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Privilèges de la ville de Concarneau.

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Il nous faut maintenant parler de deux privilèges de la ville, fort inégaux en importance, mais qui lui furent également chers : le droit de députation aux Etats et le jeu du papegaut.

 

DEPUTATION AUX ETATS.

Il n'est pas douteux que certaines villes ont député aux Etats avant d'être communautés. Concarneau fut-il de ce nombre ? Ce n'est pas probable : nous ne le voyons apparaître aux Etats que peu avant l'année 1600 ; et, avant cette époque, il avait la communauté [Note : D. Morice, Pr., III, XVII, porte Concarneau sur une liste de 31 communautés, ayant député avant l'année 1600].

Les Trois Etats sont mentionnés pour la première fois dans un procès-verbal de 1309. Mais Lobineau et Morice semblent croire que les villes avaient paru aux Etats avant cette date (Lobineau, Hist., p. 295. — Morice, Pr., III, Préface, p. XV). Depuis, on les y voit en 1315, 1352, et plus fréquemment après l'avènement au trône de Jean de Montfort. Dès cette époque, l'importance politique des villes de Bretagne, c'est-à-dire du Tiers-Etat Breton, est attestée par le Roi Charles V [Note : Conseils du roi mourant (16 septembre 1380) à ses frères : « Le duc de Bretagne est plus anglais que français. C'est pourquoi tenez les nobles de Bretagne et les bonnes villes en amour. Vous lui briserez ainsi ses intentions (au duc) »].

Cette importance augmente au XVème siècle. En 1408, 23 villes sont nommées ; en 1451, 1455, 1462, il y en a 25 ; et ces listes ne sont pas complètes [Note : Toutes finissent par ces mots agaçants : « Et autres bonnes villes »] ; il en est ainsi jusqu'à 1567, année où commence la collection des procès-verbaux des Etats.

D. Morice a essayé de combler ces lacunes ; et il a dressé deux listes. La première comprend les noms des villes ayant député avant 1600. Concarneau figure sur cette liste.

En 1614, le Roi Louis XIII et la reine régente vinrent ouvrir les Etats à Nantes ; et les Etats demandèrent qu'il fût fait un rôle des villes ayant droit de députation. Le rôle comprit 42 villes, au nombre desquelles Concarneau [Note : Nous disons 42, quoique l'état comprît 44 villes ; mais quatre sont réunies deux à deux, savoir : Brest et Saint-Renan (siège royal), Antrain et Bazouges. Ces quatre villes n'avaient que deux voix]. Le 6 juin 1667, un arrêt du Conseil fixa la liste des communautés « ayant revenus d'octroi » et députant aux Etats ; il apporta quelques modifications à la liste de 1614 [Note : Six noms furent supprimés : Brest — Saint-Renan, Châteaubriant et quatre autres. Les deux premières villes furent aussitôt rétablies. Deux places furent attribuées à Hédé et La Roche-Bernard, et deux réservées à Port-Louis et Lorient qui naissait avec la Compagnie des Indes]. Concarneau figure sur les deux listes, et sa place aux Etats ne lui sera pas ôtée.

Ce chiffre de 42 villes ne sera pas modifié [Note : De ces 42 villes, 21 sont en 1908 chefs-lieux d'arrondissements. Ne députaient pas Loudéac, Châteaulin, Paimboeuf, Savenay (que remplace Saint-Nazaire, alors simple village). Les 21 autres villes sont en 1908 chefs-lieux de canton]. Mais l'ambition du Tiers est d'obtenir une représentation égale en nombre à celle de la noblesse. Ce rêve ne se réalisera pas ; mais le nombre des députés des villes augmentera pendant que diminuera le nombre des nobles siégeant aux Etats.

Ainsi, un peu après 1667, cinq villes obtiennent un second député : Rennes d'abord, puis Nantes, Vannes, Saint-Malo et Morlaix. Le nombre des voix du Tiers monte de 42 à 47.

En même temps qu'il obtenait une augmentation du nombre de ses représentants, le Tiers poursuivait la réduction du nombre des nobles. Les intendants de Bretagne secondaient ces visées, le Pouvoir n'y était pas opposé ; et pour ce motif: c'est que la noblesse défendait avec plus de vigueur que personne les privilèges de la province et s'opposait à la création de nouveaux impôts.

C'est seulement à partir du milieu du XVIIème siècle que les nobles vinrent en grand nombre aux Etats [Note : En 1689, 450 nobles]. De 1689 à 1717, on en compte de 300 à 600. La noblesse reconnaît qu'une telle affluence produit quelque désordre ; peut-être estime-t-elle que les anoblis récents y sont trop nombreux ? Sur une motion émanée de la noblesse, en 1717, les Etats décident que seuls les petits-fils des anoblis siégeront avec les nobles [Note : En 1726, 500 nobles sont présents ; en 1728, 978. C’est le chiffre le plus élevé que j’ai vu – En 1736, 602 ; en 1738, 434 ; en 1746, 613 ; en 1752, 666 ; en 1754, 760 ; en 1764, 581].

Confirmant cette décision, en 1736 (26 juin), une déclaration du Roi fixe, pour l'entrée aux Etats, cent ans de gouvernement et de partage noble, et vingt-cinq ans d'âge.

C'est d'après ces règles que les nobles, réunis à Saint-Brieuc en 1789, se trouvèrent au nombre de 863. Il n'est pas douteux que, dans des circonstances moins graves, ils auraient été moins nombreux.
Quel était à ce moment le nombre des représentants du Tiers ?

Aux Etats ouverts à Rennes le 22 décembre 1788, le Tiers demande encore une augmentation de voix. Un arrêt du Conseil est rendu, le 20 janvier 1789, approuvé par le Roi, qui accorde deux députés en plus à chacune des 42 villes ; le chiffre de 84 surajouté portait le nombre des députés à 131.

Ajoutons que le mode d'élection était changé : les députés, au lieu d'être choisis par la communauté, devaient être élus par les habitants.

Si les Etats s'étaient réunis, il y aurait eu 131 députés du Tiers en présence de 900 au plus des corps privilégiés [Note : L'arrêt ne reçut pas d'exécution. — D'après l'arrêt de 1667, les députés du Tiers étaient 47, en 1908 les cinq départements bretons ont 43 représentants à la Chambre]. Quelques mois après, des élections allaient se faire pour nommer des députés, non plus aux Etats de la province de Bretagne, mais aux Etats généraux du royaume.

La noblesse et le haut clergé se réunirent en une assemblée unique à Saint-Brieuc ; le bas clergé s'assembla en chacun des neuf diocèses ; le Tiers fut convoqué aux chefs lieux de 13 bailliages entre lesquels furent arbitrairement répartis les ressorts des 25 sénéchaussées royales de la province.

Le bas clergé avait à nommer 22 députés et le Tiers 44. Quimper et Concarneau réunis nommèrent trois députés : MM. Le Déan, Le Goaezre de Kervélégan, Le Guillou de Kerincuff, avec deux suppléants : MM. Morineau et Tréhot de Clermont [Note : M. A Proust (Archives de l'Ouest) dit que Concarneau et Quimper nommèrent quatre députés, au nombre desquels Trèbol de Clermont. Au lieu de Le Guillou de Kerincuff, l'auteur écrit Le Guiou de Kerinarff. Beaucoup de noms d'hommes et de lieux sont ainsi méconnaissables. Un titre solennel comme Archives de l'Ouest promettait au lecteur et imposait à l'auteur un peu plus de correction. — Cf. Kerviler, Recherches et Notices sur les Députés aux Etats généraux, Revue de l'Ouest, I, p. 55].

 

PAPEGAUT.

Au Moyen-Age, en cas d'alerte, les habitants des places combattaient avec la garnison ; il fallait donc que l'arc et plus tard l'arbalète ne fussent pas en leurs mains des fardeaux inutiles. Depuis le XIVème siècle au moins, les habitants tiraient de l'arc. Cet exercice devint pour eux une obligation après la création (en 1425) des milices paroissiales, qui devinrent les Bons-corps. Dès cette époque, les tireurs ne faisaient-ils pas leur apprentissage au jeu du papegaut ?

Le Papegaut était un oiseau de bois ou de carton peint [Note : Non, comme on l'a dit, de fer. La preuve, c'est le titre de connétable donné en certains lieux à celui dont la flèche avait enlevé un premier morceau du papegaut. Ex. à Carhaix. — On suppose, d'ailleurs, que l' « oiseau » peut être abattu pièce à pièce] auquel on tirait, à l'arc d'abord, puis à l'arbalète ; et, quand les armes à feu eurent remplacé les armes à corde, on tira à l'arquebuse et enfin au mousquet.

On a écrit : « L'institution du papegaut en Bretagne remonte au XVème siècle : François II, par une ordonnance de 1483, l'établit à Nantes, Rennes et Saint-Malo » (M. Laronze, p. 189).

La vérité est que le papegaut existait près de cent ans auparavant, en 1398, à Quimperlé. Nous le trouvons en faveur à Vannes en 1455 [Note : Quimperlé, Compte du miseur, 1398-1399. Hist. De l'abbaye de Sainte-Croix, p. 625. — V. Bull. Soc. Arch. du Finistère, t. V, p. 35, Le Papegaut de Quimperlé. Vannes. Gratification du duc Pierre II, « aux arbalestriers de Vannes qui avaient tiré devant luy au papegault ». Dernier juin 1455. Lobineau, Pr., 1193] ; et l'ordonnance nous le montre en grand honneur à Nantes même, longtemps avant 1482. Elle est rendue en réponse à une requête de nombre de « bourgeois fréquentans le jeu d'arc... à chacune fête (dimanche), » en faveur du « roi des archers qui, par la coutume dudit jeu, en chacun an est fait au mois de mai, en abattant d'un coup de flèche une enseigne d'oiseau nommé papegaut, assis sur une haute tour de notre ville, etc. » [Note : L'ordonnance a été publiée in-extenso par les Bibliophiles bretons, dans Archives de Bretagne, t. 1er, 72-73].

L'abatteur avait déjà, comme on voit, le titre de roi ; l'année de sa royauté révolue, il aura le titre d'ancien roi, et jouira de quelques prérogatives : il donnera son avis « sur la bonne confection, sur le loyal abat du papegaut, etc. ».

Le tir solennel du mois de mai est un concours. Tout concours suppose un exercice préalable, et François II nous apprend que cet exercice se faisait « continuellement... à chaque fête », avant même que l'abatteur eût aucun privilège.

Nous avons dit plus haut que le duc Jean V, conseillé par son frère, le connétable de Richemont, créa les milices paroissiales (1425). L'ordonnance du duc suppose que beaucoup savent tirer de l'arc [Note : V. l'ordonnance, Lobineau, Pr., 990-1.000. — Morice, Pr., II, 1161-07. — L'ordonnance de avril 1448 (de Montils-les-Tours), par laquelle, sur les conseils de Richemont, Charles VII créa les francs-archers, semble calquée sur l'ordonnance de 1425. L'exemple est venu de Bretagne]. Il importait que tous en fissent l'apprentissage. Nul doute qu'à partir de cette date les ducs n'aient créé des papegauts en nombre de villes, surtout aux places « maritimes ou frontières ». On ne peut douter que, à ce double titre, Concarneau n'ait eu très anciennement son papegaut. Dans le mandement de 1451, le duc Pierre II rappelle que, pendant la guerre de Cent ans, « les habitants de Concarneau se sont souvent armés pour faire résistance aux Anglais ». Comment leurs services auraient-ils été utiles, si les habitants n'avaient pas su tirer de l'arc ?

Voici, je crois, une autre preuve de l'ancienneté du papegaut : C'est le sénéchal qui, sur le rapport des chevaliers du jeu, « déclarait l'abat du papegaut bien et dûment fait », proclamait le roi et le mettait en possession des émoluments attribués « à rabatteur » [Note : C'est la formule uniforme employée dans 19 procès-verbaux des années 1742-1770. Arch. du Finistère, Concarneau, B. 1295].

Le tir du papegaut était, comme nous dirions aujourd'hui, une affaire municipale. Du pouvoir attribué au sénéchal ne peut-on pas conjecturer que le papegaut a précédé la création des communautés urbaines ? Or, en grand nombre, elles sont antérieures à 1450.

L'ordonnance de 1482 ne marque donc pas la date de la première institution du papegaut en Bretagne ; mais elle semble avoir innové en accordant « au roi pour l'année de sa royauté seulement, exemption de toutes tailles, aides, emprunts, etc., et de guet, garde de portes et autres subsides et subventions personnels » [Note : Le mot subsides est pris au sens d'impôts ; et le mot subventions au sens de secours, services].

En outre, le duc lui « donne l'impôt [Note : « Donne l'impôt », c'est-à-dire l'exemption de l'impôt] de 20 pipes (40 barriques) de vin nantais qu'il fera vendre en détail dans sa maison ou autre maison de la ville » [Note : Comment a-t-ou pu écrire que le duc accordait « attribution de noblesse héréditaire et rang aux Etats à celui qui abattrait le papegaut trois fois ». Imagination ! Magasin pittoresque, 1842, p. 323. Dict. de Larousse, etc].

Deux observations :

1° François II n'exempte que le vin de Nantes, vin breton payant beaucoup moins cher que le vin étranger importé en Bretagne ; nous ne voyons pas ailleurs cette restriction imposée à rabatteur.

2° L'exemption des tailles, aides etc., impôts variables, cessera bientôt ; mais elle sera compensée, avec avantage pour l'abatteur, par une exemption bien plus large des droits sur le vin vendu au détail. François II compte par pipes : les Rois de France, ses successeurs, compteront par tonneaux [Note : Le tonneau est compté pour deux pipes et la pipe pour deux barriques : le tonneau vaut donc quatre barriques. La barrique est comptée pour cent-vingt pots ; le pot est environ deux litres. La barrique est donc un peu plus que la barrique actuelle de Bordeaux].

Au XVIème siècle, après la réunion de la Bretagne à la France, il fut fait, au point de vue des finances sans doute, une recherche des lettres autorisant le papegaut ; or, plusieurs villes les avaient perdues : elles firent sans peine la preuve de l'usage ; l’usage fut pris pour la preuve du droit, et les Rois de France accordèrent très libéralement des autorisations.

On a écrit : « Henri II, Charles IX, Henri III, encouragent le papegaut ; mais en paroles seulement. Mais les villes savent faire de larges sacrifices en sa faveur » (M. Laronze, p. 190).

Les faits démontrent au contraire de la part des Rois une extrême libéralité que la cour des comptes et le conseil d'Etat trouveront excessive, et de la part des communautés unies aux fermiers des impôts, une rapacité insatiable et une honteuse lésinerie.

Faut-il des exemples de la libéralité royale et de la rapacité des fermiers de l'impôt ? Nous les trouvons à Concarneau.

En septembre 1557, Henri II accorde à cette ville le droit de papegaut, par des lettres ainsi relatées dans un arrêt du Conseil du 27 juillet 1671 (2) : « Permission aux habitants de Concarneau de tirer tous les ans au mois de may au jeu du papegault de l'arquebuze, et de vendre par celuy qui l'aurait abatu, la quantité de trente tonneaux de vin en ladite ville ou autres lieux que bon lui semblerait en la jurisdiction d'icelle, francs et exempts de tous droits d'impôts et de billots, lettres vérifiées en la dite Chambre des Comptes pour l'exemption de vingt-cinq tonneaux de vin seulement ».

Une exemption de droits sur 30 tonneaux ou 120 barriques n'est pas un mince avantage : la cour des Comptes le juge excessif et réduit à 25 tonneaux ou 100 barriques ; mais, sans parler du titre et des honneurs de roi, l'exemption même réduite récompense royalement l'adresse de l'abatteur.

Mais à quelle somme en monnaie actuelle peut s'évaluer ce prix ?

Les éléments d'un calcul exact nous font défaut [Note : L'exemption porte sur l'impôt nommé en Bretagne devoirs. On distingue les grands devoirs payés sur le vin hors (de hors de Bretagne) et les petits devoirs payés sur le vin breton. Les devoirs comprennent une double imposition : La première fixe, dite impôt : par barrique 42 sous 10 deniers pour le vin hors ; — seulement 12 sous 5 deniers pour le vin breton. La seconde, proportionnelle, est le billot : c'est la valeur marchande de six pots, environ 12 litres par barrique. L'exemption comprend aussi : 1° les issues et entrées, créées par le duc Jean IV et continuées par les Rois, sous le nom d'octrois (impôts variables). 2° Les sous pour livre — 2 sous en 1705 — 4 sous à partir de cette date jusqu'à 1768. Mais je ne parlerai que de l'impôt et du billot]. Procédons par approximation — disons mieux — par comparaison.

Le papegaut de Concarneau a les mêmes privilèges que le papegaut de Quimper : exemption sur 30 tonneaux (120 barriques) réduite à 25 tonneaux (100 barriques).

Or, nous sommes renseignés en ce qui concerne Quimper.

En 1594, pendant les troubles, Quimper saisit l'occasion de supprimer le tir du papegaut, pour unir à ses finances (c'est-à-dire confisquer à son profit) les émoluments du papegaut.

De ce chef, le miseur porte à son compte une somme de 600 livres, soit aujourd'hui (en 1908) 3.169 francs au minimum [Note : Compte du miseur Rolland Le Dénic. Bull. Soc. Arch. du Finistère, XII, 1885, p. 131. Je multiplie par 5,25, chiffre indiqué par Leber en 1845, et un peu faible en 1908 après 62 ans passés].

Mais — disons-le tout de suite — en 1671, nous allons voir l'exemption sur 25 tonneaux réduite à 15 tonneaux. Il nous faudra donc réduire nos chiffres des deux cinquièmes : 240 livres. — Il restera seulement 360 livres, ou 1.901 francs.

Au début du XVIIème siècle, bien que devenus moins utiles, les exercices du papegaut étaient encore en grande faveur, lorsque, par édit de 1605, Henri IV les supprima, pour « unir leurs exemptions d'impôts au trésor royal ». Le Parlement de Bretagne refusa l'enregistrement de l'édit, les Etats protestèrent ; et une déclaration de mars 1606 « interprétant » ou plus exactement retirant l'édit, rétablit le jeu, mais à l'arquebuse seulement ; l'arc et l'arbalète étaient passés de mode [Note : Toutefois quelques villes obtinrent le rétablissement des tirs à l'arc et à l'arbalète ; mais il n'y eut qu'un prix pour les trois, prix moindre pour l'arc, plus élevé pour l'arbalète, et plus encore pour l'arquebuse. C'était un encouragement au progrès].

Au milieu du XVIIème siècle, le pouvoir royal demanda encore aux villes la justification de leurs droits au papegaut [Note : M. Laronze (p. 190) compte 10 villes, outre Rennes, Nantes et Saint-Malo, faisant tirer le papegaut au temps de la Ligue. Or 26 des 37 productions faites en 1671 sont antérieures à la Ligue] : 37 villes produisirent les lettres du duc François II (1482), et des lettres, confirmatives ou non, des Rois François Ier, Henri II, François II, Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII, et même une de Louis XIV, faisant preuve du droit [Note : Plusieurs villes qui n'avaient rien produit alors (notamment Brest) firent plus tard la preuve de leur droit. Des 37 villes produisant en 1671, une seule fut déboutée, Carhaix. Elle fit sa preuve plus tard, et était en possession en 1727. V. Le papegaut de Carhaix, par J. Trévédy].

Concarneau produisit non les lettres mêmes de Henri II, que la ville crut peut-être prudent de garder ; mais l'expédition authentique dont nous avons parlé par ailleurs.

Par arrêt du 27 juillet 1671, le Conseil d'Etat admet les productions de 36 villes, y compris Concarneau [Note : L'arrêt de 1671 a été imprimé et forme une brochure de 85 pages qui semble rarissime. Elle se trouve aux archives des Côtes-d'Armor, B. 7, reliée avec nombre de pièces dans un Recueil d'édits et arrêts colligés par Quérangal de la Hautière, alloué royal de Saint-Brieuc. T. VIII]. Mais il réduisit presque toutes les exemptions, notamment celles de Concarneau, à 15 tonneaux. C'était la moitié de l'exemption accordée en 1557, déjà réduite à 25 tonneaux par la cour des Comptes.

Après l'arrêt de 1671, on voit en plusieurs villes l'abatteur traitant avec les fermiers des devoirs pour une somme de 300 ou 350 livres (environ 1.000 ou 1.150 francs). Marché lésionnaire auquel l'abatteur se soumet par peur du procès dont le fermier le menace. D'autres vendent leur droit à un cabaretier, qui, encouragé par le fermier, le paiera un prix dérisoire [Note : M. Laronze (p. 193) : « Le droit était vendu à un ou plusieurs cabareliers, qui le payaient fort cher, cela va sans dire ». Non, il n'était cédé qu'à un seul (sous un seul brandon). Arrêt de 1671 et arrêt de Rennes, 20 avril 1724, qui décide que l'unique cabaretier devra être chevalier de l'arquebuse. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 2615].

Mais bientôt les chiffres indiqués plus haut, 300, 350 livres, deviendront l'exception, comme nous allons voir.

Un siècle environ après l'arrêt de 1671, le 31 décembre 1768, les Etats de Bretagne, jugeant l'apprentissage et l'encouragement du tir inutiles, demandèrent la suppression des papegauts et l'emploi de leurs deniers à « l'entretien des hôpitaux en état de retirer, nourrir et élever les enfants trouvés ».

A ce moment, 43 villes faisaient tirer au papegaut [Note : D'autres villes avaient eu le papegaut, notamment Rostrenen, Bécherel, Tinténiac. — Brest ne l'avait plus en 1770. En 1757, la communauté avait demandé qu'il fût remplacé par un plant de mai]. Plusieurs protestèrent contre la suppression projetée : notamment Saint-Malo [Note : Nantes protesta après l'arrêt rendu, trop tard] ; mais d'autres parurent renoncer au « jeu », dans l'intérêt de leurs hôpitaux. Un arrêt du Conseil du 7 mai 1770 supprima les papegauts, sauf pourtant celui de Saint-Malo, et peut-être ceux de Groix et de la Roche-Bernard, que nous voyons existants encore en 1776 [Note : Lettre de l'Intendant. C. 2615. — Il s'agit de la petite île de Groix, en avant de Port-Louis. Elle produisait des lettres de Henri IV de 1599, lui accordant exemption de 30 tonneaux].

Nous avons vu plus haut les fermiers des devoirs acquérant pour un prix vil, à 300 et 350 livres, des exemptions valant beaucoup plus : leur rapacité ne se contente pas de ce premier succès ; et, cent ans après, les fermiers paient moins cher des exemptions qui valent plus qu'après l'arrêt de 1671. Elles valent plus, parce que les droits exemptés sont augmentés des 2 sous par livre, créés en 1705.

Voici les divers prix que je relève en 1770 :

Les abatteurs reçoivent 800 livres (Saint-Malo), 400 livres (Nantes et Rennes), 300, 240, 200, 180, 150, 130, 120, 90, 75, 70, 63, 60. Deux abatteurs à Guérande et Piriac ne reçoivent rien. L'abatteur de Lesneven est réduit d'année en année (240, 200, 180). Le papegaut de Malestroit est évalué à 83 livres, moitié pour l'hôpital, moitié pour rabatteur, soit 41 livres 10 sols à chacun. On compte 6 livres à celui qui abat la tête de l'oiseau, 6 livres à celui qui a le blanc (?) ; 2 livres au greffier ; 4 livres au tambour. — Reste au roi, 23 livres, 10 sous [Note : Ces chiffres sont extraits des papiers de l'intendance, C. 2615. Pour avoir la valeur en monnaie actuelle, il faut multiplier par 2.020. Ainsi la dernière somme, 23 livres 10 sous, vaut aujourd'hui (en 1908) 47 fr. 47 c. — L'arrêt de 1671 n'avait pas imposé tous ces paiements à rabatteur. Il avait simplement partagé le prix par moitié, entre l'abatteur et l'hôpital. La ville voulait tout prendre. Lettre de l'Intendant, 1758].

L'abatteur de Concarneau est mieux traité. Voici une lettre écrite le 6 juillet 1770, par le subdélégué de l'intendance :

« On tire le papegault en cette ville chaque année au mois de may authorisé par lettres patentes de 1557 par lesquelles l'abateur devait jouir de la liberté de vendre et débiter quitte et franc de tout tribut, de droit d'impôt et billot, entrée de port et hâvre et autres subsides et impositions quelconques, trente tonneaux de vin de tel crû que bon lui semblerayt pendant un an ; mais bien s'en faut qu'il retire cet avantage depuis plusieurs années, causé, prétend-on, par diverses difficultés que font les fermiers des devoirs. Depuis plusieurs années, l'abatteur s'accommode avec eux et en a retiré l'un 300 livres, les autres 340 jusqu'à 350, attribution bien au-dessous du véritable droit » [Note : On remarquera que le subdélégué en est aux 30 tonneaux exemptés par Henri II, et qu'il ne tient pas compte des réductions à 25, puis à 15 tonneaux, mentionnées ci-dessus].

C'est-à-dire 606, 686, 707 francs de nos jours en 1908. Quelle était donc la valeur du « véritable droit » auquel le subdélégué fait allusion, sans nous le faire connaître ?

Les archives de Quimper vont encore nous renseigner. — Nous avons vu plus haut que les droits du papegaut (sur 15 tonneaux) pouvaient être évalués, après l'arrêt de 1671, environ 1.900 fr. de notre monnaie en 1908. Depuis, ils furent quelque peu augmentés par l'exemption des deux sous pour livres, après 1705.

A la suppression, les droits de Quimper, 15 tonneaux, furent unis à ceux de Penmarc'h (10 tonneaux), soit en tout l'exemption sur 25 tonneaux que Quimper estimait, en 1594, 600 livres ou 3.169 francs actuels en 1908.

Ces droits réunis furent attribués à l'hospice de Quimper. Ils sont compris aux comptes de l'hospice pour la somme de 1.200 livres, environ 2.400 francs de notre monnaie en 1908 [Note : Les Hôpitaux de Quimper, par le Ct Paty. Bull. de la Soc. Arch. du Finistère (1883), p. 476 et suiv.]. Dans cette somme, Penmarc'h figure pour 2/5 et Quimper pour 3/5, soit 480 livres pour Penmarc'h, 720 pour Quimper.

Telle devait être, à peu près, la valeur du « véritable droit » à Concarneau. On voit que la plainte du subdélégué est trop fondée.

A propos de la suppression des papegauts, rappelons un fait qui montrera avec quelle insouciance étaient gardées les archives municipales.

En novembre 1770, le maire de Concarneau, député aux Etats, demande copie des lettres établissant le papegaut ; il a besoin de cette pièce pour que les droits de rabatteur soient régulièrement transportés à l'hôpital. La communauté s'assemble et « nomme deux commissaires pour faire la perquisition des lettres... Les commissaires descendent aux archives et ne trouvent rien » ; mais ils ont appris que les lettres peuvent être aux mains de tierces personnes. « La communauté charge les commissaires de toutes perquisitions à cet égard et d'en faire un rapport ». Les commissaires (Dupont Bodélio et Morineau) rapportent, non l'original des lettres du 7 septembre 1557, mais une copie authentique tirée le 6 octobre 1669 (Mes. Billette et Caradec, notaires royaux), qui leur a été remise par l'héritier d'un ancien maire (Copie présentée au conseil en 1670).

Un dernier mot sur le règlement du papegaut. — La religion chrétienne avait mis son empreinte sur toutes nos institutions. Les règlements du jeu de papegaut avaient un caractère non seulement moral, mais religieux. Des pénalités sont portées contre les arquebusiers querelleurs, ivrognes, blasphémateurs : ceux-ci peuvent même être dégradés de leurs armes [Règlement de Quimper (1538), de Saint-Brieuc (1638)].

Il va sans dire que les archers ou chevaliers du jeu forment une compagnie que le roi commande. A la procession de la Fête-Dieu célébrée au mois de juin, le roi paraissait dans l'éclat de sa dignité nouvelle, « à la tête de la compagnie marchant en bataille pour assister le Saint-Sacrement que les chevaliers ont promis et juré de conserver et défendre au péril de leur vie » [Règlement de Saint-Brieuc (1638)].

« Commandement est fait expressément à tous chevaliers... d'avoir devant les yeux l'honneur de Dieu en recommandation et qu'ils se déporteront (s'abstiendront de paraître) à la butte le dimanche des Rameaux, le Vendredi-Saint, Pasques, Pentecostes, Toussains et Noël, lesquelles fêtes sont prohibées et deffendues dudict exercice, ains (mais) employées au service de Dieu... » [Note : Règlement de Rennes, art. 45, 29 novembre 1592. — M. Laronze, p. 196 et Pièces justificatives, n° 2, p. 263-264].

Cet article du règlement de Rennes montre en quel esprit ce règlement a été conçu, et les citations que nous avons faites d'autres règlements témoignent que cet esprit n'inspirait pas seulement les archers de Rennes.

Je crois à propos de donner ici la liste de dix-neuf des derniers abatteurs du papegaut, à partir de 1742 jusqu'au dernier tir en 1770. Cette liste peut intéresser les Concarnois portant aujourd'hui les noms qui vont suivre.

1742 — Robert Melgven Le Bihan.
1743 — Robert Melgven.
1744 — François Bolloré.
1745 — Jean Le Bouédec, matelot.
1746 — Robert Melgven.
1748 — Jean Saillant.
1749 — François Michel, boucher.
1750 — René Brisson.
1751 — Jean-Pierre Brisson.
1757 — ..... Le Nadan.
1760 — Nicolas Keralain, matelot.
1761 — François Michel.
1762 — Philippe-Louis Cornilleau, procureur.
1763 — François Michel.
1764 — Yves Dauzon.
1766 — François Michel.
1767 — Julien Kerevel.
1769 — François Le Raz.
1770 — François Broustel.

Sur cette liste j'ai souligné deux noms : ceux de Robert Melgven et de François Michel qui seuls ont été trois fois rois. Ils n'ont pas obtenu la noblesse, selon la fantaisie imaginée au XIXème siècle ; mais leurs descendants, s'ils existent encore, peuvent se féliciter d'avoir eu des ancêtres qui, mieux que tous autres, ont mérité leur titre de roi du papegaut.

(Julien Trévédy).

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