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DOLÉANCES ET GRIEFS DES MARINS-PÊCHEURS DE CONCARNEAU EN 1789

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Doléances et griefs adressés au Roi par les marins, matelots-pêcheurs et autres habitants de la ville et faubourg de Concarneau et autres ports circonvoisins de Bretagne.

L'an 1789, le deuxième jour du mois d'avril, nous soussignés, et autres habitants de la ville et faubourg de Concarneau, assemblés à l'Hôtel de ville, à deux heures après midi, suivant l'annonce nous faite de la part de la municipalité de ladite ville, conformément aux règlements du Roi, et en exécution d'ordonnance de M. le Sénéchal du siège royal de Concarneau, en date du 26 mars dernier, présidés par maître Hervé, procureur, officier municipal nommé à cette fin par délibération du matin de ce jour.

Donnons pouvoir et procuration aux six députés par nous nommés ce jour de, pour nous et en nos noms, faire imprimer le Mémoire portant nos doléances et griefs, pour être présenté aux prochains Etats généraux.

Déclarant approuver et corroborer ce que lesdits procurateurs feront aux fins de la présente, noue engageant à contribuer à tous frais et dépenses y relatifs.

Fait et arrêté, en l’assemblée générale des comunes de la ville et faubourg de Concarneau, tenue en la chapelle du Rosaire de ladite ville, lesdits jour et an que devant.

Signé : Maurice Furic, Eustache Brisson, Malhieu Gloux, Jean Hélou, Bastien Dubois, Nicolas Furic, Jean-Louis Le Nivès, Dominique-Guénolé Chacun, Féchant, Claude Droualin, Nicolas Guillou, Etienne Guérin, Emmanuel Chacun, Jean-Pierre Reserret, Petit, Julien Ollivier, André-Kerralin, Jacques Dubois, Jean- Baptiste Sauban, Louis Fleur, Jean-Claude Droualin, Augustin Guillou, Jean-Baptiste Mélançon, Yves Gadon, Pascal Rochedreux, Bodet, Nicolas Le Bail, Jean-Marie Gloux.

(Ajouté à la main : Les autres marins et matelots-pêcheurs, qui tous se sont joints aux dénommés ci-dessus, ne savent point signer).

Sire, nous voyons enfin arriver le terme de nos malheurs. Vous voulez bien nous permettre de faire retentir aux pieds de votre auguste trône nos justes plaintes. Qu'il est doux pour de fidèles sujets de vivre sous un aussi bon Maître !

Votre ville de Concarneau, que le bon Henri IV qualifiait la quatrième place forte maritime de Bretagne, est une des fertiles pépinières qui fournit, à votre port de Brest, d'excellens marins. Jadis florissante par la liberté et l'étendue de son commerce maritime, elle ne contenait que des marins aisés. Les entraves mises à ce commerce par quelques avides monopoleurs sont cause que cette ville n'offre aujourd'hui, ainsi que ses environs, que des marins toujours soumis et fidèles à votre Auguste Personne, mais accablés per la misère où les ont plongés les abus qu'on va exposer à vos yeux.

La pêche de la sardine est le seul commerce qui nous fait exister en ce pays. C'est uniquement à l'appui de cette pêche que nous subsistons en temps de paix ; c’est à cette pêche que nous formons les jeunes et braves marins qui sont toujours prêts, Sire, à voler à la défense et à la gloire de votre pavillon ; enfin, c'est le produit de notre pêche qui sert à alimenter plusieurs provinces méridionales du Royaume. Il est donc de l’intérêt du Gouvernement de protéger notre commerce et nos personnes, et c’est cette protecction que nous sommes forcés de réclamer aujourd’hui de la bonté et de l’équité de notre bon Roi.

La pêche de la sardine ne peut se faire sans un appât que l’on appelle rogue. Cet appât nous est apporté du Nord par les Danois, et fait ici l’objet principal de nos griefs. Nous avons quelquefois réclamé contre les abus et les vexations que nous éprouvons pour l’achat et la vente de ces rogues. Si nos réclamations ont été jusqu'ici sans succès, nous avons aujourd'hui une espérance plus flatteuse.

Premier grief. — La rogue n'est autre chose que des tripailles de poissons dits stokfiches. Les Danois l'apportent du Nord en forme de lest. Ils ne retiraient, il y a vingt ans, que cinq et six livres du baril ; aujourd'hui, ils le vendent seize et dix-huit livres par la grande enchère qu'ont mise sur cette rogue d'avides capitalistes pour s'enrichir aux dépens des misérables matelots.

Dès qu'il arrive en Bretagne quelques bâtiments chargés de rogues, les marchands monopoleurs achètent la cargaison entière, à raison de seize et dix-huit livres le baril. Ils la font porter dans leurs magasins, et quand la pêche devient abondante et la rogue d'urgente nécessité, ils la font payer trois fois plus cher aux pauvres matelots pêcheurs qui, à défaut de facultés, ne peuvent jamais s'en approvisionner à leur arrivée. Voilà sans doute un grand abus ; mais il en résulte encore d'autres qui aggravent les malheurs des marins.

Ceux-ci, n'ayant point d'argent comptant à donner pour sa rogue au marchand, portent leurs poissons au magasin du marchand. Ils demandent quel prix un leur donnera du poisson. On leur répond qu'il sera payé prix courant. Mais ce prix étant réglé, chaque semaine, au plus bas prix possible, par les marchands réunis et d'accord ensemble, ces derniers s'adjugent un second bénéfice sur le poisson, et il ne reste pas aux pauvres pêcheurs, qui ont eu toute la peine, de quoi substanter leurs malheureuses familles, Voilà la véritable hydre qui a détruit en Bretagne un commerce jadis très florissant et qui procurait à notre marine une grande quantité d'excellens marins, voilà le monstre destructeur qu'il faut anéantir. Car, forcés par les vexations continuelles qu'ils éprouvent, beaucoup de marins pêcheurs renoncent à la mer et détournent même leurs enfants d'embrasser un état qui ne leur offre aucune resource.

Second grief. — Pour mettre le comble à leur cupidité, les marchands capitalistes ont une autre spéculation funeste aux marins ; c’est que, plus la pêche deviant abondante, moins cher ils payent aux pêcheurs le poisson, mais plus ils enchérissent alors le prix de leurs rogues. N'a-t-on pas raison de se récrier contre un monopole aussi odieux ? Les lois divines et humaines ne le proscrivent-elles pas ? Peut-on laisser, plus longtemps, à la merci de quelques hommes trop avides, une quantité innombrable de bons et braves marins cent fois plus utiles et plus précieux à l'Etat ? Le mal est à son comble, mais il n'est pas sans remède. Nous avons droit d'attendre tout, Sire, de votre bonté et de votre justice. La bienveillance et la sagesse de votre Ministre nous font espérer le succès de nos réclamations [Note : Sur la question de la rogue, voir GERBAUX et SCHMIDT Procès-verbaux du Comité d’Agriculture et de Commerce, t. I].

Troisième grief. — La mer est notre élément naturel, c'est notre ressource, c'est le seul territoire que nous puissions cultiver. Si on nous ôte toutes les facultés de pouvoir en tirer notre subsistance, que deviendrons-nous ainsi que nos enfans ? Que deviendra le commerce ? Où la marine trouvera-t-elle et formera-t-elle des sujets ?

Cependant, Sire, quelque cruelle que soit notre situation, dans ce moment, l'on semble néanmoins encore nous envier jusqu'à l'air que nous respirons. Des avocats, des médecins, des procureurs, etc..., deviennent aujourd'hui nos concurrents, Nous comptons actuellement à Concarneau 88 bateaux de pêche appartenant à ces citoyens de différentes classes. Pourquoi ces hommes, qui peuvent bien vivre de leur état, viennent-ils envier aux malheureux pêcheurs un commerce qu'on ne leur a rendu déjà que trop onéreux ? Mais pourquoi surtout les marchands de rognes eux-même ont-ils une grande quantité de bateaux ? C’est qu'ils font consommer leurs rogues par ces bateaux, quand les pauvres marins ne peuvent pas leur en donner le prix exorbitant qu'ils en exigent. Voilà ce qui cause encore notre ruine ; car alors nos bateaux sont forcés de rester à terre ; alors la veuve, l'orphelin et la femme isolée dont le mari est au service de la marine sont obligés, pour pouvoir vivre, de vendre leurs petits effets et ne tardent pas à être réduits à la mendicité. En vain ces malheureux réclament-ils la pitié des marchands, ils sont sourds à leurs voix plaintives. Qu'ils réfléchissent cependant sur leur conduite. S'ils jouissent aujourd'hui d'une fortune brillante à qui en sont-ils redevables ? N'est-ce pas à la peine et aux travaux du pêcheur ? N'est-ce pas le fruit de sa sueur ? N'est- il pas l'instrument dont ils se sont servis, et dont ils se servent encore, chaque année, pour les enrichir ? Ah ! Quelle ingratitude de les accabler de tant de vexations ! Mais ils veulent y mettre le comble, puisqu'ils se proposent de s'opposer à ce que les pêcheurs puissent désormais vendre en mer leurs sardines aux chasse-marée qui leur en donnent un meilleur prix que leurs avides fournisseurs de rogues. Ils voudraient donc, eux seuls, tout envahir dans leurs magasins et ôter aux malheureux pêcheurs les faibles ressources qui peuvent les dédommager quelquefois des injustices et des duretés qu'ils leur font éprouver sans cesse. Quelle cupidité, quelle barbarie ! Ils nagent dans la plus grande abondance, et ils plongent dans la plus affreuse misère celui qui, par son industrie et ses travaux pénibles, leur apporte des trésors.

O temps trop malheureux pour nous ! Qu'est devenu celui où nous vivions si contents et si heureux de notre sort, où nous luttions avec un courage héroïque contre un élément vraiment terrible ! Hélas, Sire, nos malheurs ont abattu ce grand courage, et il ne tarderait pas à s'anéantir tout à fait, s'il n'était ranimé, dans ce moment, par la voix du meilleur des princes qui sera sans doute sensible à nos larmes.

Quatrième grief. — Que de maux, Sire, les suppliants n'auraient-ils pas à mettre sous vos yeux, s'ils vous exposaient l'état déplorable où ils sont réduits ? Ils prouveroient n'y a nulle égalité dans la répartition des impôts ; qu'un simple marin ou artisan paie autant, et souvent même plus, que des bourgeois aisés ; qu'eux seuls logent les gens de guerre et fournissent aux casernes ; en un mot, qu’ils sont imposés au-dessus de leurs facultés ; enfin, qu'ils sont dignes de votre commisération et de votre bonté. Ils osent donc requérir, ce considéré :

Qu'il vous plaise, Sire, avoir égard à la sincérité de l’exposé ci-dessus ; en conséquence, ordonner :

|° Qu'il sera, par la suite, établi un entrepôt pour les rogues à Concarneau et autres lieux circonvoisins, où chaque matelot-pêheur puisse aller acheter, à un prix raisonnable, le baril de rogues, et fixer ensuite ce prix à perpétuité ;

2° Faire défense à tous marchands de faire venir des rogues, sous quelque prétexte que ce soit, et de les vendre en gros ni en détail ;

3° Faire également expresse défense à toutes personnes ayant des charges, comme avocats, médecins, procureurs et autre, d'avoir et d'entretenir des bateaux de pêche à Concarneau et autres lieux circonvoisins faisant le commerce de sardines, attendu le grand préjudice que cela cause aux pauvres marins qui n'ont d'autre patrimoine que la mer ;

4° Enfin, qu'il plaise à Votre Majesté exempter vos marins et gens de mer des corvées territoriales et des contributions à icelles.

 

Ce cahier fut remis au sénéchal de Concarneau pour être adressé à l'intendant, avec prière de le soumettre au Roi. En même temps, le sénéchal de Concarneau envoyait la lettre ci-après à l'intendant, le 22 avril 1789 :

« Je vais vous donner, Monseigneur, tous les éclaircissements que je me suis procurés, avec tout le soin possible et dont je me sens capable, pour une classe de citoyens si intéressante et si utile à l'Etat. Je vous parlerai avec la plus grande impartialité, car mon ministère m'y engage, vous suppliant d'intercéder auprès du gouvernement pour nos matelots-pêcheurs, dignes de votre commisération et des bontés de notre Roi.

Il s'est établi, en cette ville, une quantité de négociants étrangers qui font privativement le commerce de la résure, rave ou rogue, qu'ils conservent dans des magasins. Cette rogue est l'appât qui sert à attirer et à prendre la sardine. Nos matelots-pêcheurs se plaignent tous que les négociants, non contents de fixer à cette rogue un prix arbitraire, leur font les lois les plus dures et les plus condamnables, que lorsque leur rogue est défectueuse dans quelque partie du baril, lorsqu'on leur demande une diminution sur le prix convenu, ou que la quantité vicieuse soit rétablie par d'autre qui soit bonne, ils répondent qu'ils l'ont achetée telle qu'elle est, et qu'il faut que tout soit vendu au même prix, la bonne comme la mauvaise, en sorte que le public est la dupe des fraudes que les marchands concertent vraisemblablement avec les commissionnaires de Norwège qui leur envoient cette rogue. De là vient la stérilité de la pêche de la sardine qui ne peut être attirée abondamment par un appât infecté ; nos matelots-pêcheurs se plaignent encore que les négociants, au moyen de ce commerce de rogue, se rendent les maîtres exclusifs de celui de la sardine, qu'ils refusent de recevoir le prix de leur rogue en argent, qu'ils exigent qu'elle leur soit payée en sardine, et que pour mieux conduire leur projet, ils conservent le baril vendu dans leur magasin, qu'ils permettent seulement au poissonnier d’en prendre une certaine quantité suffisante pour sa pêche et qu'à son retour, ils ne lui en délivrent une autre portion, que parce qu'il leur délivrera un parti de sardine qui égale ce qu'il doit pour la quantité de rogue qu'il a consommée, qu'ils lui vendent leur rogue très cher, qu'ils le forcent de leur livrer sa sardine à vil prix.

Ces négociants, qui ont quitté leur patrie sans la moindre fortune, sont devenus ici très opulents et à la tête de la fortune la plus brillante, au bout de 15 à 16 ans. Ils tiennent entièrement nos marins, matelots-pêcheurs sous leur joug et leur dépendence ; on les a réduits à la misère la plus affligeante et la plus affreuse. Je sais qu'il y a quelques-uns de ces marins et de leurs veuves qui, sous prétexte qu'ils ont une centaine d'écus de revenus et un bateau en mer, sont capités 18 l., 20 l., 24 l., tandis que les marchands, les plus aisés ne paient que 36 l., 48 l., et 50 l. La raison en est simple. Ces marchands de rogue sont tous membres de la municipalité, ayant eu soin de s'y faire nommer, et font eux-mêmes le rôle de la capitation. Pourquoi n'y auroit il pas à cette municipalité quelques marins, des plus notables, des mieux entendus d'entre eux ? J'en connais qui réellement sont assez instruits pour savoir du moins la portée de leurs semblables, pour supporter l'égalité dans la répartition des impôts. On les nomme bien collecteurs de la capitation et des autres impôts. D'ailleurs il y a toujours six de ces marins nommés, tous les ans, membres du corps politique de cette ville où les intérêts sont aussi conséquents à discuter qu'à la municipalité.

Enfin, le bruit public est que nos marins ont dit vrai dans les doléances et plaintes qu'ils adressent au Roi. Si ces vexations donc continuent, le Roi n'aura plus de marins pour son service, étant forcés, par la misère où on les plonge, d'abandonner un état qui les écrase et les ruine de fond en comble, et faisant à leurs enfants embrasser un autre parti.

Beaucoup de marins des plus honnêtes, des plus expérimentés, des plus instruits d'entr'eux, m'ont affirmé, dans leur honneur et conscience, et dans toute la sincérité de leur âme, avec la candeur et la naïveté qui suivent ordinairement ces gens, que dans les temps de la pêche de sardines, ils trouvent la 18 l., 20 l., du millier de la sardine, les chasse-marées qui viennent lors en ce pays mais que les négociants de rogue, quand ils voient les matelots-pêcheurs, vendre ce poisson à ce prix aux chasse-marées, leur refusent la rogue, s’ils ne veulent pas leur donner, à eux privativement, le millier de ce poisson à, 8 l., souvent à 6 l. C'est un fait certain, j'entends de tous côtés le peuple, nos matelots crier contre leurs monopoles, leurs accapareurs.

Quant à empêcher les avocats, les médecins, les chirurgiens, les procureurs, etc., de devenir marchands de sardines, je ne connais point de lois qui le défendent à cette classe de citoyens, quoiqu'ils aient un autre état qui les fasse vivre, si ce n'est à ceux qui ont du reçu du prince de l'autorité dans les lieux qu'ils habitent. Je ne connois point non plus de lois qui défendent aux mêmes citoyens d’avoir des bateaux de pêche, non plus qu’aux marchands de rogues. La mer est un élément libre à tout le monde, surtout pour le commerce, excepté pour ceux qui sont exclus de ce commerce par la loi. Je sais cependant qu’il n’y a que 7 ou 8 ans que ces marchands de rogues ont spéculé de se pourvoir d'une grande quantité de bateaux de pêche ; qu'auparavant, jamais il n'y avait eu que les matelots-pêcheurs qui en eussent. Pourquoi ce changement inopiné ? N'est-ce pas pour mieux écraser les matelots-pêcheurs, pour s'emparer totalement et exclusivement de cette branche de commerce de sardines, pour vendre un prix plus exorbitant leurs rogues, à raison combinée de la trop grande multiplicité de bateaux, puisqu'il y a des marchands de rogues, qui, seuls, pour leur maison et commerce, ont jusqu'à, 8 à 10 bateaux de pêche ? Pourquoi les avocats, les procureurs, les chirurgiens, etc., sont-ils devenus, depuis un an seulement, aussi marchands de sardines et ne se contentent-ils pas du fruit de leur premier état? N'est-ce pas parce qu'ils voient les marchande de rogues, aussi marchands de sardines, venir, sous peu de temps, à la tête d'une fortune surprenante, sans se donner beaucoup de peines, n'étant occupés chez eux, encore momentanément, que 5 mois de l'année, tout au plus, à cette pêche de sardines et à ce commerce de rogues ?

Pour vous donner un petit précis de l'esprit et du caractère de nos négociants de rogues, marchands de sardines en même temps, j'ai de plus l'honneur de vous instruire (ceci mérite, de plus, votre attention) qu’en 1786, ces négociants-marchands voulurent s'atablir privatinement une jurande ou maîtrise ; ils tinrent, à cet effet, des comités secrets entr'eux ; enfin ils mirent au jour une requête pour cette maîtrise dont ils excluaient les marins, par le peu d'aisance qu'ils ont, au Parlement de cette province, qui toujours prudent et en garde contre les surprises qu'on pourrait faire à sa religion, ordonna, avant autrement faire droit, de communiquer cette requête aux juges de police des lieux, pour avoir leur avis. Ces marchands de rogues, non satisfaits de l'avis de ces magistrats, malgré leurs sollicitations, n'ont plus osé aller en avant. Le procureur du Roi, en ses conclusions, y donnant son avis, s'écriait au monopole. Ces marchands ont, en conséquence soustrait leur requête, avec au bas l'avis des magistrats de police des lieux, avis qu'ils n'ont pas été assez hardis ni assez téméraires pour faire paraître sous les yeux des magistrats du Parlement. Cette conduite ne paraît pas louable. Ces marchands ont quelque temps menacé de se pourvoir au Conseil avec leur requête ; mais ils n’en ont rien fait, ou s’il ont tenté, ils n’ont donc pas réussi.

Je vous parle, Monseigneur, avec la vérité et la franchise qui conviennent à mon caractère ; je ne dois vous rien déguiser de ce qui est venu à ma connaissance. L'objet est intéressant et demande toute l'attention possible ; aussi n'ai-je rien régligé dans mon travail et mes recherches pour vous donner les éclaircissements que vous m'avez demandés ». Signé : DU LAURENS DE LA BARRE, (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1806).

(H. E. Sée).

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