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DESCRIPTION DU CHATEAU DE SUSCINIO 

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Le château de ou plutôt, comme, on disait autrefois, du Sucinio — commune de Sarzeau (Morbihan) — était la résidence préférée des ducs de Bretagne. Il s'élevait au bord de la mer, dans une région au climat tempéré par le voisinage du Gulf-Stream, à la lisière d'une forêt très giboyeuse, qui couvrait une grande partie de la presqu'île de Rhuis. Aussi fut-il surtout une habitation de plaisances [Note : C'est ce qui donna idée de prêter au nom de Sucinio l'étymologie fantaisiste de Souci n'y ot (Souci n'y eut, Sans-Souci), répétée à l'envi par les historiens modernes, au moins depuis Dubuisson-Aubenay, qui la relate, en 1636, dans son Itinéraire. Elle est absolument contraire à tous les documents anciens, qui écrivent : Succenio, Succeniou, Succhenio, Sussuniou, Suchunyou, en faisant presque toujours précéder ces formes de l'article Le] et, selon l'expression de Froissart, « un moult biau chastiel et maison de déduit pour le duc ».

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

On a généralement attribué la fondation du château à Jean Ier, dit le Roux. C'est une erreur. Il faut remonter au moins à son père, Pierre de Dreux, dit Mauclerc. On se basait probablement sur un passage de la Chronique de Saint-Brieuc, qui fait honneur, effectivement, de cette fondation à Jean le Roux, mais un texte, cité par dom Morice, établit que Pierre de Dreux et Alix, sa femme, s'y trouvaient en 1218, quand ils garantirent à l'église de Quimper la libre élection de l'évêque.

Il convient sans doute de leur attribuer le logis ruiné formant une sorte de tour rectangulaire qui fait saillie sur la courtine ouest.

Jean le Roux (1237-1286), qui fit de Sucinio sa résidence préférée, y éleva de nouveaux bâtiments d'habitation, mais il ne reste de cette époque qu'une tour ronde, aux trois quarts ruinée, qui se dresse au milieu de la courtine nord, et probablement certaines substructions, notamment celles de la tour sud, dont la base, noyée dans le bastion élevé, au XVIème siècle, à cet endroit, a été récemment mise à jour par le comte de La Révelière, peut-être aussi une petite partie de la courtine qui fait suite à ce bastion vers l'ouest.

C'est Jean le Roux qui fit enclore l'immense parc de chasse entourant le château et dont une notable partie des murs subsistent encore, à demi ruinés, au milieu des champs.

On a dit souvent, après dom Morice, que Jean le Roux établit son château sur l'emplacement d'une ancienne abbaye, qu'il détruisit. Ainsi présenté, le fait est inexact.

Assurément, il existait, antérieurement au XIIIème siècle, une abbaye portant déjà le nom de Sucinio (Suceniou abbatia), et Jean la démolit « parce ne voulait pas avoir un couvent de moines auprès de son manoir (juxta suum inanerium) ».

Cela ne veut pas dire que le château fut substitué au monastère et cela dit même à peu près le contraire. Le due, en compensation, créa l'abbaye de Prières, à quelques kilomètres de là, sur le même rivage.

En 1238, Sucinio était assez fort pour que Jean le Roux pût y enfermer le baron de Lanvaux, qui s'était révolté contre lui.

Son fils Jean II (1286-1305) habita presque constamment Sucinio. Il y fit faire des travaux considérables, dont l'exécution n'était pas achevée au moment où il mourut. Les constructions qu'on peut lui attribuer sont la courtille nord, à l'exception des baies qui la percent, pratiquées postérieurement, la tour de l'angle nord-est, une petite portion de la courtine est, après cette tour et, probablement, la base des murs du grand logis qui s'adosse à la même courtine.

Arthur II (1305-1312) dut se contenter de faire terminer les travaux commencés.

En 1341, à la mort de Jean III, qui ne laissait pas d'enfants, commence la longue et sanglante guerre de la succession de Bretagne.

Le château de Sucinio passa tour à tour aux mains des deux partis. En 1346, il était occupé par Jean de Montfort, mais Charles de Blois s'en empara cette année-là. En 1355, il était revenu au parti Montfort, et le chevalier Yves de Tromiel y commandait pour le roi d'Angleterre, qui soutenait ce parti. Quelques annéés après, il appartenait de nouveau à Charles de Blois, car, dans l'été de 1364, Jean de Montfort, aidé de Robert Knoll, Gautier Huet, Mathieu de Gournay et Hue de Caverley, le prit d'assaut, avant d'aller assiéger Auray.

Charles de Blois ayant été défait, et tué près de cette ville (1364), la couronne resta à Jean de Montort.

Lié par son passé au parti anglais, il se vit confisquer son duché par Charles V, qui chargea du Guesclin de s'en emparer (1373). La plupart des places fortes de la province se rendirent sans résistance. Il n'en fut pas de même de Sucinio.

Le château était commandé par un capitaine anglais dont l'histoire ne nous a malheureusement pas transmis le nom. Du Guesclin le somma d'ouvrir ses portes. Il refusa. Le connétable fit battre les murs avec son artillerie et, par la brèche, lança ses hommes à l'assaut. Toute la garnison anglaise fut passée au fil de l'épée, jusqu'au dernier homme. La brèche pratiquée dans la courtine sud, et bouchée postérieurement, apparaît encore, très nette, et porte dans le pays le nom de « brèche de du Guesclin ».

Jean IV ne rentra en possession de Sucinio qu'en 1379. L'année suivante, son capitaine, Jean de Malestroit, y défit une bande d'Espagnols, au service du roi de France, qui avaient débarqué dans la presqu'île de Rhuis.

Jean IV, toujours poursuivi par les troupes françaises, quitte Vannes en 1381, laissant la ville à la garde des Anglais, et se réfugie à Sucinio, qu'il répare et fortifie et où il ratifie, l'année suivante, le second traité de Guérande, qui lui rendait son duché.

Dès lors, il restaure ses villes et forteresses endommagées par la guerre et il entreprend à Sucinio de grands travaux qui n'étaient pas terminés à sa mort (1399), car on y travaillait encore en 1402, au temps de la minorité de son fils, Jean V, dont la majorité ne fut prononcée qu'en 1404.

A cette campagne de construction, qui comprend la fin du XIVème siècle et les premières années du XVème siècle, il convient d'attribuer, outre la réparation des brèches faites par les assauts à la courtine sud, la plus vulnérable de toutes d'après la nature même des lieux, l'ensemble des bâtiments de l'est, tours, courtine et corps de logis, à l'exception de la tour d'angle nord-est, construite, nous l'avons dit, par Jean II.

Jean V le Pacifique (1399-1442), dont le long règne commencé à douze ans sous la tutelle de sa mère, fut réparateur pour la Bretagne, séjourna souvent à Sucinio, qu'il agrandit. On lui doit la construction de la belle tour de l'angle nord-ouest, dite Tour Neuve, de la courtine qui la touche vers le sud et probablement du logis qui s'adosse à cette courtine, sauf la façade sur la cour, très retouchée et même refaite en partie au XVIème siècle. Enfin, Jean V reconstruisit toute la couronne des mâchicoulis et des créneaux du château, qu'il avait dû trouver fort abîmés par les nombreux assauts du siècle précédent.

Constitué en douaire à Isabeau d'Écosse, femme du duc François Ier, Sucinio devint, de 1450 à 1487, la résidence habituelle de cette princesse ; son souvenir est attaché à une canalisation dont les restes subsistent encore et qui était destinée à amener au château les eaux d'une fontaine dite « de la duchesse », située à un kilomètre au nord.

En 1473, François II y fit enfermer Henri Tudor et son oncle Gaspard de Pembrocke, réfugiés sur les côtes de Bretagne après la ruine du parti Lancastre en Angleterre.

François II, avant de mourir (1488), avait fait don de la terre et du château de Sucinio à son favori, Jean de Châlon, prince d'Orange. Ce don lui fut confirmé plusieurs fois par la duchesse Anne, devenue reine de France. Jean de Châlon, puis son fils Philibert, restèrent propriétaires de Sucinio jusqu’en 1520. A cette date, François Ier confisqua le château pour punir Philibert d'avoir pris le parti de Charles-Quint.

C'est aux princes d'Orange qu'il faut, semble-t-il, attribuer les retouches et additions de la façade du logis ouest.

A partir de cette date, Sucinio, entre les mains des rois de France, sert à faire des libéralités. Son usufruit est successivement cédé au sire de Rieux (1523), à Françoise de Foix, dame de Châteaubriant (1532), à son mari Jean de Laval (1537), à Diane de Poitiers (1543), à Claude de Lorraine, duc de Guise, et à Louise de Brézé, sa femme (1546), à Catherine de Médicis, au duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne et chef de la Ligue en cette province, qui fit occuper fortement le château par ses troupes (1589).

Comme il ne répondait plus aux progrès de l'artillerie, Mercœur fit établir en avant des deux tours du front sud, qui commandait la mer, deux bastions triangulaires avec revêtement de terre soutenu par des bases maçonnées. On en voit encore nettement les ruines dans le fossé.

En 1593, Henri IV, pour récompenser les services de Gaspard de Schomberg, colonel-général des reîtres, lui donne l'usufruit et le titre de baron de Sucinio. Schomberg cède son usufruit, en 1596, au comte de Talhouët.

En 1626, le roi concède Sucinio et toute la presqu'île de Rhuis à la compagnie commerciale « du hâvre du Morbihan », dont le projet n'aboutit pas. L'usufruit passe ensuite (1666) à Mlle de Blois, princesse de Conti, fille du roi et de Mlle de Lavallière, qui le cède, à son cousin, le duc de Lavallière (1739). Il arrive ainsi à la duchesse de Châtillon, que la Révolution vient priver de ses revenus, très diminués par l'aliénation successive de la plupart des terres au cours des deux derniers siècles.

Les bâtiments se trouvaient à la Révolution dans un état de conservation relative, dû à ce fait que le conseil des habitants et communauté de Rhuis contribuait à son entretien comme étant, utile à la défense du pays. En outre, le pouvoir central y fit faire souvent des reparations pour parer aux menaces de débarquement de l'ennemi sur la côte, notamment, en 1543.

Pendant la Révolution, le château fut occupé par une garnison républicaine. Pour se défendre du côté de la mer, elle construisit, sur le haut de la contre-escarpe sud, une banquette en terre et quelques épaulements de batterie qu'on distingue encore.

Cela n'empêcha pas unè troupe royaliste, débarquée sur la côte et commandée par Tinténiac, de s'en emparer le 10 juillet 1795. Après la victoire de Hoche à Quiberon, le château retomba aux mains de la Nation.

Par une erreur des bureaux, il fut compris dans les biens d'émigrés et mis en vente le 16 messidor an IV. L'adjudication définitive eut lieu, le 17 février 1798, en faveur de Pascal Lange, de Lorient, pour 570.581 francs, payables en assignats.

L'acquéreur, ancien marchand forain, l'exploita comme une carrière et son vandalisme le mit a l'état de ruine. Il fit raser la tour ronde de la courtine sud, vendit trois francs la charretée à tout venant les pierres de taille des fenêtres, des portes, les marches de quatre escaliers sur cinq.

Ses héritiers cédèrent Sucinio, ainsi dévasté, le 20 décembre 1852, au vicomte Jules de Francheville, descendant d'un ancien capitaine du château en 1480 et bisaïeul de M. Charles Dumoulin de Paillart, qui le possède encore au début du XXème siècle.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Plan. – Le château de Sucinio affectait un plan régulier, rappelant sensiblement un trapèze, avant la disparition de la tour de l'angle sud-ouest et les réfections, assez maladroitement exécutées à diverses époques, qui ont remplacé cet angle par une ligne brisée.

Il couvrait une superficie d'un hectare et consistait en une vaste cour entourée de bâtiments et de courtines flanquées de sept tours : une à chacun des quatre angles, une sur le front est, défendant la porte, ouverte entre elle et la tour d'angle sud-est, une autre au milieu du front nord et la dernière sur le front sud. De plus, au milieu du front ouest, un bâtiment rectangulaire faisait saillie à l'extérieur et commandait la courtine. La tour de l'angle sud-ouest a complètement, disparu ; de celle du front sud, il ne reste qu'un fragment des fondations ; la tour ronde du front nord et la tour rectangulaire du front ouest ont leurs parties hautes écroulées et menacent ruine. Il en est de même de certains murs de l'angle sud-ouest. Le reste du château est encore solide ; les tours et courtines conservent leur couronnement et l'on peut, malgré la ruine de toutes les charpentes et de tous les intérieurs, restituer les principales dispositions de l'ensemble.

La situation fut choisie surtout en vue, nous l'avons dit, de l'agrément des ducs de Bretagne. Le pays, assez plat, sans rivière, n'offrait guère d'emplacement favorable à l'établissement d'un château-fort. Du moins trouva-t-on à Sucinio la défense par l'eau.

C'est à cette préoccupation qu'est due la position du château dans ce bas-fond, où l'on s'étonne d'abord de le voir placé. Là se trouvàit un étang, aujourd'hui prairie, qui protégeait tout le front nord et une partie du front ouest. Tout autour des murailles, un large et profond fossé s'emplissait d'eau de mer amenée de la baie toute proche par le canal ou « étier » qui desservait des marais salants. Ce canal traversait la chaussée de la route à l'aide d'un conduit voûté dont l'entrée, amortie par un arc en tiers-point surmonté d'un arc de décharge, et probablement contemporaine du château de Jean le Roux, se voit à la base de la contre-escarpe qui fait face à la tour sud-est. Le courant des marées devait se faire assez violemment sentir jusque dans les fossés, car les deux piles du pont dormant qui précède la porte sont construites en éperon pour mieux diviser les eaux ; de plus, en maint endroit, notamment sur le front nord, la base des murs est dégradée et rongée par l'action de l'eau.

Malgré l'ingéniosité de ce système de protection, Sucinio ne fut jamais une place forte de premier ordre. Les ducs y étaient à l'abri d'un coup de main, mais ils ne se hasardèrent jamais personnellement à soutenir un siège derrière ces murs.

 

Front est. — De ce côté s'ouvre l'entrée, dont la porte, percée au milieu d'un pan de courtine construit par Jean IV à l'extrême fin du XIVème siècle et commandée par les deux tours A et B, qui datent du même temps, a été refaite au siècle suivant, ainsi que le mur qui la surmonte, où sont creusées les rainures du pont-levis à levier qui la fermait. Le raccord d'appareil est manifeste. Le linteau de la porte est fait d'une plate-bande appareillée et décrit une courbe très surbaissée. Il est surmonté d'un arc de décharge.

Au-dessus, on a, tant bien que mal, assemblé cinq pierres sculptées, visiblement rapportées, qui devaient appartenir à l'ancienne entrée, œuvre de Jean IV.

Les deux premières portent un écu à demi effacé. Sur celui de gauche, on croit voir un semis d'hermines (Bretagne) inscrit dans une jolie moulure quadrilobée. Au-dessous, trois autres pierres représentent, celle du milieu, très abîmé et peu distinct, un griffon accroupi soutenant un écu effacé, tandis que, de sa patte droite levée, il serre dans ses griffes un objet long, sceptre ou épée ; celles de droite et de gauche, un cerf couché au pied d'un arbre : allusion évidente aux chasses du parc de Sucinio.

Quatre fenêtres à meneaux cruciformes perçaient largenent cette façade ; les deux plus basses ont perdu leurs meneaux, comme, d'ailleurs, une grande partie des fenêtres du château. De chaque côté de la porte, deux petites baies carrées défendaient le pont, avec deux autres semblables, percées, à la même hauteur, dans les tours de droite et de gauche.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Les mâchicoulis sont postérieurs à la construction de la courtine. Tous ceux du château sont du même type. Nous en parlerons donc une fois pour toutes. Ils sont à encorbellements sur les trois faces. C'est le type le plus usité au XIVème et au XVème siècle en Bretagne et que l'on retrouve à Josselin, à Largoët-en-Elven, à Nantes, à Vannes, etc. Mais ici le linteau, qui réunit d’ordinaire deux consoles et s'orne le plus souvent d’un arc ou d’une moulure trilobée, est remplacé par un arc formé simplement de deux pierres taillées en cintre et arc-boutées l’une contre l’autre. On observe la même disposition dans certaines parties des remparts de Vannes. Quelques arcs décrivent une courbe en plein cintre, notamment au-dessus de la porte d’entrée et à la tour du sud-est. Peut-être faut-il y voir une réfection au commencement du XVIème siècle. Nous ne le croyons cependant pas et la forme plus ou moins aiguë de l'arc doit venir seulement de la taille plus ou moins courbe des deux claveaux.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Cette couronne de mâchicoulis est une addition du XVème siècle, contemporaine de la tour nord-ouest et vraisemblablement une œuvre de Jean V.

Ce caractère d'addition postérieure ressort du fait qu'il y a seulement des différences de détail entre les mâchicoulis des parties les plus neuves et ceux des plus anciennes, et aussi du placage évident qu'on observe en plusieurs endroits, notamment aux points où le parapet qui surmonte la courtine de l'entrée vient buter, sans liaison et en masquant le piédroit d'une fenêtre, contre la tour est (B).

Les deux tours rondes A et B, qui défendaient l'entrée et dominaient la courtine, sont percées de deux rangées de fenêtres regardant le nord et le sud, ouvertes les unes au-dessus des autres, une à chaque étage. A la base, des meurtrières commandent les fossés.

Ces baies ont été pratiquées dans des murs en blocage de granit, composé de petits moellons qui forment des assises assez régulières. Cet appareil, qui est celui de tout le château, sauf des parties du XIIIème siècle, où il est plus irrégulier, et de la Tour Neuve, où il est, au contraire, très régulier, rappelle, abstraction faite de la différence des matériaux, granit d'un côté, schiste de l'autre, celui de la façade ouest du château de Josselin.

La tour B, qui flanque la droite de l'entrée, est percée, en outre, à la hauteur du second étage et tout près de la courtine, d'une petite baie en arc brisé dont on devine le remplage trilobé et, sur la face est, d'une grande baie carrée où vient s'inscrire une fenêtre en tiers-point dont on voit encore l'amorce des meneaux démolis. C'étaient les deux fenêtres de la chapelle. Les moulures des meneaux, qui devaient être fort élégants, annoncent le début du XVème siècle.

La base des tours est empattée d'une maçonnerie en grand appareil.

Après la tour B, on observe une reprise dans l'appareil de cette courtine. La base, à partir de cet endroit, est de la même époque que la tour nord-est (C) et que la courtine nord. Ce doit être un reste de l'œuvre de Jean II, datant, par conséquent, des dernières années du XIIIème siècle ou des premières du XIVème siècle. Dans la partie supérieure du mur, le collage ne devient apparent qu'au raccord avec la tour. Avant d'arriver à ce point, une porte, aujourd'hui bouchée, s'ouvrait sur les fossés.

La tour C, d'un diamètre plus faible que les deux précédentes, est construite d'une façon moins soignée. Les arcs de décharge qui surmontent ses baies, comme celles de tout le château — précaution à laquelle on doit la conservation des bâtiments, malgré l'enlèvement des pierres de taille — dessinent ici une courbe plus aiguë. Les fenêtres sont de simples baies rectangulaires, Au second étage seulement, elles ont une traverse horizontale.

A la base de la tour, côté nord, on voit un trou servant de déversoir à un conduit très en pente pratiqué dans l'épaisseur du mur et qui devait servir aux latrines.

 

Front nord. — La courtine nord présente les mêmes caractères et doit être aussi datée du temps de Jean II, excepté les grandes fenêtres à croisée de pierre, qui y ont été pratiquées par Jean IV.

La tour du milieu (D) est plus ancienne que la courtine. Très ruinée, d'appareil imparfait, et archaïque, de faible diamètre, elle annonce manifestement une date antérieure. Il faut y voir un témoin du château de Jean le Roux, construit dans la première moitié du XIIIème siècle.

Après la tour D, on aperçoit une reprise dans la courtine, qui indique une reconstruction par Jean IV de la partie la plus rapprochée de la Tour Neuve (E).

 

Front ouest. — La tour E, dite Tour Neuve, constituait, pour ainsi dire, le donjon de Sucinio. Ce fut l'œuvre de Jean V, comme la courtine qui suit et le logis qui vient s'y adosser.

La maçonnerie en est fort soignée. Les arcs de décharge des baies, en cintre légèrement surbaissé, sont bien appareillé. Le diamètre de la tour est considérable. Les fenêtres, au nombre de deux à chacun des trois étages, très abîmées par les démolisseurs du XIXème siècle, sont grandes et de belles proportions.

La courtine qui suit présente les mêmes caractères que la Tour Neuve : même appareil, mêmes fenêtres largement percées, surmontées d'arcs de décharge en cintre plein ou légèrement surbaissé.

Cette courtine se raccorde par un double retour d'équerre à la partie la plus ancienne du château, à ce corps de logis formant une sorte de tour rectangulaire en saillie sur l'enceinte et que sa maçonnerie très imparfaite, la faible épaisseur de ses murs et l'étroitesse de ses baies nous portent à faire remonter au début du XIIIème siècle, c'est-à-dive au manoir de Pierre Mauclerc.

 

Front sud. — Ce front, le plus exposé, d'une part, aux coups de l'ennemi par la configuration du terrain avoisinant, qui le domine presque, d'autre part, aux tempêtes de mer, est aussi la partie la moins bien conservée et la plus tourmentée de l'enceinte. Refait à plusieurs reprises et composé de morceaux très disparates, il est assez difficile à reconstituer avec précision. On voit cependant que primitivement l'angle aigu formé par le prolongement des courtines ouest et sud était flanqué, comme les trois autres angles, d'une tour ronde. Elle dut être renversée dans un siège ou s'écrouler par vétusté. Réparé, en arrière, à l'aide de murs de fortune qui décrivent une ligne brisée, cet angle fut flanqué, au moment des guerres de la Ligue, d’un bastion à éperon triangulaire formé d'épaulements de terres et de décombres soutenus à la base par de la maçonnerie. Cette partie du château est très ruinée et assez informe.

Partant de là, la façade sud présente au moins trois sections différentes. La première pourrait dater de la fin du XIIIème siècle, s'il faut en juger par une petite porte en tiers-point, aujourd'hui aveuglée, à la base de la muraille.

Ensuite, vient un grand pan de courtine qui offre les caractères de la fin du XIVème siècle ou du XVème siècle et qui, visiblement rapporté, fut destiné à boucher la « brèche de du Guesclin ».

Un peu plus loin ont été découvertes les fondations d'une tour ronde, qui devait être, au XIIIème siècle, le pendant de la tour D, qui subsiste sur le front nord. Ce qu'il en reste se trouve aujourd'hui englobé dans un épais massif de terre et de pierre, fortement en saillie dans le fossé, élargi pour la circonstance. On retrouve là cette forme en éperon triangulaire spéciale aux bastions d'artillerie dont le duc de Mercœur flanqua, à la fin du XVIème siècle, les points vulnérables de toutes les fortifications bretonnes.

Enfin, la courtine sud se raccorde à la tour A de l’angle sud-est par un morceau de mur de la même date que cette tour, c'est-à-dire du temps de Jean IV. Ce mur est contigu au pignon du logis I, dont la pointé très aiguë le dépasse. Sur le mur du pignon se détachent une série de corbeaux destinés autrefois à supporter une sablière. Au dessus, la trace d'un solin prouve qu'il y avait là un toit dont le versant venait s'appuyer sur le parapet de la courtine, à l'aide, sans doute, de poteaux ou de colonnes, formant ainsi pour les habitants du logis une galerie couverte regardant la mer.

 

Fuie ou colombier. — Au sud du château, à environ 65 mètres du bord de la contre-escarpe, se dresse l’ancienne fuie, qui n'a jamais été signalée jusqu'ici et mérite une visite. La perfection de sa construction en fait un type remarquable de colombier du moyen âge.

Elle consiste en une tour ronde mesurant 5m 50 de diamètre et dont les murs, d'une épaisseur de 1m 45, sont percés sur tout leur pourtour intérieur d'environ 700 trous carrés très régulièrement disposés.

La coupole, est ajourée, au centre, d'un trou rond que surmontait le lanternon, aujourd'hui disparu, par où se faisaient les allées et venues des pigeons.

La porte, très étroite, en arc brisé, a ses arêtes amorties par une doucine qui, jointe aux autres caractères de l'édifice, permet de le ranger parmi les constructions de la fin du XIVème ou du commencement du XVème siècle.

 

Logis de l'est. — La porte d'entrée du château n'est pas flanquée, par extraordinaire, d'une poterne pour les piétons. Le pont-levis, à bascule, la fermait en se relevant ; à l'intérieur, cette fermeture était renforcée par la lourde porte a deux vantaux qui, a partir de la seconde moitié du XIVème siècle, paraît avoir, en Bretagne, remplacé la herse. Un grand vestibule voûté, en très bel appareil, et garni, à droite et à gauche, d'un banc de pierre enfoncé dans une niche en anse de panier, sépare le logis en deux corps (L et H) et accède à la cour intérieure par une porte amortie d'une plate-bande appareillée en crossettes et certainement pratiquée dans un mur antérieur.

Le logis H-I, comme, d'ailleurs, tous ceux du château, est aujourd'hui totalement dépourvu de planchers, charpentes et toitures. Il avait quatre étages d'appartements, auxquels on accédait par trois escaliers à vis que le vandalisme de Pascal Lange a fait disparaître, mais dont on voit les logements dans la muraille. L'examen de celle-ci montre que le soubassement, jusqu'au premier étage environ, est antérieur aux parties hautes. Le logis, construit par Jean IV, et peut-être terminé par Jean V, s'est donc superposé à un bâtiment du temps de Jean II.

Si l'on tourne à gauche du vestibule, on entre dans une salle qui fait le rez-de-chaussée du corps de logis I et qui devait servir de salle des gardes. Elle était autrefois voûtée. Trois grandes fenêtres ébrisées en glacis l'éclairaient.

De là, on accède, par un passage où vient se brancher un petit corridor étroit donnant accès à des latrines, dans la salle basse de la tour A. Cette salle, de construction soignée, hexagonale, a conservé sa voûte d'ogives, formées d'un listel entre deux cavets. Des culots prismatiques reçoivent la retombée de ces ogives et des arcs formerets.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Aux étages supérieurs du corps de logis I, on aperçoit encore, le long des murs, de belles cheminées de granit avec linteaux d'une seule pièce.

Le logis H, qui devait communiquer avec le précédent par-dessus le vestibule d'entrée, comprenait les plus beaux appartements du château. Malheureusement, la démolition des escaliers ne permet pas d'en décrire avec précision les dispositions. A chaque étage, une grande salle rectangulaire communiquait avec la tour B.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Au second étage, la salle avait plusiecurs cabinets, dont l’un s'ouvre par une petite baie à hauteur d'appui, qui devait servir à passer les plats. Au troisième étage se trouvait la salle d'honneur, avec une belle cheminée. Ses piédroits, dont les colonnettes d'angle conservent leurs petits chapiteaux à feuillages, sont ornés, sur leur face interne, d'une bizarre décoration que l'on retrouve à Largoët et qui consiste en gradins moulurés en retraite les uns sur les autre. En face de la cheminée, une baie, entre deux autres fenêtres à croisée de pierre, donnant sur la cour, présente un charmant remplage à quatre quadrilobés, auquel on accède par une large embrasure à quatre gradins.

La salle d'honneur cominunique avec la chapelle, placée dans la tour B, par une baie fort large, en forme de rectangle allongé, surmontée d'un arc de décharge très surbaissé, et fermée jadis par une grille, derrière laquelle la garnison et les gens du château assistaient aux offices.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

La chapelle [Note : Dédiée à saint Nicolas et érigée en chapellenie avec fondations pieuses, elle servait encore au culte à la veille de la Révolution (Archives dép. du Morbihan)], de plan hexagonal, recouverte d'une voûte d'ogives à six branches, était éclairée, au-dessus de l'autel, par une grande baie en tiers-point à meneaux. A droite, existait une autre petite fenêtre à remplage tréflé ; une niche voisine, décorée d'un trilobe et percée d'un conduit à travers le mur, servait de piscine ; enfin, des deux côtés, dans l'épaisseur du mur, deux réduits voûtés d'ogives étaient éclairés chacun par une petite fenêtre et servaient, non pas de sacristie, mais de loges au seigneur et à ses serviteurs personnels pour entendre la messe. Toute cette disposition se répète dans la chapelle du donjon de Largoët.

Le dernier étage, surmonté d'un comble trés aigu, était ajouré par des lucarnes en saillie sur le toit.

Un passage, ménagé dans la courtine, fait comnauniquer le troisième étage du logis est avec la tour C. En arrivant à celle-ci, un collage très apparent montre le raccord des maçonneries de la fin du XIVème siècle avec celles de la fin du XIIIème siècle. La porte de communication, en arc aigu, profilée d'un gros tore entre une doucine et un cavet, se trouve un peu masquée par la construction postérieure.

 

Logis de l'ouest. — En partant du sud, on trouve le corps de logis rectangulaire F, très ruiné, d'aspect archaïque et presque imposible à reconstituer. Nous l'avons attribué au château primitif. Au rez-de-chaussée, la salle est encore en partie voûtée en berceau d'une voûte en blocage grossier, à demi écroulée.

Le logis qui suit, avec ses larges baies à croisée, surmontées d'arcs de décharge en anse de panier, ses fenêtres peu ébrasées, à embrasures de plain-pied munies de bancs de repos, contrastant avec les larges embrasures du rez-de-chaussée, destinées à permettre à l'artillerie d'enfiler les fossés, sa charpente, qui était, en carène renversée, d’après les traces encore visibles sur le pignon, comme au palais de Jacques-Cœur, à Bourges, dénote une époque plus avancée dans le XVème siècle que le logis de l'est. Nous l'attribuerions volontiers, ainsi que la Tour Neuve (E), dont, nous allons parler, à Jean V, qui mourut en 1442, puisqu’il semble bien que François II n'ait jamais fait à Sucinio ni séjour prolongé ni travaux importants.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Contigu à celui-là, le bâtiment qui donnait accès à la tour E, montre encore, au troisième étage, une très belle cheminée du XVème siècle, dont le linteau monolithe tenu à crossette des deux côtés, sous un arc de décharge en plein cintre, est porté par des piédroits formés de trois colonnettes à chapiteaux et bases prismatiques. La façade de ce logis sur la cour présente, au-dessus du rez-de-chaussée, des traces de retouches et de refaçons qu'il faut attribuer au XVIème siècle. On y voit notamment deux baies surmontées d'accolades dont la moulure torique retombe sur de petits culs-de-lampe sculptés.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Une tourelle d'escalier pentagonale, dont l'appareil se compose de matériaux réemployés, fut appliquée contre la façade du logis.

Les remaniements du XVIème siècle sont probablement l'œuvre de Jean de Châlon ou de son fils Philibert, à moins qu'il ne faille les attribuer à Jean de Laval et à sa femme, seigneurs de Châteaubriant, dont Dubuisson-Aubenay, en 1636, disait avoir vu les armes dans la chapelle et sur les murs du grand logis.

Château de Sucinio (ou Suscinio) à Sarzeau (Bretagne).

Tour Neuve. — Cette tour a des murs de 5 mètres d'épaisseur. Elle comporte, à chacun de ses quatre étages, une vaste pièce hexagonale, éclairée par deux très grandes baies voûtées en plein cintre et garnies de bancs de Pierre.

La salle du rez-de-chaussée, qui a pu être remaniée postérieurement, constitue une superbe casemate d'artillerie. Voûtée et construite en grand appareil, elle présente quatre embrasures pour l'artillerie, destinées à battre les fronts nord et ouest. Le mur de façade est percé d'une meurtrière en haut et, en bas, d'un trou rond pour le canon. Sur le côté de l'embrasure, une niche, ménagée dans le mur, permettait à l'artilleur de se mettre à l'abri, et de lourds vantaux, dont les scellements sont encore apparents et dont le logement se voit dans la muraille, fermaient l'embrasure en cas de besoin.

Un escalier à vis — le seul qui subsiste à Sucinio — pris dans l'épaisseur du mur, mène jusqu'au troisième étage et, là, donne accès au chemin de ronde des courtines.

A chaque étage de la tour, un petit couloir part de la salle et aboutit à des latrines dont le conduit, pratiqué du haut au bas de la muraille, se déverse dans le fossé.

 

Logis du nord. — ll n'en reste que des fondations, dégagées par les fouilles de M. de La Révelière. Un arrachement permet de voir comment il se rattachait au logis de l'est. De grandes baies, pratiquées au XlVème siècle dans la courtine nord, l'éclairaient du côté de la campagne. Deux fours ont été mis au jour dans la partie est. Ce corps de bâtiment dut servir de logement la garnison.

 

Tour du nord. — A chaque étage, une petite salle hexagonale, en médiocre appareil, était éclairée par de petites baies fortement ébrasées et chauffée par de petites cheminées très simples. Un escalier étroit, ménagé dans le mur, menait du chemin de ronde de la courtine au sommet de la tour, dont les parties hautes ont disparu.

 

Tour nord-est. — Ronde au rez-de-chaussée, hexagonale au-dessus, la salle qui compose chacun de ses quatre étages est éclairée par une fenêtre dont l'embrasure est voûtée en arc aigu, à l'aide de claveaux bruts. Des latrines sont disposées à chaque étage. A l'angle sud-ouest, une petite tourelle en encorbellement renferme l'escalier à vis qui mène au logis de l'est.

 

Logis du sud. — Il n'en reste rien, que des amorces de murs, quelques baies, des débris de cheminées et des monceaux de décombres. A l'extrémité ouest subsistent des fours.

Dans la cour, en O, était un puits que le comte de Francheville fit fouiller et dans lequel il trouva quantité d'armes et d'objets divers.

(Par Roger GRAND).

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