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L'ÉTAT DU CLERGÉ DE CORNOUAILLE A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME

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L'ÉVÊQUE ET LE CHAPITRE.

L'évêque de Quimper : Mgr Conen de Saint-Luc. — Mgr Toussaint-François-Joseph Conen de Saint-Luc, évêque de Quimper de 1773 à 1790, naquit à Rennes en 1724. Issu d'une famille de vieille noblesse, il fit ses éludes chez les Jésuites de Rennes, puis au séminaire de Saint-Sulpice. Pourvu de bonne heure d'un canonicat à la cathédrale de Rennes, il fut nommé par le roi abbé commendataire de l'abbaye de Langonnet, en 1766 [Note : A. Crosnier, Victoire Conen de Saint-Luc, Paris, Beauchesne, 1919, passim.]. En 1773, son frère Gilles étant depuis deux ans président à mortier au Parlement de Bretagne, l'abbé Conen de Saint-Luc fut nommé à l'évêché de Quimper, le 2 mai, en remplacement de Mgr Grossoles de Flamarens transféré à Périgueux. Mgr de Flamarens n'ayant occupé le siège de Quimper que quelques mois. Mgr de Saint-Luc succédait en fait, dans l'administration de ce diocèse, à Mgr Farcy de Cuillé, mort en 1772, après 33 années d'épiscopat au siège de Saint-Corentin [Note : Pendant plus d'un siècle, de 1668 à 1773, trois évêques seulement occupèrent ce siège, leur épiscopat ayant duré respectivement 38 ans, 32 ans et 33 ans. D'ailleurs, au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, les longs épiscopats furent comme une sorte de tradition au siège de Quimper. Aussi la continuité du gouvernement ecclésiastique y fut plus grande que dans le reste de la Bretagne. De plus, la Cornouaille fut le seul évêché breton où des évêques d'origine bretonne se succédèrent à peu près sans interruption de 1573 jusqu'à la Révolution. (Mgr de Cuillé, né en Anjou, était breton par sa mère et Mgr de Flamarens ne passa guère plus d'un semestre en Cornouaille). Cette particularité mérite d'être notée car sur les 69 évêques qui ont administré les 9 diocèses bretons, de 1668 à la Révolution, plus des deux tiers étaient étrangers à la Bretagne].

Mgr de Saint-Luc fut, comme d'ailleurs Mgr de La Marche, un protégé du duc d'Aiguillon. L'intervention du Commandant en chef en Bretagne en faveur de la nomination de l'abbé de Saint-Luc fut justifiée par les difficultés particulières auxquelles se heurtaient en Bretagne les agents du pouvoir central.

L'histoire politique de la Bretagne au XVIIIème siècle est remplie par une lutte incessante entre la royauté et la noblesse bretonne. Celle-ci, en défendant les droits, privilèges et libertés de la Bretagne et, par suite, son autonomie financière, judiciaire et administrative, ne songeait guère qu'à sauvegarder ses propres privilèges de classe.

D'ordinaire aux Etats de la Province, le Tiers et l'ordre de l'Eglise se rangeaient de l'avis des représentants du roi et ainsi, dans les circonstances critiques, les décisions étaient emportées à la majorité de deux ordres contre un. Mais le pouvoir central ne pouvait se passer du concours de l'ordre de l'Eglise ; il veillait donc jalousement à l'entière soumission des membres de cet ordre. Dispensateur des bénéfices majeurs, évêchés et abbayes, qui donnaient entrée aux Etats, le roi n'accordait ces faveurs qu'à bon escient. Ses agents en Bretagne, le Commandant en chef et l'Intendant exigeaient des candidats un loyalisme à toute épreuve. Le duc d'Aiguillon surtout se montra inflexible sur ce point. Il écrivait en 1762 : « J'ai représenté plusieurs fois qu'il était nécessaire pour le bien du service du roi qu'on fût assuré du caractère des ecclésiastiques auxquels Sa Majesté donnerait des bénéfices en Bretagne. Il est impossible qu'un Commandant en Bretagne fasse faire aux Etats ce que le roi exige d'eux, si les distributeurs de ses grâces n'ont pas la bonté de prendre de lui des mémoires sur ceux qui les composent et d'avoir égard à ses demandes et à ses plaintes » [Note : Abbé Louis Kerbiriou, Jean-François de La Marche, évêque comte de Léon (1729-1806). p, 22].

C'est dans ces conditions que l'abbé de La Marche fut nommé à l'abbaye de Saint-Aubin-des-Bois, en 1764, et l'abbé de Saint-Luc, à l'abbaye de Langonnet, en 1766. Sans nul doute, tous deux eurent des obligations au duc d'Aiguillon. Celui-ci, un moment tombé en disgrâce, rentra en faveur en 1771. Chef du Triumvirat, d'Aiguillon fut tout puissant jusqu'à la mort de Louis XV. C'est pendant le Triumvirat que l'abbé de La Marche fut appelé à l'évêché de Saint-Pol (27 juin 1772) et l'abbé de Saint-Luc à l'évêché de Quimper, (1er mai 1773).

Une partie de la Noblesse et du Parlement ne manqua pas d'attribuer ces nominations à l'intrigue et à la faveur. « Une calomnie contre lui (Mgr de Saint-Luc) disait qu'il aspirait à l'épiscopat. et que c'était pour y mieux parvenir qu'il engageait M. son frère à tenir la conduite qu'il a tenue pendant les premiers troubles du Parlement de Bretagne » [Note : Lettre écrite le 11 février 1791, par une religieuse de Rennes à l'abbé Boissière, ancien secrétaire de Mgr de Saint-Luc. Arch. nationales. W.423].

La nomination de Mgr de Saint-Luc à Quimper ne fut pas très favorablement accueillie en Cornouaille. La noblesse et la bourgeoisie savaient que la famille de Saint-Luc avait d'anciennes et fortes attaches avec les Jésuites. Daus le clergé séculier même beaucoup pensaient que le nouveau prélat serait l'instrument docile d'une puissance occulte qui conservait l'esprit, les méthodes et les agents de l'illustre compagnie. Nous trouvons un écho de ces préventions dans une lettre adressée à l'évêque, en février ou mars 1774, par Le Guillou, recteur d'Elliant. « Je crois devoir à l'attachement que je vous ai voué de vous prévenir qu'on est presque généralement convaincu, dans ce pays, que Votre Grandeur est et sera totalement livrée aux Jésuites. Je débite partout et ne cesserai de répéter qu'il n'en est rien » [Note : Arch. du Finistère, I G. 437. Correspondance des évêques, février 1774].

La vérité est qu'en toutes circonstances, Mgr de Saint-Luc témoigna aux ex-jésuites une bienveillance particulière. Quelque discrétion qu'il mit dans la distribution de ses faveurs, il n'arrivait pas à détruire les préventions ni à calmer les susceptibilités d'une partie de son clergé. Nommait-il le P. Kerillis, ex-jésuite, supérieur des retraites bretonnes des femmes ? On lui écrivait : « Cela fait une très mauvaise sensation et préviendra, à coup sûr, votre clergé contre vous. D'ailleurs, les recteurs n'aiment point à être présidés par un simple prêtre ». Révoquait-il un de ses vicaires généraux qui n'avait plus sa confiance ? « Les bastionnaires criaient à l'injustice, faisant courir le bruit que l’évêque l'avait destitué pour avoir admis l'abbé Bertho à concourir avec M. Loëdon, jésuite » [Note : Arch. du Finistère, I G. 437. Correspondance des évêques, février 1774].

Mais à la longue, ces préventions tombèrent et la confiance naquit. Le trait dominant du caractère de l'évêque était la bonté, sentiment qu'il portait jusqu'à l'oubli total des injures. Cette bonté eut raison de toutes les hostilités et bientôt lui gagna tous les cœurs.

Mal conseillé, au début de son épiscopat, il prit, un moment, bien à contre-cœur, sans doute, une attitude combative qui ne convenait pas à son tempérament. A l’exception d'un conflit passager avec la franc-maçonnerie, conflit où il fut jeté un peu à la légère par son entourage, il ne s'occupa guère de politique. Il s'efforçait d'éviter toute querelle, même s'il devait en coûter à son amour-propre ; il avait horreur des procès [Note : « Je n'aime point les procès et la Providence permet qu'il m'en arrive tous les jours pour ainsi dire ». Lettre du 3 février 1788. Arch. nationales, W. 423]. Esprit conciliant, traditionnaliste sans raideur, loyaliste sans ambition ni ostentation, il ne fut guidé dans l'administration de son diocèse que par le souci des intérêts purement religieux. Il s'est peint tout entier dans ce vœu qu'il exprimait quelques mois avant sa mort : « Qu'on rende à Dieu son culte, au roi son autorité, je donnerais ma chemise » [Note : Arch. nationales, W. 423. Lettre du 23 janvier 1790].

Mgr de Saint-Luc et la frant-maconnerie. — En 1776, un conflit surgit entre Mgr de Saint-Luc et les francs-maçons de Quimper. L'incident qui le fit naître, bien mince en soi, prit cependant les proportions d'un grand évènement, parce qu'il se rattachait à la grande lutte, qui au milieu du XVIIIème siècle, mit aux prises les Parlements, les Jansénistes, les philosophes et les francs-maçons, d'une part, les Jésuites, le parti des dévots et des absolutistes, d'autre part.

En 1773, l'année même où, après de longues hésitations, le pape consentit à la suppression de l'ordre des Jésuites, la franc-maçonnerie française prenait une vigueur nouvelle par la fondation du Grand-Orient, sous les auspices du duc de Chartres, le futur duc d'Orléans, Philippe-Egalité. La franc-maçonnerie fut particulièrement active après la mort de Louis XV et la chute de d'Aiguillon, considéré comme l'instrument des Jésuites [Note : Louis Amiable, Une loge maçonnique d'avant 1789 : Les neuf sœurs, p. 9 et sqq.]. Louis XVI et ses frères étaient francs-maçons. Depuis 1774, le Grand-Orient avait son siège à l'ancien noviciat des Jésuites ; il semblait que le Grand-Orient succédât à la compagnie de Jésus. C'était le temps ou Mirabeau, pour organiser la propagande maçonnique, invoquait l'exemple des Jésuites : « Nous avons des vues toutes contraires, disait-il, celles d'éclairer les hommes, de les rendre libres et heureux ; mais nous devons et nous pouvons y parvenir par les mêmes moyens. Et qui empêcherait de faire pour le bien ce que les Jésuites ont fait pour le mal » [Note : Louis Barthou, Mirabeau, p. 57].

La franc-maçonnerie trouvait de nombreux adeptes dans tous les ordres : noblesse, bourgeoisie, clergé. Le nombre relativement considérable des ecclésiastiques francs-maçons inquiétait le parti des dévots. Bien qu'à deux reprises, en 1738 et en 1751 le pape eût fulminé l'excommunication majeure contre les adeptes de la franc-maçonnerie, la plupart des loges comptaient de nombreux ecclésiastiques gallicans. Les parlements d'ailleurs refusèrent d'enregistrer les bulles pontificales. Le 11 mars 1776, c'est un abbé, homme de lettres, Cordier de Saint-Firmin, qui prend l'initiative de la constitution d'une nouvelle loge à Paris, celle des Neuf-Sœurs, et c'est le même abbé qui, en 1778, présente Voltaire à l'initiation maçonnique.

D'autre part, malgré la suppression de leur ordre, les Jésuites demeuraient puissants. Aussi la lutte continua, plus sournoise mais non moins ardente. Après leur dispersion, de nombreux ex-jésuites étaient rentrés dans leur diocèse d'origine et y occupaient généralement des postes de choix, sans avoir rien abandonné de leur ardeur combative. Ils ne cessaient de dénoncer la propagande maçonnique et l'alliance prétendue scandaleuse de certains ecclésiastiques avec les destructeurs de leur ordre.

C'est dans ces conditions que Mgr de Saint-Luc jugea à propos d'attaquer, de façon discrète et voilée d'ailleurs, les francs-maçons quimpérois.

Dès 1774, Le Guillou, recteur d'Elliant, promoteur du diocèse, dénonçait à son évêque l'influence croissante de la franc maçonnerie à Quimper et préconisait des mesures préventives.

« On annonce, à Quimper, que M. de Tréverret [Note : Léon de Treverret, sénéchal de Quimper, fut nommé, le 6 août 1774, sénéchal de Rennes. Son successeur au presidial de Quimper, Le Goazre de Kervélégan, fut installé le 31 août 1774] est sénéchal de Rennes et que M. de Kervélégan est sur les rangs pour le remplacer, à Quimper. Je crois devoir, en conséquence, vous prévenir, Monseigneur, que ce M. de Kervélégan est franc-maçon outré et notoire et que s'il devenait sénéchal de votre ville de Quimper, il ne manquerait pas de favoriser avec succès cette misérable société qui depuis quelque temps a fait beaucoup de progrès et en fait encore de jour en jour.

Presque tous les ordres y fournissent des associés et notamment le Présidial, sans compter M. de Kervélégan. On assure même comme indubitable que M. l'abbé de Reymond est du nombre ainsi qu'un ou deux autres de vos chanoines. Un célèbre procureur du Présidial a dit devant moi, il y a trois ou quatre mois, que désormais malheur à ceux qui, n'étant pas francs-maçons, auraient des procès à ce tribunal contre ceux qui le seraient, par la raison que la plupart des juges l'étaient.

Comme le roi s'est réservé, dit-ou, la nomination de tous les sénéchaux de son royaume, vous pourriez aisément, Monseigneur, engager M. le Chancelier [Note : A ce moment, Moupeou était encore Chancelier, mais il n'était plus en crédit. Maurepas obtint son renvoi, le 24 août 1774] à exclure de cette charge M. de Kervélégan, en cas que vous le jugeriez convenable. Vous pourriez encore, Monseigneur, faire donner des ordres pour saisir les papiers et autres effets des francs-maçons et pour empêcher ces assemblées désapprouvées par la religion. Mais je crois qu'il vaudrait mieux donner cette commission au lieutenant-prévôt, pour ne pas compromettre les juges » [Note : Lettre du 22 juillet 1774. — Arch. du Finistère, 1 G. 437].

En 1776, il existait à Quimper 2 loges dont la plus prospère, la Parfaite union, avait pour vénérable l'abbé de Reymond, chanoine, conseiller au Présidial. Cette loge comptait dans son sein des nobles, des magistrats, des négociants, des médecins, des procureurs [Note : Cf. Gustave Bord, La franc-maçonnerie en France des origines à 1815, t. I, p. 464. Le journal « Le Finistère » a publié dans un feuilleton, du 11 avril 1896, une liste de membres de « La Parfaite union »], « tenant dans la ville un rang et une autorité qui les rendaient redoutables ».

Le samedi 8 juin 1776, à la fin d'une grande mission donnée à Quimper, avec le concours de 40 des prêtres les plus distingués de son diocèse, Mgr de Saint-Luc, « sollicité de prêcher contre une certaine association formée depuis plusieurs années en cette ville, au grand scandale de la religion et des mœurs » et qui « ne tend à rien moins qu'à conduire au déisme et an libertinage », exhorta ses auditeurs « à fuir ces conventicules ».

« Sans nommer cette association, écrit Mgr de Saint-Luc, j'en dis assez pour faire connaître celle des francs-maçons qui fait beaucoup de mal dans ce diocèse » [Note : Déposition de Mgr de Saint-Luc, publiée par Téphany, Histoire de la persécution religieuse dans les diocèses de Quimper et de Léon de 1790 à 1801, in-8° Quimper 1879, p. 115 et sq.]. Faisant allusion au droit d'entrée exigé des nouveaux francs-maçons, droit relativement considérable, gage, en quelque sorte, de leur sincérité, l'évêque affirma « qu'il s'était commis des escroqueries, sous prétexte d'association, tant en ville qu'à la campagne et qu'on en avait la preuve ». Il y eut un grand émoi dans l'aristocratie quimpéroise. Les francs-maçons mirent le prélat au défi de renouveler ses accusations. L'évêque récidiva, le dimanche 9 juin, mais, sur-le-champ, il reçut du procureur du roi au Présidial une assignation à comparaître, le lendemain, 10 juin, à 10 heures du matin, à la Chambre du conseil, « devant M. le lieutenant civil et criminel dudit siège, pour déposer, comme témoin, contre les auteurs, fauteurs et complices de certaines escroqueries commises sous prétexte d'association ». Le lieutenant civil et criminel n'était autre que Bobet de Lanhuron, qui « se faisait gloire » d'être officier de la loge « La Parfaite union ».

L'évêque répliqua qu'il ne croyait pas devoir comparaître, n'ayant sur cette affaire que les renseignements fournis par un gentilhomme quimpérois, M. de Geslin, témoin également assigné. Un nouvel exploit fut immédiatement envoyé à l'évêque pour l'obliger à comparaître. Il se rendit à cette convocation mais refusa de s'expliquer, estimant que le sermon par lui prononcé à la cathédrale n'était pas de la compétence des juges du Présidial. Ainsi, l'évêque soulevait une exception de principe qui mettait en conflit l'épiscopal et la magistrature civile. Le débat allait s'élever et s'élargir : c'était inévitablement ranimer la vieille querelle des Parlementaires et des Jésuites. De part et d'autre, on le comprit. D'extrême urgence, l'évêque en informa ses amis de Rennes, les Agents du clergé et le Garde des sceaux, tandis que les magistrats en référaient au Parlement de Bretagne.

Dès le 14 juin, à Rennes, le parti des Jésuites s'occupe de la défense de Mgr de Saint-Luc Des conseils sont adressés au prélat sur la conduite à tenir, car on présume que l'incident aura des suites graves.

Rennes, 14 juin 1776 [Note : Lettre non signée, émanant vraisemblablement d'un dignitaire ecclésiastique de l'évêché de Rennes. Arch, du Finistère, 1 G, 437].
A Monsieur l’Evêque de Quimper,
« Vos deux lettres m'ont donné lieu de faire bien des réflexions et de voir beaucoup de monde. Tout bien examiné, vous avez pris le bon parti. M le marquis d'Aubeterre sera à Quimper, à peu près dans le même temps où vous recevrez cette lettre. Informez-le de tout ce qui s'est fait dans votre ville, de tout ce que vous avez écrit au Ministre.

En l'informant de ces deux objets, gardez bien votre air naturel, afin qu'il soit convaincu qu'il n'y a aucun esprit de parti chez vous et que ce n'est point un zèle indiscret qui a dicté vos démarches. Votre cause, en ce moment, ne me paraît point être celle de M. l'abbé de Saint-Luc qu'on croit pouvoir croquignoler sans conséquence, mais celle d'un évêque qui n'a fait que son devoir...

... Il faut caver au plus fort, dans cette affaire. A la tournure qu'elle prend, je ne serais point surpris qu'on vous décrétât. Cela fera un procès entre le corps épiscopal et les présidiaux. L'avenir nous apprendra de quel côté sera le succès. Vous savez qu'on ne se familiarise point à voir un évêque décrété ; vous avez vu aussi que de pareils maux, il résulte de très grands biens. Allez votre train, soutenez votre modeste contenance.

J'ai informé mon prélat [Note : Mgr François Bareau de Girac, évêque du Rennes] de tout ce que vous me marquez ; vous feriez bien de l'en instruire vous-même. Il aime son ordre et, ne serait-ce que par honneur, il fera l'impossible. Cette marque de confiance d'ailleurs lui fera plaisir.

Conservez votre sérénité : cela est nécessaire à tous égards. Plus on vous fera de mal et plus on vous servira. Je ne vous blâme point d'avoir comparu : M. Duparc-Poullain. (t. IX, p. 361) est de votre avis » [Note : Arch. du Finistère, 1 G, 437].

L'affaire fit grand bruit. Le Garde des Sceaux et le Parlement de Bretagne en informèrent. Le lieutenant civil et criminel, Bobet de Lanhuron, et le procurenr du roi furent mandés à Versailles. Peu après, Mgr de Saint-Luc reçut avis de sa nomination à l'évêché de Saint-Flour, pour le soustraire aux persécutions dont il était l'objet, en Cornouaille. L'évêque fit agréer au roi sa profonde reconnaissance, mais refusa formellement cette marque de bienveillance. Sur sa demande, il fut maintenu à Quimper : « il espérait, avec la grâce de Dieu, gagner, par ses bons procédés, celles de ses ouailles qui s'étaient écartées du sentiment qu'elles devaient à leur pasteur » [Note : Abbé Téphany, Histoire de la persécution religieuse, op. cit. p. 15]. Mais il ne fallut rien moins que l'intervention personnelle du roi pour arrêter l'affaire.

Il semble, d'ailleurs, qu'à Quimper on ait mis, de part et d'autre, une égale bonne volonté à clore ce fâcheux incident et que, dans la suite, les francs-maçons quimpérois n'eurent qu'à se louer de la courtoisie et des bons procédés de Mgr de Saint-Luc.

Revenus de l'évêque. — Les revenus de l'évêché de Quimper provenaient 1° des dîmes : 8094 l., des fermes des terres, moulins et fours : 4 434 l., des rentes, casuels et cheffrentes du fief des regaires : 3.637 l., du produit de la juridiction des regaires : 1.500 l., au total, d'après l'état fourni par l'évêque en 1790 : 17 665 l.

La mense abbatiale de Landévennec, unie à l'évêché depuis 1783, avait un revenu de 17.410 l. Le revenu global atteignait 35 076 l.

Les charges étaient d'appréciation difficile. Elles furent particulièrement lourdes en 1789 et 1790 et certaines sources de revenus étaient taries dès 1789. Le revenu net pouvait être évalué, en 1788, à environ 22.000 l. [Note : D. Bernard, Le fief des regaires de Cornouaille au Cap-Sizun, Bull. soc. archéol. du Finistère, 1911, p. 124].

Revenus du Chapitre. — Le chapitre de la cathédrale de Quimper comprenait 4 dignités et 16 canonicats. A chacune des dignités étaient attribuées les dîmes ou gros fruits d'une paroisse. C'étaient, pour l'archidiaconé de Cornouaille, (abbé Descognets) les dîmes de Beusec-Cap-Caval : pour l'archidiaconé de Poher (abbé Du Laurents, vicaire-général), celles de Plonévez-du-Faon ; pour la chantrerie, (abbé Louis-Jean Gilart de Larchantel, vicaire-général) celles de Merléac et, pour la trésorerie, (abbé Thiberge) , celles de Pluguffan [Note : Arch. du Finistère, 1 G. 457, 459. — Cf. Abbé Peyron, Prébendes et revenue du chapitre de Cornouaille, broch. in-8° Quimper, Leprince, 1900].

Le chapitre de Quimper était pauvrement doté. Au dire des chanoines, en 1780, « il n'était peut-être pas de chapitre d'église cathédrale aussi maltraité que celui de Quimper ». Pour rendre à leur église « une partie de cette ancienne splendeur qu'elle avait perdue », les chanoines demandaient l'union de la riche abbaye de Daoulas à la mense capitulaire [Note : A. Peyron, Prébendes, op. cit, p. 12]. En vain, Mgr de Saint-Luc tenta de remédier à cette pauvreté qui contrastait de façon choquante avec l'opulence de certains chapitres de petits évêchés, comme celui de Dol.

Les revenus des 16 canonicats, fort inégaux, variaient de 100 à 2.500 l. ; 5 prébendes dépassaient légèrement 2.000 l., les autres n'atteignaient pas 1.000 l.

Outre les prébendes attachées aux dignités et canonicats, les chanoines jouissaient de revenus communs obits et fondations à la cathédrale, pain du chapitre, revenus des maisons prébendales. Ces revenus communs ne devaient pas être inférieurs à 6.000 l. A lui seul, le revenu connu sous le nom de pain du chapitre, comprenant les dîmes des 3 grandes paroisses de Plonéour-Lanvern, Trégunc et Glomel pouvait être évalué à plus de 4.000 l., en 1779, et ces prébendes collectives acquirent, comme les rentes en nature, dix ans plus tard, une importante plus-value.

L'ensemble des revenus du chapitre, des dignités et canonicats était estimé, en 1780, à 19.000 ou 20.000 l. seulement, abstraction faite, il est vrai, des obits, fondations et revenus des maisons prébendales. En fait, il semble, d'après les rôles des décimes, que l'évaluation ait été portée, en 1789, à environ 29.000 l., soit une augmentation de 45 % qui s'explique par une estimation plus sévère de la totalité des revenus et surtout par la plus-value des dîmes.

Les variations des revenus ecclésiastiques au XVIIIème siècle. — Les revenus ecclésiastiques étaient essentiellement variables. Provenant, en majeure partie, des dîmes ou de rentes payables en nature, ces revenus subissaient de grandes fluctuations, tant en raison de l'abondance des récoltes que du prix des céréales. Dans la sénéchaussé de Quimper, le prix des grains augmenta d'environ 50% entre 1750 et 1789 [Note : En 1750 et 1751, vers la Saint-Michel, c'est-à-dire quelques semaines après la récolte, le froment valait 6 l. 50 le boisseau, le seigle 3 l. 50, l'avoine 2 l. 20, l'orge 2 l. 50, le blé noir 2 l.50 à 3 l. En septembre 1788, le froment valait 9 l., le seigle 5 l., l'avoine 4 l., l'orge 4 l., le blé noir 4 l. 50 et les fèves 6 l. Au printemps de 1789, il y eut un renchérissement d’environ 10% sur les prix de 1788. — Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 1715. — Arch. du Finistère, série B. Cahier de doléances de Pont-l’Abbé, artisans. — A Du Châtelier, Recherches statistique t. III, p. 115]. La valeur nominale des revenus ecclésiastiques dut s'accroître dans la même proportion. Divers indices en témoignent. Le moulin de l'évêque (à Quimper), rapportait 2.200 l. en 1757 ; le bail à ferme du même moulin passa à 2.700 l. en 1782. Aussi la portion congrue de 500 l. qui pouvait paraître raisonnable vers 1768, était-elle tout à fait insuffisante à la veille de la Révolution.

Le renchérissement général des denrées et, sans doute, aussi, dans une certaine mesure, le progrès agricole se traduisant par l'extension de la culture ou l'amélioration des rendements, eurent pour effet un accroissement correspondant des revenus, Cet accroissement fut particulièrement sensible pour les bénéfices sans charge d'âmes : prébendes et bénéfices dépendant des abbayes. En effet, l'édit de 1786, portant de 500 l. à 700 l. la portion congrue n'ayant pas été appliqué en Bretagne, le taux d'accroissement des revenus nets de cette catégorie de bénéfices se trouva, en quelque sorte, presque doublé, Aussi les prébendes de Bannalec et de Névez, par exemple, évaluées chacune 1.800 l. en 1779, déduction faite des portions congrues, pouvaient être estimées 2.500 l., dix ans plus tard.

LE CLERGÉ RÉGULIER.

A la veille de la Révolution, en Bretagne, comme dans le reste du royaume, le clergé régulier était en pleine décadence. En Cornouaille, ce clergé ne jouait plus qu'un rôle effacé. Le nombre des religieux de tous ordres y était d'ailleurs restreint : 60 à 70 membres, tout au plus, dispersés en 7 abbayes (Daoulas, Landévennec, Saint-Maurice, Sainte-Croix, Langonnet, Bon-Repos, Coatmalouen) et 7 couvents, Des catholiques éclairés et peu suspects de tiédeur à l'égard du clergé reconnaissaient, comme Alexandre de La Roque, médecin et ami de Mgr de Saint-Luc, qu'à la veille de la Révolution, « le cloître avait grand besoin de réforme [Note : Arch. nat. W 304. Lettre de Trémaria de La Roque à son frère, capucin, 28 janvier 1791]. En revanche, les communautés de femmes, qui se recrutaient dans la noblesse et la meilleure bourgeoisie, continuaient à prospérer. Les congrégations hospitalières et enseignantes rendaient des services appréciables. Elles n'avaient pas été atteintes par le discrédit qui avait frappé les congrégations d'hommes. Aussi l'abbaye de Kerlot (Quimper) et les 13 couvents de femmes comptaient-ils en moyenne de 20 à 25 membres [Note : Cf. Chanoine Peyron, Documents pour servir à l'histoire clergé, t. I, p. 395, 400 passim].

Les abbayes d'hommes, plus nombreuses eu Cornouaille qu'en aucun autre diocèse breton, étaient toutes situées sur le pourtour de l'évêché, comme une ceinture de forteresses. L'abbaye du Relecq, en Léon, mais à la limite de la Cornouaille où elle possédait d'ailleurs la moitié de ses domaines, complétait, au nord, cette ceinture. Ces abbayes avaient beaucoup souffert d'un errement funeste : la commende. Toutes étaient bien déchues ; même celles de Sainte-Croix, de Landévennec et de Daoulas, qui avaient jadis tenu une si grande place dans notre histoire locale, traînaient une existence languissante Ni la royauté, ni le peuple n'étaient plus favorables à ces institutions.

Par ordre du roi, la Commission des réguliers, dès 1768, et la Commission de l'Union, à partir de 1779, opérèrent des coupes sombres dans les diverses communautés religieuses [Note : L. Lecestre, Abbayes, prieurés et couvents d'hommes en France, liste générale, d'après les papiers de la commission des réguliers en 1768. Paris, Picard, 1902]. Même sans la Révolution, les congrégations d'hommes, tout au moins, semblaient vouées à une destruction prochaine. Déjà, la monarchie avait entrepris de les réduire « à un état de défaillance peu différent de la mort ».

Certaines paroisses cornouaillaises, entre autres. Plougastel-Daoulas, demandent, en 1789, la réduction ou même « la suppression de plusieurs monastères et abbayes propres à fomenter l'indolence et la mollesse, en enlevant des hommes à la culture et à l'industrie et aux différentes professions-utiles à l'État » [Note : Arch. du Finistère, série B. Cahiers de doléances des paroisses citées]. Le cahier de Pont-Croix, approuvé sur ce point par l'assemblée générale de la sénéchaussée de Quimper, exprime le vœu « que les revenus immenses des moines, arrachés, pour la plupart, à la superstition, dans des siècle d'ignorance, soient annexés aux fonds de l'État et employé à l'extinction de ses dettes et que les membres des communautés abolies soient plus utilement employés au service des paroisses des campagnes où l'on se plaint de la disette de prêtres » [Note : Arch. du Finistère, série B. Cahiers de doléances des paroisses citées].

Le cahier général de la sénéchaussée de Quimperlé demande « la suppression des abbés commendataires et des prieurs sans charge d'âmes ». La ville de Quimper pense qu'une partie, tout au moins, des revenus des abbayes en commende serait plus utilement employée, si elle était appliquée à l'amélioration du sort du clergé paroissial. Quant aux artisans de Pont-l'Abbé, ils veulent « que toutes les pensions du clergé soient réglées à des pensions modiques et raisonnables ; que le surplus des bénéfices et rentes des communautés rentées retournera au profit de Sa Majesté, pour payer les dettes nationales, ainsi que le surplus des dîmes et que toutes les abbayes soient supprimées » [Note : Arch. du Finistère, série B. Cahiers de doléances des paroisses citées].

REVENUS DES ABBAYES.

Sainte-Croix de Quimperlé [Note : A Quimperlé, au Bourg-Neuf, paroisse de Redéné, se trouvait une autre abbaye, dite Abbaye Blanche (ordre des Dominicains). Quoique située en l'évêché de Vannes, l'Abbaye Blanche percevait près de la moitié de ses revenus en Cornouaille. Outre la maison conventuelle et ses dépendances, ses revenus montaient à 2.525 l. (jardins. vergers, maisons et domaines congéables, 1.027 l., rentes foncières ou censives et constituts, 1.318 l., four banal (au Bourg Neuf), 180 l. Les biens de cette abbaye étaient éparpillés en 11 paroisses, dont 5 en Cornouaille (Saint-Colomban, Lothéa, Moëlan, Clohars et Saint-Thurien)]. — Nature des revenus :

Revenus des domaines congéables, métairies, manoirs et maisons : 16.078 l.
Cheffrentes, rentes foncières et censives : 1.283 l.
Droits de coutume, halles, greffes, pêcheries, casuel des juridictions : 4.945 l.
Douze moulins banaux (5.205 l.), 3 fours banaux (450 l.) : 5.655 l.
Dîmes, (en Mellac, Lothéa, Quimperlé, Redéné) : 3.273 l.
Revenu global : 31.235 l.

(Non compris le monastère, la maison abbatiale et leurs dépendances dont l'évaluation est difficile) [Note : Arch. du Finistère. série Q (papiers non classés). Rapport de la commission nommée, le 6 juillet 1790, pour l'évaluation des biens des abbayes de Sainte-Croix et de Saint-Maurice. — Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 1.243].

Origine de ces revenus :
Quimperlé (manoir de Saint-Nicolas, prairies, droits féodaux, dîmes, 3 moulins et 2 fours banaux, rentes et cheffrentes), 5.790 l. ; seigneurie de Callac (en Botmel. trève de Plusquellec), 5.661 l. ; seigneurie de Houzillé (paroisse de Vergéal, prés d'Argentré (Ille-et-Vilaine), 5 600 l. ; Saint-Thurien (2 manoirs et 35 tenues), 2,556 l. ; Bannalec (la trève de Trébalay. presque entière), 2.544 l ; Mellac (dîmes et bois taillis), 2.506 l. ; Moëlan (la seigneurie de Chef-du-Bois), 1.887 l. ; Lothéa (rentes convenancières et dîmes), 1.600 l. ; Duault (prieuré de Landugen), 1.200 l. ; Clohars-Carnoët, 805 l. : Guiscriff, 549 l. ; Baye, 271 l. ; Redéné, 150 l. ; Querrien, 92 l. ; enfin, quelques cheffrentes, au Faouët, Trégunc. Locunolé et Arzano.

Le dernier abbé commendataire de Sainte-Croix, Guillaume Davaux, instituteur du Dauphin, recevait, en vertu d'un traité conclu en 1759, entre l'abbé et la communauté, une pension annuelle de 8.000 l., quitte de toutes charges [Note : Le Men, Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix, p. 563 et sq.].

Saint-Maurice de Carnoët [Note : Arch. du Finistère, série Q (papiers non classés). Evaluation des biens de Saint-Maurice par les commissaires Birquelle, Mancel et Hervo, le 25 août 1790]. — Dimes, (surtout à Clohars-Carnoët, Moëlan et Riec) : 10.180 l.
Revenus des métairies, domaines congéables, terres et maisons : 5.456 l.
Rentes foncières, censives et constituts : 3,458 l.
5 moulins banaux : 923 l.
Total : 20.017 l.

Un mémoire adressé par l'abbé de Keroulas au district de Quimperlé, le 11 septembre 1790, évalue le revenu global de l'abbaye de Saint-Maurice à plus de 22.000 l.

Ces revenus provenaient de Clohars-Carnoët, 7.881 l. ; de Moëlan, 4.161 l. ; de Riec, 3.193 l, ; de Quimperlé, 2.316 l. ; Guidel, 740 l. ; Ploemeur, 526 l. ; Nizan, 332 l. ; Névez, 130 l. ; Ile de Groix, 110 l. ; de Scaër, Tourch, Leuhan et Querrien, 628 l.

L'abbé Jérôme-François de Keroulas, chanoine et grand vicaire de Saint-Pol-de-Léon, quand il reçut en commende l'abbaye de Saint-Maurice se contenta de la pension de 5.300 l. servie par les religieux à son prédécesseur. Au dire de l'abbé de Keroulas, en 1790, cette pension eût dû être de 7.300 l. L'abbé de Saint-Maurice consentait au surplus à payer à l'abbé Deric, chanoine de Dol, une pension de 3.000 l., réduite en fait à 2.100 l. Son abbaye ne lui rapportait donc net que 3.200 l. Dans une requête, du 11 septembre 1790, l'abbé de Keroulas déclarait qu'il « ne doit ni à l'intrigue ni à la faveur l'abbaye que le roi lui avait accordée : 10 années de rectorat à la paroisse Saint-Martin de Morlaix, 22 années comme grand vicaire de Saint-Pol-de-Léon, commissaire des Etats de Bretagne pendant 6 ans, voilà ses titres ».

L'abbé de Keroulas jouissait d'antres revenus : 1° une pension sur l'abbaye de La Meilleraie, au diocèse de Nantes, 1.500 l. ; 2° la chapellenie de Saint-André, à la présentation du chapitre de Léon, desservie à la cathédrale, 578 l. ; 3° l'archidiaconé d'Acre. 407 l. ; 4° un canonicat dans l'église cathédrale de Léon dont le produit, année commune, toutes charges déduites, était de 2.597 l. ; au total, un revenu net de 8.282 l. [Note : Arch. du Finistère, Lv. clergé. Requête de M. de Keroulas au district de Quimperlé].

Landévennec (Bénédictins de Saint-Maur). — La mense abbatiale de l'abbaye bénédictine de Landévennec était, depuis 1783, unie à l'évêché de Quimper. Les revenus de cette mense s'élevaient, en 1790, à 17.410 l. Les revenus de la mense conventuelle, (abstraction faite des revenus du prieuré de Batz, dont les décimes se payaient à Nantes), pouvaient être évalués à plus de 8.000 l. Le revenu global atteignait environ 26.000 l. [Note : P. Peyron et J. M. Abgrall, Notice sur Landévennec, Bull. diocésain d'histoire et d'archéologie, 1917, p. 201].

Daoulas (ordre de Saint-Augustin ou chanoines réguliers). — Cette abbaye avait été unie, à la fin du XVIIème siècle, au séminaire de la Marine, à Brest. Après la dissolution de l'ordre des Jésuites, en 1763, les biens de l'abbaye furent régis par économat. En 1772, la ferme des bénéfices de cette abbaye fut adjugée au sieur Bertrand à Lesneven, pour la somme de 22.000 l. [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 1255]. Mgr de La Marche évaluait ses revenus, quelques années avant la Révolution, à 26.000 livres. L'évaluation pouvait être portée à environ 29.000 l., en 1789.

Langonnet, Coatmalonen et Bon-Repos. — Les rôles des décimes permettent d'établir approximativement les revenus des 3 autres abbayes cornouaillaises, Langonnet (ordre de Citeaux), Coatmalouen (ordre de Citeaux) et Bon-Repos (ordre des Citeaux) qui payaient respectivement, en 1789, 3.661 l., 2.901 l. et 5.030 l. Suivant le barème adopté pour Sainte-Croix, Saint-Maurice et Daoulas, les revenus globaux pouvaient être évalués comme suit : Langonnet, 30.000 l. ; Coatmalouen, 26.000 l, et Bon-Repos, 34.000 l.

Ainsi, au total, les revenus des 7 abbayes d'hommes pouvaient atteindre 196.252 l. [Note : D'après l'évaluation faite, en 1790, les revenus des abbayes du Léon étaient : Le Relecq (ordre de Saint-Bernard), 20,700 l ; Saint-Mathieu (ordre de Saint-Benoît), 18.000 l. Cf abbé Kerbiriou, Jean-François de La Marche, op, cit. p. 126. L'abbé de Robien, vicaire général d'Auxerre, commendataire de Saint-Mathieu, recevait de son abbaye une pension de 3.800 l. L'abbaye du Relecq, sans titulaire, depuis 1784, était affectée aux Economats].

Les revenus de l'abbaye des religieuses de Kerlot étaient taxés avec ceux de cette communauté.

Autres communautés. — Les autres communautés, relativement récentes, avaient peu de biens fonciers.

Hommes :
Outre les 7 abbayes, il existait, en Cornouaille, 7 communautés d'hommes : les Cordeliers de Quimper (950 l.) les Carmes de Pont-l'Abbé (2.500 l., un document porte 4.000 l.) ; les Carmes de Carhaix (1.250 l.) ; les Augustins de Carhaix (1.520 l.). Les Capucins de Quimper, d'Audierne et de Quimperlé, appartenant à un ordre mendiant, étaient censés n'avoir aucun revenu et ne figurent pas au rôle des décimes. Les immeubles dont les communautés jouissaient par mains et les pensions viagères n'étaient pas taxés ; seules les rentes convenancières, foncières ou perpétuelles entraient en ligne de compte pour le calcul des décimes. Les immeubles des Capucins d'Audierne furent évalués, en 1792, 23,080 l. [Note : Arch. du Finistère, Lv]. Au rôle des décimes, le collège de Quimper était rangé au nombre des communautés et taxé sur taxé revenu de 2.800 l. De ce collège dépendait le prieuré de Locamand dont le revenu était estimé, d'autre part, environ 4.000 l.

Femmes :
Les 14 communautés de femmes pouvaient avoir un effectif de 270 à 280 religieuses. C'étaient : l'abbaye de Kerlot (Cisterciennes ou religieuses bénédictines), 5.100 l. ; le prieuré de Locmaria ( Bénédictines), 4.600 l. ; les Dames du Calvaire (Quimper), 850 l. ; les Dames de la Retraite (Quimper), 500 l. ; les Dames hospitalières de Sainte-Catherine (Quimper), 2.100 l. les Dames hospitalières de Carhaix, 300 l. ; la petite communauté de Saint-Thomas, 150 l. ; les Ursulines de Quimper, 1.370 l. ; les Ursulines de Pont-Croix, 500 l. [Note : En 1720, les rentes foncières ou perpétuelles des Ursulines de Pont-Croix s'élevaient à près de 1.900 l. Cf. D. Bernard, Etat du monastère des Ursulines de Pont-Croix en 1720. Bull. Soc. archéol. du Finistère 1925, p. 41] ; les Ursulines de Quimperlé, 1.100 l. ; les Ursulines de Carhaix, 1.240 l. ; les Ursulines du Faouët, 500 l. Les Cordelières de Quimper (1.530 l.), occupaient la maison de Saint-Joseph, (près l'évêché actuel). Quelques années avant la Révolution, ce couvent est dit « sans religieuses » ; mais les biens subsistaient. Enfin, il y avait à Quimper, depuis le milieu du XVIIIème siècle, une petite communauté des Sœurs du Saint-Esprit ou Sœurs blanches qui gouvernaient la Maison de charité de Quimper. Cet établissement paraît avoir été exempt d'impôt ; il jouissait cependant de 732 l. de rentes [Note : Arch. du Finistère, Lv].

LE CLERGÉ PAROISSIAL.

Le nombre des ecclésiastiques régulièrement attachés au service paroissial, dans l'évêché de Quimper, était de 450 à 500, presque tous d'origine roturière On sait qu'au XVIIIème siècle, beaucoup plus que dans les siècles antérieurs, la Noblesse revendiqua des privilèges. Aussi les évêchés, les abbayes, les canonicats et les cures lucratives furent ils presque exclusivement réservés à des cadets nobles. Par contre, ou trouvait peu de nobles dans le bas clergé. A la fin de l'ancien régime, dit M. l'abbé Pérou, « le clergé de Léon comptait à peine. 30 individus qui ne fussent pas roturiers » [Note : Abbé G. Pondaven, Le recrutement ecclésiastique dans le Léon après la Révolution. Bull. Soc. archéol., 1918, p. 48]. En Cornouaille, la proportion était encore plus faible. Le clergé se recrutait dans la petite ou dans la moyenne bourgeoisie et surtout dans la partie la plus aisée de la classe paysanne [Note : Cf. Bulletin diocésain d'histoire et d’achéologie (Quimper 1900 à 1918). Notices sur les paroisses : passim.]. Il semble bien, mais on ne saurait être très affirmatif sur ce point, que le plus souvent les recteurs des borines paroisses fussent d'origine bourgeoise. Du moins ceux qui exercèrent une influence prépondérante au moment de la convocation des Etats généraux, les électeurs du deuxième degré et les députés, appartenaient en majorité à cette catégorie. Les jeunes gens qui se destinaient au sacerdoce faisaient leurs études au collège de Quimper ou au petit séminaire de Plouguernével puis au séminaire de Quimper [Note : Le séminaire de Quimper comprenait un supérieur, M. Liscoat, un vice-supérieur, M. Cossoul et 6 directeurs ou professeurs. Celui de Plouguernevel avait pour supérieur M. Lecoq et complait 5 directeurs].

En Cornouaille, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, le clergé se recrutait difficilement. Mgr de-Saint-Luc eut à ce sujet de vives inquiétudes. Il écrivait, le 18 août 1783 : « De retour à Quimper, on n’a plus un moments à soi. On y est en proie à tout plein de choses qui ne sont pas plaisantes, mais au contraire crucifiantes, presque désespérantes ; mais Dieu est le maître. La mort ravage toujours mon pauvre clergé qui ne se renouvelle pas. Je suis dans le plus cruel embarras pour procurer des secours spirituels et je n'en ai aucun moyen. Priez pour nous ; priez le Maître de la maison d'envoyer des ouvriers dans la vigne » [Note : Lettre de Mgr de Saint-Luc, 18 août 1783. — Arch. nat. W 423].

A la mort de Mgr de Saint-Luc, le séminaire de Quimper ne comprenait que 58 élèves : 16 diacres, 14 sous-diacres, 12 acolytes et 16 tonsurés [Note : Cf. Abbé Peyron, Documents pour servir à l’histoire du Clergé t. I, p. 360]. Ce séminaire était médiocrement doté. Mgr Farcy de Cuillé, en 1743 demanda au roi de distraire de l'abbaye de Sainte-Croix les deux prieurés de Landugen et de Pont-Briand pour les annexer au séminaire. L'annexion n'eut pas lieu ; elle aurait eu pour effet d'accroître les revenus du séminaire d'au moins 3.000 l. [Note : Le Men, Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix, p. 555].

En 1789, la ville de Quimper émit le vœu « que les revenus des abbayes en commende soient en totalité ou au moins en partie, appliqués, dans chaque diocèse, à établir des bourses dans les collèges et les séminaires pour aider les bons sujets sans fortune qui se destinent à l'état ecclésiastique » [Note : Arch. du Finistère, série B. Cahiers de doléances, Quimper].

La condition matérielle du clergé paroissial. — Le clergé paroissial n'avait que peu de part aux richesses immenses de l'Église. Si les bénéfices majeurs, évêchés, canonicats. abbayes et prieurés étaient d'ordinaire largement dotés, les recteurs et vicaires n'avaient pas toujours la jouissance des dîmes instituées en principe pour l'entretien du culte. Souvent, ces dîmes avaient été détournées de leur destination primitive et constituées en bénéfices sans charge d'âmes, en faveur de certains dignitaires ecclésiastiques.

Les recteurs à portion congrue étaient beaucoup plus nombreux en Cornouaille qu'en Léon. L'évêché et le chapitre de Quimper, médiocrement pourvus de biens propres, ainsi que sept riches abbayes avaient été dotés de grosses dîmes, au détriment du clergé paroissial. Cette différence de traitement explique, peut-être, dans une certaine mesure, la différence d'attitude des deux clergés, en 1789. Le Bas-clergé du Léon avait moins à se plaindre du sort qui lui avait été fait par l'ancien régime.

Il est difficile de définir avec précision les conditions de la vie matérielle des recteurs bas-bretons. Les documents ne sont pas nombreux à cet égard. Les revenus du recteur, très variables d'une paroisse à l'autre, comprennent la dîme ou, à défaut, la portion congrue, le cazuel ou honoraires perçus pour les baptêmes, mariages, enterrements ou cérémonies particulières. Ce casuel est distinct de celui de la fabrique. Le recteur perçoit encore une partie, généralement le tiers, des oblations ou offrandes faites à l'église. La paroisse lui fournit un logement convenable. Elle lui donne, le plus souvent, la jouissance d'un jardin el de quelques parcelles de terre. C'est ainsi que le recteur de Ploaré possède un petit taillis, un verger et une prairie, rapportant, année commune, 2 cordes de billettes, 2 barriques de cidre et 2 milliers de foin. Le recteur de Pouldergat profite « d'un pourpris d'environ 7 journaux de terre, entre champ et prairie » [Note : Arch. du Finistère, L. 243].

Le presbytère et ses dépendances. — A Tréguennec, le presbytère et ses dépendances valent au recteur un supplément de revenu de 120 l.

Le presbytère est généralement une demeure confortable, présentant l'aspect d'une gentilhommière. La maison principale, toujours couverte d'ardoise, a sa cour, ses annexes : écurie, étable, grange, porcherie, poulailler et jardin. Telle est la disposition à Clohars-Carnoët, Penmarc'h, Peumerit. Plovan et bien d'autres paroisses. Assez souvent, le presbytère est à quelque distance du bourg, comme à Plonéour, à Penmarc'h ; parfois même, il en est trop éloigné, comme à Clohars-Carnoët et surtout à Cléden-Cap-Sizun.

Le manoir presbytéral de Clohars-Carnoët semble une demeure type du recteur, dans les bonnes paroisses de Cornouaille. En voici la description. en 1790, d'après le recteur lui-même, « Pierre-Julien-Marie Le Gorgeu, recteur et paisible possesseur de la paroisse de Clohars-Carnoët, des biens et revenus dudit bénéfice » [Note : Arch. du Finistère, Lv].

Le presbytère est situé à un quart de lieue du bourg (à Locoïc, près la chapelle Saint-Jacques), ce qui rend la desserte très onéreuse pour le recteur. Il consiste en une cuisine, un salon, deux chambres au-dessus et un grenier ; au couchant de la maison, une petite cave, un cabinet au-dessus et un grenier ; au couchant de ladite cave, une écurie et un grenier au-dessus. Tous ces logements sont couverts en ardoise.

Au midi de la cour, bout du levant, se trouve un colombier où l'on a pratiqué un cabinet et une étable au-dessous. Près du colombier est un auvent avec un grenier au-dessus, Au couchant de l'auvent, il y a une soue à cochons et au couchant d'icelle, une petite maison qui sert de pressoir et de cave à cidre. Ces logements sont couverte en chaume. Il y a aussi une petite boulangerie et un cabinet au-dessus couverts en ardoise. Au nord de la maison presbytérale se trouve un petit jardin, très maussadement muré, à la hauteur de 5 pieds et, au couchant d'icelui, un autre jardin plus considérable et non muré, puis un verger sous pâture. Au levant dudit verger, il y a un prateau nommé Prat Saint-Jacques, an milieu duquel s'élève une chapelle du même nom, autrefois chapelle domestique et aujourd'hui chapelle de paroisse. Au midi du prateau est l'aire à battre.

Le recteur jouit en outre de 2 courtils, soit au total environ 2 journaux de terre. « Par traité homologué au Parlement, dit-il, je suis obligé de payer 60 l. par an pour le presbytère et ses dépendances. De plus, je suis chargé des vitres, clefs et serrures et de garantir les logements en ardoise de la pluie seulement ».

Tous les presbytères n'offrent pas tant de commodités. Celui de Cléden-Cap-Sizun est situé à Lamboban, à plus de 2 kilomètres du bourg. Vieux et délabré, il n'est desservi que par de mauvais chemins. Depuis le XVIIème siècle, les prêtres et les paroissiens réclamaient le transfert du presbytère au bourg. Le seigneur de Kerazan s'y était toujours opposé. En 1789, dans leur cahier de doléances, les habitants de Cléden chargent leurs 4 députés à la sénéchaussée de Quimper de demander pour eux à Sa Majesté « qu'attendu l'éloignement du presbytère de près d'une demi-lieue du bourg et la vétusté qui le rend inhabitable, il leur soit permis de le vendre en l'état, ou de l'échanger et qu'ils aient la faculté d'acquérir conventionnellement un emplacement suffisant, dans le bourg, pour y bâtir un presbytère et ce, sans lettre patente, amortissement ni autres frais » [Note : Arch. du Finistère, série B. Cahier de doléances de Cléden]. Cette requête demeura sans effet ; le transfert n'eut lieu qu'au début du XIXème siècle.

Le presbytère de Penmarch, situé à 600 mètres de l'église, au manoir du Pénity, est une demeure fortifiée. « Au-dessus d'un portail à arcade en plein cintre s'étend un rempart à mâchicoulis dont la plate-forme a pu recevoir des canons de petit calibre » [Note : Abbé. Quiniou, Manoirs et rues de Penmarc'h, Bull. Soc. archéol. du Finistère, 1925, P. 4].

A Plogastel-Saint-Germain, le presbytère rebâti vers 1770, a coûté plus de 3.378 l. A cette occasion, les paroissiens ont fini par obtenir, à grands frais, du Parlement, « une levée extraordinaire de deniers » sur tous les propriétaires de la paroisse. Les seigneurs protestent contre cette dépense somptuaire ; le marquis de Plœuc notamment estime que le presbytère devait être restauré mais non rebâti à neuf [Note : Arch. municip. de Plogastel-Saint-Germain, Reg. des délibérations 1769-1776].

Le prix de la location est généralement modique [Note : A Plogastel-Saint-Germain, le loyer du presbytère est de 24 l., à Lababan 36 l., à Tréogat 45 l., à Plouhinec 50 l., à Clohars-Carnoët 60 l.]. Souvent même le presbytère est mis gracieusement à la disposition du recteur, à charge seulement d'effectuer les petites réparations. Mais des contestations pouvant survenir au sujet de ces réparations, les recteurs eux-mêmes préfèrent conclure un traité avec le général de la paroisse et la jurisprudence du Parlement tend à rendre cette pratique obligatoire.

Les revenus des recteurs. — Quand le recteur est seul décimateur, il possède une large aisance. Certaines paroisses constituent d'excellents bénéfices-cures. Bothoa passait pour valoir 10 à 12.000 livres de rentes [Note : Ogée, Dictionnaire, art. Bothoa et Crozon. — Arch. du Finistère, Série B. Cahier de Crozon]. Crozon rapportait 10 à 11.000 livres, 10.000 l. au moins, déclarent les paroissiens. en 1789.

Par contre, dans quelques paroisses, le recteur, privé des gros fruits, est dans une situation assez misérable. Le sort du pauvre recteur de Locamand semble particulièrement malheureux. La paroisse, qui est petite, paie 3 lourdes dîmes, l'une à la 10ème gerbe, l'autre à la 20ème et la dernière à la 30ème gerbe, (au total 18 % de la récolte). Mais les deux premières sortent de la paroisse et le recteur ne conserve pour toute portion congrue que la 30ème gerbe. De plus, il a payé pour son presbytère les droits onéreux de rachat, centième denier, franc-fief. La première année de son rectorat, il a versé les annates aux chanoines de la cathédrale de Quimper. Il ne lui reste à peu près rien. En 1789, il exhale tristement sa plainte. « Il est de toute injustice qu'un recteur, au diocèse de Quimper, soit obligé de paître les brebis et de conduire le troupeau sans pouvoir se couvrir de leur laine et se nourrir du lait du troupeau » [Note : Arch. du Finistère, Série B. Cahier de Locamand].

Entre ces degrés extrêmes de l'échelle des revenus, on trouve en Cornouaille à peu près tous les degrés intermédiaires.

Suivant l'importance des revenus de leurs recteurs, les 171 paroisses [Note : L'évêché comptait 173 paroisses ; mais, en ce qui concerne les revenus des recteurs, les 2 paroisses de Saint-Ségal et de Kergrist-Moellou étaient unies, la première, à Pleyben, la seconde, à Rostrenen] du diocèse pouvaient être classées en 9 catégories, de la manière suivante [Note : Nous donnons, ci-dessous. à l'appendice, le revenu du recteur de chaque paroisse, d'après les rôles des décimes].

1ère catégorie, de 4.500 à 5.000 l., 2 paroisses : Bothoa et Crozon.
2ème catégorie, de 3.000 à 4.000 l. : 4 paroisses : Elliant, Guiscriff. Fouesnant et Neuillac.
3ème catégorie, de 2.500 à 3.000 l. : 13 paroisses.
4ème catégorie, de 2.000 à 2.500 l. : 20 paroisses.
5ème catégorie, de 1.600 à 2.000 l. : 28 paroisses.

6ème catégorie, de 1.300 à 1.600 l. : 37 paroisses.
7ème catégorie, de 1.000 à 1.300 l. : 31 paroisses.
8ème catégorie, de 700 à 1.000 l. : 23 paroisses.
9ème catégorie, Au-dessous de 700 l. : 13 paroisses.

Si l'on compare les revenus des recteurs du diocèse de Rennes à ceux des recteurs de Cornouaille, en les classant, comme ci-dessus, en 9 catégories, on constate que sur 143 recteurs, la 1ère catégorie au-dessus de 4.000 l.), comprend 12 recteurs la 2ème, 11 ; la 3ème , 9 ; la 4ème, 11 ; la 5ème , 20 ; la 6ème, 21 ; la 7ème, 11, et les 8ème et 9ème réunies, 48. Les catégories extrêmes sont plus nombreuses au diocèse de Rennes ; il y a moins d'inégalité, en Cornouaille. En Rennes, 22% des recteurs ont un revenu dépassant 2.500 l. ; en Cornouaille, 11% seulement. En revanche, en Rennes, 33 % des recteurs ont moins de 1.000 l., tandis qu'en Cornouaille, cette catégorie ne comprend que 21%.

La moyenne des revenus paraît être d'environ 1.800 l., dans la partie de l'évêché de Rennes étudiée par M. Rébillon [Note : Cf. A. Rébillon, La situation économique du clergé, à la veille de la Révolution, dans les districts de Rennes, Fougères et Vitré, Rennes, Oberthur, 1913. Introduction] ; cette moyenne est de 1.553 l., en Cornouaille, soit 15 % en faveur du clergé de la région de Rennes, Fougères et Vitré. Toutefois, on ne saurait en conclure que la condition des recteurs fût plus avantageuse, au pays de Rennes, qu'en Cornouaille. Ici, en effet, les prix des denrées étaient généralement moins élevés qu'en Haute-Bretagne.

Un certain nombre de paroisses demandent l'amélioration du sort de leur recteur. Plonéour-Lanvern et Primelin exigent qu'au moins « les recteurs qui n'ont point les gros fruits dans leur paroisse aient, à l'avenir, la même pension que les recteurs des autres paroisses à portion congrue du royaume », et que pour y parvenir plus sûrement, « l'on choisisse, pour les Etats (de Bretagne), une partie des recteurs, comme des évêques, des chanoines et des abbés » [Note : Arch. du Finistère, Série B. Cahiers de doléances de Plonéour et de Primelin].

Plougastel-Daoulas estime nécessaire « la réduction des évêchés et archevêchés à 20.000 l., pour avoir lieu à la mort des possesseurs actuels, et une nouvelle formation des cures, à l'effet que toutes aient une étendue et un revenu proportionnés » [Note : Ibid. Plougastel-Daoulas, art. 10]. La ville de Quimper désire qu'il soit prélevé « une partie des revenus des abbayes, pour être appliquée à la subsistance des prêtres infirmes, caducs, hors d'état de se la procurer d'aucune autre manière » [Note : Ibid. Quimper, art. 38].

Enfin, le vœu de Nizon est encore plus énergique et plus précis : « La piété de nos pères ayant abondamment pourvu, et outre mesure pourvu, à la subsistance de tous les ministres de la religion, qu'il soit ordonné au corps entier du clergé de faire de tous les biens ecclésiastiques une répartition qui sera telle que chaque simple prêtre de campagne recevra annuellement une pension de 400 l. qui sera portée à 600 l. pour les curés et à 2.400 l. pour les recteurs, le tout quitte de retenue » [Note : Ibid. Nizan, art. 10].

Les dîmes. — Les paroisses les plus avantageuses pour le clergé ne sont pas toujours les plus étendues. La valeur des dîmes, variable suivant l'abondance des récoltes et la cherté des grains, dépend surtout de la nature des céréales. Dans les petites paroisses de l'Arvor où l'on récolte du froment et de l'orge, les dîmes sont d'un meilleur rapport que dans les grandes paroisses de l'Argoat qui ne cultivent que le seigle et l'avoine.

Le taux de la dîme aussi est loin d'être partout uniforme. Il varie selon les paroisses et, souvent dans la même paroisse, selon les parcelles ou même selon les tenues. De nombreuses paroisses paient à la 30ème gerbe ; souvent aussi le taux est plus élevé et monte jusqu'à la 12ème, comme à Daoulas, la 11ème, comme à Coray, la 10ème, comme à Lababan et sur une partie de Kerfeunteun. Parfois même, il atteint la 6ème gerbe, parce que deux ou trois dîmes sont assises simultanément sur tes mêmes parcelles. Il en est ainsi à Locamand, dans une partie de Fouesnant et dans une parcelle de Plouhinec. En ces cas exceptionnels, le taux est exorbitant puisque, en 6 ans, la dîme enlève aux paysans l'équivalent d'une récolte entière (Archives de Finistère. Cahiers des Paroisses citées et L. 243).

La paroisse d'Esquibien se plaint de payer pour dîmes au recteur plus qu'elle ne paie au roi en fouages et capitation. D'après la déclaration du recteur, en 1790, ces dîmes comprenaient 314 boisseaux combles d'orge, 94 combles de seigle, 5 boisseaux et demi de froment et 2 b. 3/4 d'avoine. Le tout pouvait être évalué, au taux de l'appréci, à environ 2.020 livres. De plus, les paroissiens estimaient le casuel fourni au recteur par la paroisse et la trêve à plus de 700 livres. Esquibien propose, en 1789, le convertissement de la dîme en une pension de 500 l. au recteur ce qui lui ferait encore un revenu de plus de 1200 l. [Note : Ibid. Cahier d'Esquibien, art. 23].

Les dîmes constituant les revenus du bénéfice-cure de Plouhinec sont encore plus considérables. D'après la déclaration du recteur, De Perrien, elles comprenaient 53 boisseaux de froment, 153 b. de seigle, 148 b. d'orge et 77 b. d'avoine, sans compter 477 l. de dîmes abonnées en argent, soit au total une valeur approximative de 2.778 livres [Note : Ibid. Déclaration du recteur. L. 243].

Plovan, petite paroisse de 1.100 habitants, paie 190 boisseaux de froment, 205 b. d'orge, 102 b. d'avoine, 6 b. de blé noir et 5 b. de seigle. La valeur totale, en 1790, est de 3.241 l. 9s 7d. Cet impôt équivalait à près des trois quarts des impôts payés au roi (capitation, vingtièmes, fouages, environ 4.434 l.) [Note : Arch, d'Ille-et-Vilaine, C. 3.981. C. 3.958].

La dîme de Clohars-Carnoët, paroisse d'environ 3.000 hectares, peuplée de 2.460 habitants, était perçue à la 33ème gerbe. Elle comprenait 445 minots de froment, 120 minots de seigle, 115 d'avoine et 248 d'orge (mesure d'Hennebont, ricle pour le froment, comble pour le seigle, l'avoine et l'orge). En outre, une portion de dîmes abonnée en argent rapportait 270 l. ; les prémices et novales dues au recteur rapportaient une quarantaine de minots de froment. Le tout montait annuellement à une moyenne d'environ 6.600 l. La moitié de cette dîme était due à l'abbaye de Saint-Maurice ; l'autre moitié revenait au recteur, à charge pour celui-ci de fournir la portion congrue à 2 vicaires et d'entretenir le chœur et le chancel [Note : Arch. du Finistère, série Q (papiers non classés). Evaluation des biens de l'abbaye de Saint-Maurice, 20 août 1790. — Arch. du Finistère, Lv. clergé, déclaration du recteur].

La dîme de Moëlan était évaluée, au taux de l'appréci, à 6558 l. Elle comprenait 371 minots de froment, 22 d'avoine, 133 de seigle et 453 d'orge. L'abbaye de Saint-Maurice prélevait la moitié de cette dîme ; l'autre moitié restait au recteur, avec les charges ordinaires [Note : Arch. du Finistère, série Q (papiers non classés). Evaluation des biens de l'abbaye de Saint-Maurice, 20 août 1790. — Arch. du Finistère, Lv. clergé, déclaration du recteur].

Les dîmes annuelles de Riec procuraient à l'abbaye de Saint-Maurice 40 minots de froment et 191 minots de seigle (mesure de Quimperlé), plus 692 l. de dîmes abonnées en argent, au total, un arrentement de 3.193 l. [Note : Arch. du Finistère, série Q (papiers non classés). Evaluation des biens de l'abbaye de Saint-Maurice, 20 août 1790. — Arch. du Finistère, Lv. clergé, déclaration du recteur].

Les 3 frairies de Mellac, (Saint-Pierre, Saint-Caradec et La Madeleine), devaient pour dîmes à l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, 234 minots de seigle, (mesure de Quimperlé), 1.300 fagots de paille de seigle et 3 charretées de paille de froment. Le tout était affermé 2427 l. [Note : Ibid, Evaluation des biens de l'abbaye de Sainte-Croix].

La paroisse de Penmarch, beaucoup moins étendue que la commune actuelle, (l'ancienne paroisse n'avait que 800 à 900 hectares et 1.000 habitants) payait pour dîmes 140 boisseaux de froment, 150 boisseaux d'orge, 2 boisseaux de blé noir et 1 boisseau de seigle. Le tout était affermé, depuis 1784, 2.007 l.

La toute petite paroisse de Lababan, (environ 700 hectares et 600 habitants procurait à son recteur une dîme considérable, prélevée, en majeure partie, à la 10ème gerbe. Elle comprenait 94 boisseaux de froment, 108 boisseaux d'orge, 54 d'avoine, 14 de seigle, 1 boisseau de fèves et 1 autre de blé noir. Le tout valait en 1790, 1.726 l. , en y comprenant une dîme de 25 l., payable en argent [Note : Ibid, Lv, Déclarations des recteurs].

A Plogoff, autre paroisse de l'Armor, le recteur, Le Gall, déclare que, comme ses prédécesseurs, il reçoit annuellement, 35 boisseaux de froment, 77 de seigle, 93 d'orge et 12 d'avoine, Valant, au total, environ 1.266 l.

Le recteur de la petite paroisse de Tréguennec, J.-M. Calvé, déclare avoir reçu 107 boisseaux de froment, mesure racle, 109 boisseaux d'orge, 4 boisseaux 1/2 d'avoine et 1 boisseau de seigle, valant environ 1.600 l.

La toute petite paroisse de Tréogat fournit à son recteur, M. Lozach, 150 boisseaux de céréales valant 918 l., (52 boisseaux de froment, 68 d'orge, 25 d'avoine, 1 boisseau de seigle et 1 boisseau 1/2 de blé noir [Note : Pour les dîmes de Tréguennec, Tréogat, Primelin, Cléden, Peumerit-Cap, Poullan, Landudec, Pluguffan, Plonéis, Pouldergat, Meilars. Arch, du Finistère, Lv. déclarations des recteurs].

Primelin doit annuellement à son recteur 72 boisseaux de froment, mesure de grève, 144 boisseaux d'orge et 36 boisseaux d'avoine ; le tout pouvait être estimé 1.500 l.

Cléden-Cap-Sizun doit à son recteur, Gloaguen, une dîme de 1.936 l., comprenant 306 boisseaux de seigle et 68 boisseaux 1/2 d'avoine.

Les paroisses de l'Argoat sont généralement plus pauvres et leurs céréales de moindre valeur ; le produit des dîmes y est donc relativement plus faible. Cependant, Peumerit-Cap, encore au voisinage de l'Armor, fournit une dîme de 1.602 l., (49 boisseaux de froment, 126 de seigle, 44 d'orge et 65 d'avoine).

La paroisse de Poullan, quoique située sur la côte, comprenait une grande proportion de landes et d'incultes. Néanmoins, après avoir fourni une portion de dîmes au prieuré de Douarnenez, elle payait à son recteur, Le Bescond de Coatpont, 255 boisseau de sigle, 38 boisseaux d’avoine, 4 d’orge, 1/2 boisseaux de blé noir, soit une valeur de près de 1.600 l.

A Landudec, il y a une centaine de redevables payant chacun de 1 à 4 boisseaux de seigle, (en moyenne 2 grands boisseaux de 120 livres), soit au total 213 boisseaux de seigle, 18 boisseaux d'avoine et 1 boisseau de blé noir, valant environ 1.260 l.

Pluguffan, prébende attachée à la trésorerie du Chapitre, produisait annuellement 15 tonneaux de seigle, (environ 360 boisseaux, mesure du roi), valant 2.100 l. Défalcation faite de la portion congrue du recteur et de son vicaire (750 l.), ainsi que des charges ordinaires, la prébende pouvait rapporter net environ 1.200 l.

Les dîmes de Plonéis pouvaient valoir 1.180 l., (194 boisseaux de seigle, 10 boisseaux d'avoine, 11 boisseaux de blé noir).

Pouldergat, indépendamment de la portion de dîmes due au prieuré de Douarnenez, payait, suivant un abonnement immémorial, à son recteur, Le Guenno, 9 tonneaux de seigle, mesure du roi, estimés 1.230 l.

A Meilars, le nombre des redevables de la dîme était de 111, payant, en moyenne, un peu plus de 2 boisseaux de céréales, chacun. En 1790, le recteur Pennanec'h déclare qu'il lui était dû, par an, 230 boisseaux de seigle et 27 boisseaux d'avoine, valant près de 1.400 l.

A Brasparts, au flanc de l'Arrée, la dîme n'était pas perçue sur le blé noir, cependant presque aussi cultivé que le seigle. En 1728, la dîme rectorale ne comprenait que 130 boisseaux de seigle, 80 boisseaux d'avoine et 10 boisseaux de froment [Note : C Vallaux, La nature et l'homme en Montagne d'Arrée, Brasparts et Saint-Rivoal, bull. soc. archéol. du Finistère, 1908, p. 123]. En 1789, par suite de l'extension des cultures, la dîme perçue à la 30ème gerbe pouvait valoir 1.500 l.

Les grosses dîmes de Pleyben rapportaient à l'évêque 2.600 l. et celles de Gourin 3.200 l. Les dîmes de Scaër, prébende du chanoine de Kermorvan, étaient affermées 2.550 l. Le chanoine en percevait les 2/3, l'autre tiers revenait au recteur [Note : Arch. du Finistère, L. 269].

Les paroisses suivantes qui, à l'exception de Briec, constituaient des prébendes, produisaient: Plonéour-Lanvern 1.950 l., Plozévet 2.150 l., Spézet 1.400 l, Beuzec-Cap-Caval 2.120 l., Combrit 2.100 l., Briec, vicariat à la présentation du chapitre, 2.200 l., Névez 2.550 l., Trégunc 2.650 l. Ces chiffres relatifs aux prébendes, cités par M. le chanoine Peyron, se rapportent aux années antérieures à 1780 [Note : Abbé Peyron, Prébendes et revenus, op. cit. p. 14]. D'après le rôle des décimes, l'évaluation de ces prébendes, en 1789, est d'au moins 25% plus élevée.

Certains décimateurs avaient des dîmes très dispersées. Le prieuré de Lanvern percevait des dîmes à Lanvern, Plonéour, Pluguffan, Loctudy. Le prieuré de Douarnenez recevait de 180 à 190 boisseaux de seigle provenant de Douarnenez, Pouldergat, Poullan et Beuzec-Cap-Sizun [Note : Arch. du Finistère, Lv. déclarat. de l'ancien procureur fiscal Daniélou].

Mode de perception des dîmes. — Le mode de perception des dîmes varie aussi d'une paroisse à l'autre et il n'est pas toujours uniforme dans la même paroisse. Parfois, le recteur « exploite par mains ». Le recteur fait faire les charrois, prend des journaliers et fait sa récolte. Ainsi procède M. Le Bihan, recteur de Peumerit. Dans ses frais de récolte, il compte 14 journées de charroi à 6 l. l'une. Les gages d'août d'un domestique sont de 24 livres ; les journaliers reçoivent 10 sous par jour, plus 10 sous pour leur nourriture. Après avoir distribué 14 pots de vins à ceux qui lui apportent leurs dîmes, le bon recteur, se conformant à la vieille tradition du « peurzorn », a coutume d'offrir, à la fin de la récolte, à ses moissonneurs « un honnête repas » dont le vin seul lui coûte 6 livres (prix de 8 pots) [Note : Arch. du Finistère, Lv. Déclarations des recteurs, district de Quimper].

Certains recteurs, comme celui de Tréguennec, quifont battre à leur compte « rendent la paille et la balle aux colons à qui ils lèvent des dîmes ». Le recteur de Tréogat conserve la paille et la balle qui « compensent, dit-il, les frais de la récolte ».

« L'exploitation par mains » présente des inconvénients signalés par les paysans de Landrévarzec, en 1789 : « l'attente des dîmeurs laisse le blé dépérir et empêche de l'enlever par le beau temps ».

Souvent les dîmes sont abonnées verbalement ou par acte notarié, payables en nature ou parfois, mais assez rarement, en argent. En ce cas, la perception est bien simplifiée, les grains sont portés au presbytère. C'est, semble-t-il, le cas le plus fréquent. Dans certaines paroisses, comme à Landudec et Plouhinec, trois modes de perception sont employés simultanément. A Plouhinec, le recteur « lève par mains » les dîmes du bourg et celles de Poulgoazec ainsi que celles des tenues voisines du bourg ; il reçoit au presbytère les grains des dîmes abonnées eu nature puis une somme de 427 livres pour les dîmes abonnées en argent.

Doléances concernant les dîmes. — La dîme ecclésiastique est, en Bretagne, l'impôt le plus lourd de l'ancien régime. Elle équivaut à 50 ou 60% de l'ensemble des impôts directs, fouages, capitation et vingtièmes payés au roi. Pour une vingtaine de paroisses, prises au hasard dans les anciennes sénéchaussées de Quimper et de Concarneau, l'étude des rôles fait ressortir une moyenne de 60%. La proportion atteint 73% à Plovan. Il arrive même, quand la dîme se perçoit à la 10ème gerbe, comme à Lababan, que la dîme est supérieure à l'ensemble de toutes les charges royales, corvée des chemins comprise.

Les paysans de Briec et de Landrévarzec proposent de remplacer les dîmes par une taxe uniforme de 20 sous par journal ensemencé en céréales [Note : Archives du Finistère, Cahiers de doléances, Briec, art. 11, Landrévarzec, art. 15]. C'eût été, sans doute, une taxe suffisante, représentant la 30ème ou 33ème gerbe, sur les terres d'écobue ou les sols pauvres ; mais la redevance eût été vraiment légère pour les riches terres à froment. Plobannalec entend « que les propriétaires soient libres de payer leurs dîmes en argent, chacun suivant sa faculté, à proportion du terrain qu'il manœuvre ».

Toutefois, les doléances paysannes relatives aux dîmes sont généralement modérées. Le principe de ces redevances n'est pas contesté. Les vœux émis ne visent que la destruction des abus trop criants. Les habitants de Pont-l'Abbé déclarent que « les dîmes ecclésiastiques, fort souvent très excessives déconcertent et découragent le cultivateur » [Note : Ibid. Cahier des bourgeois de Pont-l'Abbé. art. 7]. Ceux de Pont-Croix ajoutent que « beaucoup de terres d'un sol excellent demeurent incultes à cause de la dîme exorbitante qui se lève annuellement sur les dites terres, à la 10ème gerbe » [Note : Arch. du Finistère, cahier de Pont-Croix, art 37. Le cahier ajoute « Cette vexation, des plus oppressives pour les colons, ruine plusieurs laboureurs et arrête le cours des défrichements. Dans le canton de Pont-Croix surtout, il se voit des exemples multipliés de cette vexation »].

La dîme perçue à la 12ème, 11ème ou 10ème gerbe est vraiment accablante. Coray qui paie, à la 11ème gerbe, à l'évêque et Daoulas, à la 12ème gerbe, à l'abbaye, demandent que leurs dîmes soient réduites des 2/3. Kerfeunteun trouve « vexatoire la dîme à la 10ème gerbe ». Cuzon, Lababan et d'autres paroisses désirent ne plus donner que la 30ème gerbe, « suivant l'usage des paroisses voisines ». Poullan demande, d'une manière un peu vague, « que la dîme rectorale soit réduite par un règlement général ».

En Cornouaille, la dîme ne se prélevait d'ordinaire que sur les céréales. Cependant, aux environs de Pont-l'Abbé, où la culture maraîchère tendait à se substituer à celle des céréales, on percevait parfois des « dîmes vertes », sur les légumes, chanvre et lin. Aussi les bourgeois de Pont-l'Abbé demandent-ils « que la dîme n'ait pas lieu, au moins, sur les blés noirs, pois, fèves, chanvre et lin et que les recteurs ne puissent rien prétendre des quêtes des paroisses ».

On voudrait aussi que les dîmes n'aillent plus à des bénéficiers étrangers à la paroisse mais qu'elles soient partout restituées aux recteurs. Les paysans de Plozévet « se voient, avec douleur, obligés de payer les deux tiers de leurs dîmes à un gros décimateur, chanoine de Quimper, qui ne rend aucun service à la paroisse, qui n'y a jamais mis les pieds » [Note : Ibid. Cahier de Plozévet, art. 4]. On voudrait aussi qu'une part des dîmes fut obligatoirement réservée aux pauvres, conformément à un antique usage tombé en désuétude. C'est ainsi qu'à Pont-Croix on demande « qu'en faveur des pauvres qui fourmillent dans les campagnes on mette en exécution les anciennes lois qui attribuent à l'entretien des pauvres le tiers des dîmes dont l'avidité des bénéficiers a envahi la totalité ».

La situation des vicaires. — Quant aux vicaires, au nombre de 290 environ, leur sort était généralement à plaindre. Une portion congrue de 250 livres, un casuel aléatoire et le produit de quelques petites quêtes faites en dépit des défenses du Parlement constituaient de maigres revenus [Note : La portion congrue des vicaires était fixée à 250 l., depuis 1778, et celle des recteurs à 500 l. Un édit de 1786 avait porté la portion congrue des recteurs à 700 l. et celle des vicaires à 350 l. ; mais cet édit n'était pas encore appliqué en Bretagne, le Parlement ayant refusé de l'enregistrer]. Leur pauvreté contrastait violemment avec l'opulence du Haut-clergé.

En 1766, le maire de Concarneau, constatait la condition humiliante des prêtres de cette ville. « La situation de trois prêtres de Concarneau est très disgracieuse parce qu'ils ne peuvent vivre de l'autel. Le revenu de chacun d'eux ne dépasse pas 205 l. » [Note : A. Dupuy, Etudes sur l'administration municipale en Bretagne, p. 119]. En quelques paroisses, on se plaint de la disette de prêtres. A Crozon, cette disette provient de la cupidité du recteur-bénéficier qui ne salarie qu'un seul vicaire. Aussi les matinaliers sont-ils réduits à quêter pour vivre. « Le bénéfice est cependant considérable, il produit annuellement 10.000 livres. Le bénéficier ne paie qu'un vicaire seul qui ne peut pas voir tous les malades. Les prêtres sont, jour et nuit, sur pied et n'ont pas de quoi vivre » [Note : Arch. du Finistère, Cahier de Crozon, art. 4].

Les habitants de Nizon, « outre la dîme qu'ils paient à leur recteur, donnent encore annuellement aux prêtres desservants une quête en grains, prohibée par les règlements du Parlement de Bretagne, mais devenue nécessaire pour la subsistance de ces vertueux ministres que le premier ordre du clergé semble avoir entièrement oubliés dans la très injuste et très inégale répartition qu'il s'est permis de faire du riche patrimoine de l'église de France » [Note : Arch. du Finistère, Cahier de Nizon, art 6].

La situation des simples prêtres, qui n'avaient même pas la portion congrue, était souvent lamentable. En 1789, la sénéchaussée de Concarneau demande « qu'il soit assigné à chaque simple prêtre une pension fixe et annuelle de 300 l, à prendre sur les gros bénéficiers ». La paroisse de Nizon et la sénéchaussée de Quimperlé souhaitent même que cette pension puisse être portée à 400 l. [Note : Ibid, Cahier général de la sénéchaussée de Concarneau, art. 22, Nizon, art, 10].

Importance relative des revenus ecclésiastiques. — En somme, à la fin de l'ancien régime, dans l'évêché de Cornouaille, les revenus du clergé atteignaient 511.715 l. et ceux des fabriques 286.914 l., au total 798.629 l. [Note : Il convient de remarquer que les immeubles dont les abbayes et communautés jouissaient par mains étaient considérés comme ne produisant point de revenus]. Cela constituait, dans l'ensemble, un impôt très lourd, à peu près équivalent à la totalité des impôts directs (fouages, vingtièmes, capitation et impositions annexes), perçus au nom du roi, dans l'étendue du diocèse. A la veille de la Révolution, les impôts directs prélevaient, en moyenne, en Basse-Bretagne, annuellement 3 l. par habitant [Note : Etat n° 1 annexé au Rapport fait au conseil du département du Finistère par les administrateurs composant le directoire, in-4e Derrien, Quimper, 1792]. Etant donnée la population de la Cornouaille, environ 295.000 âmes), les revenus du clergé et des fabriques représentaient un impôt de 2 l. 15 sous par tête.

La Révolution et les revenus du clergé paroissial. — La Révolution apportait-elle une amélioration au sort du clergé paroissial, en Bretagne ? La question présente un grand intérêt historique car elle permet, peut-être, d'expliquer l'attitude d'une partie de ce clergé, en face de la constitution civile. Le décret du 12 juillet 1790 accordait-il aux recteurs et aux vicaires, de notre région, l’équivalent de ce qui leur était enlevé par d'autres décrets de la Constituante ?

M. Rébillon croit pouvoir répondre par l'affirmative [Note : Cf. A. Rébillon, op. cit., introduction]. Incontestablement, la plupart des vicaires n'eurent pas à se plaindre : le traitement de 700 ou 800 l., augmenté d'un petit casuel, leur permettait de vivre décemment. Il n'en était pas de même des recteurs : la plupart d'entre eux perdaient au changement de régime. Les traitements de 1.200 l., au-dessous de 1.000 habitants, de 1.500 l., jusqu'à, 2.000 h., 1.800 l. jusqu'à 2 500 h., 2.000 l., jusqu'à 3.000 h. et 2.400 l., au-dessus de 3.000 h. ne compensaient pas la perte des dîmes, des chapellenies et fondations, du privilège d'impôt sur les boissons, etc...

Les chiffres, d'ailleurs, ne doivent pas faire illusion, et tous les recteurs s'en rendaient bien compte. Ils savaient que les rentes en argent avaient perdu, depuis vingt ans, 30 ou 40% de leur valeur réelle, que, notamment, la portion congrue de 500 l., suffisante, vers 1760, était dérisoire en 1789. Les nouveaux traitements n'auraient-ils pas le sort des anciennes congrues et de certaines fondations qui s'étaient éteintes progressivement par la simple dévalorisation de la monnaie ? Ils avaient de légitimes appréhensions pour l'avenir car le prix des denrées ne cessait de s'accroître. L'émission d'un papier monnaie, à cours forcé, n'était pas pour les rassurer. Au début de 1791, quand serment fut exigé, la dépréciation de l'assignat était de 4 à 5 % : nouvelle cause de renchérissement et d'inquiétudes.

Si l'on songe que, d'autre part, le principe de l'élection portait, atteinte à l'indépendance des recteurs. — abstraction faite d'ailleurs, des scrupules religieux — on comprend que la plupart des recteurs n'aient pas, volontiers, adhéré à la nouvelle organisation du clergé.

La Constituante eût été plus avisée, croyons-nous, de ménager la transition, en tenant compte, dans une plus large mesure, des situations acquises. C'était manquer de psychologie que d'exiger trop d'abnégation du clergé constitutionnel. Beaucoup de recteurs furent déçus ; ils ne tardèrent pas à faire cause commune avec les anciens privilégiés. Sans doute, cette erreur ne détermina pas seule l'échec de la constitution civile, dans notre région, mais elle n'y fut pas étrangère.

Indépendance des recteurs. — Titulaires de leur bénéfice, les recteurs d'ancien régime étaient, en fait, à peu près inamovibles ; ils jouissaient, notamment, d'une large indépendance à l'égard des évêques. Pourvu qu'il fût inattaquable sur le dogme et les mœurs, le recteur pouvait, en toute circonstance, affirmer librement sa personnalité. Seul le Parlement, qui lui était souvent hostile, apportait des entraves à son action. Le Parlement exerçait sur les paroisses une tutelle gênante et parfois tracassière. A l'égard des recteurs, la jurisprudence du Parlement fut généralement peu favorable, souvent sévère [Note : A. Dupuy, L'administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, p. 109].

Les rois de France s'étaient attachés à maintenir aux curés une indépendance relative. Aux évêques qui lui demandaient l'amovibilité des desservants. Louis XIV répondait : « Je vous accorderai de rendre vos desservants amovibles, quand vous accepterez vous-mêmes de l'être ».

Sous l'ancien régime, il n'était pas rare de voir des recteurs engager de longs procès contre leur évêque. En 1778, le recteur d'Elliant, personne d'importance, possesseur d'un des bénéfices les plus enviables de la Cornouaille, et en outre, prieur du Moustoir, puis prieur de Saint-Herbot et promoteur du diocèse, est complètement brouillé avec son évêque et lui intente un procès. Mgr de Saint-Luc, conciliant comme à l'ordinaire, offre de soumettre le différend à des arbitres, au lieu d'en appeler aux tribunaux. « La voie de l'arbitrage, écrit l’évêque, m’a toujours paru la plus convenable entre honnêtes gens et la plus décente pour des ecclésiastiques ». Le recteur, qui n'est peut-être pas très sûr de sa cause, finit par accepter l'arbitrage. Mais il écrit à l'évêque pour affirmer hautement les droits du recteur, droits qui, en l'espèce, ne semblent d'ailleurs pas avoir été méconnus. Le ton de la lettre frise l'impertinence; c'est l'effet de la colère. Toutefois. abstraction faite de ce qu'on en peut mettre en compte de l'emportement, cette lettre révèle un esprit d'indépendance et un franc-parler qui ne seraient plus de mise à l'égard d'un évêque du XXème siècle.

« Vous m'avez ôté tous les pouvoirs que vous m'aviez accordés, en arrivant dans votre diocèse, sans que je vous les eusse demandés, pour les accorder avec affectation à mon curé qui ne les demandait pas. Aussi, la crainte seule de faire un éclat peu édifiant m'a empêché, de renvoyer mon curé, pour exercer ailleurs des pouvoirs qu'il ne pouvait pas ignorer lui avoir été accordés uniquement pour me mortifier, « par charité et par persévérance d'attachement ! ».

Vos habiles commensaux et mes bons amis n'eussent pas manqué de vous faire donner dans le piège. Vous auriez rétabli mon curé, quoiqu'il ait été décidé, contre deux évêques de la Province et, notamment contre l'un de vos prédécesseurs, par arrêt rendu à l'audience de la Tournelle. du 9 novembre 1705, qu'en Bretagne, le recteur a le droit de choisir ses vicaires et de les renvoyer, comme bon lui semble et que, par autre arrêt d'audience, du 2 septembre 1652, il ait été défendu aux évêques de Bretagne de bailler des lettres de regenda ou de cure, que dans le cas où un recteur est incapable ou interdit. Ces deux arrêts sont rapportés dans le recueil d'arrêts de Devolant, (Lettre L, chap. 6).

Pouvez-vous dire encore, Monseigneur, que c'est « par persévérance d'attachement » pour moi qu'en l'assemblée du Bureau des décimes, en 1776, vous aviez imposé ma cure, au moins, un grand quart au-delà de sa juste valeur ?.

Aussi ne croyez pas, Monseigneur, que la proposition que je vous ai faite d'un arbitrage soit un effet de ma reconnaissance : je ne vous en dois aucune, que d'avoir voulu me mortifier tant que vous avez pu. Je l'ai fait uniquement par religion et non en vue de vous obliger » [Note : Arch. du Finistère, 1 G.437. Lettre du 6 décembre 1778].

Valeur morale du clergé. — M. Ant. Dupuy qui a fait des recherches minutieuses sur les maisons de force et leurs détenus, au XVIIIème siècle, en Bretagne, reconnaît « qu'il est un fait qui honore le clergé breton au XVIIIème siècle : c'est de toutes les classes de la société celle qui fournit le moins de détenus ».

En ce qui concerne la Cornouaille, dans les 30 dernières années de l'ancien régime cet historien ne cite qu'une demi-douzaine d'ecclésiastiques détenus par lettres de cachet, 2 moines et 3 prêtres séculiers [Note : Ant. Dupuy, La Bretagne au XVIIIème siècle, Bull. soc. académique de Brest, 1884, p. 197 et sqq.].

Le capucin Joseph Louvard, du couvent de Quimperlé, est un mauvais sujet. A trois reprises, vers 1776, il s'évade de son couvent et, au cours de ses longues escapades se livre à la contrebande et à l'ivrognerie. A l'abbaye de Langonnet, en 1770, se trouvent deux bénédictins très insubordonnés, dom Veller et dom Martin, qui « cabalent contre le roi et l'Etat ». Au réfectoire, devant leur prieur et un brigadier de la maréchaussée scandalisés, ils déclarent hautement que le roi est un Néron, un Caligula, que « les ministres sont, ainsi que tous les généraux, de f... voleurs » et qu'il en est de même dans tous les Etats. Dom Veller est particulièrement indiscipliné et brutal ; en vain on le transfère d'abbaye en abbaye : il ne dit pas de messe, se prétend indépendant des supérieurs et s'absente des semaines entières, sans permission.

Les motifs les plus ordinaires des punitions infligées aux prêtres séculiers, dit M. Dupuy, sont « la violence, les mauvaises tuteurs, l'ivrognerie ».

L'abbé Daulny est, en 1785, recteur de Landrévarzec. « Après avoir passé plusieurs années dans toute espèce de désordre, il finit par s'engager dans le corps des canonniers-matelots. Il fut reconnu à Brest, arrêté et enfermé à Saint-Méen ».

En 1757, l'abbé de Kersaux est recteur de Ploaré. « Il paraît certain, écrit l'intendant, que le sieur de Kersaux entretient depuis 5 ans un commerce très scandaleux avec la demoiselle Lamothe, fille d'un marchand de sardines de Douarnenez. Ce commerce a été plus clandestin dans les premiers temps, mais il est devenu public et notoire, quoique entretenu sous le voile de la religion ». La demoiselle Lamothe est enfermée dans un couvent et l'abbé de Kersaux est relégué dans la solitude, chez les Récollets de l’île Verte.

Le plus coupable de ces ecclésiastiques est Christophe Le Roux, prêtre de Callac. « En 1785, il passe 6 mois dans un état d'ivresse permanente. A la passion du vin, il joint celle de la débauche. Il a pour maîtresse Louise Roisquin, jeune et jolie personne, femme d'un septuagénaire, Louis Le Cam ». Les deux compères dépouillent le vieillard de tous ses biens. Enfermé à l'hôpital de Lanmenr, Le Roux s'en évade pour rejoindre sa maîtresse [Note : Ibid. p. 210].

Mais ces prêtres indignes ne constituent que de rares exceptions. L'opinion publiques les juge avec une extrême sévérité, ce qui est le plus sûr hommage à la pureté ordinaire des mœurs du clergé bas-breton.

D'ailleurs, en Basse-Bretagne, les ecclésiastiques délinquants n'ont pas seulement à compter avec la sévérité de l'opinion publique, mais plus encore avec celle de leurs confrères toujours prêts à les dénoncer à leurs supérieurs.

Le 26 août 1774. Mgr de Saint-Luc est à Rennes, en l'hôtel de son frère, le Président au Parlement. Le promoteur du diocèse de Cornouaille lui écrit :

« Je ne comptais point informer Votre Grandeur que M. Canaff, recteur de Perguet, avait chez lui une servante fort jeune et d'une jolie figure, et qu'on en tenait d'assez mauvais propos. Mais je lui écrivis pour le sommer de se mettre incessamment en règle et le menaçai de vous en donner avis, au cas qu'il ne déférât pas à mes remontrances. Je m'attendais à ce qu'il se serait mis en règle, avant votre retour, et qu'en arrivant dans votre diocèse, vous n'apprendriez que de bonnes nouvelles de votre clergé et surtout de vos recteurs.

Pour réussir encore plus efficacement, je prévins M. Boissière, avant la visite du canton de Perguet, de ce qui se passait et de la lettre que j'avais écrite. M. Guesdon ordonna le renvoi de cette servante ; elle n'est cependant pas encore renvoyée. Je viens de lui en écrire de rechef et j'ai prévenu M. Boissière que si le recteur s'obstinait à garder cette servante, malgré ma seconde monition, je lui ferais des monitions canoniques par un huissier et le ferais ensuite condamner à plusieurs mois de séminaire, sur sa résistance à ces monitions.

Le plus court et le moins dispendieux serait que Mgr fit la visite de chez lui, dressât son procès-verbal, en conséquence, le condamnât à trois mois de séminaire, Quoique Mgr ait actuellement peu de temps à passer à Quimper, cette opération est praticable. Perguet n’est qu'à deux lieues de Quimper, par terre et par mer, au-dessous de Lanniron [Note : Le manoir de Lanniron, sur l'Odet, à 3 km, au Sud de Quimper, était la maison de campagne des évêques de Cornouaille. De Quimper à Perguet, il y a 15 km., soit 3 bonnes lieues]. D'ailleurs, Mgr n'est obligé d'annoncer sa visite 15 jours avant de la faire, que lorsqu'il y a des comptes de fabrique à recevoir ; mais, dans le cas présent, vous pouvez visiter, sans dire gare » [Note : Arch. du Finistère, 1 G, 437. Lettre du 26 août 1774].

Nous ignorons si la servante fut enfin renvoyée. Assurément Mgr de Saint-Luc ne daigna pas aller surprendre M. Canaff, au Perguet, ni par voie de terre ni par voie de mer. Mais, ce qu'il convient de noter, c'est que la discipline est rigoureuse et que le promoteur et ses correspondants ne cessent de veiller à la pureté des mœurs du clergé. « Suivant vos ordres, écrit Le Guillou à l'évêque, je m'informe, le plus exactement et le plus discrètement que je puis, de la conduite de votre clergé. Ayant oui dire qu'un prêtre de Pont-l'Abbé y causait du scandale, j'ai écrit 3 lettres pour m'informer du fait, et on m'a assuré que le scandale a cessé et que ce prêtre ne demeure plus en cette ville » [Note : Arch. du Finistère, 1 G. 437. Lettre du 6 novembre 1773].

En 1774, l'abbé Baudry est signalé pour son inconduite. On l'invite « à passer six semaines au séminaire et à s'abstenir, pendant ce temps, de dire la messe. S'il ne s'exécute pas de bonne grâce, on fera informer juridiquement de la conduite qu'il a tenue à Plonéour, Coray et Tourc'h et il n'aura pas si bon marché de l'officialité » [Note : Ibid. 12 mars 1774].

Le zèle du promoteur ne se relâche pas car, à la même époque, il écrit : « Je compte éclaircir la conduite de 3 ou 4 autres ecclésiastiques, dont un recteur, et, dès que j'aurai fait mes informations, j'aurai l'honneur de mander à Mgr le résultat ».

***

Le prêtre bas-breton d'ancien régime, tel qu'il nous apparaît à travers les documents contemporains, est un peu rude et fruste comme la race celtique elle-même. Issu de vieille souche paysanne, il est la vivante antithèse de cet abbé de cour, léger et sceptique, type si caractéristique du XVIIIème siècle, qui, au déclin de la monarchie, donne le ton à une partie du clergé français. Des paysans, ses ancêtres, il tient de solides qualités et peut-être aussi quelques défauts. S'il est un peu âpre au gain, c'est, sans doute, plus par atavisme que par calcul égoïste. Il n'est pas l'homme d'un parti : il se donne à tous. Le prêtre de combat, le réfractaire qui fut l'âme de la chouannerie et de la contre-Révolution, a fait le plus grand tort au prêtre d'ancien régime. La physionomie de l'un qui se détache, sombre et farouche, sur le tableau de nos luttes intestines, s'est trop souvent substituée à celle de l'autre qui demeure plus effacée mais plus sympathique. A la veille de la Révolution, le clergé paroissial, tout entier à sa mission sacerdotale, n'a point de détracteurs, pas même dans la bourgeoisie voltairienne. En Basse-Bretagne, le recteur est le pasteur au sens le meilleur et le plus large. Il est le conseiller intègre des humbles qu'il défend contre l'avidité d'innombrables agents seigneuriaux et praticiens véreux. Souvent, il exerce bénévolement le rôle ingrat de conciliateur ou de juge de paix entre ses paroissiens [Note : Ainsi, de 1720 à 1730, Messire Aleno de Kersalic, vicaire perpétuel de Plozévet, s'applique « à corriger les mutins et chicaneurs qui ont la démangeaison de plaider ». Il établit dans sa paroisse une exacte police, réprime énergiquement la divagation des troupeaux de moutons. En 1729, douze domaniers ne cessant de se quereller au sujet des terres frostes dont ils ont la jouissance indivise, M. de Kersalie, sans recourir aux tribunaux, effectue lui-même le partage de la vaste palue de Menez-Goret]. Le clergé paroissial jouissait donc d'une haute autorité morale. La foi simple et robuste donc sans intolérance, la pureté des mœurs sans pharisaïsme, le zèle apostolique sans orgueil ni esprit de parti, tout cela commandait le respect et la sympathie [Note : C'est l'impression d'ensemble que laisse la lecture d'innombrables documents, rédigés en Cornouaille en 1789 et 1790. Les expressions « bons pasteurs, vertueux ministres », appliquées aux membres clergé paroissial, se rencontrent dans les cahiers des paroisses].

Vœux concernant le culte. — En ce qui concerne spécialement la religion ou l'exercice du culte, le Tiers-Etat cornouaillais ne formule guère de doléances ni de vœux. Le peuple paraît donc satisfait de l'ordre de choses établi. Poullan et Primelin demandent, un peu vaguement, « le maintien de la religion catholique, apostolique et romaine ». Pleuven et Saint-Evarzec désirent que cette religion « soit toujours constante en Basse-Bretagne ». Les vœux tendant à l'exclusion des autres cultes sont rares. Cependant Landudec et Primelin veulent que la religion catholique « soit la seule admise en France ». Peumerit, sans doute, sous l'inspiration de son vieux recteur, demande, sur un ton un peu chagrin, « que Sa Majesté soit le protecteur, le soutien, l'appui de la religion catholique, apostolique et romaine, surtout dans ce siècle malheureux où les mœurs sont moins pures que jamais, la suppliant, à cet effet, de ne permettre l'exercice d'aucune religion étrangère dans l'Etat et Duché de Bretagne » [Note : Ibid. Cahier de Peumerit, art. 1].

Enfin, la ville de Quimper demande « que la religion catholique, apostolique et romaine soit conservée dans toute sa pureté et jouisse seule en France du culte public, sans nuire à la tolérance civile des non-catholiques ». L'assemblée générale de la sénéchaussée adopta ce vœu mais après l'avoir expurgé du membre de phrase « et jouisse seule en France du culte public ». Le vœu ainsi mutilé, devenu anodin, sans portée ni sens, passa dans le cahier général [Note : Ibid. Cahier de la ville de Quimper, chap. II, de l'auterité royale, art. 6. Cahier de la sénéchaussée de Quimper, 20 avril 1789, chap. II]. La tolérance religieuse était donc voulue par la majorité.

(Jean Savina).

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