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NOTRE-DAME DU TERTRE DE CHATELAUDREN

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Quelques notes sur les Origines de Châtelaudren et les Peintures de la Chapelle Notre-Dame du Tertre.

A l'ouest de Châtelaudren, la petite chapelle Notre-Dame du Tertre, qui domine de si pittoresque façon la vallée du Leff, est bien connue des archéologues. Ce n'est pas que l'édifice soit en lui-même bien remarquable, mais il renferme un intéressant mobilier et le lambris de sa voûte est couvert de peintures anciennes classées à juste titre.

Celles-ci ont fait l'objet d'études détaillées de la part de plusieurs érudits bretons qui ont été unanimes à les attribuer à la générosité de Marguerite de Clisson, sans autre preuve d'ailleurs que la présence sur l'une des voûtes de la vie de sainte Marguerite.

Chapelle de Châtelaudren (Bretagne).

Ils ont également conclu, sans plus d'arguments, que d'autres panneaux ne pouvaient représenter que la légende de saint Olivier, patron d'Olivier de Penthièvre, ou peut-être, la vie de ce saint étant peu connue, la légende de sainte Azénor et de saint Budoc [Note : Geslin de Bourgogne : Bulletin Monumental, 1849, pp. 600-605. — A. de Barthélémy : La légende de saint Budoc et de sainte Azénor (Mémoires de la Société d'Emulation, année 1866, pp. 235 et suiv.). — A. de Barthélémy et Geslin de Bourgogne : Anciens Evêchés de Bretagne, 1879, T. V, pp. 67 et suiv. — Gaultier du Mottay : Répertoire archéologique des Côtes-du-Nord, 1883-84. — Abbé France : Autour de mon clocher, etc.]. 

Avant d'indiquer les conclusions différentes auxquelles nous sommes arrivés, nous dirons quelques mots de l'édifice, et essayerons, chemin faisant, d'éclaircir l'origine fabuleuse de Châtelaudren.

Si l'on s'en tenait à la vie de saint Budoc, le châtel d'Audren aurait été fondé au Vème siècle par ce roi breton ; mais, dès longtemps, les bénédictins et tout particulièrement Dom Lobineau, ont montré que cette charmante légende n'avait aucun caractère historique, et avait été sans doute imaginée au XIIIème siècle par quelque moine de Beauport [Note : « On peut voir, écrivent les bénédictins, la légende impertinente de saint Budoc Léonnais, dans tout son ridicule, en la Chronique de Saint-Brieuc. Le Père Albert s'est surpassé lui-même à la former en roman » (B. N. f. fr. 22321 : Vie de saint Budoc). Dom Lobineau indique en parlant de la vie de saint Budoc : « Ce n'a été que depuis la fondation de l'abbaye de Beauport en Goëllo qu'on a fabriqué cette impertinente pièce, dans laquelle on ne croit pas qu'il y ait rien de vrai » (Dom Lobineau : Vie des Saints de Bretagne. Rennes, 1725, p. 127) ].

La très petite superficie de la paroisse montre en effet, à priori, qu'elle n'est pas ancienne, et qu'elle ne fut fondée, selon toute vraisemblance, aux dépens de Plouagat et de Plélo, qu'au XIème ou XIIème siècle, lors de l'organisation féodale qui suivit la défaite des Normands, comme d'ailleurs la plupart des villes bretonnes.

M. Bourde de la Rogerie ayant magistralement montré le mécanisme très particulier de ces fondations, nous renvoyons le lecteur à cette savante étude [Note : Bourde de la Rogerie : Les fondations de villes et de bourgs en Bretagne du XIème au XIIIème siècle (Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, T. IX). Châtelaudren a encore été agrandi aux dépens de Plélo au XIXème siècle].

En ce qui concerne Châtelaudren, il est d'ailleurs possible de retrouver, tout au moins approximativement, la date de fondation du prieuré de saint Magloire, auquel le bourg, origine de la ville, doit sa fondation.

En effet, dans une charte non datée, mais des environs de 1150, le comte Henry indique, qu'à sa demande, l'évêque de Tréguier, Guillaume, a érigé en église paroissiale le prieuré de Saint-Magloire de Château Trihan, église dont il confirme la donation à l'abbaye de Saint-Magloire.

Or, il est très remarquable de voir que les anciennes chartes de cette dernière indiquent indistinctement tantôt Châtelaudren, tantôt Château Trihan ; et certains auteurs ont voulu voir là une faute de copiste (Anciens Evêchés, loc. cit., T. IV, p. 360). Mais, d'une part, la confirmation générale des biens de Saint-Magloire par le pape Adrien, en 1158, portant également : « Ecclesia Sancti Maglorii de Castello Trihan » montre qu'il n'en est rien, car il faudrait que les scribes tant italiens que français aient commis la même erreur, ce qui est peu probable ; et, d'autre part, nous avons un texte, qui, fort heureusement, vient éclairer tout ceci. Dans une charte de 1148, en effet, le même comte Henri, considérant la brièveté de la vie et combien le souvenir des actes s'estompe rapidement s'ils ne sont consignés par écrit, renouvelle et augmente, de peur qu'elles ne s'effacent de la mémoire des hommes ou que les actes n'en disparaissent par vétusté, les donations faites jadis par Eudo dit Pontius et par son fils Trihan.

Il rappelle que Pontius avait donné aux moines de Léhon un emplacement dans l'enceinte du château d'Audren, entre les deux portes, pour y fonder un bourg, la tierce partie de la dîme de Plouagat et la Ville Kerrien en Bréhat ; qu'ensuite son fils Trihan, confirmant ces donations, y ajouta l'église Sainte-Marie de Lanleff avec toutes ses oblations, une partie de la dîme de ce bourg, et l'église de Bréhat (Charte publiée par de Barthélémy et Geslin de Bourgogne ; Anciens Evêchés, T. V, p. 358).

Ainsi, nous voyons Pontius et son fils Trihan, dont Châtelaudren avait entre temps pris le nom, disposer des églises et des dîmes de diverses paroisses de Goëllo que nous retrouvons plus tard entre les mains des comtes de Tréguier, c'est là un fait très important pour l'histoire féodale.

Quel était donc ce Pontius ? Nous n'en savons rien ; mais, ce surnom ne s'appliquant vraisemblablement pas à plusieurs grands féodaux bretons de la seconde moitié du XIème siècle, l'on peut, semble-t-il, avoir la quasi certitude que c'est le même personnage qui souscrivit, immédiatement après le comte Budic, une charte de l'abbaye Saint-Georges de Rennes datée de 1061 (Cartulaire de Saint-Georges, édition de la Bigne Villeneuve. Charte XVIII, p. 119).

Or, précisément dans cet acte, il est qualifié fils d'Audren ; et l'on peut donc conclure, croyons-nous, que la fondation du château d'Audren remonterait ainsi aux alentours de 1035-1040, et celle du prieuré Saint-Magloire aux environs de 1060. La forme de la motte du château, encore existante, vient confirmer d'ailleurs cette époque [Vicomte de la Messelière : De l'âge probable des châteaux de terre des Côtes-du-Nord (Mémoires de la Société d'Emulation, T. LXV (1933))].

Cet Audren était-il lui-même héritier du Goëllo ou reçut-il ce fief des mains du duc Alain, lors de la défaite du comte Eudon ? Pontius et Trihan furent-ils les ancêtres de la comtesse Havoise que nous avons indiquée ailleurs possédant également des biens propres dans tout le Goëllo ? Autant de questions auxquelles, faute d'actes précis, nous ne pouvons répondre.

Si nous sommes cependant ainsi à peu près renseignés sur les origines du prieuré Saint-Magloire, nous ne savons par contre absolument rien de celles de Notre-Dame du Tertre.

Par son testament daté du IV des ides d'avril 1220, Guillaume Le Borgne faisant, entre autres, différents legs aux églises de Châtelaudren, il est probable, ainsi que l'ont admis les auteurs des Anciens Evêchés, que Notre-Dame du Tertre existait à cette époque.

Cependant, il est à remarquer, qu'en dehors de Saint-Magloire, il y avait à Châtelaudren d'autres édifices religieux : chapelle Saint-Julien ou de l'Hôpital détruite à la fin du XVIème siècle, chapelle Saint-Gilles, commune alors entre Plélo et Châtelaudren, et, tout près, la chapelle Saint-Ninian. 

Bien qu'elle existât certainement au moins au début du XIVème siècle, ainsi que le montre l'examen archéologique [Note : Ce qui vient détruire les traditions, toutes modernes d'ailleurs, attribuant la fondation de l'édifice tantôt à Marguerite de Clisson, tantôt à Saint-Vincent Ferrier], la première mention de Notre-Dame du Tertre que nous ayons pu retrouver date seulement de 1428. En cette dernière année, lorsqu'après la confiscation des biens des Penthièvre et leur distribution aux fidèles du duc, l'on fit une enquête sur les charges inhérentes à ces dons, celle-ci indique qu'il était dû 5 rais froment de rente au prieur de Saint-Magloire et 15 rais froment au chapelain de Notre-Dame du Tertre (Dom Morice. Pr. II, col. 1209 et suiv. : Enquête du 31 octobre 1428).

Ce dernier qualificatif montre que Notre-Dame n'était pas alors prieuré, mais probablement chapelle des seigneurs de Goëllo. Un ancien terrier des biens de Notre-Dame du Tertre semble confirmer ce point de vue. Il indique en effet que cette chapelle fut jadis fondée par les seigneurs comtes de Gouëllo « pour raison de quoi l'on doit y célébrer au samedy de chaque semaine les vespres de la Sainte Vierge » [Note : Archives Côtes-d'Armor, 3. G. 24. Il est à remarquer d'ailleurs que la présentation du bénéfice appartenait au roi. Il ne faut pas confondre cette fondation avec celle de la chapellenie Sainte-Marguerite desservie en Notre-Dame du Tertre et consistant en la célébration d'une messe hebdomadaire. Cette dernière, dotée d'une rente de 5 tonneaux froment, paraît remonter seulement au milieu du XVème siècle. Elle était due aux seigneurs de Plouagat qui possédaient la chapelle Sainte-Marguerite avec une tombe touchant le marche-pied de l'autel et armoyée d'un écu au chef endanché (armes de Jean de Saint-Paul, seigneur de Plouagat et époux de Péronnelle Eder de la Haye). La possession de celle chapelle fut échangée le 18 août 1658 par Philippe Boterel à Louis de Bretagne, baron d'Avaugour, comte de Goëllo et de Vertus, d'où le nom de chapelle de la Vertu sous lequel le peuple désignait parfois la chapelle Sainte-Marguerite depuis cette époque. La fondation fut alors qualifiée de chapellenie des comtes de Goëllo. (Voir Vicomte du Halgouët : Archives de Trégranteur, pp. 139 et 151-152)].

Chapelle de Châtelaudren (Bretagne).

Plus tard, sans que l'on puisse préciser la date exacte de sa donation à Saint-Melaine, Notre-Dame devint l'un des prieurés de cette illustre abbaye et figure dans une liste du début du XVIIème siècle parmi les prieurés récents [Note : Histoire manuscrite de Saint-Melaine de la main de Dom Morice : B. N. f. fr. 22.356].

Le terrier précité indique en outre que depuis le décès de messire Christophe Le Long, les religieux de Saint-Melaine s'en faisaient la résignation l'un à l'autre [Note : La construction de la maison du prieur date de 1578, mais la donation à Saint-Melaine est antérieure. Christophe Le Long obtint en effet des paroissiens, le 15 avril 1548, la concession d'une tombe sous le chantereau de la chapelle « devers l'entrée d'iceluy »]. Notre-Dame fut desservie par des religieux jusqu'à la Révolution.

Le monument, bien que classé, ne présente en lui-même que fort peu d'intérêt [Note : Il était évidemment difficile, les peintures du lambris étant classées, de ne pas classer également, malgré son peu d'intérêt, le reste de l'édifice, ce qui a été fait le 19 août 1907].

Il a été en effet assez malencontreusement agrandi ou restauré à diverses époques et pour tout dire massacré par des maçons locaux ayant certainement plus de bonne volonté que de goût.

C'est ainsi qu'il est à remarquer que la fenêtre du chevet n'est pas dans l'axe de celui-ci, pas plus d'ailleurs qu'à l'autre extrémité la petite fenêtre du XIVème siècle surmontant le porche ouest n'est au milieu du clocher. L'axe longitudinal des trois premières grandes arcades ne coïncide également pas avec celui des quatre dernières ; enfin des fautes plus graves ont été commises.

D'une part, l'on a scié les entraits de la charpente de la nef, ce qui a provoqué le déversement des murs et obligé, dès 1644, à construire des contreforts pour contrebuter la longère nord ; et, d'autre part, pour transformer, le clocher-mur du XIVème en une tour, aussi peu esthétique que possible, l'on a élevé au XVIème siècle au bas de la nef deux puissants piliers étayés de contreforts dont l'un obstrue presque totalement la dernière arcade séparant la nef du bas-côté. Cependant, le fenestrage du chevet et le porche sud sont dignes d'intérêt. Le premier, avec ses trèfles et quatre-feuilles emboîtés dans un cercle et dans deux triangles curvilignes convexes, accuse la fin du XIIIème siècle ou les premières années du XIVème. Il est très remarquable d'exécution et à rapprocher de certains remplages de Notre-Dame de Bon-Secours à Guingamp et de la cathédrale d'Exeter. Quant au second, construit en grand appareil, son ouverture d'un tracé très obtus dénote la seconde moitié du XVème siècle.

Il est intéressant, non seulement par l'élégance de l'archivolte de la porte, mais surtout par sa belle charpente dont le poinçon et les sablières sont sculptés. Sur l'une de ces dernières, une scène de chasse représente un chien poursuivant un sanglier tandis que derrière lui un chasseur sonne du cor ; et plus loin, le combat d'une licorne et d'un lion. Sur l'autre, un chien poursuit un cerf et deux dragons s'affrontent. Leurs extrémités sont décorées de masques, et le bas du poinçon orné d'un grotesque.

Dans les autres parties de l'édifice, le porche ouest, d'une exécution assez maladroite, est cependant curieux par son auvent jeté entre les deux contreforts du clocher-mur primitif et par ses bancs qui leur sont adossés. Il accuse les dernières années du XIVème siècle ou les premières du XVème montrant ainsi que Notre-Dame dut souffrir, comme les édifices du voisinage, des combats de la guerre de succession du duché. L'identité de ce porchet avec celui de l'église paroissiale de Cohiniac est à signaler.

Les piliers octogonaux des grandes arcades sont eux aussi à mentionner. La forme, également octogonale, de leurs tailloirs révèle une influence anglaise, et les profils très sculptés de ceux-ci et des bases [Note : Notamment les piliers séparant le choeur de la chapelle Sainte-Marguerite qui paraissent dater de la seconde moitié du XVème siècle ainsi que les grandes arcades qu'ils supportent. On trouve de semblables chapiteaux à Harrow Church, comté de Middlesex] sont intéressants. Il est à noter d'ailleurs que ces piliers sont identiques à ceux séparant la nef des ailes du transept de l'intéressante église paroissiale de Saint-Fiacre.

Châtelaudren : plan de Notre-Dame du Tertre

Notre-Dame du Tertre possède par contre un riche mobilier. C'est tout d'abord le retable du maître-autel avec son pavillon central, ses multiples colonnettes et statuettes. Il fut exécuté en 1589 par Charles de la Haye et restauré en 1852. C'est incontestablement le plus remarquable de cette région qui en possède cependant plusieurs fort intéressants du même type, notamment dans la chapelle de Seignaux, en Plouvara, et dans l'une des chapelles de l'église de La Méaugon.

Le contretable du même autel est orné de sept panneaux en albâtre, datant de la fin du XVème siècle et de provenance anglaise. Jadis, dans la sacristie de Saint-Magloire, ils représentent de gauche à droite : Saint Michel, l'Annonciation [Note : Il est à remarquer que la Vierge de l'Annonciation est couronnée, ce qui paraît l'usage dans cet atelier. Un panneau identique se trouve au Musée de Cluny. Le dragon terrassé par saint Michel est un monstre apocalyptique à têtes multiple], l'Adoration par la donatrice et sa fille, la Résurrection, l'Assomption de la Vierge avec à ses pieds saint Thomas à genoux, le Couronnement de la Vierge, saint Christophe.

Ces panneaux portent encore des traces de leur peinture primitive et notamment certaines fleurettes qui permettent de les attribuer à l'atelier de Nottingham [Note : Il existe en Bretagne, et dans les Côtes-d'Armor notamment, de très nombreux retables, panneaux et statues en albâtre provenant des ateliers anglais. Outre celui de Châtelaudren, nous citerons les retables de Kermaria-an-Isquit, de Pommerit-le-Vicomte, de la chapelle d'Avaugour aujourd'hui à Saint-Péver, de Keranmanach en Plounévez-Moëdec aujourd'hui dans une collection particulière. Rappelons que le retable de la chapelle Saint-Jacques de Tréméven fut vendu au XIXème siècle a un brocanteur de Tréguier. Récemment, dans les ruines de la chapelle Saint-Sébastien de Pléhérel, nous avons remarqué une curieuse statue de saint Crépin et saint Crépinien de même provenance, dont notre confrère, M. Merlet, a pu obtenir le classement].

Sans être aussi remarquable que celui du maître-autel, le retable de l'autel du Rosaire est de bonne facture. Il fut commandé le 16 mai 1673 par les fabriques de la confrérie du Rosaire érigée en la chapelle Sainte-Marguerite le 15 août 1631. Non loin de cet autel, dans la longère sud, l'on a édifié un sarcophage en utilisant deux retables sculptés d'anciens autels, représentant les apôtres et l'adoration des rois mages, et la pierre tombale dite du prieur. C'est l'une des rares ayant échappé aux picotages exécutés en 1623 et 1765 avec quelques tombes de cette chapelle aux armes de juveigneurs de Rosmar, seigneurs de la Ville-Ernaut et de Fornebello.

Un autel du XVIème siècle provenant d'une chapelle détruite ; une chaire ancienne surmontée d'une statue de saint Jean-Baptiste ; quelques statues intéressantes dont celle de Notre-Dame, en albâtre et datant du XVIème siècle ; une crédence sculptée avec panneaux représentant saint Laurent et sainte Barbe ; un fauteuil également sculpté aux armes écartelées de Bretagne et de France ; un bel aigle de lutrin datant seulement de 1847, complètent ce mobilier [Note : Il existait à Notre-Dame du Tertre un joli panneau de vitrail, ne provenant d'ailleurs pas de la chapelle, qui fut offert au Musée de Cluny par délibérations du Conseil municipal de Châtelaudren des 24 février et 24 avril 1881. Il représente la visite des anges à Loth avant la destruction de Sodome].

Mais, quel que soit l'intérêt de celui-ci, il est surpassé par les peintures du lambris qui constituent l'un des plus beaux ensembles du XVème siècle subsistant actuellement en France. Les lambris du choeur et de la chapelle Sainte-Marguerite sont décorés de 132 panneaux historiés de un mètre carré environ chacun. Leur intérêt, en même temps que leur mauvais état, ayant été signalés par Geslin de Bourgogne dans un rapport du 27 juillet 1850, la consolidation de la charpente et du lambris fut exécutée de 1850 à 1852 par les soins du Service des Monuments historiques sous la direction de M. Lambert.

Plus tard, en 1879, M. Corroyer, architecte en chef, et M. Lisch, rapporteur de la Commission des Monuments historiques, en rappelèrent l'intérêt et demandèrent leur relevé, qui fut exécuté en 1880 par M. Charles Lameire. La description de ces peintures ayant été maintes fois donnée [Note : Voir en particulier : Anciens Evêchés, loc. cit., T. V, pp. 69 et suiv. Pour les détails des panneaux de la vie de sainte Marguerite, voir : A. de Barthélémy : La légende de saint Budoc et de sainte Azénor], nous rappellerons seulement que les 96 panneaux du choeur sont consacrés à l'ancien et au nouveau testament et que 18 panneaux de la chapelle le sont à la vie de sainte Marguerite. 

Quant aux 18 derniers, dans lesquels on a voulu voir tantôt la vie de saint Budoc, tantôt celle de saint Olivier, ils représentent la vie de saint Fiacre dont ils suivent très exactement le récit légendaire. Après des scènes de joutes et de bataille et le mariage des parents de saint Fiacre, roi et reine d'Hibernie, vient la naissance du saint prédite par un ermite. Devenu jeune homme, Fiacre prend le froc et quitte ses parents pour le continent. Il vient ensuite à Meaux près de l'évêque Saint Faron à qui il demande un ermitage. Celui-ci lui donne d'abord à défricher une forêt que les habitants appelaient Prodilum ; puis, pour construire un monastère, tout ce qu'il pourrait enclore de fossés en un jour. Saint Fiacre traîne sa bêche et le fossé se fait miraculeusement de lui-même à la stupéfaction d'une femme, la Becnaude, qui, assistant à la scène et croyant l'ermite possédé, va le dénoncer à l'évêque. Les miracles se succédant [Note : Parmi les miracles de saint Fiacre, on relate que le saint avait ramolli une pierre percée, qui était conservée à son monastère et passait pour guérir des hémorroïdes. Il était invoqué également au Moyen Age pour la guérison des hydropiques et pour celle des cancers du sein], saint Faron demande pardon à saint Fiacre d'avoir écouté la Becnaude et douté de lui ; enfin, le dernier tableau est consacré à la mort du saint.

Les figures sont bien dessinées au trait noir, les gestes des personnages sont justes, et les scènes, pleines de mouvement, sont très décoratives. Leur inspiration est toute française. Ainsi que nous l'avons indiqué au début de ces notes, les auteurs qui ont étudié ces peintures ont été unanimes à les attribuer à la générosité de Marguerite de Clisson ; mais un examen attentif montre que cela ne peut être. Si certains des costumes représentés dénotent bien en effet la fin du règne de Charles VI, la plupart datent seulement des règnes de Charles VII et de Louis XI.

En particulier, si plusieurs personnages vêtus de robes courtes ou longues ont des manches ouvertes, beaucoup ont les manches serrées aux poignets et bouffantes à l'épaule, et plusieurs des robes ou pourpoints portent des mahoitres. Les toilettes féminines sont également décolletées en pointe avec tassel, mode due, comme l'on sait, à l'influence d'Agnès Sorel, et plusieurs dames sont coiffées du hennin, toutes choses qui dénotent la seconde moitié du XVème siècle. D'ailleurs le fait que les cavaliers portent le harnois blanc de plates qui précéda l'armure Maximilienne, viendrait confirmer cette époque s'il en était besoin et montrer ainsi que la décoration du lambris suivit de très près sa construction.

Si donc l'on s'en tient aux costumes, l'on doit dater ces peintures de 1460 à 1485 environ, et elles sont en effet, à ce point de vue, toutes semblables aux miniatures de l'école de Fouquet, de Jean Colombe, du maître de Gérart de Roussillon ou de Guillaume Vrelant, Loyset Liedet, etc. 

Vraisemblablement, c'est plutôt vers la dernière des dates précitées que l'on doit en fixer l'exécution si l'on veut bien remarquer que tant les architectures que les montants séparant les tableaux ne comportent plus rien de gothique.

De toutes façons, il est impossible, comme on le voit, de les attribuer à la générosité de Marguerite de Clisson. Nous ne savons d'ailleurs pourquoi l'on a fait à cette princesse, là encore sans aucune preuve, une réputation de grand bâtisseur.

Si dans les comptes de Penthièvre de la fin du XIVème siècle et des vingt premières années du XVème, que nous avons soigneusement dépouillés, l'on trouve bien mention d'un maître des oeuvres du comté de Penthièvre, nommé Guille Le Duc ; l'on ne rencontre d'autres mentions de travaux que celles, très nombreuses d'ailleurs, du renforcement des défenses de Lamballe qui indiquent ainsi nettement la préméditation de longue date de l'attentat de Chantoceaux [Note : Archives Côtes-d'Armor : E. 79. Guille Le Duc recevait comme gages dix livres par an].

Certes, une tradition ancienne attribue bien la construction de la chapelle Notre-Dame de Saint-Brieuc à Marguerite de Clisson, tout en la qualifiant d'ailleurs de « mariée à un de Rohan » ; mais Dubuisson-Aubenay, qui la rapportait en 1636, indiquait déjà combien cela lui paraissait étrange, les armes de Clisson précédant celles de Rohan dans la grande vitre du chevet (Armes du connétable Olivier de Clisson et de sa seconde femme Marguerite de Rohan).

Le charmant édicule encore debout qui surplombe la fontaine, avec ses baies très ouvertes, ses accolades tardives et ses écoinçons ornés d'animaux, nous semble d'autre part très postérieur à Marguerite de Clisson et, comme le porche de Notre-Dame du Tertre, de la seconde moitié du XVème siècle [Note : Il suffit d'ailleurs d'examiner ce petit édicule pour constater un collage très net avec l'ancien mur pignon dont la partie inférieure, englobant la confession de Saint-Brieuc, existe toujours ainsi que la partie inférieure de la fenêtre ancienne du chevet. Ce sont ces restes qui, eux, datent exactement de la fin du XIVème siècle, ainsi que l'indiquent les quelques moulures subsistantes] (R. Couffon).

Châtelaudren : Maître-autel de Notre-Dame du Tertre

Châtelaudren : Peintures du lambris de Notre-Dame du Tertre

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