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Députés du clergé du diocèse de Quimper aux États-Généraux en 1789

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Nous avons déjà parlé des députés du Clergé de Léon aux États-Généraux et à l'Assemblée nationale : Expilly et dom Verguet.

Ayant omis de faire mention de M. de Leissègue de Rozaven et de M. Loëdon de Keromen, nous allons suppléer ici à cette omission.

Le 2 Avril 1789, M. Jean-Marie de Leissègues de Rozaven, prieur-recteur de Plogonnec, fut élu à Quimper député du Clergé aux États-Généraux.

Dans le conflit qui s'éleva entre les ordres du Clergé et de la Noblesse avec le Tiers-État qui voulait que la vérification des pouvoirs des députés se fit en commun, et non plus dans le lieu primitivement réservé à chaque ordre, M. de Rozaven fut un des premiers à se rendre à cette funeste exigence du Tiers-État. Il siégeait à la droite de l'Assemblée nationale : quoi qu'il en soit, il eut la faiblesse d'y prêter le serment, le 3 Janvier 1791. C'était d'autant plus fâcheux que c'était un prêtre et un pasteur recommandable à tous égards. Aussi, à peine eut-il posé cet acte qu'il s'en repentit. Trois jours après, c'est-à-dire à la séance du 6 Janvier, malgré la difficulté qu'il dut éprouver, parce que l'Assemblée fermait, autant qu'elle le pouvait, la porte au repentir, soit en refusant la parole, soit en rejetant les lettres de rétractation ou d'explication des intéressés, M. de Rozaven rétracta publiquement son serment.

Cette satisfaction donnée à sa conscience et à l'Église, le député breton continua à siéger à l'Assemblée nationale jusqu'à sa clôture, puis, il revint dans sa paroisse.

Persécuté de toute façon par Expilly et ses suppôts, il fut obligé de s'expatrier. Le 2 Juin 1792, il quitta Quimper, accompagné d'un jeune neveu, qui devint plus tard religieux de la Compagnie de Jésus, et mourut assistant du général.

Ils s'embarquèrent pour l'Angleterre où ils arrivèrent, après avoir couru beaucoup de dangers.

Ils se fixèrent d'abord à Jersey, puis à Londres : enfin ils passèrent en Allemagne.

Nos guerres avec ce pays forcèrent les deux émigrés à changer plus d'une fois de résidence, lorsqu'enfin ils purent fixer leur tente à Paderborn.

Quelques ecclésiastiques s'étant réunis près de Vienne en Autriche, pour essayer de rétablir la Compagnie de Jésus, le jeune M. de Rozaven se joignit à eux et détermina son oncle à venir demeurer dans la maison occupée par la communauté naissante.

Le recteur de Plogonnec quitta cette maison, pour aller chez un habitant du voisinage, lorsque son neveu partit pour l'Angleterre.

Le confesseur de la foi n'eut pas le bonheur de revoir sa patrie ; il mourut vers la fin de 1801, à l'âge de soixante-neuf ans.

M. de Rozaven était né à Loc-Ronan, au diocèse de Quimper, le 1er Juillet 1732. Entré de bonne heure dans la Compagnie de Jésus, il professait la philosophie au collège de Caen, lorsque cet ordre religieux fut dispersé, en 1763. Revenu dans son pays natal, après cet événement, il fut successivement recteur de Châteaulin, de Plouhinec et prieur-recteur de Plogonnec.

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M. Loëdon de Keromen, né à Quimper en 1738, était recteur de Gourin [Note : Cette paroisse fait aujourd'hui partie du diocèse de Vannes], au moment de la Révolution : il fut nommé avec M. de Rozaven député aux États-Généraux par le Clergé du diocèse de Quimper. Prêtre édifiant et attaché aux bons principes, comme son collègue le prieur de Plogonnec, il crut devoir comme lui céder aux exigences du Tiers-État, en se réunissant à cet ordre pour la vérification des pouvoirs des députés : ce fut une faute.

Quand parut, le 13 Avril 1790, le décret de l'Assemblée nationale qui enlevait au Clergé l'administration de ses biens, supprimait les dîmes et refusait de reconnaître la religion catholique pour la religion de l'État, il s'associa aux énergiques protestations de Monseigneur de Boisgelin, Archevêque d'Aix, et du Cardinal de La Rochefoucauld, Archevêque de Rouen, contre ce décret inique.

Avec trente Archevêques ou Évêques députés à l'Assemblée, il signa, le 30 Octobre 1790, l'exposition éminemment catholique des principes sur la Constitution civile du Clergé, rédigée par Monseigneur de Boisgelin.

Le 3 Janvier 1791, M. Loëdon prêta le serment devant l'Assemblée, mais ce ne fut qu'un moment de surprise qui fut aussitôt réparé.

L'Évêque de Clermont avait, à la séance du 2 Janvier, proposé une formule de serment avec des restrictions qui eussent mis le spirituel en sûreté ; mais la séance fut si orageuse qu'il ne put obtenir la faculté de lire cette formule.

En présence de ce déni de justice, il la fit imprimer, avec le discours qui devait l'accompagner : les Évêques députés l'adoptèrent et la signèrent.

A l'exemple de ces Évêques, beaucoup de simples prêtres, membres de l'Assemblée connus par leur attachement à la religion, y donnèrent aussi leur adhésion.

Plusieurs de ceux qui avaient affligé l'Église, en se laissant entraîner au serment, vinrent la réjouir, en joignant leurs noms à ceux de leurs confrères fidèles, dont ils étaient désolés de s'être séparés, même pour un temps si court. Au nombre des députés Bretons, signataires, figura M. Loëdon de Keromen, recteur de Gourin : cet excellent prêtre ne se consola jamais d'avoir, un instant, trahi la bonne cause ; comme saint Pierre, il pleura, toute sa vie, son péché qu'il expia plus tard dans l'exil. Il pouvait regarder cette démarche comme une rétractation de son erreur et une réparation du scandale qu'il avait donné. Mais cela ne lui parut pas suffisant. Avec quelques-uns des compagnons de sa chute, dans la séance du 6 Janvier, il voulut la réparer sur le lieu même qui en fut le témoin. Après beaucoup d'efforts ; après s'être vu plusieurs fois brutalement repoussé, il finit par atteindre la tribune d'où, au milieu des cris de fureur de la gauche, il put cependant faire entendre sa rétractation.

Non content d'avoir signé la proposition de l'Évêque de Clermont, M. Loëdon, inconsolable du serment qu'il avait eu le malheur de prêter, signa en outre, avec onze curés qui avaient partagé sa faiblesse, la déclaration de M. Méchin, recteur de Brains, au diocèse de Rennes. Cette déclaration est datée du 5 Janvier : or, il avait fait le serment le 3 ; la réparation fut donc presque instantanée. Comme l'Assemblée refusa de la recevoir, les signataires la firent insérer dans le Journal ecclésiastique, afin de réparer par un acte public la faute qu'ils avaient commise devant les représentants de toute la France.

Voici cette déclaration qui expliquera comment M. Loëdon crut pouvoir prêter le serment.

« Messieurs,
Je croirais indigne d'un Français, d'un représentant de la nation, d'un ministre de l'Église, de chercher à conserver son état par des restrictions qui pourraient induire en erreur sur ses vrais sentiments. Avant-hier je montai à la tribune avec plusieurs de mes confrères, pour y prêter le serment civique ; nous le prêtâmes en effet, et le renfermant dans les bornes des objets civils et temporels, ainsi que nous le déclarâmes formellement dans le préambule prononcé par l'un de nous, nous crûmes agir conformément aux vues que l'Assemblée nationale avait plusieurs fois manifestées, qu'elle ne voulait toucher en rien au spirituel. Mais d'après ce qui s'est passé dans la séance d'hier, je crois, Messieurs, pour ne pas vous tromper, ou plutôt pour ne pas me tromper moi-même, je crois, dis-je, devoir vous déclarer, de la manière la plus positive et la moins équivoque, que je n'ai entendu prêter mon serment que sous la réserve expresse des objets spirituels et de l'autorité spirituelle de l'Église. Si ce n'est donc pas votre intention de l'admettre ainsi, je vous prie, Messieurs, de le regarder comme nul, et de me mettre au rang de ceux à qui la conscience n'a pas permis de le prêter purement et simplement; j'aime mieux perdre ma fortune et ma vie même, s'il le faut, que de les conserver aux dépens du du bien le plus cher et le plus précieux à tout honnête homme, le repos de ma conscience.

Je demande, en conséquence, que ma présente déclaration soit insérée, ou qu'il en soit fait mention dans le procès-verbal ».

Déporté en Espagne, M. Loëdon, mourut dans le diocèse de Tolède. La lettre suivante écrite de sa main va nous dire quels furent ses sentiments et ses souffrances pendant les jours de son exil : [Note : Cette lettre était adressée à M. Guillaume Rivoal, prêtre breton, à San-Cibrian de Campos, Palencia]

« J'ai reçu avec bien de la satisfaction, mon cher Rivoal, vos deux lettres, elles se sont suivies de très-près. La première paraît avoir fait le tour de l'Espagne, elle a mis plus de temps à me parvenir à Gones, que vous n'en avez mis à aller de Bilbao à Tolède et de Tolède à Palencia. Elle porte la date du 20 Juillet, et elle ne m'a été remise que le 31 Août, vous voyez qu'elle a fait bien du chemin ; j'ai reçu la seconde dans son temps.

J'apprends avec le plus grand plaisir que vous jouissez, ainsi que M. Le Goff, d'une santé parfaite et que quelque fatigues que vous ayez éprouvées, elle n'en a point été altérée. Vous êtes aujourd'hui en lieu de repos, et suivant ce que vous me marquez, la Providence ne vous a pas maltraité. Vous êtes, Dieu merci, bien pourvus l'un et l'autre ; il faut espérer que rien ne vous manquera ; tout le monde n'a pas le même bonheur : j'entends dire que plusieurs de ces messieurs se plaignent de leur place ; pour moi, mon cher ami, je ne suis pas bien, je souffre beaucoup de l'estomac, j'ai peine à me faire à l'huile, et depuis ma sortie de Bilbao, j'ai beaucoup perdu de mon embonpoint ; je n'en avais pas trop auparavant, je suis et je vivote à Gones, grâce aux faveurs de M. Coatpont, depuis trois mois. J'y ai peu d'agrément et beaucoup d'incommodités. J'y dis la messe à ma dévotion, et c'est une grande satisfaction pour moi.

Les messieurs prêtres du pays nous plaignent, mais voilà où se borne leur charité. Nous n'en avons reçu aucune politesse. Cependant, nous vivons très-familièrement avec eux, ils nous communiquent les nouvelles qu'ils reçoivent et nous leur communiquons les nôtres. Ils y prennent beaucoup d'intérêt, quand elles sont bonnes. Nous sommes cinq dans ce bourg, et commensaux, un Saintongeois, belle âme et saint garçon, MM. de Bodivit, Perguet et Le Normant, directeur du Calvaire [Note : Le recteur de Perguet était M. Pellerin ; celui de Bodivit, M. Compagnon ; M. Normand était directeur du Calvaire de Quimper]. Celui-ci est le grand ami des prêtres, comme il parle bien l'espagnol, ils l'estiment d'avantage, aussi ne lui manque-t-il pas de messes, tandis que les autres n'ont point de rétribution. Il chante toutes les grandes messes ; il est le cura parocho. Le pays est assez riant quoiqu'au milieu des montagnes. Mais d'un autre côté, nos désagréments sont sans nombre ; nous habitons une auberge, c'est tout dire ; nous y sommes fort mal nourris, et nous y payons trente sous par jour.

Je ne compte pas y demeurer longtemps, et avant que vous aurez reçu ma lettre, je serai probablement de retour à Bilbao, où j'aurai ma pension chez mon ancienne hôtesse, à 25 sous. Les fonds baissent, cher ami, la bourse se vide, il n'y entre rien, et les dépenses sont journalières. Je cours à l'hôpital et, malgré les richesses dont on m'a fait possesseur, je crois que je me verrai obligé avant peu d'entreprendre le voyage de Tolède, quelque pénible et fatigant qu'il puisse être. Il en arrivera ce qu'il plaira au bon Dieu : primo vivere, deinde philosophari.

Les nouvelles, il est vrai, sont très-bonnes, très-flamboyantes ; mais je n'y ajoute pas grande foi ; comme vous le savez : chat échaudé craint l'eau froide, et nous avons été si souvent bercés à Bilbao, que j'ai tout lieu de me défier de tout ce qui s'y débite.

Rien de plus beau, sans doute, rien de plus consolant, que toutes ces belles espérances. Je crois toujours très-fermement notre retour en France bien éloigné, et je désire bien sincèrement me tromper. Le temps est un grand maître ; il nous apprendra si j'ai raison ou non. Du pays nous ne recevons aucune nouvelle. Si le bon Dieu nous rappelait en France, quel changement n'y trouverions-nous pas ; cette idée est effrayante, elle me revient souvent. N'ayant rien à faire ici, si mon dictionnaire espagnol ne venait me distraire, je périrais bientôt, et je me perdrais dans les idées noires. Mais, Dieu merci, ce petit travail, qui m'occupe, donne du relâche à ces ténèbres dont nous sommes environnés. Abandonnons-nous à la Providence, cujus bonitati non est finis. Adieu, mes chers amis, prions les uns pour les autres. Bonne santé. Je suis de tout mon cœur,
LOEDON DE KEROMEN, Recteur de Gourin »
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Gones le 8 Septembre 1793.

P.-S. — J'embrasse Le Goff, et quand vous verrez vos autres compatriotes ou que vous leur écrirez, faites, s'il vous plait, mémoire de moi. Donnez-moi quelquefois de vos nouvelles, et adressez vos lettres à Bilbao, jusqu'à nouvel ordre.

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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