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Gabriel RAGUENÈS, prêtre guillotiné à Quimper
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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180. — Gabriel RAGUENÈS naquit à Crozon, le 11 janvier 1761, du mariage de Claude et de Jeanne Lesquivit, et fut baptisé le lendemain de sa naissance.

Il reçut le sous-diaconat à Quimper au printemps de 1784, car on possède encore son titre clérical qui fut établi le 16 février de cette année, mais la perte des registres de l’ancien évêché de Quimper ne permet pas de fixer la date de ses autres ordinations. On trouve M. Raguenès vicaire à Scaër, de 1787 à 1789. A la fin de cette année, il était vicaire à Pouldergat, et, le 29 octobre 1790, il fut envoyé remplir les fonctions ecclésiastiques à Landudec, où il refusa avec son recteur le serment à la Constitution civile, le 31 janvier 1791.

181. — La présence d’un curé intrus envoyé les remplacer ne put faire le clergé légitime abandonner son poste. Aussi le prêtre jureur réclama-t-il leur départ : « Raguenez, vicaire, ne m’est pas moins à charge que le sieur Andro (le recteur), écrivait l’assermenté Coroller au district de Pont-Croix, car il me fuit comme la peste. Il administre les sacrements. Si vous n’avez la bonté de lui signifier sa sortie avant la semaine prochaine, je crois qu’il s’en suivra bien du mal. Nous avons les Rogations, et s’il n’est expulsé avant ce temps, il pourrait engager le peuple à ne pas venir à la procession, ou même faire une procession, en assemblant le peuple de Guilguiffin ».

En conséquence, les administrateurs du district de Pont-Croix notifièrent à l’abbé Raguenès l’ordre de déguerpir au plus vite de Landudec, en exécution de l’arrêté du Département du 21 avril précédent. Tant et si bien que peu après le 30 mai 1791, nous trouvons l’ex-vicaire de Landudec, à son corps défendant, en résidence à Crozon, sa paroisse natale.

Il y fit preuve de tant de zèle que le 18 juillet suivant, les administrateurs du district de Châteaulin le désignaient au département parmi les prêtres desquels il fallait particulièrement prendre garde. Arrêté à Audierne le 27 suivant, on le mena au district de cette ville et de là au département. Celui-ci l’emprisonna à Brest le 31 juillet, d’où l’amnistie du 21 septembre 1791 le fit sortir. Rendu à la liberté, M. Raguenès reprit sans hésiter son dangereux ministère, mais il sut désormais si bien se dérober qu’on ne put dès lors le saisir, malgré différentes expéditions militaires dépêchées dans ce but à Crozon, spécialement le 22 janvier et le 6 février 1792.

Il n’est pas étonnant que si bien caché par ses compatriotes, auxquels sa présence était si précieuse, M. Raguenès n’obéit pas à la loi d’exil du 26 août 1792. On multipliait, vainement du reste, les recherches pour l’arrêter lui et ses pareils, si l’on en juge par le procès-verbal suivant, dressé le 26 avril 1793, en pleine Terreur, par les commissaires envoyés à Crozon :

« Nous vous avions promis un mot sur les prêtres et autres personnes suspectes du canton que nous avons visité. Nous avons remis au directoire du district la note des personnes suspectes dont l’arrestation nous paraît nécessaire. Nous avons donné la chasse aux prêtres, de nuit et de jour, mais sans succès. Nous avons passé entr’autres la nuit entière de dimanche à lundi dernier en patrouille avec le commandant et douze volontaires du bataillon qui est en garnison à Crozon.

Nous étions aussi accompagnés du maire. Il faut que nous ayons été mal servis par nos guides, car nous n’avons rencontré aucun des réfractaires. Le lundi, nous arrêtâmes seuls dans un groupe de dix à douze personnes, et, à la sortie du marché, un individu qui nous avait été donné pour un prêtre : nous le conduisîmes devant le curé constitutionnel, qui nous assura que nous nous étions trompés. Nous le relâchâmes, en pestant un peu contre notre mauvaise fortune, et nous aurions amené le curé (jureur) en sa place, s’il avait été moins patriote. Il sera absolument nécessaire de délivrer promptement le canton de Crozon de ces prêtres perturbateurs qui l’ont si horriblement fanatisé. Leur présence serait trop dangereuse au moment d’une descente. On prétend que le jour ils se retirent dans le creux des rochers. Lorsque vous aurez renforcé la garnison de Quélern, Crozon et Camaret, il faudrait les faire mettre sur pied toutes à la fois et faire visiter simultanément les divers points des côtes. Il sera indispensable d’associer à cette visite quelques patriotes zélés, pris hors du canton pour plus de sûreté, et qui connaissent ces prêtres. La nuit, ils couchent tantôt dans un village, tantôt dans un autre. C’est ce qui rend leur capture si difficile. Pour l’assurer, il faudrait fouiller presque tous les villages ensemble, ce qui est impossible. Cette fouille, d’ailleurs, ne pourrait réussir que de jour ».

182. — Durant que l’on s’acharnait à le perdre, M. Raguenès, de son côté, faisait tout le ministère compatible avec sa situation. On possède un acte de mariage rédigé par lui le 10 novembre 1793, et vers la même date, un patriote de Crozon ne rougissait pas de proposer, pour s’emparer de sa personne, de mettre sa vieille mère en arrestation.

Enfin le 21 germinal an II (10 avril 1794) sur une réquisition dressée par l’ex-curé constitutionnel de Crozon, le citoyen Savina, abdicataire de son état et fonctions et métamorphosé en agent national, lequel avait reçu des indications de la femme de l’entreposeur de cette localité, les jacobins de l’endroit, aidés d’un détachement du 3ème bataillon de l’Ain, duement stylés par leur commandant Armspac'h, partirent en expédition. On leur avait signalé le manoir de Goandour comme donnant asile à des prêtres réfractaires, une section s’y rendit et commença les perquisitions. D’après un rapport du chef de bataillon susnommé, : « Les grenadiers ayant pris leurs dispositions pour entourer cette ferme, tout à coup le grenadier aperçoit un gros paysan qui lui a paru suspect et lui crie « Halte-là, tu es un prêtre ». Celui-ci voulut s’évader, aidé de quelques femmes clientes, mais le brave sans-culotte en a bientôt imposé à cette séquelle fanatique et a amené avec ses camarades ce gros réfractaire à la municipalité qui, sur le champ, l’a fait conduire par 12 grenadiers à Ville-sur-Aulne (Chateaulin), au grand désespoir de toutes les bigotes de cette commune. Précédemment j’avais donné le signalement de ce reptile au maître-cordonnier du bataillon, qui loge dans la maison de la mère de ce coquin, en cas qu’il eut des habitudes dans cette maison, mais il paraît qu’il n’y est pas venu depuis notre arrivée ici ».

De Crozon, où on lui refusa avant son départ, la consolation d’embrasser sa mère, on conduisit M. Raguenès à Chateaulin (Ville-sur-Aulne en charabia jacobin). De là, on le dirigea sur Quimper, où on l’incarcéra à la maison d’arrêt.

183. — Le vaillant ministre de Jésus-Christ comparut deux jours après devant le Tribunal criminel du Finistère chargé de l’expédier à la guillotine. On a publié intégralement ailleurs son interrogatoire. Les réponses de M. Raguenès ne démentirent pas sa conduite antérieure. Il déclara nettement n’avoir jamais prêté aucun serment relatif à la constitution schismatique du Clergé, et ne s’être point soumis aux lois persécutrices qui, pour priver les fidèles de tout secours spirituel, prétendaient expulser de France les prêtres catholiques romains. Il prit garde pour le reste de ne compromettre personne par une parole indiscrète, sachant qu’il y allait de la tête de ses hôtes pour une imprudence de langage.

Comme la loi des 29 et 30 vendémiaire l’exigeait, l’abbé Raguenès fut condamné à mort en qualité de prêtre insermenté, demeuré caché en France pour y faire du ministère. Son exécution eut lieu à Quimper le 13 avril 1794.

D’après des récits laissés par des témoins autorisés, M. Raguenès, le matin même de son trépas, pardonna aux juges qui l’avaient condamné, puis déjeuna avec sa mère, à laquelle on avait permis l’entrée de sa prison. Elle eût désiré se trouver présente à sa mort. Le prêtre refusa. La mère insista, faisait valoir que la Sainte Vierge avait bien été présente à la mort de son Fils. M. Raguenès répondit, avec un ton honnête : « Ma mère, vous ne savez ce que vous dites ; il n'y a nulle comparaison à faire entre Dieu, la Sainte Vierge et de misérâbles pécheurs comme nous ; en grâce, retirez-vous, et donnez-moi le temps de me préparer à la mort ». Sa mère prit congé de lui et sortit aussitôt de la ville, bien contente, disait-elle, d'avoir un fils martyr.

A 9 heures, la force armée arrive à la prison pour le conduire à l’échafaud. Il marcha d’un pas si ferme et si fort, qu’il étonnait tous les spectateurs, même les plus scélérats. Arrivé sur l’échafaud, il se mit à genoux, fit une courte prière, se leva avec courage, se dépouilla lui-même de sa veste, et se mit sous la guillotine ; le couteau tombe et lui coupe à peu près la moitié du cou ; M. Raguenès parle encore ; le bourreau lève le couteau et le laisse tomber une seconde fois ; la tête n’était pas tout à fait décollée. Un général républicain était présent à la tête de sa troupe ; il détache tout à fait la tête d’un coup de sabre, et dit : « C’est dommage que ce soit un fanatique, il n’y a pas de républicain qui meure avec plus de courage ». Son acte de décès ne fut dressé que le 1er mai qui suivit son trépas.

184. — Toujours à Crozon, où la famille de M. Raguenès possède encore de nombreux représentants, les bons catholiques de l’endroit ont cru que M. Raguenès avait été guillotiné parce qu’il ne voulait pas trahir sa Foi. Ils conservent son souvenir et attachent à sa mémoire l’auréole du martyre.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les martyrs de la Foi, etc., op. cit. (1821), IV, p. 400. — Thephany : Histoire de la Persécution religieuse dans les diocèses de Quimper et Léon, op. cit. (1879), p. 384. — Peyron, Les prêtres morts pour la Foi au diocèse de Quimper, op. cit. (1919), p. 67. — Peyron, Pondaven, Perennès, Le manuscrit de M. Boissière, op. cit. (1927), p. 49, 128, 129, 132, 140, 142. — Istor Breiz, op. cit.. (1868), 4ème édit., p. 708. — Perennès, Les prêtres du diocèse de Quimper mis à mort pour la Foi ou déportés, in-8°, Brest, 1928, t. 1er.

(Archives du Finistère, série L non cotée, et dossiers du tribunal criminel de ce département).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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