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LES SEIGNEURS DU MARQUISAT DE CHATEAUNEUF.

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LES SEIGNEURS DU MARQUISAT DE CHATEAUNEUF-D'ILLE-ET-VILAINE : Origines : les vicomtes du Poulet. — Les sires de Rochefort. — Les sires de Rieux. — Les de Béringhen. — Etienne-Auguste Baude de la Vieuville.

I.

C'est en 1181 qu'il est fait, pour la première fois, mention certaine de Châteauneuf [Note : Châteauneuf faisait partie de l'ancien diocèse de Saint-Malo ; c'est aujourd'hui un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)] ; l'enquête faite à cette époque sur les domaines temporels de l'église de Dol signale, en effet, en dehors du régaire épiscopal une forteresse dite en latin Castellum de Noes (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 682) et en français Chastel-Noë, d'où l'on a peut-être fait Chastel-Neue, puis Châteauneuf. Mais ce nom de Noë — exprimant la situation de la forteresse à l'entrée des marais formés par les invasions de la mer, — est resté longtemps en usage. En 1295, on écrivait : « En nostre court du Chastelneuf de la Noë » ; en 1362 « Chasteauneuff de la Noue », et en 1682 la déclaration de la seigneurie porte « chasteau et forteresse dudit Chasteauneuf anciennement appelé de la Noë » (Archive de la Loire-Inférieure).

Il est vraisemblable que la fondation de Châteauneuf se rattache aux origines des vicomtes du Poulet, car on ne peut, historiquement parlant, prouver que cette forteresse ait remplacé soit la ville gallo-romaine de Néodunum, signalée par Ptolémée, soit la cité légendaire de Gardoine chantée en vers par l'auteur du Roman d'Aquin.

Le Poulet ou pays d'Aleth (Pou-Aleth), — appelé dans les siècles derniers le Clos-Poulet — fut au Xème siècle un démembrement de l'immense fief des archevêques de Dol. Lors de la constitution définitive de ce fief par Conan le Tort, comte de Rennes, celui-ci institua un vicomte chargé en son nom de la haute police de tout ce territoire, et affecta à ce vicomte pour gage féodé de son office la partie du fief de l'archevêque comprise entre la Rance et le Bié-Jean, laquelle forma depuis la seigneurie de Châteauneuf.

Ce poste de confiance fut donné à Haimon, l'un des frères de Junguené, archevêque de Dol ; le vicomte Haimon figure dans les actes de diverses donations religieuses faites vers l'an 1020 ; mais ayant, en 1035, soutenu le comte Eudon dans sa révolte contre Alain III, il en fut puni par la perte de son office et de son fief.

« Le comte de Rennes ne renonça point cependant à avoir dans cette région (du Poulet) un officier, son délégué spécial, pour veiller au maintien du bon ordre et à la sûreté de la côte : nous trouvons, en effet, vers la fin du XIème siècle un vicaire du pays d'Aleth, qui résidait en cette ville et possédait sans doute le château de Noé (castellum de Noes) avec la plus grande partie de l'ancien fief du vicomte Haimon » (De la Borderie, Revue de Bret., 1891, tome I, 276).

Ce vicaire du Poulet « vicarius de Poëlet » était Guégon, fils d'Herhad, « Guegonus vicarius, Herhadi filius » (D. Morice, Pr. de l'Hist. de Bret., I, 455 et 491). Ses fonctions, d'un caractère moins relevé peut-être que celles du vicomte, étaient néanmoins de même nature. Guégon nous est connu par les violences qu'il exerça dans la ville d'Aleth en pillant l'église cathédrale, mais nous savons aussi qu'il s'en repentit et en fit pénitence l'an 1098 (De la Borderie, Semaine religieuse du diocèse de Rennes, II, 8).

Avec M. de la Borderie, nous croyons donc pouvoir considérer ces vicomtes et vicaires du Poulet comme étant les premiers seigneurs de Châteauneuf ; ils durent eux-mêmes construire ce château, dont l'existence est signalée en 1181, ne pouvant convenablement séjourner toujours à Aleth qu'habitait l'évêque du diocèse de ce nom.

II.

Pendant un siècle et demi, les ténèbres couvrent l'histoire des successeurs du vicaire Guégon. C'est vers 1250 qu'apparaît le nom du premier seigneur connu de Châteauneuf, Thébaud de Rochefort. Celui-ci appartenait à, une noble famille de l'évêché de Vannes, dans lequel il possédait l'importante seigneurie de Rochefort ; comment acquit-il Châteauneuf ? Probablement par un mariage, mais nous ignorons malheureusement le nom de sa femme. Toujours est-il qu'il vivait encore en 1270 ; voici quels furent ses descendants :

Guillaume Ier de Rochefort, vicomte de Donges, au pays nantais, seigneur de Rochefort et de Châteauneuf, comme son père, devint aussi seigneur d'Assérac au diocèse de Nantes, et vécut en 1294.

Thébaud II de Rochefort, fils du précédent, épousa Anne de Neuville, et fonda, en 1327, le couvent des Carmes de Nantes où furent inhumés plusieurs membres de sa famille.

Guillaume II de Rochefort, fils du précédent, épousa d'abord Philippette de Laval, puis Jeanne de Caletot qui lui survécut ; il mourut vers 1347.

Thébaud III de Rochefort, fils du précédent, épousa Jeanne d'Ancenis qui lui apporta la seigneurie de ce nom ; il fut tué, en 1364, à la bataille d'Auray.

Thébaud IV de Rochefort, fils des précédents, hérita des seigneuries de Donges, Rochefort, Châteauneuf, Ancenis, etc., mais mourut, en 1371, sans postérité.

Jeanne de Rochefort, sa soeur, recueillit alors cette riche succession ; elle avait épousé, en 1360, Eon de Montfort qu'elle perdit en 1373 ; l'année suivante, elle se remaria à Jean de Rieux, qui écartela dès lors ses armes avec celles de Rochefort ; elle lui donna neuf enfants, redevint veuve en 1417 et mourut elle-même le 3 mars 1423 [Note : Abbé Le Mené, Généalogie des Sires de Rochefort. (Bull. De la Société polym. du Morbihan, 1877, p. 145)].

III.

Le troisième enfant de Jean de Rieux et de Jeanne de Rochefort, nommé Pierre, porta dans sa jeunesse et du vivant de son père le titre de seigneur de Châteauneuf ; il figure ainsi, en 1415, comme capitaine de Saint-Malo ; il s'illustra dans les armes et devint maréchal de France. Mais après la mort de ses parents, la seigneurie de Châteauneuf fut définitivement donnée à son dernier frère cadet Michel.

Ce Michel de Rieux, seigneur de Châteauneuf, né le 28 septembre 1394, ne mourut que le 12 janvier 1473 ; il avait épousé d'abord, en 1415, Antoinette de la Choletière, puis Jeanne de Malestroit, fille de Jean, sire de Kaër. Ses trois fils furent successivement après lui seigneurs de Châteauneuf : Guillaume de Rieux, l'aîné, n'eut point, en effet, d'enfants de sa femme, Jeanne de Ferrière, et mourut le 14 février 1489 ; Jean de Rieux, qui lui succéda, décéda également sans postérité, le 16 août 1499 ; enfin, le troisième frère, Gilles de Rieux, devenu à son tour seigneur de Châteauneuf, rendit son âme à Dieu le 19 décembre 1501, ne laissant de son union avec Anne du Chastellier qu'une fille, Jeanne de Rieux, dame de Châteauneuf, placée sous la tutelle de sa mère et de son oncle, Jean de Rieux, maréchal de Bretagne. Mais cette riche héritière mourut, sans alliance, dès le 20 janvier 1520.

La seigneurie de Châteauneuf passa par suite aux cousins de la défunte, fils de son tuteur, Jean, sire de Rieux et de Rochefort, maréchal de Bretagne. L'aîné de ces jeunes seigneurs, Claude, sire de Rieux et de Rochefort, comte d'Harcourt, vicomte de Donges, baron d'Ancenis et seigneur de l'Argoët, fournit au roi, en 1522, le minu de la seigneurie de Châteauneuf pour payer le rachat dû à cause du décès de Jeanne de Rieux.

Il avait épousé, en 1518, Catherine de Laval, fille de Guy XVI, comte de Laval ; mais, devenu veuf, il se remaria en 1529 à Suzanne de Bourbon, fille de Louis, prince de la Roche-sur-Yon. Il mourut le 19 mai 1532, âgé de 35 ans, et fut enterré auprès de sa première femme, dans l'église collégiale de Rochefort où l'on voit encore sa belle statue en marbre à côté de celle de Catherine de Laval ; il laissait au berceau un enfant, Claude de Rieux, dont sa veuve fut nommée tutrice ; c'est en cette qualité que le 1er mai 1542, Suzanne de Bourbon rendit aveu au roi pour la seigneurie de Châteauneuf (Archives du château de Châteauneuf). Six ans plus tard, Claude de Rieux mourut âgé à peine de dix-huit ans et avant d'avoir pu contracter d'alliance.

C'est vers cette époque un peu plus tôt même par suite d'arrangements de famille — que le troisième fils du maréchal Jean de Rieux, oncle par suite du jeune Claude, reçut en partage la seigneurie de Châteauneuf.

Il se nommait lui-même Jean de Rieux, et, destiné d'abord à l'état ecclésiastique, il avait été pourvu de l'abbaye de Prières, puis, en 1525, nommé à l'évêché de Saint-Brieuc, dont il administra le temporel jusqu'en 1544 ; à cette époque, il renonça définitivement à l'Eglise et épousa, en 1548, Béatrix de Jonchères, veuve de Jean de Montecler, seigneur de Bourgon.

Jean de Rieux reçut en donation, de Guyonne Le Porc, la terre et la forêt du Mesnil, en Plerguer et Tressé (1540) [Note : Le Mesnil appartenait en 1513 à Guillaume de Châteaubriant, seigneur de Beaufort] et acquit la seigneurie de Sourdéac ; il mourut le 24 décembre 1563 ; son corps fut inhumé dans le chanteau de l'église de Châteauneuf où son fils lui éleva un superbe mausolée.

Ce tombeau, de style Renaissance, se trouvait placé sous une grande arcade ogivale, du côté de l'évangile. Il se composait d'abord d'un sarcophage, portant les effigies de Jean de Rieux et de sa femme, représentés à l'état de cadavres, avec l'écusson suivant : Ecartelé aux 1er et 4ème d'azur à cinq besans d'or qui est de Rieux, aux 2ème et 3ème vairé d'or et d'azur qui est de Rochefort ; sur le tout de gueules à deux fasces d'or, qui est d'Harcourt. Au-dessus était gravée l'épitaphe qui suit :

Vous qui pleurez la mort des hommes vertueux,
Voici la sépulture du sire Jehan de Rieux ;
Les larmes et regrets de sa chière épouse
Vous donnent à cognoistre qu'elle a beaucoup....
Ce bon prince breton, enobli de vertuz,
Desquelles nous humains devons estre vestuz,
Qui lui donnent un loz de mémoire éternelle
Quant au corps périssant, mais à l'asme immortelle
Le repos des esluz ; par quoy, ô cher amy,
Qui estes (selon la chair) en péché endormy,
Pleurez la grosse perle que Mort a fait aux siens
Et louez Dieu qui le fait jouissant de ses biens.
Obiit 24 décemb. 1563.

Deux statues agenouillées couronnaient ce beau monument ; elles représentaient le seigneur et la dame de Châteauneuf, qu'accompagnait un génie portant un cartouche blasonné : mi-parti : au 1er écartelé de Rieux et de Rochefort avec d'Harcourt sur le tout ; au 2ème d'azur semé de fleurs de lys d'or à une fasce abaissée de sable.

Quoique l'ancienne église paroissiale de Châteauneuf subsiste encore, — conservant même au sud la chapelle du Saint-Esprit prohibitive aux seigneurs du lieu qui y jouissaient d'une tribune et d'un enfeu, — il ne reste rien du mausolée de Jean de Rieux ; nous ne connaissons ce monument que par un dessin qu'en fit faire vers 1735 Devilleneuve, auteur d'un curieux manuscrit, dont nous reparlerons [Note : Ce manuscrit, qui fait partie des Archives du château de Châteauneuf, porte le titre d'Histoire de Châteauneuf].

Il nous reste un grand nombre de sceaux des Rieux, seigneurs de Châteauneuf au XVIème siècle ; tous présentent un écussson en bannière écartelé de Rieux et de Rochefort, parfois avec le blason d'Harcourt sur le tout, parfois aussi posé dans un trescheur avec légende en lettres gothiques.

Jean de Rieux, sire de Châteauneuf, laissait en mourant deux fils et deux filles : l'aîné des garçons, Guy, fut seigneur de Châteauneuf, le cadet René fut seigneur de Sourdéac, et forma la branche des Rieux-Sourdéac. Quant aux filles, l'aînée, Renée, se fit trop connaître à la cour de France sous le nom de la belle Châteauneuf ; l'autre, Françoise, prit en revanche le voile des Carmélites au couvent de Nazareth, près de Vannes.

Guy Ier de Rieux, seigneur de Châteauneuf, vicomte de Donges, gouverneur de Brest et chevalier de l'ordre du roi, acheta en 1589 la seigneurie du Plessix-Bertrand [Note : La seigneurie du Plessix-Bertrand, en Saint-Coulomb, érigée en comté en 1702, appartint d'abord aux Du Guesclin et de Châteaubriand : elle fut vendue à Guy de Rieux par Charlotte de Montgommery, veuve de Christophe de Châteaubriand, seigneur de Beaufort], qui demeura entre les mains des sires de Châteauneuf jusqu'en 1740. Il épousa à Rennes, le 11 juin 1560, Anne du Chastel, fille unique de Claude, sire du Chastel ; devenu veuf en 1572, il se remaria à Magdeleine d'Espinay, fille de Jean, marquis d'Espinay. Il mourut en mer le 12 février 1591, et sa veuve le suivit au tombeau le 27 septembre 1597. Il avait eu, entre autres enfants, deux filles de son premier mariage : Marie et Anne de Rieux, que Charles d'Espinay, évêque de Dol, vint marier à Châteanneuf le même jour, 29 août 1587, la première avec Guy de Scepeaux, baron de Beaupréau, la seconde avec Pierre de Boiséon, seigneur de Coëtnizan [Note : Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Châteauneuf].

Guy II de Rieux, issu du second mariage du seigneur précédent, prenait les titres de comte de Châteauneuf, vicomte de Donges, baron de Segré, seigneur de la Roche-Guyon, Savenay, le Matz, le Mesnil, le Plessix-Bertrand, etc. Il fut comme son père, gouverneur de Brest, et contracta deux alliances : sa première femme fut Léonore de Rochechouart, fille de René, baron de Mortemart, et décédée le 8 avril 1630, après lui avoir donné deux fils baptisés à Châteauneuf : François-Guy de Rieux, que baptisa, le 21 août 1617, Guillaume Trémaudan, chanoine de Dol, et François de Rieux, auquel Guillaume Le Gouverneur, évêque de Saint-Malo, suppléa les cérémonies baptismales, le 24 septembre 1620 (Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Châteauneuf. Ces deux enfants moururent jeunes).

Guy II de Rieux épousa en secondes noces, le 3 mars 1631, dans l'église des Frères Prêcheurs de Dinan, Catherine de Rosmadec, fille unique de Sébastien, marquis de Rosmadec, et l'un des plus riches partis de son temps. Le 21 décembre suivant, naquit de cette union Jeanne-Pélagie de Rieux, dont les cérémonies de baptême furent solennellement faites en l'église de Châteauneuf par le recteur du lieu, le 24 septembre 1632. Le parrain fut Tanguy de Rosmadec, baron de la Hanaudaye, et la marraine Renée de Kerhoent, marquise de Molac (Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Châteauneuf). Deux garçons vinrent ensuite au seigneur de Châteauneuf : Jean de Rieux, né le 26 mai 1633, tenu sur les fonds baptismaux de Savenay, le 11 février 1638, par Jean de Rieux, marquis d'Assérac et Marguerite du Cambout, duchesse d'Aiguillon ; et René-François de Rieux, né le 8 février 1635 ; les cérémonies du baptême de ce dernier furent suppléées en l'église de Savenay le 4 octobre 1637.

Guy II de Rieux habitait alors volontiers, en effet, la paroisse de Savenay, où il possédait la baronnie de la Roche et le château du Matz ; c'est même en cette demeure qu'il mourut « le mercredy 9 décembre 1637, sur les cinq heures du soir, et fut inhumé et ensépulturé dans l'église de Saint-François (de Savenay), proche le grand autel » (Du Bois de la Patellière, Registre des paroisses du diocèse de Nantes, II, 19).

Catherine de Rosmadec, devenue veuve et douairière de Châteauneuf, eut la tutelle de son fils ainé Jean de Rieux, et reçut beaucoup d'aveux en son nom de la part des vassaux de Châteauneuf ; mais cet enfant mourut à l'âge de neuf ans, le 4 février 1642. La dame de Châteauneuf ne survécut pas longtemps à son fils ; elle décéda elle-même en 1647 à son château de la Hunaudaye, en Plédéliac ; son corps fut inhumé dans la chapelle de Nazareth, près Plancoët, dont elle était la fondatrice, et ses obsèques y furent présidées par Denis de la Barde, évêque de Saint-Brieuc (Revue historique de l'Ouest, Mémoires, VI, 675).

Cette dame laissait encore deux enfants : Jeanne-Pélagie de Rieux, l'aînée, mariée depuis 1645 à son cousin Jean-Emmanuel de Rieux, marquis d'Assérac [Note : Fils de Jean de Rieux, marquis d'Assérac, et de Suzanne de Rieux, fille de Guy Ier, seigneur de Chateauneuf et de Magdeleine d'Espinay], — et René-François de Rieux, aveugle de naissance et alors âgé de douze ans. Ce fut à ce pauvre petit infirme qu'échut la seigneurie de Châteauneuf ; à cause de sa cécité et de sa jeunesse, on lui donna pour tuteur son beau-frère, le marquis d'Assérac. Du reste, il ne vécut pas longtemps, car le 13 novembre 1656, « la solennité des obsèques de Messire René-François de Rieux, seigneur de Châteauneuf, fut célébrée en l'église de cette paroisse » ; l'office y fut fait par Messire l'abbé de Rieux [Note : Probablement le cousin du défunt, Armand de Rieux, fils de Guy, seigneur de Sourdéac, qui d'abord marquis de Neubourg, embrassa plus tard l'état ecclésiastique], assisté d'environ cent prêtres, tant recteurs que religieux, et l'oraison funèbre du défunt fut prononcée par Messire Jean Rosselin, recteur de Châteauneuf (Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Châteauneuf). Par suite de ce décès, la seigneurie de Châteauneuf vint, du chef de sa femme, à Jean-Emmanuel de Rieux, marquis d'Assérac, comte de Largoët, seigneur de l'Isle-Dieu, du Gué-de-l'Isle, etc., gouverneur de Guérande et du Croisic. Mais ce seigneur fut tué en duel cette même année 1656, et son corps fut porté à son château de Ranrouet, et déposé dans l'enfeu de l'église d'Herbignac, près de la dépouille mortelle de sa première femme, Anne Mangot, morte en 1642 (Bull. des Congrès archéol. de France, 1886, p. 307).

Le marquis d'Assérac laissait un fils, Jean-Gustave de Rieux, qui lui succéda en qualité de marquis d'Assérac, comte de Châteauneuf, vicomte de Donges, etc. Ce jeune homme épousa, le 28 février 1677, en l'église Saint-Germain de Rennes, Anne-Hélène d'Aiguillon, fille de César d'Aiguillon, marquis de la Juliennais. De cette union naquit, le 27 février 1681, un fils qui reçut le 28 juin suivant les noms de Jean-Sévère, dans l'église de Châteauneuf [Note : Le petit-fils de ce Jean-Sévère, Louis de Rieux, fut le dernier à porter ce grand nom ; il fut saisi à Quiberon et fusillé sur le Champ-des-Martyrs, en 1795].

Mais l'illustre maison de Rieux perdit alors Châteauneuf ; en effet, la seigneurie de ce nom, — ainsi que celles du Plessix-Bertrand, du Mesnil, et du Franc Regaire — saisies par les créanciers de la marquise douairière d'Assérac, Jeanne-Pélagie de Rieux, furent vendues judiciairement : ce fut Henri de Béringhen qui en fit l'acquisition, moyennant 322.550 l. par contrat du 23 août 1681 ; toutefois il fallut à celui-ci faire un procès — qu'il gagna d'ailleurs — à Mme d'Assérac, refusant de ratifier la vente de Chateauneuf (Archives de Châteauneuf).

IV.

Le nouveau seigneur de Châteauneuf appartenait à une famille originaire des Pays-Bas, mais dont quelques membres s'étaient mariés en Bretagne et y possédaient même, dans la première moitié du XVIIème siècle, le manoir de Montbarot, près de Rennes. Henri de Béringhen, chevalier des ordres du roi, premier écuyer de S. M., gouverneur de Marseille et seigneur d'Armainvilliers, était un personnage marquant à la cour de Louis XIV et très célèbre par sa sagesse et par sa valeur (Moreri, Dict. Histor. — Voy aussi les Mémoires de Saint-Simon). Il avait épousé en 1646 Anne du Blé, fille de Jacques du Blé, marquis d'Uxelles, qui lui donna plusieurs enfants. Sur la fin de ses jours, il se retira de Versailles avec l'agrément du roi, et mourut à Paris le 30 avril 1692, âgé de 89 ans ; son corps fut inhumé dans la chapelle qu'il possédait à l'église des Feuillants de la rue Saint-Honoré.

Quelque temps avant de mourir, il avait augmenté le comté de Châteauneuf de la seigneurie de Saint-Père-Marc-en-Poulet, que lui vendit en 1689 Josselin Frotet — et de celles du Vaudoré et de la Tourniolle, en Saint-Suliac, qu'il acheta en 1690 de Guillaume de Marbœuf et d'Angélique Pépin, sa femme ; son fils y ajouta encore par acquêt, en 1700, les fiefs de Vaucouleurs, également en Saint-Suliac [Note : - La seigneurie de Saint-Père, en Saint-Père-Marc-en-Poulet, appartenait en 1355 à Robert de Saint-Père ; en 1474 à Jean de Tréal ; en 1477 à Guyon de Sévigné et Gillette de Tréal ; en 1513 à Guillaume de Guitté et Jeanne de Tréal ; en 1550 à Thomas de Québriac et Marguerite de Guitté ; en 1552 à François du Guémadeuc et Marguerite de Québriac ; en 1598 aux enfants de Thomas du Guémadeuc, qui la vendirent à Josselin Frotet, seigneur de la Landelle ; en 1624 à Nicolas Frotet, seigneur de la Landelle ; en 1681 à Josselin Frotet. - La seigneurie du Vaudoré, en Saint-Suliac, appartenait en 1466 à Bertrand Gouyon, seigneur de Launay ; en 1513 à Guyon Gouyon ; en 1540 à Amaury Gouyon, seigneur de la Moussaye ; en 1583 à Charles Gouyon, baron de la Moussaye ; en 1603 à Amaury Gouyon, baron de la Moussaye ; en 1643, à Amaury Gouyon, marquis de la Moussaye, qui la vendit alors à Pierre Miniac, seigneur de la Moinerie ; en 1690 à Guillaume de Marbœuf et Angélique Pépin, seigneur et dame de Laillé. — Le manoir du Vaudoré, distrait de la seigneurie de ce nom, appartint aux siècles derniers successivement aux familles de Taillefer, Trochon, Ricordel et de la Motte. - La seigneurie de la Tourniolle, en Saint-Suliac, appartenait en 1450 à Honorée de Montbourcher, femme de Gilles Madeuc ; en 1452 à Charles Madeuc ; en 1480 à Gilles Madeuc ; en 1554 à Pierre Marc'hec, seigneur de Montbarot ; en 1588 à René Marc'hec, seigneur de Montbarot, qui la vendit cette année-là à Charles Gouyon, baron de la Moussaye ; puis comme le Vaudoré. — Le manoir de la Tourniolle, en Pleudihen, avait été distrait de cette seigneurie. - La seigneurie de Vaucouleurs, également en Saint-Suliac, appartenait en 1513 à Guillaume de Guitté, seigneur de Saint-Père ; en 1559 à Guy de Guitté ; en 1590, à Louis de Saint-Meleuc, seigneur dudit lieu, qui la vendit cette année-là, à Christophe Desnos, seigneur de la Motte-Touraude].

Le fils d'Henri de Béringhen, Jacques-Louis, lui succéda dans ses charges et dans ses seigneuries : premier écuyer du roi et gouverneur de Marseille, chevalier de l'Ordre, comte de Châteauneuf et du Plessix-Bertrand, il avait épousé, dès le 14 octobre 1677, Marie-Magdeleine Fare d'Aumont, fille de Louis, duc d'Aumont. Il mourut âgé de soixante-et-onze ans, le 1er mai 1723, et sa veuve le suivit dans la tombe le 18 octobre 1728.

Ils laissaient plusieurs enfants dont l'aîné Jacques-Louis de Béringhen, marquis de Châteauneuf, s'était marié le 9 février 1708 à Marie-Louise de Beaumanoir, fille de Henri de Beaumanoir, marquis de Lavardin, et de cette union n'avait eu qu'une fille. Ce seigneur ne conserva pas longtemps Châteauneuf ; quelques mois après le décès de son père, il mourut lui- même le 1er décembre 1723, âgé seulement de 43 ans, laissant Châteauneuf à sa fille, mais celle-ci, Marie-Louise de Béringhen, se fit religieuse à l'abbaye de Farmoutiers (Le P. Anselme, Histoire des grands officiers de la couronne. — Archives de Châteauneuf).

Châteauneuf, érigé en marquisat dès 1702, passa alors successivement aux deux frères puînés du défunt ; le premier fut Monseigneur François de Béringhen, évêque du Puy, et abbé de Sainte-Croix de Bordeaux, qui reçut beaucoup d'aveux en qualité de seigneur de Châteauneuf ; le second, lui succédant en 1731 [Note : Il devint seigneur de Châteauneuf par sentence judiciaire rendue en sa faveur le 8 février 1731] fut Henry-Camille de Béringhen, chevalier des Ordres du Roi, premier écuyer de S. M., gouverneur de Châlon-sur-Saône, marquis de Châteauneuf et d'Uxelles, comte du Plessix-Bertrand, baron de Thénar, etc. Ce dernier seigneur vendit, par contrat du 1er février 1740, pour 920.000 livres, les seigneuries du Châteauneuf et du Plessis-Bertrand à Etienne-Auguste Baude qui suit et à ses associés [Note : Ces associés étaient François Magon, seigneur de la Lande, qui devint propriétaire du Plessix-Bertrand érigé en comté en 1702 — et Henri Baude, frère de M. de la Vieuville ; en faveur duquel celui-ci détacha du marquisat de Châteauneuf la seigneurie de Saint-Père-Marc-en-Poulet].

V.

Issu d'une famille de riches négociants malouins, Etienne-Auguste Baude, seigneur de la Vieuville, était né à Saint-Malo, le 9 mars 1713, de Henri Baude, sieur du Val en Saint-Servan, secrétaire du roi, et de Céleste Picot. Il contracta deux unions et épousa d'abord, le 11 février 1755, dans la chapelle du château de Saint-Tual, sa parente Anne-Andrée Baude, qui mourut à Saint-Malo dès le 3 janvier 1756, et fut inhumée à Châteauneuf, dans l'enfeu seigneurial de l'église de cette paroisse. En secondes noces, le 8 avril 1758, il s'allia à Françoise Butler, qui lui donna plusieurs enfants.

En 1747, il acheta le comté de Raiz et du Plessix-Balisson, qu’il donna à son frère, Henri Baude, seigneur de Saint-Père. Devenu lui-même colonel d'infanterie, capitaine aux Gardes Françaises et chevalier de Saint-Louis, il demanda néanmoins et obtint, en 1765, les provisions d'une charge de conseiller secrétaire du Roi, audiencier en la chancellerie de Bretagne. Quand la révolution éclata, M. de la Vieuville était devenu fort riche : il avait de nombreuses et importantes seigneuries et prenait alors les titres de marquis de Châteauneuf et de Coëtquen, comte du Lude, baron du Guémadeuc, seigneur de Lesnen, Saint-Tual, Saint-Père, Trémigon, le Pontharouard, le Prémorel, etc, etc. A cette triste époque, son château de Châteauneuf fut pillé le 22 janvier 1791, et lui-même fut arrêté et conduit à Rennes ; c'est en cette ville qu'il fut condamné à mort « en qualité d'ex-noble et de père d'émigrés » [Note : On lui fit un crime d'avoir envoyé une forte somme d'argent à ses enfants passés à l'étranger, et une lettre prouvant cet envoi fut la cause de sa condamnation à mort]. Il y fut exécuté le 15 floréal an II (4 mai 1794) sur la place d'armes : il avait alors 82 ans, ce qui ne l'empêcha pas de monter résolument à l'échafaud.

Quelque temps après, un de ses fils, Henri Baude, revenu de l'émigration et enrôlé dans les bandes royalistes du pays de Fougères, fut tué dans la forêt de Villecartier, près du château de la Ballue, par un détachement républicain de Trans. Un frère de ce malheureux jeune homme, Louis-Auguste Baude, était lui-même mort à vingt ans, le 13 février 1791.

La dernière marquise de Châteauneuf ne survécut pas longtemps à son mari et à ses fils, victimes de la Révolution ; elle mourut en 1798 (Généalogie de la maison de Talhouët). Elle laissait néanmoins un autre fils, Auguste Baude de la Vieuville, né en 1760, décédé le 26 avril 1835, et inhumé clans le cimetière de Châteauneuf, où sa tombe ne porte que son nom suivi de ces mots qui font son éloge : « Il fut l'ami des pauvres, priez pour lui ».

(abbé GUILLOTIN DE CORSON).

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