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Les justices seigneuriales de la Cour de Conc-Fouesnant-Rosporden.

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Nous allons rappeler un ordre de choses disparu depuis plusieurs années. Par malheur, nous n'avons les archives de la cour de Concarneau qu'à partir de 1688 ; et nous ne trouvons de renseignements sur les justices seigneuriales que dans les archives de la cour de Conc-Fouesnant-Rosporden (Archives du Finistère, Série B, Cour de Conc. N°s 912 à 1331. Inventaire sommaire, T. 1er, p. 285 à 407). Notre étude sera donc presque renfermée dans le XVIIIème siècle. Mais on verra que, sauf en deux points importants, les institutions judiciaires n'ont guère changé depuis leurs origines.

Personne n'ignore la distinction des justices seigneuriales en basses, moyennes et hautes.

En ce qui concerne les deux premières classes de justice, un mot seulement :

Les basses justices connaissent au civil d'affaires personnelles et réelles, jusqu'à 60 sols (3 livres) ; au criminel, elles prononcent une amende de 10 sols au plus ; — elles ne peuvent emprisonner ; — elles doivent renvoyer à la haute justice ce qui excède leur compétence.

Les moyennes justices jugent les affaires personnelles et réelles sans fixation de valeur ; — elles jugent les délits passibles d'une amende de trois livres au plus ; — elles peuvent informer sur délits plus graves et crimes, en faisant arrêter l'inculpé ; mais ne peuvent le retenir plus de vingt-quatre heures, et doivent le renvoyer au haut justicier.

Voilà quelles étaient la plupart des justices seigneuriales comprises dans la châtellenie.

Parlons maintenant des hautes justices [Note : On entend dire aujourd'hui, surtout en temps d'élections, que les seigneurs avaient droit de vie et de mort. Absolument comme M. le Président de la République qui nomme des juges prononçant la peine de mort].

Les appels des basses et moyennes justices vont à la haute justice.

Le seigneur haut justicier a la haute, moyenne et basse justice, c'est-à-dire le droit de nommer des juges qui prononceront au civil sur toutes causes personnelles et réelles entre les vassaux ; et, au criminel, connaîtront de tous crimes et délits, sauf les cas royaux, et, depuis l'ordonnance de 1670, les cas prévôtaux ou présidiaux [Note : Cas royaux : lèse-majesté, fausse monnaie, rébellion, hérésie et huit autres. — Cas prévôtaux ou présidiaux jugés sans appel. L'article 11 du titre 1, ajoute quelques cas, notamment « excès sur les chemins publics, » rois avec violence, meurtre et assassinat]. Ces juges peuvent prononcer toutes peines, même la mort.

Sera-t-on curieux de savoir quel était le nombre de ces justices en Bretagne ? Voici sur cette question les seules indications que je puisse fournir.

En 1711, un document de l'Intendance en signale 3.905 ; d'un autre document de même source, daté de 1766, on peut déduire le chiffre de 2.922.

Ogée, écrivant en 1775, en compte (Ogée, Introduction, p. 17) 2 326.

En une telle question, est-il permis de chercher dans la moyenne un chiffre approximatif ? La moyenne de ces trois nombres donne 3.035 ; soit en chiffres ronds 3.000. Il y a en Bretagne 1.700 paroisses ou trêves, il y aurait donc eu moins de trois justices par deux paroisses ? C'est peu.

Toutefois, l'auteur contemporain d'un savant livre sur Les Justices seigneuriales de Bretagne a réduit le nombre de ces justices à 2.500, « à la veille de la Révolution » [Note : M. Giffart, pensionnaire de la fondation Thiers, docteur en droit, auteur de Les Justices seigneuriales en Bretagne aux XVIIème et XVIIIème siècles (1902). V. dans ce volume les documents cités plus haut : Comptes de 1711 et de 1766. Pièces justificatives, p. 307-308, et compte de l'auteur, p. 42. — A remarquer que l'enquête de 1766 ne renseigne que sur 51 des 64 subdélégations : elle donne le chiffre de 1.465 qui, dédoublé (un peu arbitrairement), nous a fourni le nombre 2.922].

Autre question : Et le nombre des hautes justices ?

Ici, nous n'avons qu'un chiffre officiel: celui de l'enquête de 1766. Elle donne pour 31 subdélégations, à peu près la moitié de la Bretagne, 788 hautes justices. Si nous doublons ce chiffre, nous avons pour la Bretagne entière, 1.576 hautes justices. Compte quelque peu hypothétique [Note : Trompé par quelques indications inexactes ou incomplètes d'Ogée, j'ai compté environ 850 hautes justices en Bretagne (Organisation judiciaire, in fine). M. Giffart (p. 45) a très justement rejeté ce compte. — Il propose le chiffre de 1 500. Soit ! — Mais comment concilier ce chiffre avec celui de 2.500 comme total de toutes les justices ? Comment, y ayant 1.500 hautes justices, n'y aurait-il que 1.000 justices moyennes et basses ?].

Mais, laissons là ces généralités et ces conjectures, et revenons à Concarneau. — Combien de justices étaient comprises sous cette juridiction ?

La subdélégation de Concarneau figure dans l'enquête de 1766 ; mais ce document ne fournit qu'un chiffre : 12 pour les hautes justices, rien des moyennes et basses. — Cherchons ailleurs.

Une montre du ban et de l'arrière-ban de Cornouaille, de 1481, mentionne environ 80 nobles ou tenant fiefs nobles, c'est-à-dire roturiers possédant fiefs nobles et à ce titre astreints au service de guerre (Fréminville, Antiquités du Finistère, 2ème partie, p. 350-366). Du chiffre de ces 80 fiefs nobles, nous pouvons conclure à peu près le même nombre de justices [Note : « Le fief est rarement sans justice ». Hévin, Consultations, n° 77, p. 378. « La plus violente des présomptions contre celui qui se prétend seigneur de fief, est de n'avoir aucun droit de justice ». Consultations, p. 379].

Ajoutons que dans 20 des paroisses ou trèves composant la châtellenie, Ogée nomme 71 maisons nobles. Il n'en indique pas une seule dans les trois autres ; nul doute qu'il n'en ait omis plusieurs. On le voit, le chiffre d'Ogée se rapproche sensiblement du chiffre 80. — Ce nombre peut donc marquer approximativement le nombre des justices ... [Note : M. Giffard écrit p. XVI, « Archives du Finistère, série B, 1194. Liste des justices seigneuriales sous la juridiction de Concarneau ». Il ne se trouve à ce n° que huit noms de hautes justices ; on en trouve d'autres à d'autres n°s de la série B].

Cela dit, nous devrons nous borner à rechercher les noms des seigneuries ayant eu haute justice.

Combien la châtellenie comprenait-elle de hautes justices ? C'est ce que je ne puis dire avec une certitude absolue. Après beaucoup de recherches, j'ai trouvé pour le XVIIIeme siècle, dix-huit hautes justices dépendant du siège de Concarneau. Je vais en donner les noms [Note : J'ai relevé dix-sept noms, soit dans divers actes consultés pour mes études sur la Cornouaille, soit dans l'Inventaire sommaire des Archives de la cour de Concarneau. Le 18° nom (Botpadern, Elliant), m'a été fourni tout récemment par le Vte Villiers du Terrage, inspecteur général honoraire des Ponts-et-Chaussées, Note sur les Anciens Chemins de la paroisse d'Elliant (Bull, de la Soc. Arch. du Finistère). On a vu, précédemment, que l'enquête de 1766 compte 12 hautes justices. — Ogée en nomme dix dont je soulignerai les noms].

Entre ces dix-huit hauts justiciers, huit sont à distinguer à raison des titres particuliers qui leur appartiennent.

1° Cinq sont dits sergents féodés (on dit quelquefois fieffés) du duc (originairement) [Note : Beaucoup de grands seigneurs avaient, comme le duc, des sergents féodés ; mais je ne parle ici que de ceux du duc]. C'est-à-dire qu'ils sont tenus envers le duc et les juges ducaux à certains devoirs dont la jouissance d'un fief est le gage (la rémunération), avec certaines prérogatives, dont la principale était la haute justice [Note : « La haute justice est naturelle aux sergents féodés du duc ». Hévin, Questions féodales, p. 259. — « Aussi, les sergents féodés du duc s'estimaient-ils bien au-dessus des sergents féodés des barons ». Id., p. 276].

Les sergents féodés faisaient auprès du duc un service d'honneur, la verge de sergent en main. Ils étaient appelés à l'ouverture des Etats ; leur absence (sauf excuses) était punie de la confiscation du gage. — En dehors de ce service d'apparat, ils faisaient auprès des cours ducales office de sergents ordinaires : par exemple (par leurs commis) ils donnaient les ajournements au nom des sujets ; et cet acte était fait gratuitement, puisqu'il était payé d'avance par la jouissance du gage [Note : C'est en quoi la qualité de sergent féodé accordée au seigneur était utile à ses vassaux]. — Nous leur verrons d'autres devoirs en procédure criminelle.

Les cinq sergenteries féodées étaient Chef du Bois-Thominec (Lanriec), Mineven (Beuzec-Conc), Le Plessix-Fouesnant (Le Quenquis, en Fouesnant) [Note : Le Quenquis est la traduction bretonne de Le Plessis], Rohantec (Elliant), Rosensaux (Scaër).

2° Huit hauts justiciers ont un privilège particulier, dit aux derniers siècles, le droit de menée à la cour [Note : Sur la menée, d'abord devoir du seigneur, puis droit pour lui. Hévin, Questions féodales, p. 358, n° 9 ; p. 155, n° 11 et p. 357, n° 7. — Ce n'est pas le moment d'insister sur ce point curieux]. C'est pour chacun d'eux la faculté de faire expédier par la cour les affaires concernant leurs vassaux.

Ces affaires viennent aux audiences ordinaires, après les affaires citées par les sergents royaux. Mais l'ordre des seigneurs menéants est réglé : ils sont 1, 2, 3 menéant [Note : En 1774-1775, Louis, comte de Guer, marquis de Pontcallec, en même temps seigneur de Kergunus et Kerrichard (Trégunc) et de Riec et la Porte-Neuve, déclare que sa menée, comme seigneur de Kergunus, s'exerce tous les lundis à Concarneau, aussitôt après la justice de S. M., et que la justice de Riec s'exerce tous les mardis à Pont-Aven. B. 1053. Il était donc 1er menéant à Concarneau].

Nous avons vu plus haut une affaire civile de cinq sous, de deux liards, pouvant être jugée successivement quatre fois.

J'ai fait remarquer que ce n'était pas compter tous les degrés de juridiction par lesquels l'affaire de cinq sols pouvait passer.

En effet, le jurisconsulte que je citais prend comme exemple une affaire jugée en première instance par le siège ducal, par exemple celui de Concarneau. Supposez l'affaire (c'est le cas le plus ordinaire) jugée en basse ou moyenne justice : elle viendra en appel à la haute justice avant d'être soumise, en appel encore, au juge ducal. Elle aura donc été jugée deux fois avant de lui venir. Le seigneur, en exerçant son droit de menée, pouvait amener l'affaire droit au juge ducal. Ainsi, comme la sergenterie féodée, le droit de menée était utile aux vassaux du menéant.

Les seigneurs menéants de Concarneau sont les cinq sergents féodés, plus les seigneurs de Coatcon (Beuzec-Conc), Coatcanton (Melgven), et Kergunus (Trégunc).

Sergents voyers. — Je trouve deux des hauts justiciers ayant le titre de voyers ou sergents voyers : ce sont le seigneur de Chef du Bois-Thominec et celui de Coatcon.

Il faut remplacer ce titre par celui que les jurisconsultes emploient d'ordinaire : Seigneur voyer. — Le titre de sergents leur attribue apparemment les mêmes devoirs et les mêmes droits qu'à l'officier nommé voyer, « commis pour avoir soin des rues et chemins, chargé de donner les alignements, d'empêcher les usurpations, et d'exiger le droit de péage pour l'entretien des chemins ».

Enfin, pour compléter la liste des dix-huit hautes justices, il me reste à en nommer dix, dont les seigneurs ne sont ni sergents féodés ni menéants, ni sergents voyers. Les voici :

Le Hénan (Nizon), Goarlot (Melgven), Kerveguen-Trévalot (Scaër), Coatloret (id.) [Note : Coatloret allait passer du ressort de Concarneau dans celui de Quimperlé. Lettres royales de décembre 1765. B. 1048], Tréanna et Botpadern (Elliant), Mur-Henvez-Guérinen (Saint-Evarzec), Cheffontaines ou la Fontaine (Clohars), Locaman (Fouesnant), Moros (Lanriec).

Nous l'avons dit plus haut, de même que le juge ducal, le Juge du haut justicier condamnait même à mort jugeant sans appel. Comme le juge ducal, avant de prononcer une sentence de mort, il devait « appeler à lui ceux qui savent les droits et les coutumes » ; mais où trouvera-t-il ces utiles auxiliaires ? Il ne peut s'adresser qu'aux hommes de loi exerçant dans sa juridiction. Quels sont-ils ? Avocats à la cour demeurant d'ordinaire loin de son siège, procureurs du siège et (peut être) notaires.

Quoi qu'il en soit, un jurisconsulte a pu écrire : « (Le juge) du haut justicier appelant à soi des postulants de sa juridiction pour assesseurs, condamnait le matin et faisait pendre la relevée » [Note : Hévin, Consult., p. 6. — Je crois et pour les raisons données (ci-dessus, p. 57), que les postulants qu'Hévin nomme assesseurs n'étaient que des conseils. A remarquer qu'il fut interdit de juger à l'audience de relevée, une cause pouvant entraîner mort naturelle ou civile, galère ou bannissement. Ord. crim. de 1670, t. XXV, art. IX].

Ce qui veut dire qu'après la condamnation prononcée à l'audience du matin, juge, procureur fiscal, sergents allaient dîner, et que, à l'heure de l'audience de relevée, ils se retrouvaient pour conduire le condamné au supplice !

Cette procédure expéditive a-t-elle toujours répondu à la pensée des religieux auteurs de notre très Ancienne Coutume ?

L'ordonnance d'août 1670 coupa court à cette vieille pratique, en ordonnant aux procureurs fiscaux de relever appel au parlement, de toutes les condamnations par eux requises. C'était dire que pas une condamnation ne serait exécutée avant d'avoir été confirmée en parlement.

C'est pourquoi, pour le dire tout de suite, l'ordonnance a pu permettre aux parlements de faire exécuter les sentences confirmées ; mais à titre d'exception et « pour des considérations particulières » [Note : C'est l'article XVI du titre XXVI. « Si les arrêts portent condamnation, les condamnés seront renvoyés sur les lieux, aux frais de ceux qui en sont tenus, s'il n'est autrement ordonné pour des considérations particulières ». Nous verrons que, en 1772, ces frais de renvoi furent mis à la charge du trésor : ce fut, avec le peu de sûreté des routes et des prisons, une considération qui porta souvent à retenir l'exécution à Rennes].

Cette disposition nouvelle allait produire une conséquence imprévue : c'est que nombre de hautes justices vont cesser de juger au criminel ; et la raison de ce fait est bien simple.

Par l'appel de droit, le haut justicier est contraint de faire conduire le condamné devant le parlement à Rennes ; et, outre la responsabilité qu'il encourt, il est chargé des frais du voyage et de la nourriture dans la prison [Note : Au minimum, 14 livres par jour (au moins 31 fr. de notre monnaie), seulement pour l'escorte. Or, le convoi ne fait que huit lieues par jour en hiver et dix en été. Règlement du 12 janvier 1737. Ogée compte de Rennes à Quimper 50 lieues. Supposez un condamné conduit de Quimper à Rennes : il mettra 6 jours en hiver, 5 en été. C'est 180 ou 155 fr. alloués à l'escorte seule. M. Giffart donne (p. 237-238) un mémoire daté du 21 avril 1744, des frais faits par la haute justice de Cheffontaines pour une affaire d'homicide. Le total est de 2.294 l. 17s. 4d., plus de 4.468 fr. de notre monnaie]. Dans ces conditions nouvelles, les hauts justiciers feront juger le moins possible : que le juge royal se saisisse d'une affaire, ils le laisseront faire, heureux de s'en débarrasser ; et les fonctions de la haute justice glisseront ainsi des mains du haut justicier qui ne les retient pas, aux mains du juge royal, impatientes de s'en saisir.

Il n'y avait là que demi-mal. Mais une autre hypothèse se présentait : le juge royal a ignoré le délit ou le crime, le juge seigneurial l'a su et n'agit pas à cause des frais « à faire ». La charge des frais ne sera-t-elle pas un motif de favoriser l'impunité ? Voilà le danger que le pouvoir royal craint ou peut-être reconnaît, et auquel il va remédier. Par ordonnance de mars 1772, le roi Louis XV met à la charge de l'Etat la plupart des frais de l'instruction, et, en appel, tous les frais de transport, de renvoi et d'exécution (M. Giffart, Pièces justificatives, n° 15, p. 343. Très heureuse révélation).

Ajoutons que les présidiaux ne manquent pas de prononcer la suppression des hautes justices inoccupées [Note : Ex. à Quimper, la justice de la Commanderie de Saint-Jean, supprimée en 1621, et rétablie par le Parlement en 1727].

Mais la haute justice s'exercera encore au civil. Elle existera en droit. Les hauts justiciers seront ainsi libérés de l'exercice de la justice criminelle devenu trop onéreux : ils garderont l'honneur ancien sans les charges nouvelles ; dans leurs aveux, ils réclameront la haute justice avec ses marques publiques, notamment les fourches patibulaires [Note : Voilà ce qui se passa à Quimper pour les regaires, haute justice de l'évêque. Mais d'autres justices cessèrent peut-être toute fonction. En 1750, Guémadeuc, seigneurie bannière très ancienne, évêché de Saint-Brieuc, ne trouvait pas à affermer son greffe offert à 12 livres (environ 24 francs) par an... et la location des greffes était à peu près le seul revenu de la justice].

J'ai parlé par ailleurs du gibet ou fourches patibulaires du prince. Il faut ajouter quelques mots des fourches patibulaires des seigneurs.

Pour élever des patibulaires, il fallait l'expresse concession du souverain. Anciennement, ce droit fut très rare, mais plus tard il se multiplia, si bien qu'on a pu écrire que « les hauts justiciers ont droit d'avoir des patibulaires ». Ce changement s'explique ainsi :

« Les juges du duc estimaient à honneur et privilège, le soin de faire exécuter les condamnés des juges seigneuriaux » (Hévin, Consultations, II, p. 10). Plus tard, ils se refusèrent à cet office. L'exécution revenait donc aux seigneurs ; mais elle devait se faire dans leurs fiefs et elle comprenait deux actes : pendre et exposer. On ne pouvait exposer en ville ; donc les patibulaires devenaient nécessaires, et c'est ainsi que le duc fut amené à les accorder à tous les hauts justiciers.

L'acte de concession fixait le nombre des poteaux ou piliers : d'ordinaire deux pour les simples seigneuries. Les seigneurs qui se prétendaient des neuf barons de Bretagne en réclamaient six, nombre maximum [Note : Ainsi, le sire de Pont-l'Abbé se disant un des neuf barons. Aveu au Roi de 1731. Arch. du Finistère]. L'addition d'un pilier à ceux existants déjà était une faveur enviée [Note : En 1505, la reine Anne permit à Vincent de Ploeuc, seigneur du Plessis-Ergué, etc., paroisse d'Ergué-Armel, d'ajouter un 4ème poteau, notamment à sa justice du Plessis, située au village de Kervao, sur la route de Goncarneau à Quimper].

J'ai parlé par ailleurs de l'exécution des condamnations prononcées par les juges ducaux. Disons, à ce propos, que les sergents féodés assistaient les juges, non seulement à l'audience, mais quand ils conduisaient les patients au supplice.

Il semble toutefois que, à Concarneau, ce devoir regardait surtout le seigneur de Chef-du-Bois-Thominec. Nous l'avons vu gardien des clés de la prison et fournissant le geôlier ; un acte nous apprend que pour la pendaison il devait « fournir des gens et des cordes », et « conduire le condamné jusqu'au bateau, et le faire traverser l'eau jusqu'à la pierre dite Men ar laer, » quand l'exécution se faisait aux patibulaires.

Les seigneurs sergents féodés ne se refusaient pas à ces services, « tant les ministères de la justice étaient réputés glorieux, mais le goût des honneurs changea » (Hévin, Consultations, II, p. 10). Des sergents féodés renoncèrent à leurs gages pour ne pas rendre ces services, qui plus tard ne furent plus demandés. Le marquis de Tinténiac, qui, en 1766, devint acquéreur de Chef-du-Bois, et ainsi sergent féodé de Concarneau, n'avait pas à craindre que ce service lui fût jamais réclamé [Note : B. 1046. Plaids généraux, janvier 1766. Acquêt par François de Tinténiac, marquis de Quimerch, seigneur de Livinot, etc. de Messire Thomas de Mauduit du manoir de Chef du Bois, etc.].

Je ne vais pas (cela m'entraînerait trop loin) donner quelques indications sur toutes ces hautes justices ; mais je ne puis omettre quelques mots sur Moros.

Moros avait été acquis, avec autres terres voisines, par l'illustre Duquesne, le 21 janvier 1651. Il s'y fixa et y demeura environ dix ans. En janvier 1682, il obtint de Louis XIV la haute justice pour Moros, « à la condition qu'il n'y sera fait aucun exercice de la religion prétendue réformée ». — « C'est, lui est-il écrit, une des menues satisfactions dont le Roy peut payer ses victoires, tant qu'il sera à Genève... »« Il pourrait prétendre à toutes les grâces, c'est-à-dire au titre d'amiral, mais lui-même y mettait obstacle, par son attachement au calvinisme ».

Après la mort de Duquesne, en 1688, Moros et les terres annexées passèrent à son quatrième fils, qui avait abjuré et qui mourut en 1741 [Note : Duquesne aux Moros, très intéressante étude par M. Véron, ancien officier de marine (1894). Duquesne mourut en 1688. Il laissait des enfants mineurs. Leur mère tutrice Gabrielle de Bernière, plaidait en cette qualité devant la cour de Conc, en avril 1691 (B. 916)]. En 1728, il avait vendu le Moros à N. Le Perrier de Salvert ; et c'est cet acquéreur ou son héritier qui eut l'honneur de recevoir en 1747, le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne.

Note sur Moros : « Moros avait été acquis par l'illustre Du Quesne, en 1651. Il s'y fixa et y demeura environ dix ans ». Du Quesne venait d'épouser, en 1650 ou 1651, Gabrielle de Bernières, « catholique qui abjura pour s'allier au calviniste » (Jal, Dictionnaire Critique, p. 1019) [Note : Elle est morte en 1698, à 63 ans (Jal, p. 1024) ; elle est donc née vers 1634, et elle avait 16 ou 17 ans à son mariage en 1650 ou 1651, quand Du Quesne né en 1610 avait 40 ou 41 ans. Il semble que l'acte de sépulture la rajeunit un peu]. Le 30 mai 1666, « Gabrielle de Bernières, compagne de Messire Abraham du Quesne, seigneur de Moros, vice-admiral de l'armée du Roy au Ponant [Note : C'est-à-dire au Levant, en Orient. — Jal dit que Du Quesne « chef d'escadre depuis 20 ans et ayant 56 ans (il en avait 50), fut fait, le 27 août 1669, lieutenant général des armées navales » ; mais « qu'il n'eut pas la vice-amirauté du Levant qui resta vacante tant qu'il vécut » P. 1021 (1ère col.)], est marraine par procuration » à Concarneau. Le 5 septembre suivant, elle est de nouveau marraine avec « Messire Jean de Châteauneuf, capitaine de Champagne (sic), commandant de Concarneau, parrain par procuration ». « Il avait vendu le Moros à N. Le Perrier de Salvert ». Le vendeur était Abraham, quatrième et plus jeune fils de du Quesne. L'acquéreur est dit « Antoine-Alexis de Perrier de Salvert, seigneur de Moros et chevalier de Saint-Louis, capitaine des vaisseaux du roi ». (Acte d'inhumation d'un enfant, Concarneau, 18 mai 1741).

Les justices seigneuriales avaient fait leur temps. La plupart des bailliages en demandaient la suppression. L'Assemblée Nationale la prononça par décret des 4-11 août 1789. Mais l'Assemblée n'entendait pas suspendre le cours de la justice : elle déclara que « les officiers des justices continueraient leurs fonctions jusqu'à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire ».

Un an plus tard, un décret du 16 août 1790 y pourvut en créant les juges de paix en chaque canton, et un tribunal composé de 5 juges (au moins) dans les 530 (environ) districts de France. Il fallait du temps aux électeurs pour choisir cette armée de juges, et beaucoup de juges seigneuriaux siégèrent jusqu'aux premiers mois de 1791 (et peut-être postérieurement).

Au lieu de son sénéchal royal, Concarneau, devenu chef-lieu de canton, eut un juge de paix et des prud'hommes, assesseurs du juge de paix, élus pour rendre la justice « au nom du Roi ».

(Julien Trévédy).

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