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LA CHAPELLE NEUVE (anciennement en Plougonver).

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Avant de rentrer, par Pestivien, sur le territoire de l'ancien évêché de Cornouaille, que nous avons quitté depuis l'Étang-Neuf [Note : Nous sommes dans l'ancien évèché de Tréguier], nous pousserons une pointe jusqu'à une lieue à l'ouest du bourg de Plougonver, pour voir la plus étrange chapelle que nous connaissions [Note : Sur le chemin, nous avons visité la jolie église de Pont-Melvez restaurée et agrandie dans son ancien style (celui du XVIème siècle) avec un goût et une intelligence rares, par M. l'abbé Gallerne. Cette restauration est un bon exemple qui aura, nous l'espérons, des imitateurs]. Le chevet de ce petit édifice, placé au milieu d'un paysage à l'aspect sauvage , sur un des chainons des montagnes Noires, produit le plus singulier effet à l'œil qui le voit pour la première fois. Sa forme générale figure trois tours peu saillantes, liées intimement entre elles en un gros faisceau (Planche, figure 3). Une meurtrière, composée d'un trou rond surmonté d'une fente perpendiculaire coupée par une autre fente horizontale de manière à figurer une croix latine, est percée dans la base de chacune de ces tours, au-dessous des fenêtres, les unes sont en plein cintre et les autres en ogive très-émoussée. A voir cet appareil militaire, on se demande si l'on est en présence d'un sanctuaire ou d'une forteresse.

Il est aisé d'ailleurs de reconnaître que l'édifice n'est plus entiers si toutefois il a jamais été achevé. De la première construction, que nous rapportons au XVIème sièele, il n'existe que le chevet , dont le plan affecte la forme d'un trilobe (Planche, figure 4), — la convexité de chacun des lobes produisant à l'extérieur les demi-tours que nous venons de décrire, — et la nef, composée de quatre travées à piliers cylindriques sans chapiteaux, surmontés d'ogives émoussées dont les intrados, au lieu d'être chargés de moutures, sont simplement arrondis. A une époque plus récente, on a rempli de maçonnerie les arcades du côté sud de la nef, afin de fermer provisoirement l'édifice, et on a enveloppé celles du côté nord d'une muraille sans caractère, pour former un petit collatéral et mettre la chapelle en état de servir au culte.

Les trois lobes ou demi-tours qui forment le chevet présentent, à l'intérieur du chœur, trois enfoncements semi-circulaires dont les angles saillants sont garnis de colonnettes à chapiteaux très-allongés, composés d'une doucine surmontant trois plate-bandes en retrait les unes sur les autres ; ces colonnettes et une niche à dais flamboyant, suspendue à l'une d'elles, ne permettent pas de rapporter la construction de l'édifice à une époque antérieure à la fin du XVème siècle ou à la première moitié du XVIème.

Un autel fort simple, dont la table de granit mesure 3 mètres 63 centimètres en longueur, masque la concavité de la demi-tour centrale. A l'angle du côté de l'Évangile est placé, contre la muraille un sacraire (Planche, figure 4, a) ou tabernacle, peut-être unique en

L'ancienne église de La Chapelle-Neuve (Bretagne).

Son genre en Bretagne [Note : Du moins nous ne nous souvenons pas d'avoir vu signaler rien de semblable]. C'est une petite armoire de granit soigneusement travaillée dans le style de la Renaissance, et dont la forme (qu'on nous passe cette grossière comparaison) rappelle assez bien celle des petits meubles où l'on renferme les pendules dans nos campagnes.

A l'autre extrémité, du côté de l'Epitre, une petite porte donne accès dans l'espace vide compris, derrière l'autel, entre l'autel et le mur circulaire de la tour du milieu. On s'attendrait à y trouver une sacristie et l’on n'est pas peu surpris d'y voir un escalier tournant par lequel on descend dans un obscur souterrain ménagé sous le chœur (Planche, figure 4, b. b. b.). C'est un couloir large de 1 mètre 50 centimètres, occupant toute la largeur du chevet, véritable casemate dans laquelle le jour ne pénètre que par les meurtrières cruciformes dont nous avons parlé. Vers l'une des extrémités de cette espèce de caveau, établi évidemment dans un but de défense, s'ouvre une porte basse donnant accès, clans un chemin couvert d'un mètre de large (Planche, figure 4, c. c. c.), lequel se dirige vers le bas de la chapelle parallèlement à l'axe de la nef. Où aboutit-il ? Dans quelles circonstances a-t-on muni une église de cet appareil militaire ? C'est ce que nous ignorons encore. L'éboulement des terres ne permet plus de suivre ce chemin mystérieux que dans une longueur de 7 à 8 mètres, et nous n'avons trouvé dans l'histoire aucun fait qui se rattache à cette localité. Lors de notre courte visite, n'ayant pas le loisir de faire exécuter des fouilles qui nous eussent peut-être donné le mot de l'énigme, nous nous sommes vu réduit à interroger les traditions populaires. Elles nous ont répondu qu'un personnage connu sous le nom de docteur de Coëthalec, avait fait construire ce souterrain pour mettre sa demeure en communication avec la chapelle, afin de pouvoir par ce moyen se rendre plus facilement aux offices. Cette explication n'expliquant pas grand'chose, nous avons questionné de nouveau, et on nous a raconté la légende suivante, dans laquelle se révèlent les facultés poétiques de la race bretonne. C'est, paraît-il, le dernier vestige d'un chant populaire aujourd'hui oublié, comme tant d'autres, dans le pays qu'habita son héros, mais encore répété, dit-on, dans les veillées du pays de Tréguier, cette terre fertile en chanteurs.

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LA LÉGENDE DU DOCTEUR DE COETHALEC.

« Kerméno n'est plus aujourd'hui qu'une modeste ferme située à un bon quart de lieue de la Chapelle-Neuve, mais autrefois on y voyait un beau manoir dont les maîtres, comme tous les gentilshommes bretons, étaient voués de père en fils au métier des armes. Or il advint un jour qu'un de leurs descendants, que la tradition nomme Coëthalec, refusa de marcher sur les traces de ses ancêtres. Pendant que les autres enfants de son âge — contents de savoir écrire et lire les heures manuscrites, les romans et les fabliaux, — préludaient aux rudes exercices de la guerre en luttant avec les pâtres des montagnes Noires, on le voyait passer les jours et les nuits à dévorer les livres de science qu'il pouvait se procurer.

Devenu jeune homme, au lieu de s'attacher à la personne de quelque chevalier en renom pour faire l'apprentissage des armes et gagner ses éperons, il endossa la robe des clercs et partit avec le jeune baron de Pénarstang, son voisin et son ami, pour aller étudier dans les plus célèbres écoles du monde.

Doués des mêmes aptitudes et brûlés de la même soif de savoir, ils firent en peu de temps des progrès merveilleux et devinrent si savants qu'ils ne trouvaient plus de maîtres capables de leur rien apprendre. Ils revinrent donc dans leurs manoirs ; mais leurs intelligences avides n'étaient pas satisfaites ; en possession de toutes les sciences humaines, ils auraient encore voulu pénétrer les régions les plus sublimes et les plus cachées de la création.

Ils s'adressèrent au prince des sciences occultes, au diable, — puisqu'il faut l'appeler par son nom, — qui s'engagea à leur dévoiler tous les secrets de l'enfer, stipulant seulement que pour prix de ses leçons le dernier des deux qui le quitterait resterait corps et âme en son pouvoir. La condition était rude, ils l'acceptèrent pourtant, tant ils étaient en proie à leur passion. Après sept années passées à cette diabolique école, devenus aussi savants que leur maître, ils voulurent revoir la terre des vivants ; mais il fallait payer le fatal salaire. Coëthalec, plus intrépide que son ami, consentit à rester le dernier à condition que Pénarstang lui céderait la moitié de sa science et en effet ce marché fut conclu.

Cependant Coëthalec ne se découragea ; après le départ de son compagnon, prenant en guise de flambeau un tison allumé dans l'immense brasier dont les flammes dévorent les damnés, il s'engagea résolument dans les obscurs et tortueux souterrains qui, d'après la tradition populaire, servent de vestibule à l'enfer. Il aperçoit déjà la clarté du jour, lorsque Satan, tapi derrière la dernière porte, se précipite sur sa proie et la serre dans ses griffes en poussant un ricanement qui fit trembler les voûtes de l'abîme.

Mais la joie du diable ne fut pas de longue durée ; il en avait trop appris à son élève. A l'aide d'un des secrets qu'il lui avait révélés, celui-ci s'était rendu invisible et avait fui ne laissant que son ombre aux mains de Satan. Coëthalec rentra donc dans son manoir, possesseur de la science infernale qu'il avait acquise, augmentée de la moitié de celle de Pénarstang. Mais lorsqu'il se promenait par le plus beau soleil, nul ne vit désormais son ombre suivre son corps ; elle était restée dans l'enfer.

On raconte mainte et mainte merveille de sa puissance surnaturelle ; feuilles sèches changées en or pur, châteaux bâtis en une nuit sans maçons, etc., tout lui était facile, et à cent lieues à la ronde on ne parlait que de la science et des richesses du fameux docteur de Coëthalec. Cependant son ancien ami le baron de Pénarstang lui avait gardé rancune et guettait l'occasion de se venger du tour qu'il lui avait joué en sortant de l'enfer. Un jour donc, voyant passer devant son manoir Coëthalec, — porté dans les airs, selon sa coutume, sur un char à quatre chevaux mu par une force invisible — à l'aide du reste de science qu'il avait conservé, Pénarstang réussit à lui jeter un sort qui l'arrêta tout court dans son vol, sans qu'il lui fût possible ni de reculer ni d'avancer.

Coëthalec à son tour, voyant Pénarstang le nez à sa fenêtre pour jouir de la déconvenue de son rival, lui jette un charme qui lui fait pousser à l'instant deux énormes cornes, lesquelles le mettent, dans l'impossibilité de rentrer la tête à l'intérieur. Il croyait le forcer à lui demander grâce ; mais le baron, qui n'était pas embarrassé de si peu, fait appliquer par ses gens une échelle à l'extérieur, passe le corps en dehors et descend dans la cour, narguant le pauvre Coëthalec toujours immobile dans les airs. Mais quand Pénarstang voulut rentrer chez lui par la plus grande porte, impossible, les deux malencontreuses cornes, s'allongeant de plus en plus, l'arrêtaient partout. Pour s'en délivrer il fut contraint de s'avouer vaincu, et le fier docteur continua triomphalement sa route.

Depuis ce jour, il n'eut plus de rival, et son orgueil alla toujours en croissant. Il savait tout, jusqu'à l'art de rendre immortel et même de donner la vie aux morts. Pour en produire la preuve, un jour de foire à Morlaix, il résolut de s'incarner, c'est-à-dire de se ressusciter lui-même. Pour cela, il commanda à son domestique de le hacher comme chair à pâté, de mettre ensuite les lambeaux de son corps dans une caisse avec un onguent qu'il avait préparé à l'avance, et surtout de ne toucher à rien qu'au bout de trois jours, après lesquels on le trouverait rendu à la vie. L'expérience répétée deux fois réussit parfaitement ; à la troisième le valet, curieux de voir ce qui se passait dans la mystérieuse caisse, en souleva le couvercle dès le second jour. Les chairs à moitié animées commençaient à fermenter et à prendre une forme ; mais le travail de recomposition s'arrêta, aussitôt qu'elles furent en contact avec l'air. Le docteur, dont l'audacieuse présomption était allée jusqu'à vouloir usurper un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu, périt victime de la science à l'aide de laquelle il croyait se rendre immortel. Mais sa femme, qu'il avait enchantée avant de partir pour Morlaix, vit toujours au manoir de Kerméno, dans un palais invisible où elle est assise sur un trône magnifique, au milieu d'une salle resplendissante de cristal et d'or, attendant que quelqu'un la vienne délivrer du charme qui l'y retient captive ».

Cette légende en prose doit être bien au-dessous de l'original en vers, dont elle n'est qu'une copie plus ou moins fidèle et qui sera, nous l'espérons, bientôt publié, s'il est vrai, comme on nous l'a dit, qu'il existe dans la riche collection de chants populaires que le regrettable M. de Penguern a laissée en mourant. Il offrirait d'autant plus d'intérêt que le poète qui l'a composé ne semble pas avoir travaillé sur un sujet purement imaginaire et qu'il est possible d'assigner une date très-probable à son œuvre.

Les anciennes Réformations de la noblesse de l'évêché de Tréguer (Tréguier) nous apprennent qu'en 1543 le manoir de Kerméno-Bihan (le Petit Kerméno) appartenait à Yvon de Botloy, seigneur de Coëthalec en Kermaria-Sulard (trêve de Louannec), descendant de l'illustre maison des Tournemine [Note : C'est l'opinion de M. P. de Courcy], et dont les armoiries sont précisément celles peintes sur le banc seigneurial de la Chapelle-Neuve de Plougonver. Cette terre n'avait pas dû passer dans sa famille avant la seconde moitié du XVème siècle ou même le commencement du XVIème, car la réformation de 1427 ne mentionne pas le nom de Botloy parmi ceux des nobles de la même paroisse, et on y trouve au contraire un Jean de Kerméno dont la famille avait pour berceau le manoir en question. Si donc Yvon de Botloy n'était pas le héros de notre légende, il serait au moins son père ou son grand-père.

Quant au baron de Pénarstang, on pourrait le trouver dans la personne de Guy de la Tour, seigneur de Pénarstang en la paroisse de Plougonven, distante de quelques lieues seulement de Plougonver. La qualification de maître, que semble lui donner la copie que nous possédons de la Réformation de 1543, ne s'appliquait au XVIème siècle à des gentilshommes que lorsqu'ils étaient dans la robe, ce qui viendrait à l'appui de notre conjecture [Note : Les exemplaires de la Réformation que nous possédons étant souvent fautifs quant à l'orthographe, il ne faudrait pas cependant en tirer des conclusions trop affirmatives]. Selon toutes les apparences, il était fils de Guillaume et de Jeanne de Gosriant et frère de François de la Tour qui mourut évêque de Tréguier en 1593, après avoir d'abord occupé le siège de Quimper [Note : Voir le Catalogue des évêques de Quimper et de Tréguier. D. Morice Histoire de Bretagne, tome II].

(C. de Keranflec'h).

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