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L'industrie sardinière à Concarneau.

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Nous avons vu Concarneau figurer dans divers traités entre la Bretagne et l'Angleterre ou la France ; mais il semble que c'est à titre de forteresse plutôt que de port. Le chanoine Moreau nous a dit que son entrée était difficile, le hâvre peu sûr et les eaux peu profondes.

En 1636, Dubuisson nous apprend qu' « il vient à Concarneau peu de vaisseaux (lisez navires) » ; il ajoute que « le trafic de vins et blés y est petit ». Sur le port il donne un renseignement que nous dirons plus loin (Dubuisson, p. 108).

Ces renseignements pouvaient être exacts au temps où l'un et l'autre écrivaient ; mais, vers le milieu du XVIIIème siècle, l'entrée avait été améliorée ; il avait été construit des quais, deux cales, une digue entre la pointe du rocher de Pénéroff et le coteau voisin [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine. Intend. B. 625-26-27. Un des quais porte le nom de d'Aiguillon, 1756-1790]. Après ces travaux accomplis, l'auteur des Essais sur Concarneau pouvait écrire :

« Le port présente un accès facile à toute sorte de navigation, et même à des bâtiments du Roi qui souvent y relâchent surtout en temps de guerre. Dans celle de 1744 on y a vu 300 navires » [Note : Il s'agit de la guerre commencée en 1741 entre la France et l'Angleterre, marquée par la victoire de Fontenoy (1745) et terminée par la paix d'Aix-la-Chapelle (1748)].

L'auteur, qui habitait Concarneau, nous montre ainsi un port de refuge plutôt qu'un port recevant des navires, non au long-cours, mais même au cabotage. Plus loin il nous renseignera sur Concarneau port de pêche.

Ogée écrivant vers le même temps ne dira qu'un mot du port qu'il admire : « Le port est très beau... ».

Cambry formule quelques critiques : « Le port peut contenir 300 barques et quelques bâtiments de cinq à six cents tonneaux... ». On devrait terminer les quais, effectuer des curages, faire sauter la roche de Penro..., etc. [Note : Il faut lire Pendro. De pen (tête) et dro (tourner), tête où il faut tourner, qu'il faut éviter. — Voilà l'étymologie qui m'est donnée. — Si Cambry revenait en ce monde, il pourrait exprimer le même voeu contre la roche « que l'on doit faire sauter »].

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

J'ai copié plus haut cette phrase de Dubuisson : « Au Sud un môle rompt les houles et les coups de mer et conserve une longue courtine en arc entre deux tours ou plateformes ».

Les deux tours dont parle Dubuisson sont vers l'Ouest la tour à gauche de la porte principale, et à l'Est la tour dite du Fer à cheval, à la pointe du petit château. Entre les deux est le port que la jetée protège au Sud. — Cette jetée a été reconstruite, en 1808, telle qu'elle est aujourd'hui.

C'est à la mer que Conc a dû son importance militaire que Concarneau n'a plus, et, ce qui vaut mieux, son aisance et sa prospérité que la ville gardera.

Nous avons vu aux XVème et XVIème siècles, le revenu des pêcheries ducales de Cornouaille figurant dans des comptes de 1429, 1501, 1534, pour des sommes représentant aujourd'hui (en 1908) au moins 51.000, 60.000 et 55.000 francs. Nous avons fait remarquer que par « pêcheries ducales de Cornouaille », il faut comprendre les pêcheries comprises entre l'entrée de Quimperlé et l'entrée de l'Odet ; et nous avons dit que Concarneau était le port principal de ce rivage.

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

Ces chiffres montrent l'importance qu'avaient alors, au voisinage de Concarneau, la pêche et la sêcherie du congre, de la merlue, du lieu et même de la morue, avant la découverte ou l'exploitation du banc de Terre-Neuve.

Mais la sardine était déjà pour quelque chose dans cette prospérité.

Nous avons de ce fait une preuve certaine. Au XVème siècle, des pêcheurs de Douarnenez contribuent à l'édification de l'église de Ploaré [Note : La tour de l'église de Ploaré date du XVème siècle. Courcy, Itinéraire de Nantes à Brest, p. 262], alors paroisse de Douarnenez ; et, sur quelques pierres de sa façade, ils font sculpter des poissons qui semblent des sardines, comme pour montrer que l'argent qui paie ces pierres est le produit de la pêche. D'autres pierres montrent le goëland planant sur des bancs de sardines. Ainsi, aux XVème et XVIème siècles comme aujourd'hui, le goëland pêchait la sardine ; qui douterait qu'alors comme aujourd'hui l'homme ne lui en disputât sa part, et sa large part ?

Or, à cette époque comme de nos jours, pour entrer dans la baie de Douarnenez, la sardine passait devant Concarneau.

Nous avons lu le chanoine Moreau écrivant, au début du XVIIème siècle, que Concarneau « village de pêcheurs, un siècle et demi auparavant, est une petite ville peuplée en partie d'habitants enrichis par le commerce de mer », c'est-à-dire par la pêche.

Voilà le progrès pacifique accompli depuis cent cinquante ans ! Les fils des modestes pêcheurs d'autrefois ont ajouté à l'héritage de leurs pères le fruit de leur propre travail et ils ont l'aisance.

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

Cet heureux mouvement ne s'arrêtera pas.

Au milieu du XVIIIème siècle, la pêche et l'industrie de la sardine étaient en pleine prospérité. Les Etats de Bretagne se montraient jaloux de donner à cette industrie une impulsion nouvelle. Et quand ils encourageaient la pêche, ils n'avaient pas seulement en vue l'intérêt particulier mais aussi l'intérêt public [Note : « C'est le meilleur (la pêche) et le plus fécond de tous les séminaires par rapport aux matelots ». P. 235 du Corps d'observations de la Société d'Agriculture, de Commerce et des Arts, t. 1er, 1761. Années 1757-58, p. 237. Ce mémoire est curieux à lire. J'en ai donné un résumé dans la Pêche de la sardine en Bretagne au XVIIIème siècle. Assoc. Bret., Saint-Pol de Léon (1888)].

La Société d'Agriculture et du Commerce établie par les Etats nous renseigne sur la pêche de la sardine : « On en fait monter le produit à plus de deux millions. Le Croisic, qui n'y emploie que trente bateaux, en retire au moins 20.000 écus, ou 60.000 livres chaque année... La pêche de la sardine à Port-Louis produit, année commune, 400.000 livres. Celle de Belle-Isle et de Concarneau n'est pas moins considérable ; et l'on pêche avec le même succès à Douarnenez et à Camaret. Le Port-Louis seul occupe 1.300 pêcheurs et fait subsister plus de 1.800 personnes employées aux salaisons ».

Disons que les chiffres écrits plus haut : deux millions, 60.000 et 400.000 livres représentent plus de 4.360.000, 130.000, 872.000 francs de nos jours [Note : Je suis les évaluations de Leber qui multiplie par 2,018 ; mais il faut remarquer que, établies pour 1845, elles sont trop faibles après soixante aus passés].

Moins de vingt ans après, Ogée mentionnait la pêche de la sardine ; mais sans aucun détail. Par bonheur, vers le même temps, nous trouvons des renseignements certains dans les Essais sur Concarneau :

« Le commerce principal de Concarneau est celui de la pêche de la sardine qui se fait par plus de 300 chaloupes équipées chacune d'environ quatre hommes, qui par la suite deviennent de très bons marins, propres pour le service des vaisseaux du Roi. Cette pêche y attire tous les ans plusieurs Norwégiens qui y viennent vendre des cargaisons de rogue et vont ensuite à l'Ile de Rhé en convertir le produit en sel et eau-de-vie.

Indépendamments des chargements journaliers qu’on fait de ce poisson pour divers ports de l'Océan, on en fait quelquefois pour ceux de Marseille et de Cette. D'ailleurs quantité de petits bâtiments de la rivière de Charente viennent tous les ans en chercher pour approvisionner la Saintonge et l'Angoumois. Enfin cette pêche nourrit une infinité d'individus. Les hommes font la pêche, les femmes et les filles salent le poisson, et les enfants font les filets ».

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

Vers le même temps vint en Cornouaille un voyageur qui, depuis dix-sept ans, courait le monde « faisant, dit-il, deux mille lieues à pied sans compter les routes par eau, à cheval ou en voitures ».

Il vint une première fois à Douarnenez en 1775 ; il y est le 30 septembre, et il célèbre le mouvement du port, pendant la pêche de la sardine, « lorsque cinq à six cents bateaux tant de Douarnenez que de Crozon couvrent journellement cette vaste et magnifique baie » [Note : Petits voyages aux environs de Quimyer, par Milrand (pseudonyme de François Marlin), 1775, 1785, — publiés par J. Trévédy, ainsi que Voyage de Brest à Paris (même époque)].

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

En 1785, notre voyageur revient en Bretagne. Il est à Concarneau, le 3 mai, en pleine pêche ; or il se contente de dire de Concarneau : « petit port assez joli » ; de l'activité de la ville, de sa flottille de pêche qu'il a vue sous voiles, pas un mot ! C'est que sans doute il voit en Concarneau le rival de Douarnenez. Or il est gros actionnaire dans une pêcherie de Douarnenez... et s'il pêche beaucoup, il gagne peu d'argent en courant de grands risques. Il écrit :

... « Il ne manque à notre établissement que de donner des bénéfices. Il y a trop de mains à employer, trop d'avances à faire ; et puis, quand le poisson est prêt, on l'envoie à Nantes ou à Bordeaux à des commissionnaires qui s'appliquent le profit et ne vous présentent que des pertes ».

Les millions dont parlait la Société d'Agriculture en 1761 étaient-ils ainsi surtout pour les commissionnaires ?

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

Quoi qu'il en soit, retenons ce que dit la Société du succès de la pêche égal à Douarnenez et à Concarneau, et concluons qu'elle était prospère dans les deux ports.

On aurait pu croire que les orages de la fin du siècle auraient ruiné cette prospérité. Toutefois Cambry écrivant en 1794, nous montre une situation analogue à celle de 1775-1780.

Il mentionne « environ trois cents chaloupes pêchant annuellement 12 à 15.000 barils, sans y comprendre sept à huit mille barils de sardines anchoitées » [Note : Anchoitées..., préparées à la manière des anchois. Les sardines anchoitées sont passées de mode], ni même à ce qu'il semble, le poisson expédié comme sardine fraîche.

« Les chasse-marées de la côte de Vannes en enlèvent une égale quantité pour les porter à Nantes, à La Rochelle, à Bordeaux » ; et, ajoute-t-il, « des chevaux la transportent dans l'intérieur des terres... ».

Mais pendant les guerres de l'Empire, les croisières anglaises, maîtresses de nos mers, allaient paralyser la pêche. Après la paix, quand Concarneau ne vit plus une voile ennemie sur l'horizon bleuâtre de sa mer, il se remit joyeusement à la pêche.

L'industrie reprit vite l'essor ; et, lorsque vers le milieu du XIXème siècle, en même temps que l'on continuait la presse de la sardine, on imagina la friture, l'industrie sardinière atteignit un degré de prospérité jusque-là inconnu.

Il semble que le mouvement de l'industrie sardinière marque depuis plus d'un siècle le mouvement de la population.

Vers 1775, Ogée portait à 1.700 le chiffre des habitants de Concarneau ; et on peut s'en rapporter à son dire, puisqu'il tenait ce renseignement du maire de la ville. Ce chiffre admis, il faudra admettre que les guerres de la République et de l'Empire, en frappant l'industrie, ont apporté un obstacle fatal au développement de la population.

En preuve, voyez le recensement officiel de 1837. Concarneau ne figure pas au nombre des communes ayant au moins 1.500 habitants [Note : Recensement. Bull, officiel 1837. 2ème semestre, p. 112]. C'est une diminution de plus de 200 sur le chiffre donné par Ogée, soit un septième.

Acceptons le chiffre maximum de 1.499 en 1837 ; — 25 ans après, le recensement publié en 1862 donne le chiffre de 2.658 ; et le recensement publié vingt ans plus tard, en 1882, donne celui de 5.006, — quatre fois le nombre des habitants en 1837, 45 ans auparavant.

On a fait honneur du progrès constaté entre 1862 et 1882, au chemin de fer de Lorient à Quimper, ouvert en 1864 ; et on a cru pouvoir se promettre que l'ouverture d'une voie ferrée entre Rosporden et Concarneau allait déterminer un mouvement analogue [Note : La ligne vers Rosporden a été ouverte le 1er juillet 1883].

Or, l'événement a trompé l'attente. Les recensements en font foi. La population a augmenté seulement de 16 unités entre 1882 et 1886. C'est dire que le nombre des habitants a été stationnaire pendant cette période.

Comment expliquer ce fait ? C'est que les années 1880 à 1886 (sauf pourtant 1883) ont été désastreuses pour la pêche, comme l'ont été depuis, les années 1902 et 1903.

Personne ne songe à nier que la voie ferrée ne soit un élément de prospérité ; mais il y a un autre facteur de cette prospérité, qui, s'il pouvait élever la voix, réclamerait une part dans l'heureuse situation de Concarneau. C'est la sardine.

Concarneau (Bretagne) : industrie sardinière.

C'est elle qui, avant l'ouverture des voies ferrées, je dis plus, au temps où n'existaient que des voies à peine carrossables, a commencé la prospérité de l'industrieuse ville : c'est la sardine qui peut assurer cette prospérité ; et le chemin de fer a besoin de la sardine pour accomplir l'oeuvre qu'on attendait de lui en 1883. On l'a bien vu, vers cette époque : En 1884-1886, quand la sardine a manqué, les wagons emportaient moins de sardines à Rosporden, que n'en avaient porté les charrettes dans les années abondantes de 1862 à 1879 [Note : Voici des chiffres qui m'ont été obligeamment fournis. Moyenne de sardines pêchées : 1° en 1880-86 (omettant 1883), par bateau 56-299. 2° en 1875-79, années abondantes : par bateau: 387-343 ; en plus : 331-044].

Et pourtant quand la sardine manqua en 1882, apparut un petit poisson nommé sprat. Aspirait-il à remplacer la sardine ? Son ambition a été déçue : il n'a pas obtenu et il ne devait pas obtenir une égale faveur.

Ajoutons que, en 1891, une année où la sardine ordinaire était rare, un autre poisson apparut, dit petite sardine.

En terminant, faisons des voeux pour que sardine, sprat et petite sardine restent désormais fidèles à ces côtes privilégiées, et daignent se faire pêcher chaque année dans la baie verdoyante de La Forêt.

(Julien Trévédy).

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