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Administration de la ville et communauté de Concarneau.

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Nous ne pouvons indiquer, même approximativement, la date de l'établissement de la communauté, c'est-à-dire de la commune, de la municipalité de Concarneau.

La première communauté bretonne est celle de Guingamp, ville principale du Penthièvre ; elle semble un don de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre. Elle apparaît au milieu du XIVème siècle, et elle est complètement organisée en 1380.

Les princes de la maison de Montfort suivirent l'exemple donné par leur adversaire malheureux ; et les communautés bretonnes vont s'établir de proche en proche, non, comme en France, après des luttes sanglantes, mais par dons du souverain exerçant en Bretagne une sorte de monarchie représentative [Note : Voir pourtant la commune jurée de Saint-Malo, XIVème siècle. La Borderie, Hist., III, p. 324-338].

C'est surtout pendant le règne long et pacifique de Jean V, que s'accomplit cet heureux événement. Vers 1410, les communautés de Rennes et de Nantes sont organisées ; et, au milieu du siècle, presque toutes les villes jouissent d'institutions, souvent moins complètes, mais analogues [Note : En 1890, M. Laronze, inspecteur d'académie, a publié un livre intitulé : Essai sur le régime municipal en Bretagne, pendant les Guerres de religion. Ce titre semble trop général puisque l'auteur déclare (p. 6) que « son étude ne portera que sur Nantes, Rennes et Saint-Malo ». Nous ne pouvons admettre avec lui que « certaines franchises accordées par les ducs fussent depuis longtemps oubliées ou négligées, et que l'organisation municipale n'apparaisse nettement qu'à partir de 1560 » (p. 5). Cet ouvrage, fruit d'un long et sérieux travail, est une thèse pour le doctorat présentée à la Sorbonne : il est revêtu du permis officiel d'imprimer ; il est et sera lu en Bretague. Or, sur un point auquel nous allons venir, M. Laronze a été très insuffisamment renseigné. Nous nous permettrons de signaler quelques omissions et inexactitudes].

Originairement, leur organisation ne ressemble guère à celle de nos communes actuelles.

Le « général des paroisses bretonnes », c'est-à-dire la généralité des paroissiens appelés à l'église pour les offices, avait l'usage, l'office terminé, de délibérer sur les intérêts temporels de la paroisse. Les premières communautés prirent l'usage de cette délibération générale : « l'assemblée des bourgeois » ne fut pas d'abord un conseil élu, mais « la généralité des notables » réunis pour délibérer, et nommer quelques mandataires.

L'un d'eux est le miseur : c'est le trésorier. Il perçoit les revenus, et il « met en mises » (dépenses, de là son nom). Un peu plus tard, apparaît le « procureur des bourgeois » : c'est le chef de la communauté, auquel succédera le syndic que remplacera le maire.

Plus tard, le conseil de la communauté fut soumis à l'élection, et, avec le temps, l'organisation de la communauté se rapprocha de plus en plus de nos municipalités actuelles.

Mais nombre de communautés, entre autres celle de Concarneau, et d'autres plus importantes, par exemple celle de Quimper, firent une faute, dont nous portons la peine. . . Elles ne se donnèrent pas un greffe (j'emploie l'expression ancienne) qui gardât fidèlement le dépôt des registres et des délibérations. Le syndic gardait le registre chez lui ; mais il le faisait sien. Qu'il partit, il l'emportait. S'il mourait, ses enfants le trouvaient dans son héritage [Note : Nous aurons de cet abus un curieux exemple à Concarneau], et avec le temps il disparaissait. Ainsi s'explique que soient perdus pour les villes et pour nous tant de registres, même du XVIIIème siècle [Note : La plus ancienne délibération gardée à Concarneau est de 1748] ! On ne s'étonnera donc pas que les plus anciennes pièces concernant Concarneau conservées aux archives de l'Intendance de Bretagne, datent de 1698. Nous ne pouvons qu'y emprunter quelques renseignements [Note : Les indications qui suivent sont empruntées surtout à la liasse C. 623. Archives d'Ille-et-Vilaine].

La communauté présentait au gouverneur de Bretagne une liste de « sujets pouvant être commis aux fonctions et charges municipales ». Elle dressait, semble-t-il, cette liste sans peine ; mais, une fois nommés, ces « sujets » se montraient peu assidus à l'assemblée. Toute absence non justifiée était punie d'une amende de dix livres (environ 23 francs de nos jours - 1908). Pénalité qu'on peut trouver excessive, mais qui fut inefficace. L'intendant se voit contraint d'avertir que les conseillers qui auront encouru l'amende deux fois seront exclus de l'assemblée. .. C'est justement ce que plusieurs souhaitent.

Même laisser-aller dans une partie de l'administration. Un jour, l'intendant annonce à Quimper le passage d'un contrôleur ambulant du domaine : il vient « vérifier les registres des délibérations municipales ». Et pourquoi ? « Pour rechercher et recouvrer les droits de contrôle dûs depuis vingt années ! ».

En 1636, au dire de Dubuisson (p. 108), « la communauté était pauvre » ; il en était de même au XVIIIème siècle, comme nous allons voir. Toutefois, le chiffre que nous donnerons représente le revenu ordinaire de la ville ; elle trouvera un revenu supplémentaire dans les octrois, que le Roi ne lui refusera pas : c'est-à-dire « les droits d'entrée en ville par voie de terre et de mer ». Ces octrois sont affectés aux pavés de la ville et à la voirie, deux objets que nous ne voyons pas mentionnés dans les comptes qui restent.

Ils sont datés de 1702-1703 et de 1704-1705, car la communauté règle ses comptes seulement tous les deux ans.

Dans le premier compte 1702-1703, la recette est de 3.782 livres plus quelques deniers (10.400 francs de nos jours - en 1908) [Note : Tous les chiffres que nous allons indiquer de 1702 à 1705, sont à multiplier par 2,75], — soit pour chaque année 1.891 livres (ou 5.200 francs). — La dépense est de 4.039 livres (11.107 francs). — Déficit 257 livres ou 706 francs.

Je relève quelques articles : Indemnité au député aux Etats 200 livres [Note : Cette indemnité, fixée par arrêt du conseil de 1681, pouvait suffire à cette époque, puisqu'elle représentait plus de 700 fr. monnaie actuelle ; mais, 200 livres au milieu du XVIIIème siècle valant seulement 420 fr. monnaie actuelle (en 1908), l'indemnité était insuffisante, et il y eut souvent lieu à des suppléments], — au prédicateur (du carême) 200 livres, — « pour la finance et deux sols pour livre des offices de contrôleur de la communauté, et des capitaine et lieutenant des bourgeois 1.547 livres ».

Voilà trois de ces nombreux offices créés pour les besoins du trésor et dont la communauté se serait très volontiers privée, et sans aucun préjudice pour elle. Or, contrainte de les acheter, elle les paie plus des 4/5 de son maigre budget annuel de 1.891 livres ; et cette dépense faite, il lui reste 346 livres pour les dépenses indispensables !

En 1704-1705, la recette est encore moindre qu'au compte précédent : 3.400 livres (9.950 francs), mais la ville n'a pas d'office à acquérir ; elle ne dépense que 3.117 livres (8.461.75) : elle a donc un boni de 899 livres.

Une dépense assez lourde mise à la charge de la communauté, c'est l'indemnité de logement allouée au gouverneur, qu'il réside ou non. C'est une somme de 300 livres (1.150 fr. au milieu du XVIIème siècle, 620 au milieu du XVIIIème). Il faut dire que plusieurs gouverneurs, même résidants, ne la réclament pas [Note : Ainsi, l'indemnité ne figure pas aux comptes de 1702-1703, 1704-1705] ; mais d'autres, même non résidants, ne se feront pas scrupule de l'encaisser.

Une autre indemnité de logement est due par la ville : elle porte à son budget de chaque année une somme de 50 livres au profit du canonnier. Ce brave homme mérite cette indemnité : il est fidèle à son poste et la ville recourt souvent à son habileté.

Une dépense éventuelle, mais qui revient assez souvent : les réjouissances publiques. Bonne patriote, la ville ne s'en plaint pas, quoiqu'elles grèvent son budget. A la naissance d'un enfant de France, à l'annonce d'une victoire, pour une paix glorieuse ou tout autre événement heureux, le gouverneur de Bretagne demande une démonstration joyeuse. La communauté fait allumer un feu de joie, tirer le canon, chanter le Te Deum.

La dépense est régulièrement de 30 livres (de l'époque).

Le passage de grands personnages est aussi l'occasion de quelques dépenses. Il faut quelquefois préparer un logement, du moins faut-il toujours offrir « le vin de ville et l'hypocras ». Mais les personnages si bien accueillis et longuement harangués (cela va sans dire) laisseront au départ une bourse pour les indigents et pour l'hospice, qui est pauvre.

Le feu de joie, le tir du canon, le chant du Te Deum sont des réjouissances officielles : le soir venu, les maisons des habitants s'illuminent. On peut se figurer ces illuminations : des boules d'argile dans lesquelles sont piquées des chandelles de suif ou même de résine en font les frais. Telles étaient encore les illuminations dans les petites villes, en 1835, sous le Roi Louis-Philippe. Telles avaient été les illuminations que, cinquante ans auparavant, en 1785, son aïeul maternel, le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne, prescrivait à Concarneau [Note : Arch. Finist., B. 1188. « Ordre du duc de Penthièvre à tous habitants de Concarneau, d'illuminer leurs maisons de huit heures à extinction de chandelles, sous peine de 10 livres d'amende (22 francs d'aujourd'hui - en 1908), à l'occasion de la naissance du prince Charles, duc de Normandie. ». Il s'agit du dauphin, fils de Louis XVI, né le 27 mars 1785, qui sera l'infortuné Louis XVII].

Comment, avec un budget si réduit, la communauté pouvait-elle, selon l'expression vulgaire, joindre les deux bouts ? Elle le faisait pourtant, et même elle réalisait quelques économies : un jour on la voit acquérir un champ, dit Parc ar Groas, pour en faire un champ de foire (1699).

Or, à cette époque, les villes, comme « le bon père de famille », craignaient de recourir à l'emprunt pour satisfaire aux besoins courants. Surtout, s'abstenaient-elles (Ce qu'on ne sait plus aujourd'hui) d'emprunter pour des dépenses voluptuaires. Mais Concarneau s'honora, lors d'une épidémie, en contractant, pour venir efficacement au secours des malheureux, un emprunt de 2.400 livres (5.280 francs de notre monnaie en 1908) plus que sa recette ordinaire annuelle ! (1772).

Il y aurait intérêt à dresser une liste des fonctionnaires existant à Concarneau au moins au XVIIIème siècle. Je ne parle pas des magistrats et officiers ou, comme on disait, gens de justice et hommes de loi, mentionnés plus haut ; mais des fonctionnaires administratifs ou financiers.

Dans les pièces que j'ai pu voir, je ne trouve mentionnés que le subdélégué de l'intendance dont nous dirons quelques mots, — le receveur de Mgr l'amiral, — le receveur des consignations et droits des ports et hâvres, — le receveur des octrois maritimes, — le receveur (ou directeur) des postes aux lettres [Note : Ecrivant en 1775, Ogée (I, p. 196) mentionne « une posteaux lettres ». — Elle n'existait qu'en espérance alors, puisque la ville en fait la demande par son maire Belot, le 11 novembre 1782 (Rennes, C. 623). Les postes d'alors ne ressemblaient guère à celles d’aujourd’hui. M. Billonnois, troisième mari de la mère de La Tour d'Auvergne-Corret, était en même temps directeur des postes et entreposeur des tabacs à Carhaix].

Nous ne voyons pas mentionné le capitaine de la milice des gardes-côtes. C'est que, quoi que l'on ait dit, Concarneau n'était pas chef-lieu d'une capitainerie [Note : Nous avons sous les yeux la liste des 20 capitaineries de Bretagne, en 1766 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 1145). Les quatre de l'évêché de Cornouaille sont à Quimperlé, Quimper, Pontcroix et Crozon].

Pour dresser une liste des fonctionnaires, il faudrait un document qui nous fait défaut, un rôle de la capitation. Or, nous avons trouvé dans une note seulement le chiffre total de cette imposition : 2.272 livres, 13 sous (5.000 francs environ).

La capitation était un impôt de répartition, personnel et proportionnel, c'est-à-dire réparti entre toute personne (sauf les indigents) proportionnellement au revenu de chacun.

Le rôle des imposés indique leurs professions. Le rôle de Concarneau aurait eu un intérêt particulier. Voici pourquoi : En certaines villes, à Quimper par exemple, la moindre imposition est de une livre ; à Concarneau, il y a des impositions moindres, puisque la somme totale donnée plus haut comprend des sous. Le rôle ferait donc connaître les noms de presque tous les habitants, moins les mendiants ; il nous dirait les noms des fonctionnaires et peut-être leurs émoluments.

Un mot maintenant du subdélégué de l'intendance [Note : Sur les subdélégations. Arch. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C. I et suivants].

On entend souvent dire : « L'intendant de Bretagne était un préfet ; » ajoutons : ayant pour département les cinq départements taillés depuis dans l'ancienne province de Bretagne. La vérité est que, avec ce vaste département, l'intendant avait des attributions plus étendues que les préfets d'aujourd'hui.

On a écrit aussi : « Les subdélégués étaient des espèces de sous-préfets » (Ogée, Annotateur, II, 573, note 2). La vérité est que suppléant l'intendant, ils avaient des attributions plus étendues que celles des sous-préfets, mais leur « compétence territoriale » était bien moindre.

La subdélégation de Concarneau comprenait tout son ressort judiciaire, moins la paroisse de Gouesnach [Note : Selon Ogée (I, p. 508), Gouesnach était dans la subdélégation de Quimper].

Dans les cinq départements bretons, il y a en 1908 25 arrondissements : il y avait soixante-quatre subdélégations, dont deux à Rennes et trois à Nantes. C'est comme deux et demie par arrondissement actuel [Note : C'était trop selon l'intendance qui, plus d'une fois, proposa des suppressions ; mais les villes protestaient et obtenaient gain de cause (C. 1). Ogée, I, p. 17, dit 64. Je m'en tiens à ce chiffre. Son éditeur, 2ème édition, v° Rennes, II, p. 575, note 2 in fine, dit que « il ne les énumère pas » ; — et pour une très mauvaise raison. — L'arrondissement actuel de Quimper était partagé en quatre subdélégalions : Quimper, Pont-l'Abbé, Concarneau et Pontcroix].

On voit combien en général une subdélégation était exigüe ; c'est pourquoi le subdélégué dans une petite ville était un personnage modeste, peu occupé et peu rétribué [Note : Le subdélégué exerçait souvent une autre fonction : Exemple à Pont-l'Abbé, M Royou, père de l'abbé, de l'historien et du septembriseur Guermeur. Il était en même temps subdélégué et procureur fiscal de la seigneurie (1766-1775). Il est dit « subdélégué et négociant », dans l'acte de partage de ses biens, 1789. Ce cumul était une nécessité. Nous n'avons pu savoir le chiffre des appointements des subdélégués. Ils étaient peu de chose, s'ils étaient proportionnels à ceux de l'intendant. Celui-ci le troisième personnage de Bretagne, ne toucha que 4.000 livres, jusque vers 1780, où il reçut 8.000 livres, environ 16 300 fr. (de notre monnaie en 1908). Ogée, Annotateur, II, p. 573, note 2 in fine].

A une époque où les fonctions de chacun n'étaient pas nettement délimitées comme de nos jours, nous ne voyons pas à Concarneau la communauté agitée par ces compétitions habituelles ailleurs. Un jour pourtant elle vit la paix troublée.

En 1764, un nouveau procureur, du Roi, se parant du titre de substitut du procureur général [Note : Il avait bien ce caractère, mais les procureurs du Roi ne prenaient pas ce titre : aujourd'hui les procureurs de la République font de même. — Ce procureur est celui que nous avons vu accusé de la chanson contre la rogue], fit faire par un sergent royal, sommation au maire de l'admettre aux délibérations de la communauté, « pour qu'il voie s'il ne s'y passe rien de contraire aux lois ». Cette sommation, que n'a précédée aucune demande courtoise, semble une déclaration de guerre. Le maire réunit l'assemblée, et, sur son avis, écrit à l'intendant. Celui-ci condamne la sommation du procureur dans la forme et au fond, et demande ce qui a pu déterminer cette incartade. Le maire répond : « Je ne puis, ni personne non plus, rendre raison de ce qui a pu faire ainsi agir le sieur P... Je doute qu'il le sache lui-même ».

L'intendant rappelle au procureur du Roi un arrêt « qu'il aurait dû connaître » et qui condamne sa prétention ; et lui déclare en termes très courtois, mais très nets, qu'il n'a pas à connaître ce qui se passe dans les assemblées de la communauté.

Vingt quatre ans plus tard, autre difficulté et plus sérieuse :

Au 14 juillet 1789, des têtes avaient été promenées au bout de piques dans les rues de Paris. La province prit peur ; et, en plusieurs villes, il se forma des associations, dites comités permanents, dont l'objet était « la sécurité des personnes et des biens ». Au mois d'août, Concarneau avait son « comité permanent ».

Les citoyens qui le composaient, sans aucun mandat légal, s'attribuèrent de singulières prérogatives. Ils vont disposer des finances municipales. Ils ordonnent des dépenses non approuvées par la communauté. Le miseur ne sait plus auquel entendre. Le 17 août, il écrit à l'intendant une lettre désespérée, et l'intendant de lui répondre : « Rien ne sera fait sans mon ordonnance ». Le miseur aurait mieux aimé une lettre de l'intendant, disant au comité : « Il ne vous appartient pas de disposer d'un denier des finances municipales ». Mais il y a des temps où les dépositaires de l'autorité ont peur de la responsabilité.

Quelques années plus tard, des citoyens qui accaparent le titre de patriotes et se qualifient même « patriotes enragés » vont à leur tour former des comités. Ils ne disposeront pas des finances municipales, mais de la liberté de leurs concitoyens. Je veux parler des comités de surveillance, dont la mémoire est restée en exécration sous le titre qu'ils se donnèrent, de comités révolutionnaires [Note : Ce titre leur fut interdit par le décret du 26 mai 1793. Duvergier (Lois et Décrets, t. V, p. 379) ; mais il passa dans l'usage et même dans le langage officiel].

Par décrets des 21 et 30 mars 1793 (Duv., v. p. 258 et 286), la Convention avait créé ces comités ; mais seulement pour la surveillance des étrangers et dans les communes ou sections de communes ayant au moins mille électeurs, soit une population présumée de 8.000 habitants [Note : Ce chiffre est indiqué dans un décret du 13 frimaire an VII (3 décembre 1794), Duv. VIII, p. 423]. Les comités devaient être composés de 12 membres qui pouvaient être élus par cent des électeurs inscrits : le 10ème seulement des électeurs. Singulière majorité ! Les fonctions des comités étaient gratuites.

Mais les villes de plus de 8.000 habitants sont relativement rares : il n'y en a que neuf ou dix en Bretagne ; trois dans le Finistère, Brest, Morlaix, Quimper [Note : Populations données par Ogée : à Brest, 24.000 ; à Morlaix, 9.800 ; à Quimper, 9.500]. Il y aura donc peu de comités : trois dans le Finistère et un seul dans l'arrondissement actuel de Quimper.

C'est la loi ! Mais des comités vont s'établir dans nombre de lieux qui n'ont pas les mille électeurs : il y en aura six dans l'arrondissement actuel de Quimper : deux aux chefs-lieux de districts, Quimper et Pont-Croix, et les autres à Pont-l'Abbé, Briec, Rosporden et Concarneau [Note : Populations indiquées par Ogée et noms révolutionnaires des villes : Pont-l'Abbé (Pont-Marat) ; — Pont-Croix (Pont-Libre), 760 ; — Rosporden, 900 ; — Briec, 4.600 avec ses deux trêves ; — Concarneau, 1.700. — Ogée ne donne pas la population de Pont-l'Abbé partagé, avant 1789, entre plusieurs paroisses rurales]. Les représentants du peuple, qui viennent de temps en temps « régénérer » les communes, les ont créés ou approuvés ; et dès le 4 juin 1793 (Décret, Duv., V, p. 389), la Convention les a maintenus « provisoirement » ; le provisoire devient définitif, et le comité de Salut public correspond avec ces comités aussi bien qu'avec ceux établis aux termes des décrets de mars (Déc. 1er juillet 1793. Duv, VI, p. 2).

Mais bientôt tout sera changé (Décret du 5 septembre Duv., VI, p. 345) : les membres des comités ne sont plus élus par les électeurs, mais choisis par l'administration. — Ils reçoivent une indemnité de 3 livres par jour d'abord (au moins 6 fr. de notre monnaie en 1908), des représentants vont l'élever à 5 livres, comme à Paris (10 francs de nos jours, en 1908). Il ne s'agit plus de la surveillance des étrangers ; les comités sont chargés de dresser les listes des émigrés, puis des suspects (Emigrés, Dec. 13 septembre 1793. Duv., VI, p. 207. — Lois des suspects, 17 septembre. Duv., VI, p. 213), et de lancer contre eux des mandats d'arrêt qui seront exécutés sur l'heure et sans recours possible, sans que la personne arrêtée sache les motifs de son arrestation !

Ce n'est pas tout : les comités seront chargés de reviser les certificats de civisme (Déc. du 20 septembre. Duv., VI, p. 220), d'assurer l'application des lois révolutionnaires et des mesures de sûreté publique (Déc. 11 frimaire, an II (1er décembre 1793). Duv., VI, p. 393), de rechercher les conspirateurs, de dresser la liste des nobles et de délivrer les ordres de passe [Note : Espèce de lettres d'exil contraignant à résider dans un lieu désigné et à se présenter chaque jour à la municipalité. Déc. 27 germinal, an II (15 avril 1794). Duv, VII, p. 171].

Un traitement quotidien assuré sans travail n'est pas à dédaigner ; exercer une autorité absolue, tracassière ; avoir le moyen de satisfaire ses haines, ses vengeances, ses jalousies, même sa cupidité, quel stimulant ! C'est à qui sera fonctionnaire des comités [Note : Le titre « fonctionnaires » était employé à la Convention. Séance du 7 fructidor, an II] !

Mais dans les comités établis régulièrement ou par la fantaisie des représentants du peuple, il n'y a pas place pour tous. Des citoyens se réunissent, se forment en comités qui se mettent comme les autres à provoquer, recevoir et transmettre les délations, à emprisonner leurs concitoyens. — Représentants en mission et administrations laissent faire !

Et avec quel entrain ces comités vont se mettre à dresser des listes de personnes émigrées et de suspects, dont les biens seront séquestrés, et pourront être (plusieurs y comptent bien) mis en vente et acquis à vil prix [Note : Cet effroyable abus résulte de cette phrase du décret du 13 frimaire, an III (3 décembre 1794). Duv., VII, p. 422 : « Les membres des comités établis selon les décrets ou par un arrêté particulier des représentants, sont les seuls qui auront droit aux trois francs par jour ». Il y avait donc d'autres comités ! Oui, et nous en trouvons trois à Morlaix : un dans chacune des trois sections de la Roche, des Halles, de la maison commune. Ils n'ont pas de traitement, ils frappent des taxes, et ils arrêtent des citoyens qu'ils envoient au tribunal révolutionnaire de Brest, c'est-à-dire à la mort !].

Faut-il nommer un de ces présumés émigrés ? — La Tour d'Auvergne ! Il est inscrit sur les listes fatales, dans les départements du Finistère et des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Certificats officiels de sa présence à l'armée des Pyrénées, protestations des représentants du peuple à l'armée, rapports du général Servan lus à la Convention, rien n'y fait. Le glorieux capitaine est encore présumé émigré quand il demande et obtient sa retraite, en novembre 1794 [Note : Le neveu par alliance de La Tour d'Auvergne, Guillard de Kersauzic, n'a pas quitté sa maison un seul jour ; il est maire de Locmaria, puis président du canton du Huelgoat dans les années IV, V, VI, VII ; il est présumé émigré. De même sa femme. Et leurs biens sont séquestrés].

Les comités n'oublient pas leurs intérêts. Moins de deux mois après qu'ils ont été investis d'un mandat politique, quelques-uns ont frappé des citoyens de taxes arbitraires dont leur patriotisme a tiré profit [Note : Dec. du 16 frimaire, an II, 6 décembre 1793. Duv., VI, p. 400, — charge les administrations de poursuivre la remise des taxes indûment faites et perçues par les comités. — Pour en faire la restitution aux citoyens taxés indûment ? — Non, pour être versés au trésor ! O probité ! ].

Après la chûte de Robespierre, 10 thermidor, an II (28 juillet 1794). Les comités furent réduits à un par chef-lieu de district et de commune de 8 000 habitants [Note : Décret du 7 fructidor, an II (24 août 1794). Duv, VII, p. 313, donne une simple mention du décret avec renvoi au Bulletin des Lois XLVII, n° 247. La loi du 26 février 1790 avait établi dans les 85 départements, 528 districts qui ne sont, quoi que l'on écrive, ni les arrondissements, ni les cantons actuels. Voir Duv., I, p. 121 à 130]. Le droit d'arrestation leur est laissé. Mais tout individu arrêté doit être interrogé dans les vingt-quatre heures, et doit, dans les trois jours, recevoir copie du mandat d'arrêt indiquant les motifs de l'arrestation [Note : A Quimper, des individus arrêtés demandent les motifs de leurs arrestations ; le comité ne peut pas répondre, il lui faut des renseignements !].

Au cours de la discussion, un représentant dit que « plus de 500.000 membres des comités allaient être privés de leur emploi, » que parmi « ces fonctionnaires » il y avait des « scélérats » ; mais que « la masse ayant contribué au salut de la République, la protection de la Nation était due aux comités » (Séance du 7 fructidor. Moniteur du 9, n° 339, p. 1391-1392).

Concarneau n'étant pas chef-lieu de district, le comité cessa de siéger. Quatre mois plus tard, la Convention prenait en considération une proposition de suppression de tous les comités (Déc. du 13 frimaire, an III. 2 décembre 1794. Duv, VII, 424).

Enfin, un bienfaisant décret du 1er ventose, an III (19 février 1795), déclara les comités supprimés dans toutes les villes de moins de 50.000 âmes, à partir du 21 mars prochain (Duv., VIII, p. 30).

Ils avaient duré deux ans, et, depuis septembre 1793, ils étaient des offices de délation et exerçaient une insupportable tyrannie. Aussitôt, des plaintes et des réclamations se produisirent de toutes parts. La Convention ne manqua pas de leur imposer silence. Le 21 vendémiaire an IV (13 octobre 1795) (Duv., VIII, p. 391), un décret défendit « à tout juge de prononcer aucune condamnation contre les anciens membres des comités ».

L'impunité était ainsi assurée, même aux « scélérats » signalés à la Convention !

Mais le décret du 1er ventôse an III ordonnait le « dépôt des registres aux municipalités ». La prescription ne fut pas exécutée : les comités et les municipalités souvent complices de leurs méfaits avaient tout intérêt à la disparition de ces registres accusateurs, et presque tous furent détruits. Un registre du comité de Quimper subsiste, et nous avons pu faire l'Histoire du Comité révolutionnaire de Quimper [Note : Histoire du Comité révolutionnaire de Quimper (1897), avec un Appendice donnant les listes des détenus] ; nous ne pouvons faire la même étude sur le comité de Concarneau. Nous devons nous contenter de donner plus loin quelques indications puisées dans le registre du comité de Quimper. On verra qu'une fois au moins, à propos des religieuses septuagénaires qui avaient usé leur vie au service des pauvres de l'hôpital, le comité de Concarneau montra une rigueur dont s'indigna le comité de Quimper.

Je nommais tout-à-l'heure les représentants du peuple en mission ; ils ne pouvaient tout faire par eux-mêmes et employaient des délégués chargés de leurs « pouvoirs illimités ».

En juillet 1793, Concarneau vit arriver un délégué des représentants en mission à Brest. C'était Royou-Guermeur, né à Pont-l'Abbé, âgé alors de 36 ans, frère des deux journalistes royalistes, ami de Marat, septembriseur, membre du comité d'exécution qui avait rempli les prisons de Paris, en vue des massacres projetés. Au lendemain des tueries de septembre, Guermeur était arrivé à Quimper porteur de la circulaire expédiée par Danton, invitant la France à suivre l'exemple de Paris, et il la distribuait avec l'Ami du Peuple de Marat. Il se dit « patriote enragé, » admirateur de Marat et de Danton ; il parle avec dédain de Rolland et Brissot. La violence de son langage épouvante, et l'administration l'incarcère au château du Taureau, en rade de Morlaix (22 septembre 1792) ; il y passera quatre mois ; puis, le 4 mars 1793, il sera rélégué sous une sorte de surveillance à Pont-l'Abbé.

La victoire de la Montagne fut la victoire de Guermeur sur l'administration du Finistère. Dès le 19 juillet 1793, cette administration était décrétée d'accusation, et Guermeur enfin libre allait avoir la confiance des vainqueurs. Il resta dans le Finistère.

On sait qu'après la déroute de Pacy-sur-Eure (13 juillet 1793), plusieurs girondins cherchèrent asile en Bretagne avec Le Goaezre de Kervélégan. Ils échappèrent aux recherches, et quelques-uns purent s'embarquer à Concarneau pour Bordeaux. Mais l'administration les recherchait activement et avait mis à prix la tête de Kervélégan [Note : Dix mille livres à celui qui le livrerait vivant, cinq mille à celui qui le livrerait mort].

Note : « ..... Après la déroute de Pacy-sur-Eure, plusieurs Girondins cherchèrent asile en Bretagne avec Le Goaezre de Kervélégan [Note : Le Goaezre ne les accompagnait pas, il était avant eux dans le Finistère]. Ils échappèrent aux recherches [Note : L'un d'eux, Giroult, de l'Eure-et-Loire, fut arrêté au Huelgoat, le 5 pluviôse an II (24 janvier 1794), et incarcéré au château de Brest. Giroult ne figurait pas sur les listes de proscription. Nombre de lettres furent échangées à propos de lui, entre les représentants en mission à Brest et les comités de la Convention. Le 9 thermidor ne lui rendit pas la liberté. Le 4 vendémiaire an III (25 septembre 1794), il était encore détenu. Il ne rentra à la Convention que le 18 frimaire suivant (8 décembre 1794)] et purent s'embarquer à Concarneau pour Bordeaux [Note : Aucun des fugitifs ne s'embarqua à Concarneau] ». Les uns prirent la mer à Lanvéoc, au fond de la rade de Brest. Ils s'embarquaient sur l'Industrie, patron Granger. Celui-ci fut pour ce fait condamné à mort par la commission militaire siégeant à Bordeaux, le 5 frimaire an II (25 novembre 1793) (Vatel., Charlotte Corday et les Girondins, p. 212). Les autres s'embarquèrent sur le slopp La Diligente, patron Scanvic, de Concarneau. Le 21 avril 1793, à la nuit, ils partirent de Rossulien, commune de Plomelin, dans la rivière de Quimper. Rossulien appartenait à Souchet de la Brémaudière, commandant du bataillon des fédérés du Finistère.

Guermeur était à bout de ressources [Note : Retenu à Pont-l'Abbé, il avait obtenu de l'administration 40 sols par jour pour sa subsistance (20 juin)], il n'aurait pas été fâché de mériter une des primes offertes à celui qui livrerait Kervélégan ; et parcourant les campagnes et les villes, il cherchait activement les traces des girondins fugitifs. A Concarneau, il eut une bonne aubaine.

Un patron de barque, nommé Scanvic, avait porté les girondins à Bordeaux. Comme il rentrait à Concarneau, ses papiers de bord furent saisis. On y trouva une lettre de remerciments adressée par un girondin à un habitant de Quimper. Guermeur revint en hâte dans cette ville, convoqua les citoyens dans la ci-devant chapelle du collège, et montant dans la chaire donna lecture de ces lettres.

Le 18 juillet, Scanvic fut arrêté, puis traduit au tribunal criminel de Brest. Le 6 août (19 thermidor), il comparut devant les juges avec trois autres accusés. Un seul fut condamné et exécuté le jour même : Scanvic fut acquitté et rentra à Concarneau. Heureux fut-il que le tribunal révolutionnaire ne siégeât pas encore à Brest [Note : Il ne fut établi que le 22 pluviôse an III (9 février 1794)] !

Note : « Un patron de barque, nommé Scanvic, avait porté des Girondins à Bordeaux. Comme il rentrait à Concarneau, ses papiers de bord furent saisis... Le 18 juillet (1793), Scanvic fut arrêté... Traduit au tribunal criminel et acquitté, il rentra à Concarneau ». Voilà les renseignements qu'on me donnait comme certains. Voici la vérité : Scanvic ne fut pas arrêté le 18 juillet 1793, comme on l'a écrit par inadvertance (Levot. Brest sous la Terreur, p. 135), puisque ce jour (cinq jours après la défaite de Pacy), les Girondins n'étaient pas encore dans le Finistère. Scanvic ne les embarqua que le 21 août. Il lui fallait le temps d'aller à Bordeaux et de revenir. Il fut arrêté vers le milieu d'octobre [Note : « Le capitaine Scanvic n'a pas voulu remettre les médailles des députés. Il nie les avoir. Il va être traduit à Paris ». Lettre de Royou-Guermeur au Comité de Salut public, 25 vendémiaire an II (16 octobre 1793). Revue de la Révolution, n° d'octobre 1885]. 18 juillet aura été imprimé au lieu de 18 octobre. Scanvic comparut non devant le tribunal criminel siégeant à Quimper, mais devant le tribunal révolutionnaire, établi à Brest par arrêté des représentants en mission, le 17 pluviôse an II (5 février 1794), — Déclaré non coupable par le jury, il ne rentra pas à Concarneau, le jugement du tribunal portant « qu'il resterait renfermé jusqu'à la paix, vu la grande suspicion qui pesait sur lui, d'après les débats ». (Levot, p. 370). Acquitté, le 19 thermidor an II (6 août 1794), il était encore détenu le 1er janvier 1795 [Note : Il y a aux Archives Nationales, W, 345, un interrogatoire de Scanvic du 1er germinal an II (21 mars 1794), — et une lettre de Marie-Geneviève Bolloré, femme de Scanvic, du 12 nivôse an III (1er janvier 1795), demandant la grâce de son mari alors détenu à la maison de la Trinité à Rennes].

Cambry a fait allusion à cette affaire. Il a écrit : « Nos infortunés députés trouvèrent là des amis assez courageux pour leur offrir un bâtiment pour les porter au sein de leur patrie ingrate » (Voyage dans le Finistère, Ed. de 1836, p. 361. District de Quimper, in fine).

Le Voyage de Cambry est de 1794, mais cette phrase est postérieure. Ecrite alors, combien elle eût été téméraire ! Elle eût fait de l'auteur un girondin, un fédéraliste digne de mort.

(Julien Trévédy).

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