se montoit à 2.405 qx 7 livres et en y joignant 1.402 qx 40 fournis antécédemment :
2.455 qx 7 l.
1.409 qx 40 l. = 3.864 qx 47 l.
On continue cette livraison, mais elle ne peut se faire sans épuiser entièrement les ressources de l'administration puisque le cultivateur fournit ce qui est utile pour sa subsistance. On ne doit pas passer sous silence les fournitures faites aux préposés des subsistances des prisonniers de guerre. Cet article peut s'évaluer à 300 qx ainsi que 600 qx à l'étapier.

Ces deux objets qui sont pour un service public n'ont été requis par aucune autorité supérieure et devront par conséquent entrer en compensation des réquisitions générales.

7ème. — Quels sont les moyens de l'administration pour achever les réquisitions ?

Aucuns. L'administration emploie dans ce moment tous les moyens pour obtenir un secours de 60 mille qx de bled.

8ème. — Quelles mesures l'administration a-t-elle prises pour faire exécuter les dispositions de l’arrêté du Comité de Salut Public en date du 7 nivôse [Note : 27 décembre 1793], relatif aux réquisitions qui avoient été faites en faveur de l'armée des Côtes de Brest sur les départemens qui se trouvent maintenant hors de l'arrondissement de cette armée et que reste-t-il à livrer ?

Cet article ne concerne pas le district de Dinan. L'arrêté du Comité du Salut Public en date du 17 nivôse [Note : 6 janvier 1794] n’a apporté aucun changement à sa position. Son service antécédent ayant été toujours attaché principalement à l'armée des Côtes de Brest.

9ème. — Où sont situés les magasins d’approvisionnement du district, destinés à recevoir les fourrages des émigrés et l'imposition en nature et à combien se montre la recette de cette nature de perception ?

Dans la ci-devant communauté des Bénédictins, située dans la commune de Léhon, distante d'un quart de lieue du chef-lieu du district. On enverra à Saint-Brieuc, au citoyen Devisme, la réponse au reste de cet article. On lui observe cependant que l'imposition en nature n'a point été payée par aucune commune par la raison de l'extrême dénuement.

10ème. — La garde de ces magasins a-t-elle été confiée à des citoyens intelligens et d'un patriotisme reconnu ?

Le citoyen Labbé, garde-magasin, est un excellent patriote et un vrai sans-culotte. Son intelligence n'égale pas son civisme.

11ème. — Quelles sont les réquisitions qui ont été faites par l'administration du département pour assurer la subsistance des administrés ?

Aucunes, jusqu à ce jour [Note : Le département avait, au contraire, insisté auprès des représentants du peuple à Brest (23 nivôse an II, 12 janvier 1794) pour obtenir de leur part des grains en faveur des administrés, à l’occasion d’une pétition de la municipalité de Moncontour. « L’extinction de la Vendée en diminuant le nombre des troupes nécessaires au maintien de la sûreté de la ci-devant Bretagne, doit diminuer aussi la somme des réquisitions et rendre une certaine quantité de subsistances à l'approvisionnement des communes, de celles surtout dont la nature du territoire ne présente guére aux bras que la ressource des manufactures... » A. D. C. N. 1 L 6/3], du moins à la connoissance de l'administration qui vient par sa lettre du 26 [Note : Le 16 mars 1794. — Cette lettre ne figure pas dans les registres de correspondance générale] de réclamer près le département des secours dans des districts qu'elle lui a désignés.

12ème. — Quels sont les cantons du district qui sont peu où mal ou nullement cultivés ; à quoi tient cette négligence et quels sont les moyens qu'on peut employer pour y remédier ?

Généralement, la culture a été parfaitement soignée cette année et les terres bien ensemencées en froment et en seigle. La culture des paumelles et bleds noirs n'est pas encore faite. Les cultivateurs font de grandes préparations, mais il est à craindre que la disette ne les fasse consommer pour leur subsistance ce qui est nécessaire pour l'ensemencement et cet objet est d'autant plus important qu’on prend les 4/5 de la consommation des citoyens des campagnes [Note : Allusion à l'excès des réquisitions]. La culture de l'avoine s'est faite comme à l'ordinaire.

13ème. — Quels sont les citoyens qui ont témoigné le plus de zèle pour encourager les cultivateurs et qui d’après leurs lumières ont présenté des mémoires sur le défrichement des terres incultes ?

Généralement, comme on vient de le voir à l'article précédent, on s'est livré avec zèle à la culture des terres, mais aucun ouvrage théorique n'a paru. Sur la dernière demande faite par le citoyen Devisme relativement à l'exemption du maximum, l'administration n'a aucune preuve matérielle de son inéxécution, mais elle a la conviction morale qu'il a existé un grand nombre de réfractaires dans les cités comme dans les communes des campagnes, notamment les bouchers qui jouissent de la plus mauvaise réputation à cet égard. L'administration n'a cessé de stimuler les municipalités de tenir la main à la stricte exécution de cette loi révolutionnaire.

 

VII — Adresse à le Convention Nationale.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ OU LA MORT
Dinan le 8 Germinal de l'an II [Note : 28 mars 1794. — Les Hébertiste savaient été arrêtés le 23 ventôse précédent, condamnés à mort, puis envoyés à l'échafaud] de la République Française une et indivisible.
Les Républicains administrateurs du district de Dinan régénénés par le Représentant du Peuple Le Carpentier.

A LA CONVENTION NATIONALE.

REPRÉSENTANS DU PEUPLE FRANÇAIS,
Gloire à la Convention Nationale, gloire à la Montagne invincible contre laquelle viennent se briser les efforts impuissans des conspirateurs. Si des représentans fidèles aux principes consolident la régénération politique et morale de la France républicaine, des administrateurs révolutionnaires doivent seconder leurs généreux efforts et marcher de concert avec les pères de la patrie dans le chemin de la Justice et de la Raison.

REPRÉSENTANS DU PEUPLE,
Il en est des révolutions politiques comme de celles des saisons, le printems est précédé de tempêtes et l'été même n'est pas sans orage. Quelques nuages passagers peuvent obscurcir pendant quelques instans la clarté d'un beau jour, mais l'astre brillant de la lumière les fait bientôt disparoitre et le ciel reprend sa sérénité.

C'est par le zèle soutenu et par la persévèrance infatigable qui ont toujours caractérisé vos travaux que vous saurez fixer les destinées de la France. Restez donc, représentans, restez au poste que la Nation vous a confié et ne le quittez que lorsque tous les trônes seront renversés et qu'il n'existera de temple que pour la Raison.
Signé : LE MASSON, LE CLERC-GERVEZAIS, HÉDAL, DUSOS AÎNÉ, CORMAO, LARÉUNION-DEREUSE, LE MARIÉ. [Note : Pierre-Marie Le Masson, avocat à Saint-Potan, pendant la Révolution, membre du Directoire du district de Dinan depuis 1790, appelé à la présidence par Le Carpentier. Il devait être destitué peu après (cf. introduction) pour s'être compromis dans le mouvement fédéraliste. Il fit partie de la municipalité de Saint-Pôtan, probablement comme agent national, lors de l'épuration de Boursault. — Augustin Le Clerc de la Gervezais, ex-noble, propriétaire à Pleudihen. — Yves Hédal, avoué à Dinan. — Jacques Cormao, officier de justice à Saint-André-des-Eaux, membre du premier Directoire du district. — Laréunion-Dereuse, ancien contrôleur des fermes du roi, appelé au Directoire par Corbigny. Après sa destitution il devait se retirer à Taden où son fils fut assassiné par les Chouans. — François Le Marié, cultivateur à Saint-Solain. Au nombre de ceux qui ne signent pas, probablement parce qu'ils étaient absents : Forcouëffe (cf. introduction), François Pourcel, notaire à Trélivan ; Joseph Bullourde, cultivateur à Léhon].

 

VIII. — Au Comité de Sûreté Générale.

Analyse des opérations du Directoire du district de Dinan depuis le 1er ventôse [Note : 19 février 1794], jusqu'au 20 germinal [Note : 9 avril 1794].

LETTRE D'ENVOI.

Nous avons été régénérés par le représentant du peuple Le Carpentier dans la première décade de ventôse. Les administrateurs du Directoire et les membres du Conseil général ont été presqu'entièrement renouvelés. Nous nous sommes occupés sans relâche des grands intérêts qui nous étoient confiés ; notre intention fortement prononcée est de marcher avec assurance sur la ligne révolutionnaire et de suivre la direction qui nous sera donnée par les Comités de Salut Public et de Sûreté générale en conformité de l'article dixième de la loi du 14 frimaire [Note : 4 décembre 1793] concernant le gouvernement provisoire révolutionnaire. Nous vous addressons, Républicains Représentans, l'analyse des délibérations et de la correspondance de l'administration du district, non seulement depuis notre installation mais même depuis le 13 pluviôse [Note : 1er février 1794]. Nous avons cru qu'il étoit essentiel de ne pas interrompre l'ordre des dates suivi par nos prédécesseurs. Cette forme remet sous les yeux des représentans qui composent le Comité de Sûreté Générale l’ensemble des opérations. L'analyse que nous vous addressons comprend jusqu’au 30 ventôse [Note : 20 mars 1794] et est divisé en 6 parties savoir :
1° Extrait des délibérations.
2° Opérations du bureau des expéditions.
3° Opérations du bureau de Sûreté Générale, subsistances et approvisionnemens.
4° Opérations du bureau de la guerre.
5° Opérations du bureau des domaines nationaux.
6° Opérations du bureau des Contributions publiques.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

L'administration du district de Dinan a été régénérée par le représentant du peuple Le Carpentier, dans la 1ère décade de ventôse. Cette opération, qui renouvela presque tous les membres du Directoire et du Conseil général [Note : A l'exception de Forcoueffe et Dereuse précédemment nommés par Corbigny] a nécessairement ralenti la marche des affaires. Des administrateurs, nouvellement appelés à des fonctions importantes, dont l'exercice leur a été confié dans des circonstances très laborieuses, ont eu de grandes difficultés à vaincre pour se mettre de niveau avec leurs occupations. Le courant des affaires extrêmement multipliées et sans cesse renaissantes ne laissoit aucun instant pour analyser les opérations antécédentes, l’espace des jours et des heures se trouvant rempli par le travail qui se succède sans interruption; d'ailleurs la réquisition qui nous enlève plusieurs commis est encore un obstacle à l'extrême régularité exigée par le Comité de Salut Public. Toutes ces différentes considérations ont retardé l'envoi de l'analyse que nous vous addressons aujourd'hui et dont nous étendons la rédaction depuis le 1er ventôse jusqu'au 20 germinal.

EXECUTION DES LOIX.

Pour mieux remplir les vues du Comité de Salut Public, nous donnons une notice des loix qui nous sont parvenues par l'intermédiaire du département depuis le 1er ventôse et dont nous avons fait l'envoi et ordonné l'exécution dans les communes de notre arrondissement.

(Suit une énumération de 23 lots et décrets, tous d'intérêt général) [Note : Le Comité de Salut Public, lui-même, dispensa le Directoire de ces fastidieuses énumérations].

Toutes les loix que nous venons de citer ont reçu le commencement de leur exécution par l'envoi aux communes et aux juridictions de paix. Les loix parviennent de deux manières, par originaux avec la signature des administrateurs du département, et ensuite imprimées, avec la signature imprimée. La première réception a lieu à une courte distance du jour où le décret a été rendu, mais la réception des imprimés pour l'envoi dans les communes est souvent retardée de deux ou trois mois [Note : Les difficultés d'impression étaient extrêmes. Au début de ventôse l'imprimeur du département Beauchemin manquait de papier et d'encre pour l'impression des lois. Le département (11 ventôse-1 mars 1794) considéra que l'imprimeur Prudhomme, incarcéré comme suspect, possédait de l'encre, du papier et tout ce qui était nécessaire « ... Il n'en fait aucun usage ou ne s'en sert peut-être que pour servir la cause des ennemis de la Révolution ». Aussi ordonne-t-il à un membre de la municipalité de Port-Brieuc de se transporter chez Prudhomme, d'y faire toutes les perquisitions nécessaires et de donner à Beauchemin qui l'accompagnera ce dont il aura besoin, à charge de payer ce qu’il prendra le prix fixé par les lois. A. D. C. N. L 7. 6. — Le 28 (18 mars), l'imprimeur du département ne pouvant suffire à toutes les impressions, comme, d'autre part, l’emprisonnement de Prudhomme et de sa femme comme suspects laissent une imprimerie séquestrée au profit de la nation (loi du 28 ventôse, 26 février), que dans cette imprimerie existent 4 presses en bon état, peu d'encre, mais que Prudhomme sait la faire, 130 rames de papier à imprimer des lois, qu'il employait 8 personnes dont 3 de ses enfants, le Directoire du Département met en réquisition l'imprimerie et tous les ouvriers que Beauchemin désignera, Prudhomme fils n'ayant pas présenté de certificat de civisme. Le 5 germinal (25 mars), l'arrêté du 28 fut en partie rapporté et l'imprimerie mise simplement à la disposition de l'imprimeur du département, ou de Prudhomme fils, si, sous huitaine pour tout délai, il présente un certificat de civisme. A. D. C. N. L. 7. 6]. Ce retard qui vient du délai nécessaire pour l'impression est souvent très préjudiciable et retarde l'exécution. La Commission des Subsistances et Approvisionnemens de la République envoie souvent les loix dont l'exécution lui est confiée. Cet intermédiaire abrège infiniment les moyens. Il en est de même pour les arrêtés du Comité de Salut Public de la Convention Nationale.

En général, l'administration surveille et dirige l'exécution de toutes les loix avec une exactitude la mieux suivie ; mais, lorsqu'il s'agit d'une loi Révolutionnaire, elle double ses efforts pour l'accélérer, et l'administration peut assurer que toutes les opérations sont au courant, autant qu'il est possible dans des circonstances où elles se succèdent avec une rapidité et une multiplicité qui n'ont d'exemple que dans une révolution aussi étendue, qui change également la face des affaires politiques et les habitudes des citoyens.

SUBSISTANCES ET APPROVISIONNEMENS.

Par notre dépêche du 29 ventôse [Note : 19 mars 1794], nous avons exposé au Comité de Salut Public le dénuement où nous nous trouvons et la disette qui nous menace ; depuis cette époque nous avons encore versé dans le magasin militaire établi dans notre chef-lieu plus de 2.000 qx de bled. Il est vrai que le représentant du peuple Le Carpentier, d'après nos urgentes représentations qui ont coïncidé avec celles de plusieurs autres administrations, a rendu un arrêté, le 28 ventôse [Note : Cf. Introduction. L'arrêté se trouve analysé en note], qui ordonne un nouveau recensement des grains et dont il indique le mode. Nous en avons pressé l'exécution, mais de semblables opérations emportent beaucoup de tems et les résultats qui avoient lieu à leur commencement ne sont plus les mêmes lorsqu'elles sont terminées, par la raison que la consommation quotidienne diminue d'autant la quotité qui existoit le jour du mesurage qui est souvent éloigné de celui où on dépose le résumé général. Il en est de même de tous les moyens d'exécution qui ne se trouvent jamais d'accord avec les vues spéculatives. Nous joignons à cet envoi l'arrêté de Le Carpentier et les dispositions qu'il a nécessitées de notre part. Quoique ce soit, nous réclamions, à l’époque du 29 ventôse, 6000 qx de bled pour pourvoir à la subsistance de nos administrés. Nos besoins n'ont pu que s'accroître par des versemens que nous avons été obligés de faire. Cet article demande que les autorités supérieures le prennent dans la plus grande considération et nous appelons dans ce moment la sollicitude particulière du Comité de Salut Public qui est le premier mobile du gouvernement révolutionnaire, car nous ne pouvons pas nous dissimuler que l'arrêté du représentant du peuple Le Carpentier, quoiqu'infiniment utile pour nous donner la mesure des besoins, ne nous procurera aucuns soulagemens. Nous croyons que dans notre arrondissement les ressources sont épuisées par les versemens continuels qui ont eu lieu et furent ordonnés dans le principe par arrêté de Gillet et Philippaux le 30 septembre (v. s.), d'après un calcul hasardé et inconnu lors de la dernière récolte, laquelle a été peu abondante en ce qui concerne le froment, presque nulle pour le seigle et entièrement défectueuse pour le sarrasin et la paumelle. Cependant ces deux derniers grains procurent, année commune, aux citoyens des campagnes de notre arrondissement les 4/5 de leur nourriture. Relativement aux viandes de boucherie, nous avons éprouvé quelqu'embarras, surtout dans les fréquens passages des bataillons républicains, mais la disette ne s'est pas fait sentir d'une manière fâcheuse.

Les approvisionnemens en marchandises et en matières de première nécessité sont dans une faible proportion. Nos fabriques de toile se sont cependant soutenues dans les circonstances les plus difficiles, elles ont été d'un grand secours pour Brest ; nous en avons fait des envois fréquens aux représentans Laignelot et Jambon Saiut-André. Les fabricans en ont aussi beaucoup expédié à Paris pour le besoin des armées. Ces toiles sont de différentes sortes : diverses servent à doublure de sacs à peau, à guêtres, sarreaux et des paillasses ; d’autres sont employées comme toiles à pourrir au bas des tentes ; des qualités supérieures font des sacs à bled et farine ; d’autres, plus belles, des draps de lit et des chemises. Nous en avons envoyé la nomenclature fidèle et circonstanciée à la Commission des subsistances et approvisionnemens ainsi que leur emploi. On fabrique encore dans notre chef-lieu des cuirs, excepté de la semelle dont nous éprouvons dans ce moment un dénuement absolu, ce qui dispense les cordonniers de la fourniture de deux paires de souliers par décade. Nous avons récemment adressé un de nos tanneurs à la Commission des Subsistances pour en réclamer des manufactures de Pont-Audemer et de Montagne de Bel Air [Note : En vain avons-nous cherché à identifier la ville qui porte le nom révolutionnaire de Montagne de Bel-Air, — R. de FIGUIÈRE, dans son ouvrage. Les noms révolutionnaires des communes de France (Paris 1901) ne le mentionne pas Nous en rapprocherons : Montagne de Bon-Air, nom révolutionnaire de Saint-Germain-en-Laye. — On nous suggère Moncontour, dans les Côtes-du-Nord, ville de tanneries, à cause de sa proxinnté avec le Menez-Bel-Air. Nous n'osons y croire, ayant toujours rencontré le nom de Moncontour pendant toute la Révolution]. Nous n'avons encore aucun résultat sur notre démarche.

Les draperies et toutes étoffes en laine manquent presqu'entièrement. Les marchands se plaignent du refus qu'ils éprouvent dans les fabriques. Ces refus sont ordinairement motivés de la part des fabricans par l’assertion banale que les marchandises sont en réquisition, ce qui n'est souvent qu'une défaite qui met à couvert l'égoiste et l'accapareur. Les épiceries sont aussi extrêmement rares, surtout le savon et l'huile. On trouve encore du café et du sucre, surtout du sucre du Brésil de très mauvaise qualité ; celui des colonies françoises commence à disparoitre.

Nous manquons aussi de fer et d'acier pour les instrumens aratoires et les arts utiles.

Très incessamment les papiers d'impression et ceux pour écrire nous manqueront. Nous allons faire des demandes dans les papeteries de Vire et, si elles ne réussissent pas, nous nous addresserons à la Commission des Subsistances.

CULTURE ET ENSEMENCEMENT DES TERRES.

La culture des terres a été três bien soignée en ce qui concerne le seigle et le froment. Comme l’avoine étoit en très petite quantité, il peut se faire qu'il existe quelques parties qui n'ayent pas été ensemencées, mais elles sont extrêmement rares. Dans ce moment on est occupé de l'ensemencement de l'orge ou de la paumelle, qui se fait avec beaucoup de difficulté, attendu la disette qui commence à se faire sentir d'une manière effrayante. La culture du sarrasin ou bled noir n'aura lieu que dans six décades ; nous avons la crainte que la semaille ne se fasse pas avec exactitude par la rareté extrême de la semence et par la levée de la première réquisition. La récolte de la paumelle et sarrasin fut entièrement défectueuse l'année dernière et cependant ces deux espèces de grains fournissent les 4/5 de la nourriture pour les citoyens des campagnes.

BIENS NATIONAUX CI-DEVANT ECCLÉSIASTIQUES.

Montant des ventes ....... 1.032.045 l.
Valeur présumée :
D'après les baux... 328.108 l. 1 s. 8d.
D'après les experts. 276.002 l. 16 s. Total : 604.110 l. 17 s. 8 d.

Excédent des ventes sur la valeur présumée 427.934 l. 2 s. 4 d.

La valeur présumée des domaines nationaux dits ecclésiastiques non encore vendus, d'après les experts, se monte à 164.025 l. 12 s. Plusieurs parties ne sont pas encore estimées.

BIENS NATIONAUX PROVENANT D'EMIGRÉS.

Depuis le 5 ventôse [Note : 23 février 1794], époque où a commencé la vente
Elle se monte à ........ 122.735 l.
Valeur présumée d’après les experts.....................36.585 l. 14 s.
Excédent de la vente sur la valeur présumée……86.149 l. 6 s.
On ne peut encore donner même un apperçu approximatif sur la valeur des biens des émigrés, les experts sont occupés à l'estimation et les procès-verbaux ne sont pas encore déposés mais on peut assurer que la valeur des biens des émigrés est plus du double de celle des biens ci-devant ecclésiastiques.

BIENS PES PÈRES ET MÈRES D'EMIGRÉS.

Leurs biens meubles et immeubles ont été séquestrés aussitôt la manifestation de la loi.

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791 et 1792 (Bretagne)

 

SALPÊTRE.

On fait toutes les dispositions dans notre chef-lieu pour former un grand atelier : on établira 36 cuves. Le citoyen Chifoliau, officier de santé [Note : Chifoliau, officier de santé à Saint-Malo, avait été envoyé à Dinan par le représentant Le Carpentier et par le commissaire national des poudres et salpêtres de Saint-Malo, Naudin, pour organiser l'atelier en attendant que l'agent du district Queillé ait pu s’'instruire dans la fabrication du salpêtre. (cf. introduction)], est chargé de cet établissement. Au premier compte décadaire on espère annoncer que l'opération est en activité. On formera successivement des établissemens dans les autres communes du district, au fur et à mesure que les connoissances et les moyens se développeront.

LOI DU 23 AOUT CONCERNANT LA 1ère RÉQUISITION.

Déjà un grand nombre de citoyens de la première réquisition est en route pour Cassel et autres parties de l’extrême frontière. Les autres suivront incessamment cette glorieuse destination et, avant deux décades, l'exécution de la loi du 23 août aura reçu son entière exécution [Note : Cf. introduction]. Plusieurs des citoyens de la première réquisition dans notre arrondissement ont préféré le service des armées navales ; nous enverrons dans les premiers comptes les détails de nos opérations à cet égard.

ESPRIT PUBLIC.

La rapidité des évènemens révolutionnaires excite l’enthousiasme dans l’armée des républicains, frappe de terreur les aristocrates, et met les modérés et les égoïstes dans une situation agonisante [Note : Var : angoissante] qui les rend ridicules et méprisables aux yeux de l'observateur philosophe, qui médite avec profondeur et sagacité sur l'étonnante série des évènemens politiques.

La superstition et les erreurs de l'étole sont encore à l'ordre du jour pour un grand nombre de crédules ; le dimanche et le carême ont trouvé des partisans. Cette rouille sacerdotale ne pourra se détacher entièrement que par l'effet salutaire des instructions nationales.

CONTRIBUTIONS INDIRECTES.

Exercice 1793 : Cet art. devroit être après la contribution foncière et mobilière.

Produit pour 1793 de la régie de l’enregistrement, domaines et droits y réunis : 47.605 l. 13 s.


IX. — Analyse des opérations du district de Dinan pendant la troisième décade du mois de Germinal.

EXÉCUTION DES LOIX.

Dans le dernier compte-rendu l'administration avoit entré dans des détails très circonstanciés. Par de nouveaux ordres du Comité de Salut Public il est nécessaire de se resserrer dans les bornes les plus étroites. On dira donc que toutes les loix qui parviennent au district reçoivent au même moment leur exécution et que cette exécution est suivie avec toute l'activité révolutionnaire. Si quelques-unes éprouvent des retards, on doit s'en prendre aux circonstances ou à l’espace du tems, qui souvent n'est pas suffisant pour remplir simultanément tous les objets.

Les loix du 11 septembre (v. s.) et 18 vendémiaire [Note : 9 octobre 1793] concernant les marchés de grains éprouvent les plus grandes difficultés. Les communes des campagnes qui toutes sont fait des recensemens, font le calcul pernicieux de leurs subsistances et prennent des arrêtés pour ne pas fournir, sous le prétexte qu'elles n'ont que ce qui est nécessaire jusqu'à la récolte ; d'autres annoncent déjà un dénuement absolu. Il est vrai que la pénurie se manifeste trop depuis quelque tems pour ne pas exister au moins en partie. L'administration a voulu avoir recours à la loi du 18 vendémiaire pour l’'approvisionnement des marchés en requérant dans les communes voisines qui y étoient habituées avant 1789 [Note : De tels procédés furent en usage à cette époque dans un très grand nombre de districts pour l'approvisionnement des villes. (Cf. LEON DUBREUIL. Le District de Redon)]. Ce moyen est très difficile à éxécuter. Les communes accoutumées à obéir à leur administration trouvent étranges de semblables réquisitions.

SUBSISTANCES ET APPROVISIONNEMENS.

Ce qu'on a dit à l'article précédent rentre beaucoup dans l’énonciation de celui-ci. L'administration, dans les craintes d'une disette qui, chaque jour, se montroit sous plusieurs formes, a envoyé à Brest un des administrateurs pour y acheter des riz, des légumes durs et de la morue [Note : A la même époque et pour le même motif l'administration départementale envoyait son secrétaire-général Huette près des représentants en mission à l’armée des côtes de Brest]. Cette opération a été approuvée par le représentant du peuple Le Carpentier et la Commission des Subsistances a été instruite. L'administration s'en réfère à son précédent compte pour les approvisionnemens.

CULTURE ET ENSEMENCEMENT DES TERRES.

Dans ce moment on achève la culture des paumelles ou orges et on prépare les terres pour les sarrazins ou bleds noirs. Les chevaux pour la culture des terres ont été excessivement fatigués depuis deux mois par les versemens continuels de fourrages et de subsistances militaire et par les passages des bataillons républicains et des jeunes gens de la première réquisition.

SALPÊTRE [Note : Cf. introduction. L'atelier de Plancoët ne devait pas tarder à être transféré au Guildo].

Atelier de Dinan :
Cet atelier est très considérable ; il est composé de trois bandes égales chacune de 12 cuviers ; 17 ouvriers y sont continuellement employés ; tout est en activité. Le premier essai a entièrement réussi : 200 livres d'eau de cuite rendront 12 livres de salpêtre et à peu près 4 livres de sel marin.

Atelier de Plancoet :
Cet atelier se forme et tend à sa perfection. On espère que les travaux seront en activité dans les premiers jours de floréal.

Atelier d'Evran :
La commune d'Evran a manifesté le plus grand désir pour avoir un atelier et elle suit cette opération avec zèle et activité ; on espère que les travaux seront commencés dans la première décade de floréal.

BIENS NATIONAUX, CI-DEVANT ECCLÉSIASTIQUES.

Il ne s'en est pas vendu pendant la dernière décade de germinal.

BIENS NATIONAUX DITS D'EMIGRÉS.

Bien nationaux des émigrés du district de Dinan (Bretagne).

BIENS DES PÈRES ET MÈRES D'EMIGRÉS.

Tous les biens connus mobiliers et immobiliers sont sous le séquestre.

POSTES ET MESSAGERIES.

L'inexactitude du service des postes aux lettres et messageries ne souffre aucune comparaison.

Le courrier de la malle retarde ordinairement de 30 heures et dernièrement de 52 ; cependant les affaires en souffrent infiniment et il seroit essentiel de prendre un parti prompt et efficace qui seroit d'établir un courrier de la malle de Paris à Brest par Caen, Vire, Dol, Dinan. On éviteroit par ce moyen la route des Chouans [Note : Les Chouans se trouvaient absolument maîtres des districts de Montfort et de Broons]. Les messageries présentent des lenteurs continuelles. Les voitures n'arrivent plus aux jours ordinaires, le directeur prétend que souvent les voitures sont mises en réquisition.

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

EXÉCUTION DE LA LOI DU 23 AOUT.
Relative à la premier réquisition.

La Commission n’ayant pas encore remis l’état des jeunes gens de la premier réquisition, le résultat n’en sera pas présenté aujourd’hui, mais ce travail est presqu’accompli. Les jeunes gens d'une des communes de l’arrondissement paroissent vouloir se soustraire à cette loi salutaire [Note : Plouasne où Corseul descendit pour exercer des perquisitions. Cf. introduction]. L'administration agira révolutionnairement et saura faire respecter et exécuter les décrets de la Convention nationale.

ESPRIT PUBLIC.
Cet article n’a éprouvé aucune variation depuis le dernier compte-rendu et l'administration s'y réfère.

 

X. — Analyse des opérations du Directoire du district de Dinan pendant la première décade du mois de floréal.

EXÉCUTION DES LOIX
On ne dira qu'un mot aujourd'hui sur l'exécution des loix, l'administration envoyant par le courrier l'extrait de sa correspondance [Note : On trouve quelques-uns de ces extraits aux Archives Nationales, f° 3.669] et des délibérations qui fera connoitre au Comité de Salut Public qu'elle se livre sans relâche à toutes les opérations que nécessitent les loix révolutionnaires. Elle dira cependant qu'incertaine sur la question de savoir si la loi de police générale du 27 germinal [Note : 16 avril 1794. Cette loi traitait différemment les villes fortifiées et maritimes et les autres. Or à Dinan le flux se fait encore sentir et la ville était entourée de fortifications] devoit s'appliquer à la commune de notre chef-lieu, elle a consulté à cet égard le représentant du peuple Le Carpentier qui connoit parfaitement cette commune ; on observera à l'avance que d'antiques fortifications ont été réparées et augmentées lorsque les brigands menacèrent le territoire du district [Note : Brumaire an II].

EXÉCUTION DES ARRÊTÉS DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
L'administration donne aux arrêtés du Comité de Salut Public l'exécution la plus prompte. Elle entretient pour cet objet une correspondance très vive avec la Commission de Commerce et Approvisionnement de la République. Dans ce moment l'opération pour le recensement des cochons et pour la répartition des pillots [Note : Pil ou pillot, terme breton synonyme des mots : chiffon, loque guenille. (Cf. LE GONNEC. Vocabulaire breton français)], chiffons et drapeaux [Note : le mot drapeau est ici également synonyme de chiffon] est en pleine activité.

ATELIER DES ARMES.
Soixante-dix à quatre-vingts ouvriers travaillent chaque jour à réparer les armes des défenseurs républicains. — 312 fusils ont été envoyés à Port-Malo dans le courant de la décade et remis à la disposition du représentant du peuple Le Carpentier.

PREMIÈRE RÉQUISITION.
964 jeunes gens de 18 à 23 ans sont partis en 5 détachemens pour Lille et Cassel. Un grand nombre de jeunes gens s'est embarqué sur les vaisseaux de la République. L'état définitif n'a pas été remis par le Commissaire [Note : Raffray, ancien administrateur du département que le commissaire ordonnateur Petiet (à Rennes) avait nommé à la fin de brumaire, adjoint-commissaire à celui de Saint-Brieuc. M. DE GARABY lui consacre une notice dans l'Annuaire des Côtes-du-Nord pour l'année 184, pp. 140-141]. Néanmoins on a déjà mis à exécution des mesures révolutionnaires contre une commune de l'arrondissement [Note : Dinan, où les anciens fédéralistes encourageaient les jeunes gens de la réquisition à une coupable abstention. (Cf. introduction)], de laquelle 61 jeunes gens vouloient se soustraire à la réquisition. Plusieurs sont déjà rentrés dans l'ordre et nous les avons fait partir pour le champ de la gloire. On rendra compte successivement des résultats de l'exécution de la loi du 23 août. (v. s.).

BIENS NATIONAUX DITS ECCLÉSIASTIQUES.
Il ne s'en est point vendu pendant le cours de la décade.

Bien nationaux des émigrés du district de Dinan (Bretagne).

 

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

CONTRIBUTIONS DIRECTES
Sommes recouvrées pendant le moins de floréal 1er décade 2ème année républicaine.

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

SALPÊTRE.
Atelier de Dinan :
Les ouvriers sont parfaitement au fait du lessivage des terres salpêtrées. Une quantité assez considérable d'eau de cuite est préparée et on construit les fourneaux. La chaudière sera de dix pieds de diamètre sur quatre de hauteur.

Ateliers d'Ecran et de Plancoët :
Ces établissemens se contiennent mais ils ne sont pas aussi avancés que celui de Dinan.

ESPRIT PUBLIC.
Sans avoir déposé la rouille des anciens préjugés on commence à adopter une physionomie un peu moins dominicale [Note : Périphrase singulière pour expliquer que l'on garde moins le dimanche]. La célébration décadaire remplace extérieurement les cérémonies des anciens derviches. Il faut croire que la persévérance révolutionnaire des administrateurs détruira l’ascendant de l'habitude.

 

XI. — Au Comité de Salut Public.
SURETÉ GÉNÉRALE (18 floréal) [Note : 7 mai 1794].

Nous vous addressons copie de différentes lettres que nous avons reçues le 15 de ce mois [Note : 4 mai 1794] et desquelles il résulte qu'une horde dévastatrice de brigands, connus sous le nom de chouans s'est portée d'un point à un autre sans marche certaine. Elle paraissoit se diriger vers le Morbihan, mais d’après la lettre reçue ce matin, de la muniapalité de Bécherel, district de Montfort, il semble que ces scélérats voudroient prendre la route de Fougères, s'il est vrai qu'après avoir quitté la maison de Beauvais [Note : Vraisemblablement une maison où un manoir appartenant à Célestin-Jacques-François Le Veneur de Beauvais, alors émigré, ou à ses héritiers], en Gevezai [Note : Gévezé], district de Rennes, ils ayent dirigé leur marche vers la forêt de Liffré, laquelle se trouve dans la commune d'Aubin-du-Cormier [Note : Saint-Aubin-du-Cormier], qui conduit à Fougères [Note : Th. LEMAS. Un district breton pendant les guerres de l'Ouest et de la Chouannerie (1793-1800). Le district de Fougères]. Nous assurons au Comité de Salut Public de la Convention Nationale que si ces scélérats venoient jamais souiller le sol de notre district, ils y trouveroient leur tombeau ; tous les républicains de notre arrondissement s'armeroient bientôt pour exterminer jusqu'au dernier de ces hommes abominables.

Nous n'avons cessé de correspondre, pour les détails qui nous ont été nécessités par l'approche des chouans, avec le représentant du peuple le Carpentier et avec les municipalités qui se trouvoient dans la direction des lieux qu'ils ont momentanément occupés.

Salut en la République ! Gloire en la Montagne !

XII. — Analyse des opérations faites par le Directoire du district pendant la 2ème décade du mois floréal.

EXÉCUTION DES LOIX.
Nous rendrons compte dans la prochaine décade de l'exécution de la loi des 27 et 28 germinal [Note : 16-17 avril 1794] concernant l'éloignement des ci-devant nobles [Note : Leur éloignement des villes maritimes]. Nous sommes en correspondance à cet égard avec le représentant du peuple Le Carpentier et nous attendons de lui des éclaircissemens sur l'application fixe de la dite loi et de l'arrêté du Comité de Salut Public du 29 germinal [Note : 18 avril].

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

CONTRIBUTIONS INDIRECTES.
Sur le produit pour 1793 de la régie de l'enregistrement, domaines et droits y réunis pour le compte du trésor public.

Montant des sommes recouvrées pendant les mois précédens : 52.560 l. 93.

BIENS NATIONAUX DITS ECCLÉSIASTIQUES.
Il ne s’en est pas vendu pendant le cours de cette décade.

BIENS NATIONAUX DITS D'EMIGRÉS.

Bien nationaux des émigrés du district de Dinan (Bretagne).

 

ESPRIT PUBLIC.
L'esprit de révolte, d'insurrection et de brigandage domine dans les districts qui nous avoisinent du côté du département d'Isle et Vilaine et du Morbihan. L'extrême surveillance que nous exerçons nous a préservés jusqu'à ce jour de tout événement insurrectionnel [Note : L'agent national Corseul écrivait le 23 floréal II (12 mai 1794) à Le Carpentier : « Il est urgent de former la municipalité de Pleslin, différemment qu'elle est. L'agent national est bon ainsi que Cotillard, officier municipal. Le reste est à changer. Je ne puis tirer aucun parti de cette municipalité. Il faut nécessairement que tu la changes. L'agent national est révolutionnaire et ne peut exister avec des modérés... Je t'observerai qu'il existe dans cette commune des prêtres réfractaires qui sont cachés et que l’on ne pourra jamais avoir tant que la municipalité sera composée comme elle est » A. D. C. N. 7 L 5 f. 15], mais nous sommes avertis qu'il existe en plusieurs communes des fermentations sourdes alimentées par la malveillance de l’aristocratie et par le fanatisme des prêtres réfractaires, auxquels nous donnons souvent la chasse, mais dont nous ne pouvons découvrir les repaires ténébreux.

 

XIII. — Analyse des opérations du Directoire du district de Dinan pendant la 3ème décade de floréal.

EXÉCUTION DES LOIX.
Aussitôt que la loi des 27 et 28 germinal [Note : 16-17 avril] nous fut connue, nous consultâmes le représentant du peuple Le Carpentier, sur la question de sçavoir si la commune de Dinan devoit être considérée comme place forte et ville maritime. Ce représentant nous répondit que son opinion étoit pour l’affirmative. En conséquence, nous primes, le 14 floréal [Note : 23 mai 1794], l'arrêté dont nous joignons une expédition. L'arrêté du Comité de Salut Public [Note : L'on était très peu fixé sur le sens de cet arrêté et, le 15 floréal (4 mai), le Directoire du Département demandait à Prieur de la Marne s'il concernait tous « les ci-devant nobles et étrangers du département » ou simplement ceux qui doivent quitter Paris] du 28 germinal nous laisse dans l’incertitude et nous désirerions que le Comité voulût bien fixer nos doutes en nous disant si l'arrêté porte sur tous les individus ci-devant nobles qui se trouvent sur le territoire des départemens mentionnés dans le dit arrêté. Dans le cas où cette disposition ne soit pas généralisée, il nous est également instant de savoir si l'expulsion des ci-devant nobles hors de la commune de Dinan, regardée comme place forte et ville maritime, attendu que la mer y pousse son flot par la rivière de Rance, oblige le Comité Révolutionnaire de Surveillance à ne donner des ordres de passe que pour les départemens non compris dans l'arrêté. Le contraire a cependant été observé jusqu'à ce jour et l’action de donner retraite a été, sous ce rapport, expliquée en faveur des ci-devant nobles.

SALPÊTRE
Nos travaux atteignent leur perfection. Nous annonçons, avec grand plaisir, au Comité de Salut Public que nous avons en cristallisation dans l'atelier sédentaire de Dinan une cuite qui rendra 125 livres de salpètre ; elle eût réussi bien plus parfaitement si l'eau n'y eût manqué tout-à-coup. Plusieurs établissemens de cette nature ambulans ou sédentaires se forment ou se perfectionnent dans notre arrondissement et nous avons tout lieu d'espérer que nos travaux auront un plein succès.

Bien nationaux des émigrés et des ecclésiastiques du district de Dinan (Bretagne).

 

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

PREMIERE RÉQUISITION.
Nous avons annoncé dans notre compte-rendu de la 1ère décade de floréal que 964 jeunes gens de 18 à 23 ans s’étoient rendus aux frontières du nord. Nous prévenons aujourd hui le comité que 483 citoyens aussi de la 1ère réquisition se sont enrôlés pour le service des armées navales de la République.

ESPRIT PUBLIC.
L'administration ne pourroit répéter sur cet article que ce qu'elle a précédemment annoncé, elle n’a reconnu depuis aucun progrès ni aussi aucune marche rétrograde.

OBSERVATION.
Le Comité de Salut Public remarquera que l'administration ne fait entrer dans ses analyses que l'extrait des opérations les plus significatives et de celles qui se trouvent à l'époque de la rédaction sur la ligne révolutionnaire.

 

XIV. — Analyse des opérations du Directoire du distriet de Dinan pendant la 1ère décade du mois de prairial.

EXÉCUTION DES LOIX.
Pendant le courant de la décade les opérations ordinaires relatives à l'exécution des loix ont eu lieu comme de coutume. Le Comité de Salut Public peut juger de l’ensemble des travaux de l'administration sur l'analyse qui lui est envoyée à la fin de chaque mois. Il remarquera que les administrateurs, régénérés par le représentant du peuple Le Carpentier, marchent avec hardiesse et fermeté sur la ligne des principes révolutionnaires.

Les loix sur les réquisitions des grains éprouvent en général les plus grandes difficultés ; la disette paroitroit se manifester sur toute l'étendue du district. Les mesures qui vont être prises feront connoitre si véritablement cette disette existe ou si elle est suscitée par la malveillance ou l'égoïsme.

L'administration s'occupe de l'exécution de la loi du 2 frimaire [Note : 22 novembre 1793] contre les pères et mères des citoyens de la 1ère réquisition [Note : Les pères et mères de citoyens insoumis étaient considérés comme péres et mères d'émigrés ; leurs biens étaient sequestrés. Les pères de déserteurs étaient incarcérés jusqu'au moment où leurs fils étaient saisis] qui n'ont pas rejoint les drapeaux de la liberté ; elle sera inflexible dans cette circonstance comme dans toutes celles où elle est chargée de développer les mesures révolutionnaires.

ATELIER POUR LA RÉPARATION DES ARMES.
Cet établissement composé d'environ 60 ouvriers se soutient et donne les résultats les plus satisfaisans. Indépendamment de la réparation des armes qui forme sa principale occupation, on y emploie encore plusieurs ouvriers à ferrer les chevaux de la République et à faire les autres travaux que nécessitent l'hôpital militaire et les divers ateliers de salpêtre. Un grand nombre de fusils est réparé et l'envoi en sera fait de jour à autre à Port-Malo et remis à la disposition du représentant du peuple Le Carpentier.

SALPÊTRE.
L'atelier de Dinan a recommencé une seconde cuite. A Plancoët, l'eau de cuite obtenue du lessivage du 3/4 des terres salpêtrées de la dite commune, se montant à la quantité de 4 barriques de 7 à 10 degrés, a été évaporée. On a obtenu beaucoup de sel marin et environ 30 livres de salpêtre. Cet atelier sera de suite transporté dans les communes environnantes [Note : Il fut alors transporté à Bourseul, puis au Guildo]. A Evran on continue à lessiver ; on attend une chaudière de Port-Malo pour opérer définitivement.

Une remarque générale sur les terres des campagnes du district de Dinan, c'est que toutes celles du sol, des maisons et granges, sont un mastic de terre argileuse et glaiseuse qui ne fournit aucun salpêtre. Les étables et bergeries sont inondées par les immondices des bestiaux, il ne reste de favorable à l'exploitation que les colombiers et quelques écuries et celliers [Note : Copie presque littérale d'un passage d'une lettre de Queilié en date du 11 prairial an II. — L'on était loin du millier de livres de salpêtre que l'agence révolutionnaire réclamait alors par district et par décade].

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

 

BIENS NATIONAUX DITS ECCLÉSASTIQUES.
Il ne s'en est point vendu pendant cette décade.

 

Bien nationaux des émigrés du district de Dinan (Bretagne).

 

XVI. — Analyse des opérations du Directoire du district de Dinan pendant la 2ème décade de prairial.

EXECUTION DES LOIX.
Observations préliminaires.

L'administration a recu la circulaire du Comité de Salut Public de la Convention Nationale du 1er prairial [Note : 20 mai 1794] ; elle va tâcher de remplir ses vues, en analysant, par ordre de matières les opérations qui lui sont commandées par les décrets de la Convention Nationale ou les arrêtés du Comité de Salut Public. L'administration observe cependant que les travaux sont divisés par bureaux ; que chaque bureau comprend une suite d’affaires analogues sous certains rapports mais cependant différenciées entre elles par quelques nuances. L'administration se donnera tous les soins possibles pour remplir les ordres qui lui ont été transmis par le Comité.

L'administration avoit observé dans le compte-rendu de la dernière décade qu'elle s'occupoit de l'exécution de la loi du 2 frimaire [Note : 22 novembre 1793] concernant les jeunes gens de la 1ère réquisition. Les mesures prises ont obtenu les plus heureux résultats et presque tous les déserteurs rentrent dans le devoir et vont se ranger sous l'étendard victorieux de la République. Les loix relatives aux contributions s'exécutent avec facilité. Les recouvremens reprennent l'activité désirée. La loi du 18 germinal [Note : 7 avril 1793], pour la levée des chevaux [Note : Il y eut cependant quelques incidents, et nous avons relevé un interrogatoire de Jean Langlais, aide de journée à Saint-Suliac et de Pierre Hervé, cultivateur à Pleudihen chez qui Langlais travaillait, d’où il appert que ces deux individus injurièrent gravement les citoyens Moignerois et Collas fils, commissaires de la municipalité de Plouer et Jean Plouer, commissaire de celle de Pleudihen. Ils refusérent au reste de leur présenter les chevaux. L'interrogatoire fut effectué par Thomas Salomon, juge de paix à Pleudihen, le 5 messidor an II (23 juin 1794)], s'est faite avec une activité et un succès satisfaisans.

Bien nationaux des émigrés du district de Dinan (Bretagne).

 

Bien nationaux des ecclésiastiques du district de Dinan (Bretagne).

 

Contributions directes du district de Dinan : exercices 1791, 1792 et 1793 (Bretagne).

ATELIER POUR LA RÉPARATION DES ARMES.
Cet atelier entretient toujours 60 ouvriers qui sont employés non seulement à la réparation des armes, mais encore à différens travaux comme on l'a détaillé dernièrement.
830 fusils ont été réparés jusqu'à ce jour.
446 ont été envoyés à Port-Malo.
Il reste 384 dans le magasin.

SALPÊTRE.
La quantité de salpêtre rendu à son entière perfection est de 482 livres.

(à suivre).

Voir   District de Dinan (Bretagne) sous la Révolution " Correspondance du Directoire du District de Dinan durant la période révolutionnaire (Partie 2). "

(Léon DUBREUIL).

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