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LE MARQUISAT DE CHATEAUNEUF.

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LE MARQUISAT DE CHATEAUNEUF : importance de cette seigneurie. — Œuvres d'art s'y trouvant. — Droits féodaux : quintaines, tirecoq, saut des poissonniers, rosières.

La seigneurie de Châteauneuf, châtellenie d'ancienneté, considérée comme comté au XVIIème siècle, fut érigée par Louis XIV en marquisat, par lettres patentes du mois de juin 1702, en faveur de Jacques-Louis de Béringhen, premier écuyer de Sa Majesté. Ces lettres furent enregistrées par arrêt du Parlement de Bretagne, en date du 12 mars 1704.

Lorsque plus tard Etienne-Auguste Baude de la Vieuville devint acquéreur de Châteauneuf, ce seigneur obtint, en juin 1746, de Louis XV, la confirmation de la précédente érection de cette terre en marquisat (Archives de Châteauneuf). Il est dit, dans ces nouvelles lettres patentes, que le roi entend récompenser ainsi « Etienne-Auguste Baude de la Vieuville, officier au régiment des gardes françaises, qui s'est particulièrement distingué à la bataille d'Ettinghem où il a reçu plusieurs blessures » (Archives de Châteauneuf).

Si nous voulons connaître l'importance de la seigneurie de Châteauneuf à cette époque, il nous suffit de parcourir un gros manuscrit in-folio. Conservé au château de Châteauneuf il porte en tête ces mots : « Histoire de Chasteauneuf dédiée à Monseigneur Henry-Camille de Béringhen, gouverneur de Chalons, marquis de Chasteauneuf, et d'Uxelles, comte du Plessix-Bertrand, etc., par Devilleneuve ».

Malgré son titre, ce volume n'est point une histoire, mais une sorte de terrier du marquisat de Châteauneuf offert au dernier Béringhen, marquis de Châteauneuf de 1731 à 1740.

Il y est dit que ce marquisat est né « de la réunion qui a été faite de plusieurs seigneuries » voisines les unes des autres [Note : Les seigneuries du Mesnil, de Saint-Père-Marc-en-Poulet, du Vaudoré, de la Tourniolle, de Vaucouleurs, et du Franc-Regaire de Dol, c'est-â-dire de la partie du Regaire de l'évêché de Dol enclavée dans la seigneurie de Châteauneuf, acquise des évêques de Dol par les seigneurs de Châteauneuf et s'étendant en cinq paroisses : Saint-Coulomb, Saint-Ideuc, Paramé, Cancale et Saint-Méloir-des-Ondes], qu'il se compose « de cinquante-cinq bailliages ou fiefs en haute justice, ayant cours en cinquante paroisses, » relevant pour la majeure partie du Roi en son domaine de Rennes et le surplus de l'évêque de Dol, et des seigneurs de Bonaban, la Bellière, Launay-Baudouin et le Rouvre, et que son vaste territoire se divisant en deux sections « le Clos-Poulet et le Clos-Rastel, » [Note : Le Clos-Poulet, partie de la seigneurie comprise dans le Poulet ou pays d'Aleth (Pou-Aleth, pagus Alethi), se composait de Châteauneuf et des paroisses sises du côté de Saint-Malo et de Cancale, — le Clos-Rastel comprenait les paroisses au sud de Châteauneuf, du côté de Rennes et de Dinan] s'étend depuis Saint-Malo, jusqu'à Saint-Domineuc « qui est à une distance de sept grandes lieues, » et depuis Cancale jusqu'au delà de Dinan, ce qui donne « vingt-quatre lieues de circonférence à la seigneurie » (Archives de Châteauneuf).

Voici d'abord ce qui constituait vers la fin du XVIIème siècle le domaine proche de la seigneurie de Châteauneuf (Déclaration faite au Roi le 21 mars 1687) :

Le château de ce nom, dont nous reparlerons, avec ses garennes, colombiers et viviers, avec aussi ses jardins, notamment le jardin Saint-Charles, renfermant une chapelle dédiée à ce bienheureux. — Les prairies de Châteauneuf contenant 35 journaux de terre et de Licastel (6 jours.) ; les prées du Bled-Jan (42 journ.) et de Bossaine .(21 jours.), en Saint-Guinou ; la prée de la Ville-Aubry, en Miniac-Morvan, contenant 10 journaux. — Les anciens manoirs ou métairies nobles de la Rivière, en Châteauneuf ; de Langan, en Saint-Père ; du Mesnil, de la Lande-Davy, des Alliers et de la Hibbersais, tous quatre en Plerguer ; des Chapelles et des Grande et Petite Barbées, en Saint-Pierre de Plesguen ; des Champ-Roger, en Tressé, et des Landes-Gébert, en Plesder. — Les bois futaies des Alleuc et des Chênais-Mainguy, Chênais des Rivières, Chênais de la Ville-Barbée, Chènais des Plantés, Chesnais des Errables, Chesnais de la Lande-Davy, etc., et la forêt du Mesnil, tant en bois futaie que taillis, divisée en huit quartiers. — Les moulins à eau de mer du Gué-Boscher, en Saint-Père ; les moulins à vent des Masses, en Saint-Père, de la Couldre, en Saint-Méloir, et des Landes, en Cancale. — Les pêcheries en mer établies à Cancale, à Saint-Méloir et à Saint-Jouan-des-Guérets. Les îles des Riverains et du Chastellier en mer, proche Cancale, et de Retaux avec ses vignes dans la rivière de Rance, près Saint-Jouan, — le passage de cette même rivière à Jouvente, en Saint-Jouan. — Enfin on peut encore faire figurer dans ce domaine proche, une rente de 360 livres, que le seigneur de Combourg payait chaque année à celui de Châteauneuf, et qui était assise sur les revenus de la halle de Combourg [Note : Cette rente avait été stipulée en 1450 dans le contrat de mariage de Jean de Derval, héritier présomptif du titre de Combourg, avec Hélène de Laval (Archives de Châteauneuf)].

Quant aux fiefs ou bailliages constituant la seigneurie de Châteauneuf, ils étaient naturellement fort nombreux ; les principaux étaient : le grand bailliage de Villevairie, s'étendant en Châteauneuf, Pleudihen, Saint-Suliac, Saint Père, Miniac-Morvan, Saint-Servan, Paramé, Saint-Jouan et Broons, — le grand bailliage de Saint-Méloir, en Cancale, et Saint-Méloir-des-Ondes, — Kerbezelec et les Grandes Bossaines, en Saint-Guinou, — les Petites Bossaines, en Bonaban, — le grand bailliage du Mesnil, en Saint-Suliac, — les Deniers, en Pleudihen, — la Billardais, en Miniac-Morvan, — le Breil-Gesbert, en Evran, — le Haut-Plessix, en Cuguen, — Launay, en Tressé — et les bailliages des Métails en Pleudihen, Miniac-Morvan, Plesder, Pleugueneuc, Saint-Hélen, Lanvallay, Evran,, Plerguer, etc., etc.

Du marquisat de Châteauneuf ne relevaient pas moins de cent vingt-sept juridictions seigneuriales, situées en trente et une paroisses (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, c. 2418) ; et parmi ces seigneuries, figuraient des fiefs importants, tels que la Ballue et la Ville-Anne, en Saint-Servan ; le Vau-Salmon, en Paramé ; le Lupin et la Motte-au-Chauff, en Saint-Coulomb ; les Landes, en Cancale ; la Bardoulais, en Saint-Méloir ; la Villesbrunes, en la Frenayre ; Maupertuis, en Saint-Guinou : Saint-Benoît, Saint-Jouan, Saint-Tual, Tressaint, Bonaban et La Gouesnière dans les paroisses de mêmes noms ; la Marre-Coëtquen, en Saint-Père ; le Bois-Thomelin, en Pleurtuit ; la Bellière, en Pleudihen ; Miniac et Gouillon, en Miniac-Morvan ; Launay-Baudouin, en Tressé ; Coetquen, en Saint-Hellen ; le Rouvre, en Saint-Pierre de Plesguen ; la Buharaye, en Plesder ; le Gage et la Bourbansais, en Pleugueneuc ; Beaumanoir, en Evran ; la Verrerie ; en Saint-Solain ; le Bois de la Motte, en Trigavou ; la Motte-Olivet, en Pleslin, etc., etc. On comprend facilement l'importance du marquis de Châteauneuf, quand on voit figurer parmi ses vassaux les sires de Coëtquen, de la Bellière et de Beaumanoir.

Plusieurs de ces vassaux devaient au seigneur de Châteauneuf — outre les devoirs ordinaires de « foi, hommage, rachat et chambellenage » — certaines redevances particulières : ainsi le possesseur des prairies de la Gabiais lui devait, lorsque la Seigneurie de Châteauneuf tenait ses hommages, « une épée avec ses gardes dorées et le fourreau couvert de velours » ; le Seigneur de Bonaban « un épervier dressé avec ses longes et ses sonnettes d'argent » ; le seigneur de la Ville-Morel, en Broons « un tournet d'argent », payable à la Saint-Jean ; le seigneur de la Herviais en la Chapelle-Saint-Samson « le premier jour de may une paire d'esperons d'or haché » ; le seigneur de Trébédan « un thorel d'argent doré pesant un gros et demy » (Archives de Châteauneuf).

D'autres devaient faire prier Dieu pour lui et ses parents défunts : le seigneur de la Ville-ès-Oiseaux, en Saint-Jouan-des-Guérets « doit faire dire tous les ans un service » à cette intention ; le seigneur de Boullierne, en Saint-Père, « doit chaque année au jour Saint-Mathurin, une messe en l'église de Châteauneuf, à l'autel Saint-Mathurin et à l'intention du seigneur de Châteauneuf, avec une paire de gants blancs et un cierge de cire blanche de demi-livre » (Terrier Ms de Châteauneuf. — Déclaration de Châteauneuf, en 1687 et 1694).

Les « seigneurs Evesques et Chapitre de Saint-Malo » doivent également le 25 juin de chaque année faire célébrer dans leur cathédrale « un anniversaire et obit honorable » pour les seigneurs défunts de Châteauneuf [Note : Ce service eut pour origine la permission donnée en 1432 par le seigneur de Châteauneuf aux habitants de Saint-Malo de faire venir de ses terres « l'eau de la pompe » de leur ville].

D'autres vassaux moins importants devaient entretenir la cuisine du sire de Châteauneuf d'un certain nombre de livres de « sucres, poivre, cannelle et autres épices », plus rares et plus coûteuses alors qu'aujourd'hui.

Relativement aux églises construites sur le territoire du marquisat, le Seigneur de Châteauneuf était reconnu comme fondateur des églises paroissiales de Châteauneuf, Cancale, Saint-Père et Saint-Servan, et des nombreux monastères et chapelles élevées dans cette dernière ville ; il était seigneur supérieur des églises paroissiales de Saint-Suliac, Bonaban, Saint-Guinou, La Gouesnière, Saint-Benoit, Saint-Méloir-des-Ondes, Saint-Jouan-des-Guérets, Paramé, Pleudihen, Miniac-Morvan, Tressé, Lanvallay, Saint-Solain, Tressaint, Saint-Tual, Saint-Hellen, Plesder, Pleugueneuc, Plesguen, Saint-Samson, Lillemer, La Fresnaye et Hirel ; enfin il jouissait de simples prééminences dans les églises paroissiales d'Evran, Pleslin, Saint-Ideuc, Plerguer, Meillac et Vildé-la-Marine (Terrier Ms. de Châteauneuf), c'est-à-dire que dans trente-trois églises, sans compter les chapelles, le marquis de Châteauneuf avait droit aux honneurs que le clergé d'alors accordait aux seigneurs prééminenciers.

Aussi ces églises étaient-elles couvertes d'intersignes prouvant les droits du seigneur de Châteauneuf. L'auteur du Terrier Ms. a eu l'excellente idée de reproduire au crayon sur ses pages, les verrières blasonnées et les tombeaux seigneuriaux appartenant au marquis de Châteauneuf dans les églises de sa seigneurie. Cette collection de dessins est d'autant plus précieuse que la plupart des oeuvres d'art qu'ils représentent n'existent plus aujourd'hui ; on nous permettra donc de signaler les principaux.

Dans l'église même de Châteauneuf se trouvaient deux belles verrières : la première occupant toute la fenêtre flamboyante du chevet représentait la Passion de Notre-Seigneur eu douze tableaux ; les nombreux blasons qui l'accompagnaient prouvaient qu'elle était contemporaine de Guy de Rieux et de Magdeleine d'Espinay, sa femme, seigneur et dame de Châteauneuf en 1580 (Voy. le Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, tome IV, Châteauneuf, où, se trouvent décrits tous les blasons de ces vitraux). L'autre vitrail occupait la chapelled du Saint-Esprit, prohibitive aux seigneurs de Châteauneuf et renfermant leur caveau funéraire ; cette vitre figurait la résurrection du Sauveur et le jugement dernier, et les nombreux blasons de la famille de Rieux qu'on y voyait témoignaient que les illustres seigneurs de ce nom l'avaient donnée ou en avaient approuvé la construction.

La verrière de Miniac-Morvan, remplissant une très belle fenêtre de style rayonnant, n'était pas moins remarquable : occupée par la représentation de diverses scènes de la vie de Jésus-Christ, et par celle de quelques apôtres, elle offrait aussi les figures des donateurs, les sires de Châteaubriant-Beaufort, et à son sommet l'écusson de la maison de Rieux-Châteauneuf.

A Saint-Jouan-des-Guérets se trouvait un vitrail de même style rayonnant, offrant au centre une superbe rose dont les douze lobes étaient enrichies d'autant d'écussons ; la figure de Notre-Seigneur dominait au centre et d'autres blasons garnissaient les ogivettes inférieures.

A Saint-Guinou la fenêtre du chevet représentait la résurrection générale et le jugement dernier.

De toutes les verrières qui précèdent, figurées dans le Ms. de Châteauneuf, il ne reste plus rien ; quelques vestiges subsistent, au contraire, des deux autres vitraux peints, signalés dans le même Ms. et posés en des églises paroissiales demeurées debout.

Les précieux débris du premier, dans l'église de Saint-Père-Marc-en-Poulet, semblent remonter au XIVème siècle : on y voyait à l'origine les figures de saint Pierre et de saint Paul placées entre celles des donateurs, les seigneurs et dames de Saint-Père ; plus haut était représentée la passion de Notre-Seigneur et plus haut encore brillait l'écusson des sires de Châteauneuf.

Quant à l'autre verrière, dont les fragments subsistent à Saint-Pierre de Plesguen, il s'y trouvait aussi plusieurs personnages, notamment les saints Patrons de l'Eglise, le type ancien de la Très Sainte Trinité et les figures agenouillées des nobles donateurs.

Toutes ces verrières peintes, sont dessinées en entier dans le Ms. de Châteauneuf, mais ce même curieux recueil mentionne d'autres peintures sur verre moins considérables — souvent de simples blasons — qu'on voyait au siècle dernier dans les églises de Pleugueneuc; Saint-Méloir-des-Ondes, Saint-Suliac, etc. Il reproduit aussi plusieurs sculptures héraldiques qui se trouvaient notamment dans les églises de Saint-Servan, Saint-Méloir-des-Ondes, Saint-Suliac, Saint-Domineuc, etc. La plus importante des sculptures figurées dans le Ms., est le superbe mausolée qu'éleva à l'entrée du chanceau de l'église de Châteauneuf, Guy de Rieux, à la mémoire de ses père et mère, Jean de Rieux, décédé le 24 décembre 1563, et Béatrix le Jonchères ; nous avons précédemment décrit cette belle oeuvre de la renaissance aujourd'hui disparue.

L'auteur du Ms. de Châteauneuf nous a aussi représenté ou signalé dans son recueil d'autres monuments funéraires moins importants, tous également anéantis maintenant : ce sont les tombeaux des seigneurs de Saint-Père dans l'église de ce nom, des seigneurs de la Sauvagère-Ferron et de la Sauvagère-Hamon en celle de Saint-Pierre de Plesguen — des seigneurs du Tertre-Guy, en celle de Tressé, etc.

Enfin l'on trouve dans les planches de ce Ms. plusieurs autres dessins fort intéressants ; tels sont l'ancien donjon de Châteauneuf et le petit château de même nom — les panoramas de la ville de Châteauneuf et du château de la Bourbansais, en Pleugueneuc, — les plans des villes de Saint-Malo et de Saint-Servan, de la forêt du Mesnil et des marais de Châteauneuf convertis en salines — les premières stalles de la cathédrale de Dol, dont la seconde appartenait au seigneur de Beaufort, en Plerguer, etc.

On voit donc facilement l'intérêt que présentent les dessins du Ms. de Châteauneuf ; ajoutons-y maintenant les détails de moeurs que ce même recueil va nous faire connaître en nous exposant les droits féodaux du marquisat de Châteauneuf.

Seigneur haut-justicier, le sire de Châteauneuf avait, pour pendre les criminels condamnés à mort, un gibet à quatre poteaux placé à l'entrée de sa petite ville, au faubourg qui en conserve le nom de la Carrée [Note : A côté se trouvaient la chapelle Saint-Denis et son cimetière. — En 1513 il y avait à Châteauneuf un fief nommé la Carrée qui n'appartenait pas au seigneur de Châteauneuf, mais au comte de Laval, seigneur de Montmuran ; en 1643, Gaspard de Coligny le possédait encore]. La justice se rendait tous les mercredis en son nom à l'auditoire dans la ville même, où siégeait son sénéchal assisté d'alloué, lieutenant, procureur, greffier, notaire, sergent, etc.

Il avait le droit de tenir un marché à Châteauneuf tous les mercredis et à Saint-Servan tous les lundis [Note : Et anciennement même un troisième marché hebdomadaire au village de la Coudre en Saint-Méloir-des-Ondes] — d'avoir des foires à Châteauneuf, à la Saint-Barnabé (11 juin), et à la Saint-Denis (9 octobre), à la Saint-Mathurin (10 mai), et à la Saint-Pierre-ès-liens (1er août) ; à Saint-Servan, à la fête patronale du lieu, au mois de mai, et cette foire durait huit jours ; à Miniac-Morvan, le jour de Saint-Armel (16 août) ; enfin à Saint-Méloir-des-Ondes le jour de Sainte-Magdeleine (22 juillet).

Dans tous ces marchés et foires, il avait droit de « bouteillage sur les cabaretiers, de poids et mesures, d'apprécis des vins et des grains, de police, etc. ».

Le seigneur de Châteauneuf avait dans sa ville même « le droit de faire faire le guet et la garde aux portes de son château ». Il possédait aussi des fours, moulins et pressoirs banaux en plusieurs paroisses, notamment en Châteauneuf, Saint-Servan et Saint-Méloir ; certains de ces pressoirs étaient destinés à pressurer le raisin, car en 1500 l'on faisait encore du vin à Châteauneuf même, et la vigne seigneuriale de Miniac-Morvan ne rapportait pas moins alors de huit pipes ou tonneaux de vin (Archives de Châteauneuf). Enfin il jouissait du « droit de coutume et trépas » à Châteauneuf, Saint-Benoît, à Saint-Méloir et à Pleudihen (Déclaration de Châteauneuf en 1687 et 1694 — Terrier Ms. de Châteauneuf).

Mais ïl appartenait au sire de Châteauneuf certains droits plus originaux que les précédents et sur lesquels nous devons nous arrêter un peu.

C'était d'abord le droit de dresser en divers lieux du Clos-Poulet « des perches et tentes à faucons et autres oiseaux de proie » pour le plaisir de la chasse ; c'était ensuite le droit de quintaine exercé tant à Châteauneuf qu'à Saint-Méloir.

A Châteauneuf, ce jeu d'adresse avait lieu le mardi de Pâques, et tous ceux qui avaient « épousé ou banni dans l'église de Chasteauneuf pendant l'année » devaient y prendre part « sous peine de soixante sols d'amende ».

A Saint-Méloir-des-Ondes la quintaine se courait la veille :

« Le lundy de Pasques doit estre courue la quintaine par ceux qui ont banni ou épousé dans l'église dudit Saint Méloir, sous peine de 60 sols d'amende pour les défaillants ou ne faisant pas leur devoir ». Ce jour-là les officiers du marquisat de Châteauneuf, sénéchal, alloué et autres se rendaient à Saint-Méloir pour présider la course ; aussi leur y devait-on, à eux et à leurs chevaux, une honnête réfection : « Les trésoriers de la paroisse de Sainct-Méloir, doibvent — disent les Aveux — fournir (à cette occasion) un chevreau lardé, rôti, cuit et assaucé, avec quatre sols de pain, deux pots de vin de Gascogne pour les officiers de la seigneurie et un boixeau d'avoisne pour leurs chevaux » (Déclarations de le seigneurie de Châteauneuf, faites au roi en 1462 et 1687).

Le seigneur de Châteauneuf avait droit de faire la jeunesse de Saint-Suliac prendre part à un autre exercice d'adresse ; c'était le tire-coq, sorte de papegault, qui chaque année réunissait au bourg « tous les jeunes garçons de la paroisse dudit Sainct-Suliac ». Ceux-ci devaient « se trouver à cheval devant la maison du Tirecoq relevant du bailliage de Vaucouleurs pour tirer le coq » qu'on y plaçait à cet effet ; le seigneur et le trésorier de la paroisse récompensaient le plus adroit, le seigneur donnant « à celuy qui emporte la teste du coq une barrique de cidre et les trésorier et général de la paroisse deux moches de beurre de trois livres chacune ». Détail qui n'est pas indifférent comme trait de moeurs anciennes ; le jeu du tire-coq devait être présidé par les vieillards de Saint-Suliac réunis dans ce but, car « on fait évocation des anciens de la paroisse pour l'apurement dudit droit et en cas de défault, ils sont condamnés par corps ».

Mais voici un autre exercice — moins amusant que la course de la quintaine et le jeu de tire-coq — auquel devaient cependant se livrer chaque année certains vassaux de Châteauneuf.

On sait qu'autrefois l'accomplissement rigoureux du devoir d'abstinence en carême avait fait naître certains usages facilement transformés en devoirs féodaux. Ainsi aux fêtes de Pâques, pour témoigner la joie publique d'être débarrassé du régime maigre suivi pendant tout le carême, on jetait à l'eau les marchands de poissons qui pendant quarante jours avaient forcé les fidèles à s'approvisionner à leurs étaux ; il en était ainsi à Châteauneuf : le mardi de Pâques « tous les poissonniers du lieu ayant vendu du poisson en détail et détrempé pendant le caresme » étaient tenus de venir « sauter et plonger dans les estangs et viviers de Chasteauneuf » au grand ébaudissement de la populace ; et cela « soubs peine de soixante sols d'amende » (Déclarations de la seigneurie de Châteauneuf, faites au roi en 1462 et 1687)  que pouvaient payer toutefois ceux qui craignaient un rhume à la suite de ce bain souvent intempestif.

Il est singulier que le marquis de Châteauneuf n'ait pas institué la fête d'une rosière dans sa petite ville, car nous savons — et c'est le Ms. de Châteauneuf qui nous l'apprend en partie — que trois rosières étaient choisies chaque année dans l'étendue de la seigneurie : aux paroisses de Saint-Ideuc, Paramé et Saint-Jouan-des-Guérets.

Le lundi de la Pentecôte « tous les jeunes garçons de la paroisse de Saint-Ideuc non mariés et au-dessus de l'asge de treize ans » devaient « faire faire une rose de bois peint, armoyée des armes du seigneur de Saint-Ideuc [Note : La seigneurie de Saint-Ideuc appartenait, en 1597, à Guillaume Jonchée, sieur du Fougeray, en 1612 à Nicolas Frotet, sieur de la Landelle, en 1647 à Olivier Frotet, chanoine de Saint-Malo et abbé de Boquen, en 1672 à Jean de la Haye, sieur de la Villejacquin, en 1738 et 1785 à Jean-Charles de la Haye, comte de Plouer], fondateur de l'église et cimetière d'icelle paroisse », et cette rose devait « estre donnée par lesdicts jeunes garçons en ce lieu assemblés, à une fille par le roi desdits jeunes garçons choisie et eslue ». A cette jeune fille, nommée reine par le roi des garcons, incombait le devoir d'aller présenter elle-même la rose au seigneur de Saint-Ideuc, ce, qu'elle faisait, « accompagnée par lesdits jeunes gens et assistée de joueurs de tambourins, hautbois, bombardes et autres instruments » (Archives d'Ille-et-Vilaine, B. 928).

Les jeunes gens de Paramé faisaient à peu près comme ceux de Saint-Ideuc, et leur rosière n'était pas d'institution récente, car elle avait été approuvée, dès l'an 1454, par le duc de Bretagne Pierre II. La fête se passait à Paramé, le jour de l'Ascension : on voyait alors « les jeunes gens non mariés de ladite paroisse » apporter au seigneur du Vau-Salmon [Note : La seigneurie du Vau-Salmon, en Paramé, appartenait en 1513 et 1574 à Jean de la Chapelle, en 1708 à Joseph de la Haye, seigneur de Plouer, en 1786 à Jean-Charles de la Haye, comte de Plouer. — Le manoir du Vau-Salmon avait été, dans les derniers siècles, distrait de la seigneurie de même nom, et appartint alors successivement aux familles Salmon, Martin et Eon] (seigneur fondateur de Paramé), « une rose soit à Saint-Malo, soit à Paramé, là où il est demeurant », pour qu'il pût voir « si ladite rose est bien armoyée des armes de la seigneurie ». Cela constaté, le seigneur de Paramé nommait lui-même parmi les jeunes gens un roi, qui avait « faculté de choisir une fille pour reine ». De là, le roi se rendait « sur le lieu appelé la Couarde, proche le bourg de Paramé, accompagné des autres jeunes garçons pour promener ladite rose » (Archives d'Ille-et-Vilaine, B. 978).

La troisième rosière était élue à Saint-Jouan-des-Guérets par les soins du seigneur de la Motte-Rouxel [Note : La seigneurie de la Motte-Rouxel, en Saint-Jouan, appartenait, en 1506 à Aubert de Saint-Germain, baron d'Asvebec, en 1513 à Guillaume de Châteaubriant, seigneur de Beaufort, en 1530 à Louise de Châteaubriant, femme de Jacques Gouyon, seigneur de la Moussaye, en 1584 à Charles Gouyon, baron de la Moussaye, qui la vendit en 1591 à Simonne Artur, veuve de Jean Le Gobien, seigneur des Douets, en 1642 à Charles Le Gobien, seigneur des Douets, en 1726 à Bernard Sioc'han, sieur de Tréquintin, mari de Jeanne Artur, en 1756 à Laurent Sioc'han, seigneur de Saint-Jouan, en 1778 à Pierre-halo Sioc'han, seigneur de Saint-Jouan. — Le manoir de la Motte-Rouxel, distrait au XVIIème siècle de la seigneurie de ce nom, appartint successivement ensuite aux familles Trublet, Cheville, Dufresne et White], fondateur de cette paroisse ; malheureusement nous n'avons guère de détails sur la cérémonie qui avait lieu au mois de mai ; le Ms. de Châteauneuf nous dit seulement que ce seigneur de Saint-Jouan a dans la paroisse « droit de may et de rose » et même « droit d'élection d'une jeune fille, reine de la jeunesse du lieu » ; mais un autre document plus explicite nous apprend que ce même seigneur — auquel était dû certain jour « un levrault sortant de la broche et deux oranges » — faisait élire le jour saint Marc (25 avril) un roi parmi les jeunes gens de Saint-Jouan, « lequel roy de la jeunesse, en présence des officiers de la seigneurie, choisit pour reine une jeune fille de ladite paroisse excédant l'âge de quinze ans » ; puis, le premier dimanche de mai « doibt estre planté un may à-vis l'auditoire seigneurial de Saint-Jouan » et « doibt estre faite une rose », confiée à la reine de la jeunesse. Naturellement la fête se terminait par une ronde champêtre dansée autour de l'arbre appelé « may » par le roi, la reine et tous les jeunes gens du bourg [Note : Aveu du seigneur de la Motte-Rouxel à celui de Châteauneuf. (Archives de Châteauneuf)].

Nous terminons par la relation de ces fêtes populaires l'énoncé des droits féodaux du marquisat de Châteauneuf. Si l'on s'apitoie quelque peu sur le bain froid des poissonniers aux fêtes de Pâques, on ne peut guère qu'approuver — de nos jours surtout, que les exercices du corps sont tant vantés — la course des quintaines et le jeu de tirecoq ; quant aux rosières, le souvenir de ces rois et reines de la jeunesse ne conserve-t-il pas le privilège de dérider les plus moroses, et la simplicité des moeurs d'autrefois n'autorisait-elle pas alors ces réjouissances plus facilement qu'aujourd'hui ?

(abbé GUILLOTIN DE CORSON).

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