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CHATEAU DE TREMAZAN

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Le château de Trémazan, bâti sur les bords de l'anse de Portsall, au village de Kersaint, à 30 kil. N.-O. de Brest, fut le berceau de l'illustre famille Tanguy du Chastel qui apparaît, dans la légende bretonne, en l'an 525. Depuis cette époque jusqu'au XVIIème siècle, le château de Trémazan a été habité par la famille du Chatel et tenu en état de défense. Il contient donc une sorte de résumé de l'art militaire pendant cette longue période et paraît mériter mieux que les courtes notices que lui consacrèrent les écrivains qui se sont occupés de la Bretagne. 

LE CHATEAU DE TREMAZAN

ORIGINES - HISTOIRE

Comme nous venons de le dire, le château de Trémazan apparaît pour la première fois dans l'histoire, en l'an 525. Ce château primitif, que le chroniqueur appelle palais, n'était, comme toutes les forteresses de cette époque, qu'une agglomération de maisons en bois entourées d'une forte palissade et d'un fossé profond. C'est dans ce village fortifié que se passe la légende de saint Tanguy, légende qui prouve la puissance qu'avait déjà la famille du Chastel.

D'un premier mariage avec Florence, fille d'Honorius, prince de Brest, le noble Galonus, seigneur de Trémazan, avait eu plusieurs enfants, dont Haude et Gurguy. Devenu veuf, Galonus épousa en secondes noces une noble anglaise qui prit en haine les enfants de son mari et leur fit subir toutes sortes de rigueurs. Las des mauvais traitements de sa marâtre, Gurguy, dès qu'il fut assez âgé, quitta la maison paternelle pour aller à la cour du roi de France Childebert. Après douze ans d'absence pendant lesquelles la vie de Haude ne fut qu'un continuel martyre, Gurguy revint à Trémazan. Etonné de ne pas trouver sa soeur, il interroge sa belle-mère qui accabla aussitôt Haude des plus noires infamies, ajoutant que pour débarrasser la maison d'une telle honte, on a dû la reléguer aux champs. Trop prompt à croire la calomnie, Gurguy sort furieux, trouve sa soeur près d'un doué où elle lavait du linge et, sans attendre les explications de la jeune fille, la décapite d'un coup d'épée, le 18 novembre 545.

Le soir même, tandis que la famille était assemblée dans la grande salle du château, Haude parut, au grand étonnement de tous, — cunctis stupentibus, — dit l'historien, tenant sa tête dans ses mains — elle posa son chef sur les épaules, dit : — Je suis innocente ! — pardonna à son frère et mourut. Frappée de terreur, la marâtre se précipita par la plus haute fenêtre du donjon. Gurguy désespéré de son crime alla se jeter aux pieds de saint Pol, évêque de Léon, fit pénitence, entra en religion sous le nouveau nom de Tanguy et fonda plusieurs monastères dont celui de Saint-Mathieu, le plus important.

Tanguy étant fils unique, le château de Trémazan passa après lui à l'un des petits-enfants de sa soeur Azénor et de Judual, roi d'Armorique. Ce nouveau seigneur, dont on ignore le nom, fut le fondateur de la longue lignée des Tanguy du Chatel, qui a donné à la Bretagne tant de chevaliers justement célèbres.

Les possessions des du Chatel comprenaient alors tout le bas Léon, c'est-à-dire le pays compris entre Trémazan, Saint-Mathieu et Brest. On sait que Recouvrance leur appartenait et que leur lieutenant habitait la grosse tour élevée à l'entrée du pont. Le château de Trémazan, de la paroisse de Landunvez, était le chef-lieu de ces possessions, et la demeure des Seigneurs qui y entretenaient une forte garnison. Le village de Kersaint, d'abord enfermé dans l'enceinte du château, s'étendit bientôt en dehors. Au Moyen-âge, il comptait une dizaine de manoirs groupés entre la forteresse et la chapelle.

Au VIème siècle, où se place la légende de saint Tanguy, l'art rudimentaire de la fortification n'élevait encore que des ouvrages de bois et de terre ; le seigneur, véritable père de ses vassaux, habitait seulement une case plus grande ; les châteaux n'étaient alors à proprement parler que des villages fortifiés. Il faut arriver aux IXème et Xème siècles pour trouver de véritables forteresses. Les progrès de l'art militaire sont tels que les palissades de troncs d'arbres ne pourraient plus résister aux machines de guerre ; les moeurs se sont affinées, l'homme riche ne saurait plus se contenter de la vie et de la demeure des paysans. Le seigneur alors se fait bâtir une maison de pierre solidement défendue et assez grande pour contenir ses gens d'armes ; les cultivateurs construisent leurs masures autour du château où ils trouvent refuge en temps de guerre.

Trémazan est une des rares forteresses de cette première époque qui subsistent encore aujourd'hui. Contrairement à l'avis des archéologues qui lui attribuent le XIIIème siècle comme date de naissance, nous plaçons le château au IXème ou Xème siècle, nous basant sur quatre remarques principales :

1° L'appareil employé dans la construction où les galets ronds sont en grande majorité, et cette particularité que les murs de refend ne tiennent pas aux murs principaux, mais sont simplement posés près d'eux dont ils s'écartent aujourd'hui d'une façon menaçante ;

2° La position du château qui n'est pas construit sur une hauteur, mais au fond d'une vallée, ou plutôt au fond d'une cuvette rectangulaire creusée à mains d'homme dans le flanc de la colline jusqu'au niveau de la vallée et lui faisait suite, de sorte que cette cuvette peut être facilement inondée par le ruisseau qui traverse la vallée toujours marécageuse. Cette position en contrebas indique évidemment une époque où les machines de siège n'étaient point assez perfectionnées pour lancer un projectile de la colline dans le château, c'est-à-dire à une cinquantaine de mètres environ. Le troisième argument sur lequel nous nous appuyons est la place du donjon qui formé un côté de l'enceinte rectangulaire et participe au système général de défense au lieu de former, comme cela devint d'usage constant, un petit château fort dans le grand. Les hourds ou mâchicoulis en bois dont les traces sont encore visibles au sommet du donjon, assignent enfin à Trémazan la date que nous lui donnons. Ces hourds furent, en effet, abandonnés au XIIème siècle à cause des fréquents incendies qu'y allumaient les matières inflammables lancées par les assiégeants.

L'aspect resserré de la forteresse montre encore qu'elle est antérieure à la belle époque. A Trémazan, en effet, l'enceinte n'est pas séparée des bâtiments. Trois corps de logis et le donjon forment un rectangle de cinquante mètres environ de long sur trente de large. Ces corps de logis sont adossés à la muraille, ce qui rendait la défense des plus difficiles et exposait les toitures à tous les coups des assaillants. Dans l'intérieur du château est laissée libre une cour exiguë de trente-quatre mètres de long sur onze de large, véritable boyau sur lequel s'ouvraient les écuries et les fenêtres des appartements et que n'eut certainement pas admis un architecte du XIIème siècle.

Un des arguments sur lesquels s'appuient les historiens pour donner à Trémazan la date de naissance du XIIIème siècle est qu'il fut reconstruit, vers 1250, par Bernard du Chastel, au retour de la croisade qu'il avait faite à la suite du duc de Bretagne Pierre de Dreux. Nous ne contesterons pas cette reconstruction dont nous n'avons pu trouver trace dans les chroniqueurs bretons. Nous ferons seulement observer que le mot reconstruction peut être pris ici dans le sens de réparation.

D'après M. Kernéis dont les travaux sur la Bretagne sont suffisamment connus, le château de Trémazan aurait été détruit vers 1220, pendant la guerre que le duc Pierre de Dreux fit aux seigneurs bretons et particulièrement au vicomte de Léon. Bernard du Chastel, revenant de Terre-Sainte, aurait réédifié la demeure de sa famille. Mais rien ne prouve que cette destruction ait été complète, ni que cette reconstruction ait été entière. Bernard du Chastel, conservant de l'ancien édifice les parties encore solides, fit restaurer et construire au goût de l'époque les bâtiments démolis ou endommagés. Ainsi auraient été élevées les deux tours rondes qui garnissent les angles de la façade Est. La forme carrée du donjon fait en effet supposer qu'il fut construit antérieurement, cette mode ayant été abandonnée au XIIème siècle. Bernard du Chastel n'aurait donc fait, selon nous, que construire ces deux tours rondes, telles qu'il avait pu en voir de nombreux exemples au cours de son lointain voyage.

L'enceinte primitive aurait alors présenté un plan rectangulaire dont les angles non défendus offraient aux mines des assaillants un point faible. Pour obvier à cet inconvénient, les architectes élevèrent ces fortes tours dont nous admirons encore aujourd'hui la solidité à toute épreuve.

Au cours des siècles qui suivirent, le château ayant subi de nombreuses transformations nécessitées par les progrès de l'art militaire, on ne saurait, pour fixer son origine, s'appuyer sur des détails comme le style de certaines fenêtres, ni même sur l'architecture de l'énorme barbacane placée devant lui et construite au XIIIème ou XIVème siècle, lorsque le château primitif devint insuffisant pour loger une garnison de plus en plus nombreuse. Cette barbacane d'ailleurs n'a aucun des caractères du château proprement dit ; son enceinte séparée des bâtiments est du système des fortifications rasantes et garnies de mâchicoulis et de créneaux en pierre.

L'histoire du château de Trémazan est peu connue.

Sa position en effet, à l'extrémité de la Bretagne, l'a mis à l'abri de toutes les tempêtes qui ravagèrent si souvent notre patrie. Bretons et Français, Bretons et Anglais se battaient au coeur même du pays, ou vers les frontières de France. Aucune grande action ne se passe vers Kersaint, qui se trouvait même en dehors de la zone ravagée presque annuellement par les Anglais.

Depuis le VIème siècle où vivait à Trémazan, comme on l'a vu par la légende de saint Tanguy, le seigneur Galonus, jusqu'au XVIIIème siècle, le château a toujours été habité et entretenu par les du Chatel. Jusqu'en 1185 où nous trouvons deux du Chatel à la fameuse assise tenue par Geoffroy Plantagenet, duc de Bretagne, on ne possède aucun document sur le château ni ses propriétaires. La preuve semble pourtant faite par les généalogistes que pendant ces six siècles le château n'a pas changé de maîtres et que les du Chatel de 1185 sont bien les descendants de saint Tanguy et de sainte Haude.

Quant au nom de du Chastel, porté par les possesseurs de Trémazan, il vient du prestige et de la puissance du château qui dominait tellement toute la contrée que pour en désigner les nobles habitants, il suffisait de les appeler les Seigneurs du Chatel. Ce nom d'ailleurs ne pouvait apparaître dans l'histoire avant le Xème siècle.

« Et en effet, dit un historien, avant la fin du Xème siècle, on ignorait en Bretagne et partout ailleurs, l'usage des surnoms tirés des terres qu'on possédait, ou pris de quelques sobriquets, tels qu'ils ont été usités dans la suite. Pour distinguer des personnes du même nom on se contentait de marquer celui de leur père ; comme Raoul fils de Judicaël, suivant l'usage des Grecs, des Hébreux et de presque toutes les nations. Nous ne connaissons que les Romains chez qui les sobriquets fussent en usage et passèrent du père aux enfants, pour distinguer les familles.

On trouve dans les titres des IXème et Xème siècles que c'était un usage assez commun que les petits-fils portassent le nom de leurs grands-pères. Il est à remarquer encore que lorsque quelqu'un n'était pas né d'un légitime mariage, il portait le nom de bâtard qui ne le déshonorait point.

On commença dans le XIème siècle à se donner des surnoms tirés des terres qu'on possédait ou de quelque sobriquet » (Histoire de Bretagne, p. 54, publiée à Paris en 1759. G. Desfontaines).

Vers 1250, Bernard du Chatel, revenant de Terre-Sainte, reconstruit le château. Un siècle plus tard, pendant la guerre de Succession, un aventurier anglais, Raoul ou René de Cahours, au service du roi de France qui soutenait le parti de Blois, s'empare du château de Trémazan dont les Seigneurs défendaient le comte de Montfort.

« Le roi Jean, dit M. de Kerdanet, le rendit plus tard aux sires du Chastel qui en jouissaient en 1467, époque où, fournissant un aveu à la principauté de Léon, ils reconnaissent devoir à cette principauté, 10 livres 8 sols 6 deniers de chefrente annuelle et quatre boisseaux de froment à la mesure de Coatméal. Ils déclarèrent en outre posséder sous la même principauté 87 métairies, 1 garenne, 3 moulins et 124 articles de fiefs avec haute, moyenne et basse justice, composée d'un sénéchal à quinze livres de gages ; d'un lieutenant à six ; d'un bailli à cinq ; d'un procureur fiscal à dix ; d'un greffier à grand sceau ; de quatre procureurs et de deux huissiers, tous exerçans, militans et jugeans en la chambre d'honneur en la ville de Kersent.

Le sire du Chastel avait de plus six damoiseaux : Jean de Chasteaunen, Guillaume Edy ; Hervé Grall, Yvon Gouezou ; Hervé de Kermeno et Jacques Quillien ».

Cette nomenclature prouve la puissance qu'avait à cette époque la famille du Chastel, puissance qu'elle tenait de ses ancêtres nommés rois de Brest par les chroniqueurs et qu'elle avait conservée à travers tout le Moyen-âge.

Le château de Trémazan fut abandonné au XVIIIème siecle et vendu, pendant la révolution, comme bien national ; ainsi que la chapelle de Kersaint qui ne fut rendue au culte qu'en 1804.

De cette majestueuse forteresse, il ne reste vers 1904 que d'importantes ruines. La barbacane occupée par une ferme disparaît sous les arbres. Il n'en reste que deux côtés dont l'un, vers la mer, prolonge magnifiquement le profil du château.

Le visiteur arrivant de Kersaint par la route encore pavée de galets ronds, s'arrête généralement à la barrière de la ferme, à l'endroit où se trouvait la tour S.-O. de la barbacane.

Il aperçoit alors à sa gauche, dans un champ occupant le glacis, en contrehaut de deux mètres environ, le pigeonnier seigneurial, tour ronde couverte d'un toit tronconique, dont la base supérieure est percée d'un large trou.

Là habite depuis environ 1890, un solitaire, connu dans le pays sous le nom de Napoléon. Ancien citadin réduit à la misère par suite de circonstances malheureuses, il était revenu, vers 1885, habiter une maison qu'il possédait aux environs de Kersaint. Mais les hommes de loi vendirent sa maison. Sans ressources, il fut recueilli par M. Godbert, maire de Landunvez et fermier du château, qui lui donna ce pigeonnier. Napoléon s'installa dans la tour sans toit et sans fenêtre. Il y vit misérablement des charités des paysans à qui il rend de menus services. La seule distraction du solitaire est de guider vers le château les touristes, à qui il montre l'escalier à pic qui descend des glacis dans les douves.

De ce pigeonnier on embrasse de biais tout l'ensemble du château. On voit, à droite, la façade dans laquelle se trouve la grande porte ogivale, en face de soi la tour ronde qui défendait l'angle gauche de cette façade ; à cette tour est unie une tourelle à pans coupés. Après avoir suivi la longue muraille à demi-écroulée qui s'enfuit vers la gauche, l'oeil aperçoit le donjon, haute tour carrée, sans toit, percée de nombreuses fenêtres. Tout cela est en ruines ; il ne reste pas un mur entier debout. Des corneilles innombrables, des chats-huants ont établi leur domicile dans le donjon que surmontait autrefois la bannière des du Chastel. Mais ces ruines ont un aspect majestueux. Elles attestent la grandeur de cette noble famille qui fut une des premières de Bretagne, une des premières de France et dont deux membres eurent l'honneur d'être inhumés à Saint-Denis, près des rois qu'ils avaient servis.

 

SYSTEME DE DEFENSE

A l'origine, le château de Trémazan se composait donc d'une seule enceinte, sans ouvrages avancés, sans défenses extérieures. C'est le système le plus simple de la fortification. Les seuls moyens d'attaque étant l'assaut à l'aide d'échelles et la mine, les architectes n'étaient préoccupés que d'élever des murailles dont la hauteur énorme défiait l'escalade et dont le pied était protégé par un revêtement incliné, ce qui permettait aux défenseurs placés dans les hourds de battre plus efficacement l'abord de la muraille. Ce système est visible à Trémazan. Les murs sont ainsi doublés jusqu'à une hauteur de trois à quatre mètres au-dessus du sol ; au donjon, ce revêtement, poussé jusqu'au premier étage, prend des proportions considérables.

Le donjon dont il ne reste que les murs a encore en 1904 vingt-huit mètres de haut ; en y ajoutant la hauteur enfouie sous les décombres qui s'élèvent à l'intérieur jusqu'au plancher du premier étage, et le couronnement écroulé avec le toit, on arrive au total de trente à trente-cinq mètres donné par tous les historiens. Au quatrième étage, on voit encore en 1904 les trous où s'engageaient les poutres des hourds, qui, ont le sait, étaient des balcons en bois dont le plancher percé d'ouvertures servait de mâchicoulis. Il est à présumer que des hourds semblables garnissaient le sommet de toutes les murailles qui s'élevaient à la hauteur du troisième étage du donjon. Ces hourds formaient tout autour de la place un chemin de ronde continu relié au donjon par des passerelles facilement démontables, ce qui permettait de faire de la maîtresse tour une forteresse séparée, un dernier réduit où se réfugiait la garnison.

château de Trémazan

L'obligation de concentrer la défense dans cet étroit balcon de bois, rendait les opérations des assiégés extrêmement difficiles et presque impossibles les communications d'un point à l'autre des remparts pendant le combat. En outre, lorsque les hourds prenaient feu, ils communiquaient sûrement l'incendie aux bâtiments d'habitation dont ils touchaient les toitures. Toutes ces raisons les firent abandonner, en même temps qu'on séparait l'enceinte fortifiée des bâtiments, comme il fut fait dans la barbacane de Trémazan qui est entourée d'un rempart en pierres parfaitement dégagé de trois mètres vingt-cinq centimètres d'épaisseur. Les murs du château sont beaucoup moins épais.

La grande quantité d'ardoises trouvées dans les fouilles faites au château permet d'affirmer que les toitures en étaient recouvertes. Elles étaient pointues et semblables, pour les tours, à celles que l'on voit en 1904 au portail du château de Brest. Ainsi coiffé, entouré de sa ceinture de hourds massifs, baignant dans un fossé profond, Trémazan devait être une imposante forteresse, à l'aspect un peu lourd, sans rien de l'élégance d'architecture des châteaux-forts de la belle époque.

Le point le plus important de la fortification du Moyen-âge et sur lequel les architectes concentraient toute leur attention était les portails. Généralement défendu par tout un système de tours et de barbacanes, ce portail formait à lui seul une forteresse complète. Rien de tel ne se remarque à Trémazan. La porte ogivale (I) percée dans la façade Est, entre les deux tours rondes qui garnissent les coins de l'enceinte, ne présente aucune trace de défense extérieure. Ouverte à pic sur le fossé que l'on traversait sur une passerelle volante, la porte était garnie d'une herse dont la glissière est parfaitement conservée. Cette herse était doublée d'un système de fortes poutres que l'on poussait en travers de la porte et qui s'encastraient dans le mur, dans des trous ménagés à cet effet ; à l'intérieur enfin était une porte à deux lourds vantaux de bois doublés en fer, à l'épreuve des carreaux d'arbalète. Cet appareil compliqué fut plus tard remplacé par les ponts-levis qui, relevés, opposaient leur forte armature de poutres ferrée aux projectiles des assaillants.

A gauche de la porte est percée, dans la façade, une fenêtre rectangulaire autrefois garnie d'une forte grille. Au-dessus du portail est une meurtrière que surmontait une autre fenêtre. Cette meurtrière éclairait sans doute la chambre de manoeuvre de la herse ménagée à l'intérieur de la muraille. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons pu y pénétrer.

Les tours rondes et la tourelle à pans coupés jointes à celle de gauche sont garnies d'archères, « disposition excellente, dit M. Corroyer (L'Architecture gothique), pour défendre les courtines adjacentes et les abords, mais qui avait pour inconvénient dangereux d'indiquer les parties les plus faibles et les plus faciles à détruire ». Cet usage fut abandonné au XIVème siècle.

Pénétrons maintenant dans la cour du château. Le sol est recouvert sur une épaisseur de deux mètres environ des matériaux des murs écroulés. A notre gauche, se dressent encore les murs de refend, jusqu'au niveau du deuxième étage ; à droite, il ne reste rien. Ces murs de refend vont nous suffire à reconstituer les bâtiments de gauche. Ceux de droite devaient être pareillement disposés. Ces bâtiments étaient divisés en trois pièces éclairées sur la cour, la première, communiquant avec la tour ronde par une porte ogivale placée en pan coupé (en A du plan) ; cette tour ronde communiquait elle-même par un couloir S avec la tourelle hexagonale dans laquelle se trouvaient les latrines. Les cheminées, bien conservées (B), sont dans les murs de séparation, épais de un mètre quatre-vingt centimètres. Les chambres de la tour ronde étaient chauffées par une cheminée placée à gauche du couloir S.

On montait à l'étage par un escalier en colimaçon placé à toucher le donjon (D). Les premières marches de cet escalier furent déblayées par nous et arrachées peu après pour servir à la construction d'une maison. Les trois pièces communiquaient entre elles, directement, sans aucun couloir. Un escalier en vis placé dans une tourelle (E) reliait le premier étage au second. Il est à présumer que dans le château primitif le rez-de-chaussée, des deux côtés de la cour, était occupé par les écuries et les magasins qui furent transportés plus tard dans la nouvelle enceinte.

Au-dessus du portail étaient des constructions (F) dont il ne reste aujourd'hui aucune trace, mais qui ne devaient offrir aucune particularité. Des conduits maçonnés (H) que l'on remarque dans l'amorce du mur longitudinal de gauche, près de la porte, et qui semblent aboutir à une sortie du cabinet noir ménagé dans ce mur, au deuxième étage, furent des trous d'hommes ou des conduites d'eau. L'état de délabrement de cette partie des murailles ne permet pas de s'en rendre un compte exact.

Passons maintenant au donjon.

On y pénétrait par une porte ogivale formée d'une herse dont on voit encore la glissière en pierre de taille. On y entre en 1904 par la fenêtre placée à gauche de la porte aux trois quarts enfouie. La tour était divisée en quatre étages d'une seule pièce, éclairée par des fenêtres sans style propre dont les larges embrasures voûtées sont garnies de bancs de pierre. Dans la fenêtre placée à l'aplomb de la porte se voient les traces de barreaux de fer et du treuil servant à manoeuvrer la herse. Des escaliers ménagés dans les murailles relient les étages dont le premier seul était chauffé par une vaste cheminée.

Comme nous l'avons dit, la toiture et les planchers du donjon sont effondrés. Il y a une trentaine d'années, la foudre tomba sur la tour et fit écrouler tout l'angle S.-0. Il est donc impossible d'atteindre les étages supérieurs. Le mur est encore recouvert par place de crépi grisâtre où nous avons vainement cherché les violiers rouges qui, d'après la légende, y croîtraient depuis le meurtre de sainte Haude.

Au cours des fouilles faites par nous à Trémazan, le sol fut découvert à plusieurs places. Couvert de larges dalles de granit au rez-de-chaussée des bâtiments, il était, dans la cour, pavé de galets ronds, ce qui indiquerait encore une époque fort ancienne. Ces fouilles nous donnèrent aussi la certitude qu'aucun fossé n'existait devant le donjon. L'usage de séparer ainsi la maîtresse tour du reste du château est d'ailleurs postérieur à la construction de Trémazan. Le donjon était fermé par sa herse ; un fossé forcément étroit n'aurait guère servi à sa défense, l'ennemi maître de la place ne manquant pas de matériaux pour le combler ou le franchir. Des passerelles volantes (K du plan) faisaient communiquer les hourds des remparts avec le troisième étage du donjon qui pouvait être ainsi facilement séparé du reste de la place et devenait alors un dernier réduit que devaient forcer les assiégeants.

Une question se pose enfin, que malgré toutes nos recherches, nous n'avons pu résoudre : existait-il des souterrains à Trémazan ? Les légendes du pays l'affirment et prétendent qu'ils allaient fort loin : jusqu'à Kergroadez. Faisant la part de l'exagération populaire, on peut supposer qu'un souterrain partait du château et débouchait dans la campagne, assez loin pour être inaperçu des assiégeants. L'existence des souterrains n'a pas été constatée d'une façon générale dans tous les châteaux-forts ; ils sont pourtant assez fréquents pour que la question soit toujours examinée.

Certains faits tendraient à prouver que Trémazan en était pourvu : la découverte que l'on fit, vers 1864, de deux chambres souterraines réunies par un couloir, à cinq cents mètres environ du château. Ces chambres furent malheureusement comblées par les paysans et nous n'avons pu en retrouver la place exacte ; les bruits que l'on entend à certain endroit de la route de Kersaint à Landunvez, où le sol tremble sous les charrettes et rend un son de vide très caractérisé ; une légende enfin qui court le pays et d'après laquelle une vache s'étant engagée, il y a plusieurs années, dans un couloir souterrain visible à cette époque dans le château, n'aurait, pu être retrouvée ; un chasseur ayant pénétré dans ce couloir pour rechercher cette vache n'aurait pas reparu. L'ouverture alors béante fut bouchée pour éviter de nouveaux accidents.

Nous avons vainement cherché pendant plusieurs années l'ouverture de ce souterrain. C'est pendant ces travaux que nous avons été amenés à déblayer un escalier partant du rez-de-chaussée du donjon (en M) et s'enfonçant en terre, sous le revêtement protégeant le pied de la tour. Cet escalier parfaitement maçonné débouche en 1904 dans les douves (en N) après un parcours souterrain de dix mètres environ. Les difficultés du travail nous ont empêchés de pousser plus loin nos recherches. La voûte du couloir ayant cédé sous l'éboulement des murailles, l'escalier a été détruit à un certain endroit et il aurait fallu, pour en retrouver la suite, si elle existe, un matériel que nous ne pouvions avoir.

Cet escalier conduisait-il à un puits souterrain qui alimentait la forteresse ; à une poterne ouverte sur le fossé, à des sous-sols, prisons ou simples caves fréquents dans les châteaux, ou est-il le commencement d'un long couloir souterrain allant s'ouvrir en pleine campagne ? Nous choisirions plutôt cette dernière hypothèse, mais sans pouvoir nous appuyer sur autre chose que des suppositions.

Quant au sous-sol du château, un escalier (0) dont l'amorce se voit encore dans la cour, permet de conclure à leur existence. Il faudrait, pour les dégager, de sérieux travaux qui ne seront jamais entrepris. Les murs achèveront de s'écrouler et enseveliront pour jamais leurs secrets.

Tel était donc, à l'origine, le château de Trémazan : une masse de pierre d'un seul tenant entourée d'un large fossé et défendue seulement par la hauteur de ses murs couronnés d'une ceinture de hourds.

Plus tard, vers le XIIIème ou XIVème siècle, les bâtiments devinrent insuffisants, les défenses trop faibles. Les Tanguy du Chatel firent alors construire l'énorme ouvrage avancé presque aussi grand que le château.

Composé d'une enceinte carrée, ornée d'une tour ronde à chaque angle, cet ouvrage était séparé du château par le fossé primitif que traversait un pont de bois (P). La grande porte de la forteresse fut établie dans la tour de droite (angle N.-0.) de la nouvelle enceinte. Cette porte était munie d'une herse et d'un pont-levis. Ce dut être à cette époque que furent percées certaines fenêtres du château sur lesquelles se basent les historiens pour l'attribuer au XIIIème siècle et les fenêtres que l'on remarque dans la façade, près de la porte.

Les faces S. et N. seulement de l'ouvrage avancé subsistent aujourd'hui. Elles montrent une muraille fort épaisse (3m25) couronnée d'un chemin de ronde. Les défenses sont des mâchicoulis en pierres de taille et des ouvertures carrées dans le parapet.

Les tours sont garnies d'archères, usage qui fut, comme nous l'avons dit, abandonné au XIVème siècle.

Le peu de hauteur des murs et leur grande épaisseur prouvent que cet ouvrage fut construit à une époque où les machines de siège étaient assez perfectionnées pour faire crouler les murailles très hautes et relativement peu épaisses des siècles précédents, vers la fin du XIIIème ou le commencement du XIVème siècle.

Par la construction de cet ouvrage avancé, Trémazan fut ramené au plan généralement adopté pour les forteresses : la première enceinte pouvant dès lors être considérée comme un immense donjon, parfaitement séparé des communs. C'est dans ce donjon que logeaient le seigneur et sa famille avec quelques hommes d'armes dévoués, le reste de la garnison habitant la deuxième enceinte.

Ainsi achevé le château de Trémazan était une redoutable forteresse. Il serait intéressant de savoir par quelle moyen Raoul de Cahours s'en empara en 1351.

Les faces ouest et sud de l'enceinte ont complètement disparu et ont été remplacées par les bâtiments de la ferme, sans aucun caractère. Il ne reste aucune trace des anciennes constructions, et les remparts eux-mêmes se dégradent de plus en plus chaque année.

Mais sur ces ruines plane l'ombre de Tanguy du Chastel, grand-maître de France et de tous les châtelains de Trémazan, morts au champ d'honneur pour la Bretagne et pour la France.

 

LA CHAPELLE

A quelques centaines de mètres du château, dans le village, s'élève l'église collégiale de Kersaint, placée sous le vocable de saint Tanguy et de sainte Haude. L'histoire ne mentionne pas la date de fondation de cette chapelle ; l'édifice actuel fut élevé à la fin du XVème siècle par Tanguy du Chastel et Louise de Pont-L'abbé, sa première femme, morte en 1495. Cet édifice dut remplacer un plus ancien, consacré par les du Chatel à la mémoire de leurs Saints aïeux.

La chapelle a la forme d'une croix. Le transept gauche est occupé par la chapelle de la vierge, celui de droite par la sacristie. La nef sans bas cotés est très simple, sans autre ornement que les poutres armoriées de la charpente. Les fenêtres sont du style gothique. Le transept est éclairé par une grande baie à rosace ornée de vitraux très ordinaires. Les fenêtres du choeur ont été réparées et garnies de jolis vitraux représentant la légende de saint Tanguy ; la grande fenêtre à rosace ouverte autrefois derrière l'autel est aujourd'hui murée.

Sur les poutres sont sculptées les armes écartelées des du Chatel et des Pont-L'abbé, des Poulmic et des Carman.

La grande porte, dont l'ogive est très abaissée, est encadrée de pilastres, d'où partent des guirlandes de fleurs et d'animaux finement sculptés qui forment un encadrement ogival orné au sommet de l'écusson des du Chatel martelé pendant la Révolution. Les guirlandes se prolongent au-dessus de cet écusson et se terminent par un bouquet de feuillage.

Le clocher sans grand caractère fut jeté bas par la foudre en 1904 et aussitôt reconstruit.

Derrière la chapelle, on a dressé, sur un massif de maçonnerie, une pierre tombale trouvée pendant les travaux. Cette pierre sur laquelle se distingue encore l'écusson des du Chatel est entourée d'une inscription illisible.

Jusqu'à la Révolution, la chapelle de Kersaint fut desservie par un collège de chanoines qui habitaient à l'entrée du village un domaine qui fut partagé en 1827 entre plusieurs propriétaires. La maison d'habitation a disparu. Il ne reste du jardin des chanoines que quelques arbres fruitiers. Pendant la Révolution, la chapelle servit de grange à foin ; elle fut rendue au culte en 1804.

 

TABLEAU GENEALOGIQUE DE LA FAMILLE DU CHATEL

Du Chastel, sr dudit lieu et de Lezirivy, paroisse de Plouarzel ; — de la Motte Tanguy, paroisse de Quilbignon ; — baron de Trémazan, paroisse de Landunvez ; sr de Kerlerc'h, paroisse de Ploudalmézeau ; — de Kersimon, paroisse de Plouguin ; de Coëtivy, paroisse de Plouvien ; — de Leslem, paroisse de Plounéventer ; — vicomte de la Bellière, paroisse de Pleudihen ; — sr du Bois Raoul, paroisse de Renac ; — du Juch, paroisse de Ploaré ; — vicomte de Pommerit, paroisse de Pommerit-le-Vicomte ; — sr de Kersaliou, paroisse de Pommerit-Jaudy ; — baron de Marcé, en Anjou ; — sr de Lesnen, paroisse de Saint-Tual ; — de Tonquédec, paroisse de ce nom ; — de Mezle, paroisse de Plonévez-du-Faou ; — de Châteaugal, paroisse de Landeleau ; — de Gournoy, paroisse de Guiscriff ; — de Bruilloc, paroisse de Plounérin ; — de Coëtangarz, paroisse de Plouzévédé ; — de Kerbasquiou, paroisse de Plouézal ; — de Keranroux, paroisse de Plufur ; — de Keraldanet, paroisse de Lannilis ; — de Keryvot, paroisse de Milizac ; — de Kermorin, paroisse de Saint-Thégonnec ; — de la Roche-Droniou, paroisse de Calanhel ; — de Coëtelez ; — de Pratcarric, paroisse de Plounévez-Moëdec.

Anci. ext. chev. ref. de 1671. Quatorze gen. ref. et montres de 1427 à 1534, paroisse de Plouarzel, Landunvez et Plourin, évêché de Léon, Landeleau, Guiscriff et Calanhel, évêché de Cornouaille.

Fascé d'or et de gueules de six pièces (sceau 1274). Devise : Da vad e teui (tu viendras à bien) et vaillance du Chastel. Alias : Ma car Doué (s'il plaît à Dieu).

château de Trémazan : famille du Châtel (Chatel ou Chastel)

 

château de Trémazan : famille du Châtel (Chatel ou Chastel)

Voir Famille du Chastel " La maison du Chastel et ses rameaux

Allain FERRAND (1905)

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