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CAHIER DE DOLÉANCES DE CHÂTEAUNEUF EN 1789

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GROUPE DE CHATEAUNEUF.
(Paroisses de Châteauneuf, Saint-Suliac, Pleudihen, Saint-Guinoux Saint-Père-Marc-en-Poulet et Saint-Jouant-des-Guérets).

L'assemblée de Châteauneuf (1er avril) a été présidée par Jacques-Jean Michel de la Morvonnais, faisant fonction de juge du marquisat de Châteauneuf, et s'est tenue en présence de Jean-Baptiste Boullet, procureur fiscal du même marquisat et de la juridiction de Maupertuis. D'autre part, Michel de la Morvonnais a présidé les assemblées de Saint-Suliac (1er avril), de Pleudihen (2 avril), de Saint-Père (3 avril), et Boullet, les assemblées de Saint-Guinoux (2 avril) et de Saint-Jouan (4 avril). On comprend alors que le cahier de Châteauneuf, qui a fait d'ailleurs de larges emprunts à l'Instruction du duc d'Orléans [Note : Comme les cahiers du groupe de Baguer-Morvan], ait servi de type à tous les cahiers de ces autres paroisses. Saint-Suliac, Pleudihen, Saint-Guinoux le reproduisent presque entièrement, ainsi que Saint-Père, mais ce dernier cahier fait cependant quelques emprunts aux articles originaux de Saint-Guinoux. Quant au cahier de Saint-Jouan, c'est la reproduction presque intégrale du cahier de Saint-Père. — Les cahiers de Pleudihen et de Saint-Guinoux, paroisses qui faisaient partie de l'évêché de Dol, ont été rattachés au groupe de Châteauneuf.

CHATEAUNEUF (aujourd'hui Châteauneuf-d'Ille-et-Vilaine).

Subdélégation de Saint-Malo. — Dép. d'Ille-et-Vilaine, arr. de Saint-Malo, chef-lieu de canton.
POPULATION. — En 1789, 120 feux (Procès-verbal) ; — en 1790, 478 hab. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L, Etat de la commune de Châteauneuf).
CAPITATION. — Total en 1770, 593 l. 1 s. 3 d., se décomposant ainsi : capitation, 404 l. 10 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 35 l. 7 s. 11 d. ; milice, 53 l. 18 s. ; casernement, 99 l. 5 s. 4 d. (Ibid., C 3981). — En 1778, 140 articles, dont 73 inférieurs à 3 l. (Ibid., C 3982).
VINGTIÈMES. — En 1787, 1.390 l. 17 s.
FOUAGES. — 11 feux 1/25. — Fouages extraordinaires, 244 l. 8 s.

OGÉE. — Sur la route de Rennes à Saint-Malo ; à 2 1. 1/2 de Saint-Malo et à 11 l. 1/2 de Rennes. — 500 communiants. — Cette paroisse, qui est bornée à l'Ouest par la Rance, se trouve dans un fond, entre des marais qui tiennent à ceux de Dol. Les terres en sont fertiles, mais peu cultivées ; les pâturages y sont excellents et en grand nombre.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Jacques-Jean Michel, sieur de la Morvonnais (voir note 1 qui suit), « postulant en la juridiction du marquisat de Châteauneuf, faisant fonction de juge, attendu l'absence du sénéchal, la maladie de l'alloué, la vacance de la charge du lieutenant » ; en présence de Jean-Baptiste Boullet (voir note 2 qui suit), procureur fiscal ; adjoint, Jean-Baptiste Boullet, greffier en chef de la juridiction. — Comparants : Jean Lacoudre ; Guillaume Fougeray ; Jean Marie ; Sylvin Julien ; Pierre Flaud ; Charles Huet ; Alain Ollivier ; François Gouello ; François-Jacques Avril de Beaulieu ; Jean Chenu ; Jules Marie ; Pierre Lesné « délibérants, composant le général de la ville et communauté de Châteauneuf » ; Joseph-Malo Besnard et Gabriel Lépinay, trésoriers en charge ; Jean Nouel ; Jean Collet ; Alexis Laumonnier ; Louis Even ; Jean Boisévon ; Me François Restif ; Louis Lesné ; François Josset ; Louis Carné ; François Dantec ; Jean Renoul ; François Busart ; Olivier Chapon ; Me René Mancel ; Jean Lemarchand ; le sieur François Guezet ; le sieur Etienne Fleury ; le sieur Julien Dubois ; Jan Bachelot ; le sieur Claude Panet ; le sieur Joseph Coquet ; Michel Cochon ; le sieur Jacques Delaroche ; Joseph Legrand ; Marc Desrabines ; François Guillon ; Maurice Delaunay ; Pierre Nouel ; Louis Nouel ; François Dantec ; Jean Renoul ; François Jamet ; Thomas Milet ; Charles Iry ; Joseph Texier ; Jan Le Breton ;  Julien Milet père ; Julien Milet fils ; Guillaume Larquemain ; Pierre Milet ; Louis Pareur ; Jan Busnel ; Gilles Louin ; Jan Huet ; Guillaume Chesnel ; Pierre Roger ; Guillaume Leroy ; Malo Tourainne ; Guillaume de la Porte ; Guillaume Guinamant ; Jean Gouello ; Michel Marc ; Nicolas Beauché ; Michel Bourdelais ; Mathurin Quermalet ; Jan Delaroche ; Jan Ollivier ; Pierre Colin ; Joseph Gouello ; Julien Gicquel ; Jan Gingat ; Charles Gouello ; Pierre Ollivier ; Julien Lemarchand ; le sieur Charles Mauvoisin ; Pierre Colas ; Yves Vivien ; Pierre Macé ; Jean Robert ; Delatouche-Roquet. — Députés : Jacques-Jean Michel de la Morvonnais, avocat en Parlement ; Jean-Baptiste Boullet, procureur fiscal.

Note 1 : Ce personnage était le frère cadet de François-Julien Michel de la Morvonnais, député de la ville de Saint-Malo à l'assemblée de la sénéchaussée de Rennes. Voy. KERVILER, Cent ans de représentation bretonne. 2ème partie, p. 76.

Note 2 : Boullet (Jean-Baptiste), né le 7 Juillet 1755 à Plévenon (Côtes-du-Nord, arr. de Dinan) ; étudiant en droit, notaire à Châteauneuf en 1780 et procureur fiscal du marquisat ; procureur de la commune de Châteauneuf lors de la première formation des municipalités ; administrateur du district de Saint-Malo et vice-président du directoire en 1790 ; procureur syndic du district en 1791, jusqu'au 19 nivôse an II, date où il fut destitué et incarcéré par le représentant du peuple Lecarpentier comme fédéraliste, envoyé au tribunal révolutionnaire de Paris le 8 thermidor an II par le même représentant comme « fédéraliste, lanjuiniste et fermondiste », sorti du Luxembourg le 17 fructidor an II « après les interrogatoires d'usage » ; rappelé à ses fonctions de procureur syndic par le représentant Grenot en prairial an III (en floréal d'après une autre notice), nommé juge au tribunal civil du département par l'assemblée électorale de vendémiaire an IV, il ne put accepter en raison de sa mauvaise santé et du dénuement de sa famille ; conservateur des hypothèques en frimaire an IV, fonction supprimée par la réunion de service à celui de l’enregistrement ; conseil du tribunal de commerce de Saint-Malo pendant l'an VI et la moitié de l'an VII ; sous-préfet de Saint-Malo en germinal an VIII, décédé en fonctions le 10 janvier 1813. Au moment de la Révolution, il jouissait d’un revenu de 3.000 fr., réduit a 1.400 fr (en 1811) par l’effet de la suppression des fiefs et des dîmes et les remboursements de rentes foncières en papier monnaie (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série M ; dossiers des sous-préfets).

 

Cahier des doléances, réclamations et remontrances du général et des habitants de la ville, communauté et paroisse de Saint-Nicolas de Châteauneuf, ressort de la sénéchaussée et siège présidial de Rennes, pour les Etats généraux, dressé dans l'assemblée de ce jour premier avril mil sept cent quatre-vingt-neuf, pour être porté par ses électeurs députés à l'assemblée générale de la dite sénéchaussée de Rennes, fixée au sept avril mil sept cent quatre-vingt-neuf [Note : Quelques passages sont empruntés à l'Instruction du duc d'Orléans, au cahier de Baguer-Morvan ou aux Charges d'un bon citoyen de campagne].

L'intention du général et des habitants de la ville, communauté et paroisse de Châteauneuf, manifestée par acclamation, est que ses députés électeurs ne puissent, dans le choix des députés aux Etats généraux, donner leurs voix qu'à des roturiers non anoblis ; et si, par l'étendue du ressort de la sénéchaussée de Rennes, le grand nombre de villes, paroisses et communautés qui y enverront leurs députés électeurs, l'assemblée était jugée trop nombreuse pour délibérer et voter ensemble et dans le cas de se former par arrondissements et bureaux, les députés de la dite ville et communauté de Châteauneuf réclameront leur réunion aux députés des paroisses de tout l'arrondissement dont Châteauneuf est le chef-lieu et qui sont de son territoire et de son ressort connu dans la distribution de la dite sénéchaussée de Rennes par la menée et obéissance de Châteauneuf, et qui sont les paroisses de Saint-Suliac, de Pleslin, de Saint-Jouan, Saint-Père, Saint-Méloir, Saint-Guinoux, Bonnaban, La Gouesnière, Saint-Benoît, Miniac-Morvan, Pleudihen, Saint-Samson, Lanvallay, Tressaint, Saint-Hélen, Tressé, Saint-Pierre-de-Plesguen, Plesder, Pleugueneuc, Saint-Tual, Trévérien, Saint-Judoce, Evran, Saint-Coulomb, Saint-Ideuc, Trébedan, Cancale et même Saint-Servan, si, comme faubourg, ses députés ne sont pas réunis à ceux de la ville de Saint-Malo ; au surplus, les dits députés électeurs concourront à la rédaction du cahier général de la dite sénéchaussée de Rennes, pour manifester le vœu de la dite commune et y faire insérer, s'il y a lieu, les articles ci-après :

ARTICLE PREMIER. — Que la composition des Etats généraux soit déterminée d'une manière stable et permanente ; que les inégalités de représentation proportionnelle de chaque pays soient corrigées et le nombre des députés de chaque province, bailliage ou sénéchaussée fixé en proportion de leur population et de leur contribution ; qu'en raison des mêmes principes de justice et de proportion, les députés du Tiers Etat, qui forme la quatre-vingt-dix-neuf centième partie de la Nation, soient toujours au moins en nombre égal à ceux des deux autres ordres ; que ceux du Clergé soient pris en nombre égal dans le haut clergé et dans celui de la seconde classe, qui comprend la partie la plus utile, celle des curés et viraires et que les anoblis soient à l'avenir réunis à l'ordre Noblesse, auquel ils sont destinés et nécessairement d'intérêt.

ART. 2. — Que le retour périodique des Etats généraux soit fixé à un terme court et, dans les cas de régence, qu'ils soient assemblés extraordinairement dans un délai de deux mois [Note : Voy. l’art. 6 de l'Instruction du duc d'Orléans et l’art. 15 du cahier de Baguer-Morvan].

ART. 3. — Qu'à l'égard des réclamations du Tiers Etat de Bretagne aux Etats de la même province, sur lesquelles le Roi n'a pas cru devoir prononcer avant l'assemblée des Etats généraux, lesquelles sont contenues dans les cahiers des charges pour les députés du Tiers aux Etats arrêtés à l'Hôtel de ville de Rennes, les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre dernier, auxquels la paroisse a ci-devant adhéré par ses délibérations, les députés du Tiers Etat de Bretagne aux Etats généraux solliciteront une décision sur les dites réclamations et feront tous leurs efforts pour obtenir la justice que le Tiers Etat a lieu d'attendre.

ART. 4. — Que, pour donner aux députés de la paroisse une connaissance parfaite de tous les articles de réclamations insérés dans les arrêtés pris à l'Hôtel de ville de Rennes, les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre dernier, et les mettre à lieu de répéter en pleine connaissance de cause l'adhésion que les habitants déclarent y donner dans toute leur étendue, et, pour ne pas grossir le présent cahier par la répétition de chaque article, il sera remis un autant des dits arrêtés aux députés.

ART. 5. — Que la corvée en nature soit définitivement abolie pour toujours, que les exclusions du Tiers aux emplois et offices ecclésiastiques, civils et militaires soient levées et tous impôts distinctifs des ordres supprimés, notamment les francs-fiefs, sauf à les remplacer, si les besoins de l'Etat l'exigent, par d'autres impôts également répartis sur tous les ordres (Voy. les Délibérations du Tiers de décembre et le cahier de Baguer-Morvan).

ART. 6. — Que la liberté individuelle soit garantie à tout Français (Voy. l’Instruction du duc d'Orléans, art. 1er), de quelque ordre qu'il soit ; que tout droit de propriété soit inviolable et que nul ne puisse en être privé, même en raison d'intérêt public, qu'il n'en soit dédommagé au plus haut prix (Voy. Ibid., art. 4) ; que la liberté de la presse soit accordée, sauf les réserves (Voy. Ibid., art. 2) qui seront jugées nécessaires.

ART. 7. — Que la dette de l'Etat soit consolidée (Voy. Ibid., art. 8), après avoir pénétré dans toutes les parties du déficit et après avoir vérifié et reconnu l'étendue de la dette nationale ; que les dépenses de l'Etat soient vérifiées et réglées avant de consentir l'impôt (Voy. l'Instruction du duc d’Orléans, art. 9, et cahier de Baguer-Morvan, art. 17), et qu'il soit pourvu à la diminution et l'amortissement successifs de la dette nationale, tant par la réforme des abus et la diminution des dépenses dans chaque partie de l'administration, que par l'examen des engagements, l'amélioration des domaines et par la vente d'une bonne partie des domaines corporels, qu'il convient de rendre aliénables, parce qu'ils sont onéreux à l'Etat ou peu productifs, et, que, remis en circulation et en valeur, ils rendront à la société par leurs produits et aux revenus publics par les impôts et les casuels.

ART. 8. — Que nul impôt ne puisse être perçu qu'autant qu'il aura été consenti par la Nation dans l'assemblée des Etats généraux et que les dits Etats ne puissent les consentir que pour un temps limité et jusqu'à la prochaine tenue des Etats généraux, en sorte que, cette prochaine tenue venant à ne pas avoir lieu, tout impôt cesserait (Voy. l'Instruction du duc d’Orléans, art, 5, et le cahier de Baguer-Morvan, art. 14).

ART. 9. — Que, dans le partage entre les provinces des subsides nécessaires au besoin de l'Etat, les privilèges et immunités résultant de leurs contrats d'union à la France soient pris en considération autant que la justice le permettra, à l'effet de quoi les députés de Bretagne soient chargés expressément de faire valoir ceux de la province, et de représenter tout le danger qu'il y aurait à y en établir aucuns sous le nom de taille ou gabelle, tant par rapport à la situation de la province que par l'aversion générale du peuple de cette province pour le nom seul de gabelle.

ART. 10. — Que les ministres soient comptables aux Etats généraux de l'emploi des fonds qui leur seront confiés et responsables de leur conduite, en ce qui sera relatif aux lois du Royaume (Voy. l'Instruction du duc d’Orléans, art, 7, et le cahier de Baguer-Morvan, art. 16).

ART. 11. — Qu'on travaille à la réforme de la législation civile et criminelle et des tribunaux, pour que les lois soient simplifiées ; qu'elles soient les mêmes pour les citoyens de toutes les classes et uniformes, autant qu'il sera possible ; que les formes soient en général abrégées, autant que la nécessité de l'instruction peut le permettre ; qu'il soit formé un Code pénal dans lequel les punitions soient proportionnées aux délits ; que tout citoyen ne puisse être traduit que dans des tribunaux ordinaires et devant ses juges naturels ; qu'il y ait toujours, mais jamais davantage, un premier tribunal d'instruction et un tribunal d'appel pour juger en dernier ressort ; que, le grand but dans les tribunaux d'instruction étant de rapprocher la justice des justiciables et de la leur procurer la plus prompte et la moins dispendieuse, les trop grands sièges auraient autant d'inconvénients que les trop petits et, les frais dans les juridictions royales étant beaucoup plus considérables que dans les justices seigneuriales, le moyen d'approcher du but qu'on se propose, sans toucher à une chose qu'on est accoutumé à regarder comme une propriété, est de supprimer les ressorts d'une justice à une autre ; que toute juridiction en haute justice soit conservée, qu'elle ressortisse directement ou au Parlement, ou au présidial, suivant l'importance de l'affaire, pour que l'appel soit jugé en dernier ressort ; que le siège des justices seigneuriales soit établi en lieux commodes et réuni par arrondissement au même endroit et au même jour lorsqu'il y en aura plusieurs ; que les officiers y soient pourvus à vie et déclarés inamovibles s'ils n'ont été jugés ; enfin que les citoyens honnêtes, instruits et vertueux n'aient besoin d'autres titres que les talents pour y être admis, afin que tous les ordres puissent dans les tribunaux souverains être jugés par leurs pairs (voir note qui suit).

Note : Le marquisat de Châteauneuf exerçait la haute justice à Châteauneuf, et de cette juridiction relevaient 127 juridictions seigneuriales, situées en 31 paroisses : voy. GUILL0TIN DE CORSON, Les seigneurs et le marquisat de Châteauneuf, Saint-Brieuc, 1892, p. 16 (Extr. du Bulletin de l'Association bretonne) ; voy. aussi l'Etat des juridictions qui relèvent du marquisat de Châteauneuf sous le ressort du présidial de Rennes (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1818). Le sénéchal de Châteauneuf notait déjà en 1717 que « Châteauneuf peut être le troisième degré d'appellations » et que « la multiplicité des degrés de juridiction épuise les parties avant d'avoir jugement définitif » (Ibid., et A. GIFFARD, Les justices seigneuriale, en Bretagne, p. 60, n. 5).

ART. 12. — Que les Etats s'occupent de lois commerciales qui puissent rendre au commerce national son ancienne activité, favoriser la circulation, animer l'industrie et encourager l'agriculture, si essentielle à l'Etat.

La permission légale de prêter à un intérêt modéré sans aliénation du principal, l'abolition des droits au changement de province, la suppression ou rachat des droits de péage et coutume (voir note 1 qui suit), la perception des octrois de villes bornée à l'enceinte de chacune et de ses faubourgs, sans qu'elle puisse s'étendre dans les campagnes, méritent la plus grande attention. Cette paroisse et plusieurs autres voisines du bras de mer navigable entre Saint-Malo et Dinan souffrent d'une pareille extension abusive et vexatoire de droits de ces deux villes, qu'elles font percevoir sur les bois, cidres, vins et autres objets embarqués ou débarqués des deux côtés de ce bras de mer, quoiqu'elles n'aient jamais fait de dépenses aux abords ni aux quais et havres qui s'y trouvent (voir note 2 qui suit).

Note 1 : Le péage ou coutume de trépas de Châteauneuf appartenait au marquis de Châteauneuf ; il se percevait sur la chaussée et pavé, que le propriétaire entretenait ; en 1777, il était affermé avec les fours banaux et les foires et marchés au prix de 500 l. (Etat des péages de 1777, Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 2439). En 1766, il avait été question de débouter le marquis de Châteauneuf de son péage parce qu'il avait laissé la province réparer le pavé à ses frais ; mais il promit alors d'entretenir à l'avenir ce pavé (Ibid., C 4900). Le marquis de Châteauneuf avait le droit de tenir, à Châteauneuf, un marché tous les mercredis et d'y avoir des foires à la Saint-Barnabé (11 Juin), à la Saint-Denis (11 octobre), à la Saint-Mathurin (10 mai) et à la Saint-Pierre-ès-liens (1er août) : voy. GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., p. 21.

Note 2 : Les droits d'octroi de Saint-Malo, qui portaient sur les boissons (Voy. cahier de Saint-Servan), sur les bois et charbons, sur la toile, le fil et autres marchandises analogues, étaient perçus non seulement à Saint-Malo et à Saint-Servan, mais à Dinard et dans tous les havres situés sur la Rance entre Saint-Malo et le port d'Etable-Lehon ou Tablehon (aujourd'hui Port Saint-Jean), dans la paroisse de Saint-Suliac, lequel servait de port à Châteauneuf : voy., par exemple, l'arrêt du Conseil du 13 mars 1742 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 805 ; cf. aussi Ibid., C 809). — D'autre part, les octrois de la ville de Dinan se percevaient des deux côtés de la Rance, depuis Lehon jusqu'au port d'Etable-Lehon : sans parler des droits perçus sur le débit du vin à Dinan, ils consistaient en 5 s. par charretée de bois merrain du poids de 35 pieds cubes, 40 s. par tonneau de toile, 20 s. par tonneau de vin, 20 s. par tonneau de fer, 10 s. par tonneau de sel (Ibid., C 822 ; arrêt du 17 février 1761), et, en 1773, la ville de Dinan obtint l’augmentation d’un tiers sur ses octrois (Ibid., C 823).

Si le respect pour les droits de propriété empêche de demander l'extinction des droits de chasse (voir note 1 qui suit), de garenne, de colombier ou fuies à pigeons et des banalités de fours, pressoirs et moulins (voir note 2 qui suit), il est indispensable de remédier aux abus sans nombre qui résultent de ces droits et de les restreindre par des lois précises dans les plus justes bornes, en fixant le temps et la manière d'user du droit de chasse sur les domaines d'autrui pour que les levées n'en souffrent pas, et en permettant aux propriétaires du domaine d'y tuer le gibier pour conserver et défendre le dit domaine, en ayant toujours pour but de réduire le nombre des fuies et colombiers aux seuls cas résultant de la Coutume, sans qu'une possession abusive ou des titres non connus et non suivis d'une possession publique puissent y suppléer par aucune jurisprudence ; au surplus, une loi pour obliger tous les propriétaires des fuies et colombiers de les tenir fermés et d'y nourrir leurs pigeons pendant le temps des semailles et des récoltes, et permettre au laboureur de les tuer alors sur son terrain ; en permettant de détruire les garennes à lapins qui se trouveront voisines des terres cultivées et n’être pas fermées de murs ; en abolissant les corvées pour les moulins, qui n'ont aucun principe légal et n'ont été établies que par un usage abusif, consacré par une jurisprudence qui ne peut plus subsister ; en donnant la faculté de se racheter à un prix modéré des banalités, si contraires à la liberté qu'on doit regarder cette faculté comme raison suffisante de bien public.

Note 1 : Le marquis de châteauneuf possédait des garennes, des colombiers et avait le droit de dresser en divers lieux du Clos-Poulet « des perches et tentes à faucons et autres oiseaux de proie » pour la chasse (GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., pp. 15 et 21).

Note 2 : Le seigneur de châteauneuf possédait, dans cette paroisse, des moulins, fours, et pressoirs banaux (GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., p. 21).

ART. 13. — Que la coupe du goëmon ou varech soit libre pour tout citoyen indifféremment de la paroisse voisine ou d'une autre, ainsi que la disposition de la pétrolle et de la marre partout où ces engrais peuvent se trouver aux côtes, rivages, anses, bras de mer ou rivières faisant partie du lit de la mer ; et, comme les terres des côtes n'ont d'autres moyens de fertilité que ces engrais, qu'il en résulte par le produit un avantage pour la société et pour les revenus publiés, bien supérieur à tout autre considération, la conservation des pétroles, marnières et verdières que la mer couvre soit assurée pour le public, sans être données ni accordées à aucun seigneur et particulier (Voy. le cahier de Pleguer, art. 17) ; et qu'il soit définitivement fait droit sur la réclamation du public et des vassaux, par rapport au droit de communage, de la portion qui doit légitimement leur appartenir dans les landes, communs et gallois, objet sur lequel on ne peut trop s'appesantir par les ressources qu'il produisait anciennement et qu'il produirait encore pour la classe indigente de la société, en lui offrant les moyens nécessaires et suffisants pour la nourriture et pacage de ses bestiaux.

ART. 14 [Note : Les mots en italique sont empruntés aux Charges d'un bon citoyen de campagne]. — Que le sort des recteurs soit amélioré et que le revenu des rectories qui ne sera pas de douze cents livres pour les paroisses de mille communiants et au-dessous et de dix-huit cents livres au-dessus, indépendamment des pensions des curés ou vicaires sur le pied de cinq cents livres, il y soit pourvu par la réunion d'autres biens ecclésiastiques, afin [Note : Toute la fin du paragraphe a été ajoutée en interligne, à la place des mots : « à leur cure »] que, se trouvant pourvus d'un revenu suffisant, ils n'exigent plus certaines rétributions bonnes à éteindre (voir note qui suit).

Note : Les dîmes de Châteauneuf se percevaient à la 12ème gerbe dans toute l'étendue de la paroisse sur le froment, le seigle, la paumelle, l'avoine, le blé noir, les pois, les fèves la vesce ; la dîme verte se percevait aussi à la 12ème gerbe. Le recteur était le seul décimateur de la paroisse ; il jouissait par main de sa dîme, dont il évaluait le revenu, année commune, à 450 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L, Etat de la commune de Châteauneuf en 1790). — Voici quels étaient les revenus du recteur, d’après la déclaration du recteur Fougeray du 21 février 1790 : il recevait 70 l. de la paroisse pour son logement, car il n'avait pas de presbytère ; il possédait trois pièces de terre, d'une superficie de 4 journaux et demi, qui lui rapportaient 120 l. ; un petit fief, appelé le Vicaire curé, lui donnait 3 boisseaux 2 godets de froment et 24 s. monnaie, soit au total 32 l. 4 s. 5 d. ; il estimait le revenu de la dîme à 500 l. et son casue à 50 l. ; le revenu total était donc de 772 l. 4 s. 5 d. Mais il avait d’assez nombreuses charges : les réparations du chœur et du chancel, 25 l. ; les droits synodaux, 17 l. 4 s. 6 d. ; les subventions, 20 l. ; les décimes, 8 l. ; pour complèter la somme qui lui était attribuée pour son logement, 36 l. ; au total, ses charges s’élevaient à 106 l. 4 s. 6 d. (Ibid., série Q. Déclarations des biens ecclésiastiques). — Il y avait à Châteauneuf d’assez nombreuses fondations, mais aucun établissement ecclésiastique n’y possédait de biens (Ibid., série L. Etat de la commune de Châteauneuf).

ART. 15 [Note : Les mots imprimés en italique sont empruntés au § 20 des Charges d'un bon citoyen de campagne]. — Qu'il soit établi dans chaque paroisse un bureau pour le soulagement des pauvres, afin que, chaque ville ou communauté nourrissant les siens au moyen d'ateliers de charité, il n'y ait plus de mendicité ; et, comme les campagnes ne participent point ordinairement aux hôpitaux des villes, qu'il soit établi par arrondissement de quatre ou cinq paroisses des hospices ou petits hôpitaux où les malades puissent être reçus et soulagés, et que le tiers du revenu de tous les biens ecclésiastiques de chaque paroisse soit affecté aux dits établissements (voir note qui suit).

Note : Les états de 1770 et de 1774 ne mentionnent aucun établissement de charité à Châteauneuf (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1293).

ART. 16 [Note : Depuis cet article, le cahier est écrit d’une encre différente]. — Les dîmes sont peut-être une des choses qui découragent le plus l'agriculture ; leur diversité dans chaque canton occasionne une infinité de procès ; leur excès ruine le cultivateur ; dans cette paroisse, il y en a beaucoup au dixième, au vingtième ; on y perçoit les dîmes d'agneau, les dîmes de filasse jusque dans les jardins ; les habitants demandent que, dans cette paroisse, l'uniformité de la dîme soit établie, déterminée généralement au trentième comme une portion suffisante dans un pays où la culture est très dispendieuse, et que chaque ménage ait l'exemption de dîme verte dans son courtil et jardin jusqu'à un journal.

ART. 17. — Dans le nombre des droits seigneuriaux dont la suppression ou la réforme intéresse le public, sont premièrement, les courses de quintaines pour les nouveaux mariés (voir note 1 qui suit), les obligations encore plus singulières pour ceux qui vendront du poisson salé (voir note 2 qui suit) ; ces droit, qu'un peut regarder comme un reste de l'abus du régime féodal, ne rapportent rien d'utile au seigneur et gênent la liberté, les mariages et l'industrie ; en demander l'extinction et de tous droits semblables.

Note 1 : A Châteauneuf, la quintaine se courait le mardi de Pâques, et tous ceux qui avaient « épousé ou banni dans l’église de Châteauneuf pendant l’année » devaient prendre part à la course sous peine de 60 s. d’amendes (GUILLOTIN DE CORSON, op. cit., p. 21).

Note 2 : A Châteauneuf, le mardi de Pâques, « tous les poissonniers ayant vendu du poisson en détail et détrempé pendant le carême » étaient tenus de venir « sauter et plonger dans les étangs et viviers de Châteauneuf » à peine de 60 s. d’amende (Ibid., p. 25).

Deuxièmement. — L'obligation du vassal de cueillir les rôles des fiefs auxquel il doit des rentes, à son tour et rang ; souvent un vassal ne possède qu'un petit terrain dans un grand fief et, quand le tour vient de le cueillir, il lui en coûte autant ou à peu près que la valeur de son fonds ; si, dans les cas où les titres de cette obligation sont précis, on ne peut pas, sans blesser le droit de propriété, obliger le seigneur de faire cueillir les rentes à ses frais, il faudrait du moins que la cueillette se fit aux frais des débiteurs par proportion, et qu'il fût attribué sur chaque rôle six deniers pour livre pour le droit de cueillette ou telle autre rétribution raisonnable.

Troisièmement. — Le retrait féodal a toujours été regardé comme un droit exorbitant ; il empêche la circulation, le commerce des biens et gêne la liberté ; il est surtout odieux, lorsqu'on le considère comme susceptible d'être cédé ; on demande qu'il ne puisse être cédé et qu'il ne puisse avoir lieu qu'autant que le seigneur affirmera que c'est pour garder l'héritage à lui ; il serait à désirer qu'il pût être entièrement supprimé et que le droit de lods et ventes qui, par un usage exorbitant dans ce pays ici est au sixième, fût réduit au taux général de la province.

ART. 18. — Depuis longtemps on discute s'il n'est pas du bien de l'Etat de remettre les biens de mainmorte dans le commerce ; les habitants de cette paroisse ont le plus grand intérêt et le plus grand désir de voir passer en loi du moins la faculté de franchir les rentes dues aux gens de mainmorte sur le pied fixé par notre loi suivant leur nature.

Enfin, ils se croient fondés à représenter que les terrains pris pour les grandes routes n’ont point été payés et que, s’il est contraire au droit de propriété de les en avoir dépouillés sans dédommagement, il est encore plus injuste qu’ils n’aient eu aucune diminution sur les rentes seigneuriales et impositions ; ils demandent que rente soit réduite en proportion de la perte du terrain, et qu’ils soient déchargés des impositions en proportion, ainsi que pour les terres prises par le fort de Châteauneuf, pour lesquelles ils ont été obliges de continuer à les payer.

Fait et arrêté au lieu de l'assemblée des habitants de cette paroisse de Saint-Nicolas de Châteauneuf, ce jour premier avril mil sept cent quatre-vingt-neuf, pour être remis à Messieurs les députés, sous les seings des dits habitants qui le savent faire, le nôtre et celui de notre adjoint.

[30 signatures].

(H. E. Sée).

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