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La cour de Conc-Fouesnant-Rosporden.

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Nous allons rappeler un ordre de choses disparu depuis plusieurs années. Par malheur, nous n'avons les archives de la cour de Concarneau qu'à partir de 1688 [Note : Archives du Finistère. Série B., Cour de Conc. N° 912 à 1331. Inventaire sommaire, T. 1, p. 285 à 407. — Je marquerai les renvois par la lettre B et le n° des cartons]. Notre étude sera donc presque renfermée dans le XVIIIème siècle.

Cour ducale puis royale.

La châtellenie n'eut qu'une cour de justice dont le siège fut à Concarneau [Note : Ogée présente le tableau le plus inexact de la juridiction de Conc-Fouesnant-Rosporden. Outre le siège de Conc, il en place un à Beuzec-Conc, un autre à Fouesnant, un 4ème à Rosporden. Il dit que les trois derniers furent supprimés par édit de Charles IX, en 1564 (1565) ; il cite ailleurs l'édit de Troyes, comme ayant porté ces suppressions. Cet édit n'exista jamais ; nous allons venir à l'édit de 1565]. Nous avons montré ce siège existant au XIIIème siècle, et nous avons mentionné la construction de son auditoire dès cette époque.

Au XIIIème siècle, la Bretagne était partagée en huit grandes divisions dites baillies [Note : Sur ce point, M. de la Borderie, Géographie féodale de la Bretagne, 1889, notamment p. 73 et suiv., et Histoire, t. III, p. 56 et suiv., chap. VI (4ème époque)] : Nantes, Rennes, Broerech ou Vannes, Ploërmel, Cornouaille, Léon, Tréguier ou Goello, Penthièvre. Ces circonscriptions domaniales et judiciaires représentaient les anciens comtés désormais réunis dans la main du duc. A la tête de chacune d'elles est un sénéchal, grand officier ayant part à l'administration, mais chargé surtout de la justice. Le corps judiciaire, la sénéchaussée, dont le sénéchal est le chef, juge en appel les sentences rendues par les justices royales, dites « bailliages », puis « sénéchaussées ordinaires [Note : Ordinaires, au sens d'inférieures, est une expression empruntée à l'édit de 1552, auquel nous allons venir] » comprises dans le ressort de chaque baillie.

La baillie de Cornouaille comprenait l'évêché de Cornouaille ou de Quimper, moins pourtant sa pointe extrême Nord-Est vers Pontivy. — Dans ce vaste espace étaient neuf sièges ducaux dont les principaux : Concarneau, Châteaulin, Carhaix, Gourin, Quimperlé [Note : Les autres  Châteauneuf du Faou, Huelgoat, Landeleau et Duault].

Tant que subsista l'organisation des baillies, Concarneau garda la paisible possession du siège ; mais, au milieu du XVIème siècle, cette heureuse paix fut troublée.

Par édit de mars 1551 (1552 n. st.), Henri II partagea la Bretagne entre quatre présidiaux, dont les sièges furent établis à Nantes, Rennes, Vannes et Quimper [Note : Sans parler du présidial éphémère de Ploërmel, supprimé après quatre mois et pour de bonnes raisons, par édit d'août 1552, et uni au siège de Vannes. — Voir les deux édits aux Questions féodales d'Hévin, p. XVI et XXIX. La ville de Ploërmel put se consoler quand elle devint, peu après, le siège principal du grand maître des Eaux et forêts de Bretagne. Edit de février 1555 (1556 n. st) Morice, Pr. III, 1158. Est-il permis de rappeler, comme une curiosité récemment publiée, l'édit d'avril 1598, par lequel Henri IV créa un présidial de Dinan, dont le ressort comprenait au moins la moitié du ressort du présidial de Rennes. Le parlement et les Etats s'opposèrent à cette création, et un édit de mars 1601 déclara « les lettres de création révoquées ». Ce fait a été révélé par la publication que fit le regretté docteur Aubry, de Saint-Brieuc, d'une copie authentique des lettres de Henri IV. Soc. d'Emulation des Côtes-du-Nord, 1895. Le Présidial de Dinan, par le Dr Aubry et J. Trévédy]. Entre autres attributions, les présidiaux eurent le jugement des appels des sénéchaussées ou « sièges ordinaires » de leurs ressorts.

Le ressort du présidial de Quimper comprit l'ancienne baillie (moins l'arrondissement actuel de Quimperlé), mais plus l'évêché de Léon, et, à l'Est de Morlaix, une partie de l'évêché de Tréguier : c'était un ressort plus vaste que celui de la cour d'assises de Quimper.

Il faut remarquer que le présidial ne formait pas une compagnie distincte de la sénéchaussée siégeant dans la ville présidiale. Le sénéchal resta chef de la sénéchaussée ordinaire, assisté de l'alloué (1er juge) et du lieutenant (2ème juge), et il devint chef du présidial composé de sept conseillers, un avocat du Roi et un greffier. Il présida ainsi une compagnie de 10 à 12 juges [Note : Chanoine Moreau lui-même conseiller au présidial de Quimper. D'après l'édit, il y avait 10 officiers. Il y en eut 11 quand il y eut un président au (et non du) présidial. Cet office créé après l'édit de 1552, fut comme intermittent. Souvent l'office était acquis par le sénéchal, qui prévenait par là des conflits trop ordinaires. Bertrand d'Argentré fit ainsi. Un édit d'août 1764 supprima l'office de président au présidial].

Or, les sénéchaux des quatre villes présidiales ainsi accrus en dignité furent pris d'une commune ambition : chacun prétendit élargir le ressort de sa sénéchaussée ordinaire. Le moyen sembla tout simple : unir les sièges royaux à la sénéchaussée présidiale. — Mais unir par exemple le siège de Concarneau à Quimper, n'est-ce pas supprimer le siège de Concarneau ? Cette suppression portait préjudice aux villes, et lésait les intérêts des officiers qui avaient payé leurs charges [Note :  Il va sans dire qu'elles étaient remboursées. V. Edit de 1565 in fine. Quelques officiers obtinrent ou acceptèrent un office à la sénéchaussée présidiale, en échange de leurs offices supprimés. Nous en aurons l'exemple tout à l'heure]. Villes et officiers protestèrent, et alors commencèrent des débats, disons mieux, une lutte qui eut de singulières péripéties.

L'édit de 1552 énumère 42 sièges royaux. Les présidiaux représentèrent que beaucoup pouvaient être unis à d'autres. C'était vrai pour plusieurs. Ces observations furent écoutées : par lettres données à Troyes, le 29 mars 1564 (1565 n. st.), Charles IX ordonna une information sur ce point ; et, par édit d'octobre 1565 rendu à Châteaubriand, 23 sièges furent unis aux 19 sièges conservés [Note : Morice, Pr., III, 1346].

« Les habitants de Châteaulin, la sénéchaussée et ressort de Conc-Fouesnant-Rosporden », eurent beau protester contre leur union à Quimper, l'union fut ordonnée.

Mais l'exécution de l'édit n'alla pas toute seule. Ainsi, en fait, c'est seulement deux ans et demi après l'édit, le 22 mars 1568, que la sénéchaussée de Quimper vit se réaliser l'union de Châteaulin [Note : Le sénéchal de Châteaulin, Louis de Trégain, obtint l'office de lieutenant à Quimper. Il fut reçu le 12 avril 1568].

En fut-il de même de Concarneau ? Nous ne pouvons le dire. Ce que nous savons, c'est que, vingt ans après l'édit, la juridiction de Concarneau était distincte de celle de Quimper.

Voici la preuve de ce fait : En 1587, la communauté de Quimper, d'accord cette fois avec le siège, (ce qui n'était pas toujours), se met à solliciter l'union de Concarneau à Quimper, et même l'union de Gourin dont le ressort confine avec celui de Concarneau, vers Scaër. Cette union accomplie, le ressort de la sénéchaussée ordinaire de Quimper contiendra presque entièrement les deux arrondissements actuels de Quimper et de Châteaulin, plus une partie de l'ancien évêché de Cornouaille, comprise aujourd'hui dans le Morbihan (Gourin et Le Faouët). Des débats s'engagent que termine un accord dont nous ne savons pas les termes, mais que la communauté de Quimper ratifie [Note : Arch. du Finistère, E. 92. Communauté de Quimper. — Reg. de 75 rôles remplis, 1587-1588, très curieux et dont copie devrait être faite, f°s 18 r°, 25 r°, 26 r°, 51 v°].

Est-ce en vertu de cet accord, n'est-ce pas plutôt à la faveur des troubles qui suivirent, que s'accomplit cette double union [Note : C'est très probable, Concarneau étant à la Ligue, comme nous verrons par ailleurs, les officiers royaux durent venir à Quimper] ? Du moins existait-elle avant la capitulation accordée à Quimper par le maréchal d'Aumont, en octobre 1594. Dans le projet de capitulation qui doit être soumis au Roi, se lit la phrase suivante dictée sans doute par le sénéchal Le Baud, qui n'oublia jamais ses intérêts personnels : « Les bailliages de Châteaulin et autres (Concarneau et Gourin) unis à la juridiction de Quimper, s'exerceront en l'auditoire de Quimper, comme à présent... ». Le Roi, conseillé peut-être par le maréchal d'Aumont, corrigea la phrase et écrivit : « L'exercice de la juridiction se fera ainsi qu'auparavant les troubles .. » (Morice, Pr., III, 1602-1603. Ch. Moreau, p. 227).

Quoi qu'il en soit, avant 1622 [Note : Cette date est donnée par une requête insérée au terrier de la Commanderie de la Feillée. Arch. du Finistère, H. 115], Châteaulin, Gourin, et, sans aucun doute, Concarneau, étaient rentrés en possession de leurs sièges.

Ces unions de sièges avaient pour inconvénient d'éloigner le juge du justiciable ; mais cet inconvénient était moins grave qu'on ne pourrait croire : les justices seigneuriales jugeaient bien plus d'affaires que la justice royale ; elles allaient subsister, et c'est seulement leurs juges d'appel qui étaient éloignés des justiciables des seigneurs.

Du reste, une fois rentrée en possession du siège, la ville de Concarneau le garda jusqu'à l'organisation nouvelle de la justice, en 1789.

Voilà donc un édit du Roi resté sans exécution en ce qui concerne Châteaulin et Concarneau [Note : Nous avons mentionné par ailleurs le retrait par Henri IV de l'édit portant création du présidial de Dinan. De tels exemples démontrent que le pouvoir royal était moins absolu qu'on ne le dit].

OFFICIERS DE JUSTICE.

La cour de Concarneau se composait seulement d'un sénéchal, d'un lieutenant, d'un procureur du Roi et d'un greffier. Il n'y avait pas d'alloué.

Le sénéchal est dit « premier magistrat juge civil et criminel de la sénéchaussée » [Note : Le sénéchal est officier de robe longue en Bretague (Lettres de Charles IX, 14 mai 1566. Morice, Pr., III, 1349). — Nous reviendrons plus loin au sénéchal de Concarneau. A quelque degré de juridiction que ce soit, le sénéchal est le premier juge].

L'alloué est le premier assesseur, le lieutenant est le second.

N'y ayant pas d'alloué, le sénéchal juge seul. De même le lieutenant qui ne juge que comme suppléant du sénéchal.

Sénéchal, lieutenant, procureur du Roi, ont acquis leurs offices, qui deviennent en leurs mains une propriété transmissible à prix d'argent. Au contraire, le greffier n'est pas acquéreur et propriétaire du greffe. Il en est devenu locataire « par adjudication » [Note : B. 1330. Adjudication des greffes pour six ans au prix de 3.000 livres, (environ 6.540 fr. en 1908), 21 janvier 1781. C'est une ferme de 500 livres, environ 1090 fr. par année], et pour un temps, semble-t-il, assez court.

Les officiers attachés au siège étaient nombreux : quelques avocats, d'ordinaire juges ou procureurs fiscaux dans des juridictions seigneuriales voisines ; vingt notaires (en 1728) en même temps procureurs (avoués). Plus tard, ce cumul passa de mode. En 1788, il n'y a plus que treize notaires, dont deux seulement sont dits procureurs. Soit treize notaires et dix procureurs (B. 974-1066) ; deux huissiers, cinq sergents [Note : B. 974-1066. — Comme on le voit, une distinction est faite entre les huissiers et les sergents, et elle était à faire. Les huissiers (de huis, porte) ou huissiers à verge font « les significations nécessaires à l'instruction du procès et à l'exécution des jugements ; ils ont aussi le service des audiences (audienciers) ; les sergents font les actes dits extrajudiciaires, commandements, contraintes, saisies, etc., que les huissiers peuvent faire aussi. » V. Denisart, v° Huissiers. — Molière, Tartuffe. Acte V, scène IVe. Bacine, Les Plaideurs. Acte Ier, scène VIII].

Ajoutons, comme ayant des relations habituelles avec le siège : un commissaire aux saisies immobilières [Note : Etablis par édits de février 1626 et juillet 1689, près des justices royales, ces officiers ont l'entière administration des immeubles saisis qu'ils afferment et dont ils touchent les revenus] ; — un priseur juré vendeur de meubles (commissaire priseur) [Note : Etablis par édit d'octobre 1696 et déclaration du Roi du 12 mars 1697. B. 926] ; — un juré crieur [Note : Crieur public. Selon toute apparence, non seulement le crieur en ventes à l'encan ou encanteur, mais le crieur des vins (annonçant le prix des vins), le crieur des corps, annonçant les morts, les enfants ou animaux perdus. — C'était à Paris la même confrérie. Encore une charge créée dans un but financier. Edit de janvier 1690. 1696. « Remontrance faite par noble homme Charles Desroches que le sr Gérard de la Haye, chargé par S. M. de la vente des offices de juré-crieur dans le royaume, lui a donné (lisez vendu) la commission de juré-crieur dans la ville de Concarneau et dix paroisses voisines ». — B. 925, p. 293-294].

Les procureurs, souvent notaires, et des sergents demeurent hors de la ville, quelques-uns à trois ou quatre lieues ; or, l'audience s'ouvre à huit heures, c'est de bonne heure pour ceux qui demeurent si loin [Note : Au milieu du XVIème siècle, un notaire résidait à Cadol, entre Concarneau et Rosporden. Ligueur, il fut tué, dit-on. Dan’s une rencontre, en 1576. Cent ans après, son arrière petit-fils était notaire a Quimper. En 1692, après le désastre de la Hogue, il montait un navire armé en course comme second et capitaine de volontaires ; et par deux fois il envoyait des Anglais prisonniers à Quimper. Ces deux notaires, nommés Laënnec, sont les ancêtres au 7ème et 4ème degré du célèbre médecin Laënnec. Maison natale du docteur Laënnec, par J. Trévédy (1884)]. Un jour, le 18 septembre 1690, en pleine audience, un quidam, qualifié « maître faisant pour le greffier », demande au procureur du Roi : « Pourquoi, contre l'ordre, l'audience commence-t-elle si tôt ? Si cela continue, je porterai plainte au parlement ». — La réponse du procureur est bien simple : « L'heure a été fixée par arrêt de règlement dont j'ai assuré et dois assurer l'exécution » [Note : B. 914. — Arrêt de règlement, « décision prise par une cour souveraine et obligatoire pour tout son ressort, sous le bon plaisir du Roi »]. Mais, relevant bientôt le ridicule défi de ce maître maladroit, voilà le procureur rappelant aux huissiers et sergents qu'ils doivent résider au siège de la juridiction (20 mars 1691). Il n'obtient pas, à ce qu'il paraît, l'obéissance ; et, le 6 novembre suivant, il requiert et obtient « commandement aux huissiers et sergents de résider dans la ville sous peine d'interdiction des fonctions de leurs charges » (B. 915 et 918).

L'audience continue de s'ouvrir à huit heures ; elle était suspendue pour le dîner de midi ; puis, se tenait une audience « de relevée ».

La cour siégeait le lundi  si les deux audiences du matin et de relevée n'avaient pas suffi à l'expédition des affaires, la cour siégeait le mardi.

COMPÉTENCE.

Comme nos tribunaux d'arrondissement, la cour avait compétence civile et criminelle. De plus, elle avait des pouvoirs de police et même d'administration aujourd'hui dévolus à l'autorité municipale. — Nous passerons brièvement sur ces divers objets.

Compétence civile.

La cour, c'est-à-dire le sénéchal seul, en son absence le lieutenant seul, jugeait : 1° en appel, toutes les sentences des justices seigneuriales, dites inférieures ; — 2° en première instance, les affaires concernant les vassaux du duc, puis du Roi. Anciennement, toutes ces sentences allaient en appel à la sénéchaussée de la baillie.

« Une cause de cinq sols pouvait passer par tous les degrés de juridiction (Hévin, Consultations, p. 6. D'Argentré dit « une cause de deux liards ») : des sièges ducaux (ex. Concarneau, puis Quimper), elle allait par contredit (1 appel) aux sénéchaux de Rennes et de Nantes [Note : Les contredits des sièges de la baillie de Nantes allaient à Nantes, ceux des autres baillies à Rennes. La baillie de Nantes était le diocèse de Nantes], de là par autre appel au parlement des ducs, d'où elle pouvait, en deux cas, passer au parlement de France [Note : Hévin n'en dit pas assez, comme nous verrons aux Justices seigneuriales] ».

Le présidial, tribunal d'appel, arrêta heureusement le plus grand nombre de ces affaires.

Sont de la compétence de la cour, toutes les affaires portées aujourd'hui devant les juges de paix ou les tribunaux d'arrondissement.

La cour enregistre et publie : les édits, déclarations, lettres-patentes ; — les arrêts de règlement du parlement ou ceux dont le parlement a ordonné la publication ; — certaines ordonnances du gouverneur de Bretagne ; — les convocations aux Etats ; — les monitoires, aggraves et réaggraves [Note : Il faut expliquer ces mots pour n'y pas revenir. Une partie en cause, les procureurs du Roi ou des seigneurs peuvent, « en cas graves ou en scandales publics, présenter requête au juge saisi (royal, seigneurial ou ecclésiastique), pour demander la permission d'obtenir monitoire ». La permission donnée est renvoyée à l'official qui ne peut refuser le monitoire. Le monitoire est le commandement fait par l'official aux fidèles, de révéler ce qu'ils savent sur le fait énoncé, sous les peines canoniques. — L'aggrave est la fulmination d'un second monitoire, le premier ayant été sans effet. — La réaggrave est un dernier monitoire, après lequel la désobéissance a encouru les peines canoniques, l'excommunication. — Ord. de 1670, titre 7].

La cour complète ou rectifie, après enquête, les actes de l'état-civil dressés alors par les curés.

Elle reçoit les aveux faits au Roi (et auparavant au duc), c'est-à-dire la déclaration solennelle du vassal de la seigneurie royale qu'il tient son fief du Roi son seigneur.

Elle reçoit le serment des experts, de divers fonctionnaires ou officiers, des médecins-chirurgiens « qui ont passé avec succès l'examen requis, et fait le chef-d'oeuvre de l'amputation » (B. 919, 1040, etc.). Une fois au moins la cour a reçu un « barbier, perruquier, baigneur, étuviste » [Note : En 1786, B. 1308. — Le roi Louis XIV, qui porta si majestueusement la perruque, s'occupa beaucoup des « barbiers, perruquiers, baigneurs et étuvistes ». Des édits de mars 1673, novembre et décembre 1691, février 1692, et octobre 1701, les concernent, sans parler d'un règlement homologué, le 17 août 1694, par le parlement. On lit dans l'édit de 1701 : « L'usage de la perruque est devenu si commun..., que le nombre des places créées par les édits n'est plus suffisant, en sorte que nous avons cru devoir l'augmenter..., pour donner lieu à un grand nombre d'apprentis de cette profession et qui s'y sont perfectionnés... de l'exercer librement ». C'est le prétexte : la cause vraie c'est la finance qui paiera le brevet. Les barbiers, dits depuis perruquiers, furent distincts des étuviers, depuis étuvistes. Dans la liste des métiers de Paris, les barbiers sont sous la 37ème bannière, les étuviers sous la 42ème (Ordon. de Louis XI, juin 1467). Les perruquiers avaient pour patron saint Louis, et faisaient leur fête le 25 août (Calendrier des Confréries de Paris, par l'abbé Dufour, p. 152, 163, 164)].

Outre ses audiences ordinaires, la cour tient tous les trois mois des audiences solennelles, appelées par la Coutume assises et dites depuis plaids généraux. Là sont évoqués tous les officiers du siège, les seigneurs sergents féodés et sergents voyers. Là se font les appropriements, c'est-à-dire « les mises en possession des acquêts après trois bannies » des actes qui les constatent.

Compétence criminelle.

A la différence de nos tribunaux, la cour avait toute compétence : criminelle, correctionnelle, de simple police, comme nous disons. Aux temps reculés, les seigneurs des hauts justiciers devaient juger beaucoup d'accusations criminelles. Mais, aux XVIIème et XVIIIème siècles, nombre de hautes justices ne s'exerçaient plus [Note : Nous dirons plus loin pourquoi].

A cette époque, les cours comme celle de Concarneau auraient donc eu à juger souvent au grand criminel, si le présidial n'avait évoqué nombre d'affaires pour les juger prévôtalement, c'est-à-dire sans appel [Note : Il s'agit des « cas prévôtaux ou présidiaux » énumérés par les ordonnances].

Toutefois, au cours du XVIIIème siècle, nous voyons la cour condamner pour vols qualifiés, violences graves, infanticides, et même assassinats. Plusieurs fois, elle prononce les peines de la pendaison, des galères même perpétuelles ; et deux fois elle porte pour vol et meurtre et assassinat sur la voie publique, la peine affreuse de la roue [Note : C'est une honte que l'introduction en France, sous François Ier, de cette barbarie d'Allemagne. — B. 1322, 1326. Ces condamnations sont prononcées les 15 octobre 1771 et 30 juin 1788. Comment le sénéchal s'est-il saisi de ces affaires qui sont des cas présidiaux ou prévôtaux, à juger en dernier ressort par le présidial ? (Ord. de 1670, art. 12 et 15, et déclaration du 5 février 1731)].

La sentence dit que le condamné « aura les bras, jambes et reins rompus vif sur un échafaud, et sera ensuite étendu sur une roue, la face tournée vers le ciel, pour y finir ses jours tant qu'il plaira à Dieu le laisser vivre ».

Mais la cruelle curiosité des spectateurs sera déçue : ces sentences, si elles avaient dû être réellement exécutées, auraient contenu une disposition secrète (un retentum) disant que les condamnés « seront étranglés avant de recevoir les coups .. » [Note : Tallemant des Réaux (Historiettes, t. IV, p. 147, 1er édit.) dit que ce retentum excitait la colère des spectateurs]. Mais les deux condamnations sont prononcées contre des fugitifs, elles ne seront exécutées que par effigie, c'est-à-dire que chacune des sentences sera affichée sur un poteau dressé au lieu de l'exécution.

La seconde sentence ordonne qu'après l'exécution au faubourg de la ville, « le cadavre sera porté et exposé sur un poteau planté à cette fin au bas de la montagne de Locamand, près le pont Saint-Laurent, et dans l'endroit où a été porté, jeté, trouvé et levé par la justice, le corps de l'assassiné Le Maho, » c'est-à-dire près du moulin de l'ancien prieuré de Locaman, sur la route de Concarneau à Quimper.

C'est le moment de nous expliquer sur un point indiqué plus haut, je veux dire le nombre des juges, et sur l'appel en cause criminelle.

Nous avons dit que le sénéchal, ou à son défaut le lieutenant, jugeait seul.

Au civil c'est vrai, d'une manière absolue ; au criminel, une explication est nécessaire.

Notre Très Ancienne Coutume (1330-1340) semble effrayée du pouvoir donné à un homme de prononcer la peine de mort, et de la responsabilité qui pèsera sur lui jugeant seul.

De là les conseils qu'elle donne ou les obligations qu'elle impose aux juges : « Nul juge ne doit condamner à mort, si justice ne trouve chose certaine ; car justice doit être plus émue (désireuse) d'absoudre que de condamner... La cause doit être plus claire que les étoiles du ciel...

Ceux qui ont justice à gouverner doivent appeler à leurs audiences ceux qui savent les droits et les coutumes... ».

Nous voyons ce conseil de la Coutume suivi dans une cause trop célèbre : celle de Gilles de Laval, baron de Retz.

Ce brillant compagnon de Jeanne d'Arc, maréchal de France, comparaît, le 25 octobre 1440, devant Pierre de l'Hospital, sénéchal de Rennes et président de Bretagne [Note : Président... ou juge universel, créé vers la fin du règne de Jean IV. Il préside le parlement du duc, et siège aux Etats au degré au-dessous du duc, au milieu, entre le grand maître d'hôtel et l'amiral. Il est en habit royal, c'est-à-dire en robe de pourpre]. L'audience se tient au Bouffay de Nantes où « avoit telle assemblée de gens que le Bouffay en estoit plein ». C'est devant cette multitude que l'accusé « confesse » ses crimes, et en témoigne un repentir aussi sincère qu'il a été tardif [Note : Procédure criminelle publiée dans Gilles de Raïs, par l'abbé Bossard (1866), p. CXLIII, nos 9 et 10].

A ce moment, le président « demande l'advis de plusieurs saiges et gens du conseil illec assistans ; queulx (qui) dirent qu'il (Gilles) estoit digne de mort: les uns à la souffrir en une manière et les aultres en une autre manière... ».

Ces mots, les uns, les autres, ont leur intérêt : ils indiquent que nombre de « saiges et gens du conseil » ont donné « leurs avis », puisque plusieurs « les uns » ont émis une opinion, et plusieurs encore « les autres » une opinion contraire.

A quel titre ont-ils émis ces avis ? Est-ce comme assesseurs du président, avec voix délibérative ; en sorte que la majorité de leurs voix, contraire à l'opinion personnelle du président, dictera la sentence qu'il va rendre ? Ne leur a-t-il pas demandé simplement conseil ?

Il y a toute apparence. En effet, la sentence de mort par le feu prononcée, le président, sans plus consulter, fixe l'heure de l'exécution le lendemain, décide que « attendu la bonne contrition » du condamné, son corps, après la mort, ne restera pas exposé à la flamme, pour être entièrement consumé ; il permet à Gilles de marquer le lieu de sa sépulture, et s'engage à solliciter de l'évêque la procession que Gilles a demandée comme une grâce et une expiation.

Cet exemple permet de dire qu'au XVème siècle et sous notre Très Ancienne Coutume, réformée seulement en 1539, le juge criminel, même s'entourant de conseils, condamnait seul à mort.

L'usage ou la jurisprudence changea-t-elle ? Du moins voyons-nous en 1771 et 1788, le dernier sénéchal de Concarneau appeler à lui dans des causes capitales [Note : Les deux affaires de défaut où fut prononcée la peine de la roue], non plusieurs hommes de lois, comme avait fait le président de Bretagne ; mais seulement deux, auxquels il donne le titre d'assesseurs. Il semble ainsi indiquer qu'ils jugent avec lui comme auraient fait alloué et lieutenant, si le siège avait été composé de trois officiers.

Ainsi, la responsabilité d'une condamnation à mort pèse (et de quel poids !) sur un seul, au XVème siècle, quand la sentence est sans remède, sans appel. Au contraire, la responsabilité se partage entre trois, au XVIIIème siècle, quand elle est bien moins lourde, puisque la sentence sera toujours soumise aux juges d'appel. — C'est ce que nous allons voir.

Nous avons dit plus haut la multiplicité des degrés d'appel en matière civile, même dans les plus minimes affaires. A la même époque, et par une singulière anomalie, « l'appel au criminel n'était pas reçu » [Note : D'Argentré, Hist., p. 232. Ed. de 1618. Hévin, Questions féodales, ch. II, p. 94. Consult., p. 6] ; c'est-à-dire que toutes condamnations à des peines corporelles et même à la mort étaient prononcées sans appel possible.

Si la peine est prononcée sans appel, on juge qu' « elle doit être prestement exécutée, à la fin d'exaucer justice, et de donner exemple... » [Note : T. A. C., chap. 247 (in fine) dans Sauvageau, t. II, p. 194]. On condamnait le matin et on faisait exécuter l'après-midi [Note : Hévin, Cons., III, p. 7. Toutefois, l'exécution dans le jour même n'était pas une règle absolue. Ex. : le baron de Retz exécuté le lendemain de la condamnation].

L'appel fut introduit seulement en 1538, après l'union de la Bretagne à la France ; il était facultatif pour le condamné seulement et la partie civile [Note : Il ne paraît pas que la partie publique, le procureur du Roi et ceux des hauts justiciers pussent appeler, par exemple à minima. Titre XXVI des Appellations, art. 6].

Vers la fin du siècle suivant, la grande ordonnance criminelle d'août 1670 rendit l'appel nécessaire et de droit. Le procureur du Roi ou le procureur fiscal du haut justicier était tenu d'interjeter appel, hors les cas prévôtaux et présidiaux. L'appel allait au parlement [Note : En quoi l'ordonnance rendit un mauvais service à plus d'un condamné qui fut plus sévèrement frappé par le parlement. « On voit une sentence de mort exécutée sans appel, à la réquisition du condamné qui supplia le procureur de ne point appeler ». Violation formelle de l'ordonnance. Du Parc-Poullain sur art. 637, t. III, p. 780, note 1].

Quand, après l'ordonnance de 1670, les condamnations ne furent plus exécutées qu'en vertu d'arrêt du parlement ou jugement prévôtal, la promptitude de l'exécution resta la règle : « Les sentences de punition de corps doivent être promptement exécutées aux lieux plus exemplaires, en terreur du peuple » (Art. 637, Nouvelle Coutume).

EXÉCUTION — GIBET — PRISON.

A Concarneau, les exécutions se faisaient d'ordinaire, au moins au XVIIIème siècle, soit sur la « place de la ville close » [Note : B. 1322. Il s'agit d'une exécution par effigie], soit plus souvent sur la place du faubourg [Note : B. 1327 (une femme pendue en 1786). — 1326 (un homme roué par effigie en 1788). — D'après le plan, cette place auprès de la chapelle Sainte-Croix était bien plus vaste que l'autre]. Mais il semble qu’anciennement, on pendait au gibet ou fourches patibulaires, ou selon l'expression usuelle à la Justice du Roi, près du village de Kerancalvez, de l'autre bord de la Chambre, le bras de mer du Passage [Note : C'est ce coteau voisin « que Dubuisson signale commandant la ville tout à fait »].

Nous venons de nommer le gibet. Un mot d'explication. On confond souvent, mais à tort, la potence et le gibet. La potence dont la forme est bien connue, était l'instrument du supplice de la pendaison. La potence était élevée, par ordre des juges, sur une place des villes, et disparaissait après l'exécution. Le gibet était un édifice permanent, composé de plusieurs poteaux de bois, ou plus souvent de pierres, unis par des traverses munies de crochets. Détachés de la potence, les corps des hommes suppliciés [Note : Les corps des femmes n'étaient pas exposés, du moins depuis l'arrêt de règlement du 30 mars 1733] étaient accrochés au gibet et y restaient exposés jusqu'à leur destruction, au moins partielle. — Ainsi, on pendait à la potence, on exposait au gibet [Note : Au lieu du mot gibet, on a dit fourches patibulaires, ou fourches, fourche (au singulier), ou patibulaires, enfin justice, en Breton justiciou. Ces noms de justice et justiciou portés par beaucoup de pièces de terre marquent de façon certaine la place de patibulaires].

Mais on prit de bonne heure l'usage de pendre au gibet au moins les suppliciés dont les corps devaient y être exposés. On s'épargnait ainsi le transport des corps de la potence au gibet, qui pouvait être assez éloigné du lieu de l'exécution.

Après ce que nous avons dit de l'exposition des corps, on comprendra que les gibets ne pouvaient être construits dans l'intérieur des villes ; mais à la campagne, au bord d'une grande route, sur un lieu élevé, afin, disait-on, « de porter au loin la terreur ».

La cour avait sa prison. Nous l'avons mentionnée par ailleurs. Les conseillers de la chambre des comptes venus à Concarneau en 1640, nous la montrent au voisinage de la chapelle Notre-Dame.

Par une singulière dérogation à l'usage, que je n'ai pas rencontrée ailleurs, un seigneur haut justicier était inféodé « de la garde et des clés de cette prison royale, et il en fournissait le geôlier » [Note : Le seigneur de Chef du Bois Thominec dont nous parlerons plus loin. B. 1290 in fine, septembre 1786. Réception du geôlier fourni par Mre Mauduit, sgr de Chef du Bois Thominec, en possession de ce droit].

A quelles conditions ? C'est ce que je ne puis dire. Autrefois le geôlier n'était pas payé, du moins d'ordinaire. Au contraire, il payait la ferme de la prison. Le Roi dans les prisons royales fournissait une livre et demie de pain, par jour, à chaque prisonnier [Note : Le pain du Roi, qu'on a dit aussi du pain des soldats], le geôlier ne leur devait que l'eau. Les prisonniers qui en avaient le moyen, ajoutaient ce qu'ils pouvaient à cette maigre pitance : la charité privée venait au secours des indigents [Note : Molière fait dire à Tartuffe (acte III, scène II) : Si l'on vient pour me voir, je vais aux prisonniers - Des aumônes que j'ai partager les deniers] ; et le geôlier tirait profit de ces fournitures supplémentaires [Note : Le métier de geôlier était « dangereux » (Ferrière, v° Geôlier). Denisart cite (v° Geôlier) un arrêt du 23 juillet 1766, condamnant un geôlier à payer 10.000 livres (plus de 22.000 francs en 1908) au créancier d'un prisonnier évadé].

Correctionnellement, la cour juge des vagabondages, des coups et violences, des scènes de cabarets, des vols et escroqueries, comme de nos jours.

En simple police, nombre d'injures et de tapage injurieux. C'est ainsi qu'en juillet 1771, est poursuivi un « montreur de marionnettes » nommé Rivière. Huit marchands et négociants de Concarneau ont porté contre lui une plainte indignée. Et pourquoi ? Il a osé « chansonner la rogue d'une manière satyrique » ! — Quand s'ouvre l'audience, toute la ville est là partageant l'indignation des plaignants. Interrogés sur les injures contenues dans la chanson, les plaignants s'excusent : « Ces grossièretés sont telles que la pudeur défend de les répéter ». Mais comment le juge, s'il ne les connaît pas, pourra-t-il les apprécier ? — Rivière produit des témoins à décharge. L'un déclare que l'auteur de la chanson n'est pas Rivière... C'est... le procureur du Roi présent à l'audience ! D'autres témoins affirment que, s'il n'est pas l'auteur, il est du moins « le promoteur » de la chanson ; et que « pour l'entendre aux représentations de Rivière, il se déguise en matelot ». Enfin, ils prétendent « qu'il protège Rivière et qu'il lui a fait ouvrir les portes de la prison ».

Quelle fut l'attitude du procureur du Roi ainsi incriminé, et exposé aux rires de l'auditoire et à l'indignation des plaignants ? Quelle fut la surprise du sénéchal en présence de telles révélations ?
Ce que nous voudrions savoir et dire, c'est la sentence rendue... Il semble qu'il n'y en ait pas eu [Note : B. 1328. Cela se comprend, si la chanson ne contient que des injures à la rogue. Comment voir dans la rogue une personne pouvant recevoir une injure ?].

En simple police aussi, la plainte du procureur du Roi contre les bourgeois qui paraissent chaque jour sur les pavés de la ville portant l'épée, comme les nobles, et contreviennent ainsi à l'arrêt du parlement du 30 juin 1767 [Note : B. 1049. Vers le même temps, les bourgeois de Saint-Malo demandaient l'autorisation de porter l'épée].

POLICE ADMINISTRATIVE.

Le siège règle la police des halles et « réfrène les perceptions abusives de l'afféagiste de la coutume », c'est-à-dire des droits d'entrée de place, etc. (B. 1306).

Il nomme les appréciateurs du blé, vin, pain, viande et chandelle (B. 1180) ; dresse et affiche la pancarte (taxe) du prix de ces objets (B. 1306).

Il nomme le vérificateur des poids et mesures et reçoit ses procès-verbaux (B. 1287).

Il défend de sortir de la ville avec des haches pour aller couper (ou mieux faire) du bois mort aux campagnes voisines (B. 1188).

Il défend de refuser les pièces de 2, 6, 12 et 24 sols usées, pourvu qu'elles soient encore marquées d'un côté (B. 1189).

Un jour il ordonne « aux huissiers de la sénéchaussée de se transporter en force à la campagne pour arrêter un fou furieux et dangereux et le déposer provisoirement dans une casemate de la ville » (B. 1066).

Il fait « commandement à un de ses sergents de mettre à exécution le rôle de la capitation vers les refusants de payer, à peine d'en demeurer personnellement responsable » (B. 1042).

Il fait « défense aux habitants de Concarneau et du bourg de Trégunc, aux soirs de saint Jean et de saint Pierre, d'allumer des feux autres que ceux qui seront allumés et bénits par le clergé, afin de prévenir les incendies » (B. 1786). Précaution probablement suscitée par un sinistre récent, et nécessaire à cette époque.

Les pompes à incendie étaient inventées (1699) ; mais nos petites villes bretonnes n'en étaient pas pourvues [Note : « En 1794, Concarneau n'avait ni pompe à feu, ni seaux pour les incendies ». Cambry, p. 357. — Quimper avait en 1745 des pompes et 400 seaux de cuir pour leur service ; en 1772, la ville avait trois pompes. — Promenade à Quimper, par J. Trévédy, p. 150] ; de plus, l'éclairage des rues n'existait pas. Le 16 décembre 1779, le parlement avait porté un arrêt de règlement (Présidial de Quimper. B. 99) qui prescrivait à tous habitants des villes, bourgs et campagnes, d'aller ou d'envoyer au secours en cas d'incendie et de travailler de toutes leurs forces sous peine de prison ; ordre est donné à chaque habitant de se pourvoir d'un seau dans sa maison et de mettre une chandelle sur sa fenêtre, quand on sonnera le tocsin dans toutes les villes non éclairées, notamment Brest, sous peine d'amende [Note : Le texte de l'Inventaire sommaire dit six sous. Six sous de 1779 vaudraient (au compte de Leber) 17 sous, 85 c. aujourd'hui. Ne faut-il pas supposer une faute d'impression ? N'est-ce pas 6 livres ? (13 fr. 10 c. de notre monnaie en 1908)].

LE SÉNÉCHAL.

Quand nous avons dit la compétence de la cour, nous avons dit celle du sénéchal tenant audience, puisqu'il juge seul. Mais il a en outre, hors de l'audience, des attributions aujourd'hui dévolues aux juges de paix [Note : Les trois derniers sénéchaux de Concarneau ont été Charles Lohéac, Julien La Ruffie, Antoine du Laurens de la Barre]. Il convoque et préside les assemblées (conseils) de famille, organisant une tutelle, « décrétant » (autorisant) un mariage de mineur, un emprunt, la dation d'un conseil judiciaire, etc. Il statue sur l'apposition et la levée des scellés, etc...

Enfin, le sénéchal a des prérogatives honorifiques.

C'est lui qui, au moins en l'absence du gouverneur — et il ne réside guère — fait « sonner la campane, pour convoquer à la chapelle Notre-Dame du Portail, dite du Rosaire au XVIIIème siècle, l'assemblée de la ville » qu'il va présider.

C'est le sénéchal qui, chaque année, quand le papegaut a été abattu, proclame l'heureux « abatteur » et l'intronise en sa royauté d'une année (B. 1295).

Enfin, lorsque Concarneau reçoit un hôte de distinction, le sénéchal est d'ordinaire l'orateur chargé de lui souhaiter la bienvenue.

Maintenant, serait-on curieux de savoir la valeur, le prix des offices de judicature à Concarneau, et quels étaient les émoluments de chacun de ces offices ?

Dubuisson, qui nous a fourni tant de renseignements, n'a pas manqué de s'en enquérir. Il écrit (p. 108) : « Il y a justice ou barre royale, avec sénéchal dont l'office vaut de 8 à 9.000 écus, et lieutenant 10.000 livres et procureur du roy ».

L'écu vaut 3 livres (monnaie de compte), 8 à 9.000 écus valent donc 24 à 27.000 livres [Note : Il s'agit d'écus d'or créés sous Charles VI ; l'écu d'argent (de 3 livres) ne fut créé par Louis XIII qu'en 1641. Les lettres de Henri IV établissant le présidial de Dinan (1598) comptent l'écu d'or pour 3 livres]. La livre de cette époque (1636) est évaluée à 3 francs 832m de notre monnaie [Note : Evaluation de Leber faite pour 1845 et un peu faible aujourd'hui]. 24.000 livres valent donc 91.968 francs et 27.000 livres valent 102.464 francs.

Les 10.000 livres, prix de l'office de lieutenant, valent 38 320 francs.

Poursuivons. Dubuisson est allé de Concarneau à Quimper. Là encore il a pris ses informations et il écrit (p. 119) :

« L'office de sénéchal vaut 20 000 écus, soit 60.000 livres ou 229.930 francs de nos jours ; » et il ajoute : « L'office de président au présidial vaut seulement 24 000 livres (91.968 francs) à cause du peu de profit qu'il luy fait, n'ayant qu'une seule audience, le vendredi, le sénéchal occupant le reste » [Note : L'auteur veut dire que les épices dont nous allons parler, sont à peu près rien pour le président qui siège si peu].

Et les émoluments de ces offices payés si chers ?

Je n'ai aucun renseignement en ce qui concerne les sénéchaussées « ordinaires » comme celle de Concarneau. En ce qui concerne les sénéchaussées présidiales, voici ce que nous pouvons dire :

L'édit de 1552 créant les présidiaux allouait à chacun une somme totale de 1.400 livres. — Un édit de Henri IV de 1598 évalue cette somme à 466 écus 2/3. C'est évaluer l'écu à 3 livres [Note : J'ai cité par ailleurs cet édit, daté d'Angers, avril 1598, qui érige un présidial à Dinan].

La même lettre de Henri IV fait la répartition des 466 écus 2/3 entre les officiers du présidial. Il alloue : au sénéchal 66 écus ou 200 livres, soit 3.000 francs ; — aux autres officiers la moitié, 33 écus ou 100 livres, soit 1.500 francs.

Voilà de minces appointements ! 3.000 francs d'un office payé une valeur de 229.390 francs, ce n'est pas l'intérêt de cette somme à 1 fr. 30 %.

Mais il y avait les épices [Note : Epices et vacations, droits payés par les parties aux juges ; celui qui gagne son procès les avance sauf son recours sur celui qui l'a perdu. « Un jugement n'est pas expédié avant le paiement des épices ». Ferrière. Dict. de droit, v° Epices] ; et, s'il faut en croire Moreau, elles étaient considérables, du moins celles du sénéchal du présidial de Quimper. Elles auraient rapporté une somme représentant au moins 15.000 francs de nos jours [Note : Voici comment nous arrivons à ce chiffre, quelque peu problématique. Parlant du sénéchal Le Baud, Moreau écrit (p. 236) : « Son état était le plus lucratif de Basse-Bretagne ». Or, les gouverneurs de Quimper et Concarneau touchaient alors 400 écus (ou 18 000 fr. de nos jours en 1908). Documents sur la Ligue en Bretagne, Etat des garnisons royales, p. 194. Les appointements du sénéchal Le Baud étant de 3.000 fr., monnaie actuelle ; les épices auraient dû être de 15.000 pour atteindre au traitement des gouverneurs à 18.000 fr] : somme qui semble bien considérable.

Nous persistons à croire que sénéchal et autres plaçaient la « finance » de leurs offices à de minimes intérêts et payaient très cher l'honneur de leurs titres.

(Julien Trévédy).

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