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Jean-René-Norbert OGER (dit le Père Barthélemy), prêtre guillotiné à Saint-Malo
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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139. — Jean-René-Norbert OGER, fils de Jean et de Marguerite Martin né au village de la Bartière en la Chapelle-Erbrée, le 18 mai 1740, reçut le baptême deux jours après sa naissance à l’église de sa paroisse. Il fut élevé par les Récollets de Vitré, dans le monastère desquels il fit profession le 4 septembre 1758, sous le nom de P. Barthélemy, à l’âge de 18 ans seulement.

Lors de la Révolution, nous le trouvons vicaire du couvent des Récollets de Saint-Malo, et nous le voyons signer en cette qualité le 14 janvier 1791. Dans ses Grandes recherches manuscrites sur Saint-Malo, conservées à la mairie de cette ville, le précieux chroniqueur qu’est le chanoine Manet, apprend que le P. Barthélemy « faisait à cette époque l’édification de la ville et du pays, tant par son zèle et ses talents de prédicateur que par l’exercice de toutes les vertus monastiques ». Il va sans dire qu’un aussi saint homme déclara vouloir continuer la vie de communauté, ainsi que le P. Toussaint Duval, gardien de son couvent. Pour y parvenir plus sûrement, il prit le parti de passer en Espagne et dès le 19 juin 1791 on le déclare « parti pour ce pays ».

Le Père Barthélemy séjourna quelque temps à Cadix dans un couvent de son ordre, mais, écrit le chanoine Manet, « sa pensée demeurait à Saint-Malo et son cœur se consumait de tristesse en songeant à tant de bonnes âmes exposées en cette ville à vivre et à mourir sans les secours de notre sainte religion ». Ayant donc obtenu de ses supérieurs la permission de revenir en Bretagne, il débarqua au Havre vers les premiers mois de l’année suivante et gagna par étapes Saint-Malo, où crainte de se faire arrêter, il pénétra sous un déguisement. Lors de l’application de la loi du 26 août 1792, le P. Barthélemy ne s’exila pas et demeura caché tantôt à Saint-Malo et tantôt aux environs, « faisant, suivant sa propre expression, tout le bien qu’il pouvait ».

140. — Lorsque survint la loi des 21 et 23 avril 1793, complétée par celle des 29 et 30 vendémiaire de cette même année, le bon religieux dut prendre les plus grandes précautions pour échapper aux poursuites dont les prêtres catholiques étaient l'objet. Angélique-Marie Glatin, chez qui le P. Barthélemy trouva alors une généreuse hospitalité, était une bonne demoiselle de 63 ans, qui avait longtemps servi dans la famille Goret de Villepepin, laquelle lui avait assuré pour retraite une pension convenable.

Cette pieuse personne n’avait jamais quitté Saint-Malo où elle était née le 6 septembre 1731 de Jean et de Marie Coanon. « Après avoir par la sagesse de sa conduite, sa probité sévère et la délicatesse de ses sentiments gagné la confiance et mérité l’amitié de ses maîtres, elle leur donna des preuves d’un dévouement sans borne et ne les quitta que lorsque la mort vint les lui ravir. Libre alors, elle ne voulut plus servir et se consacra exclusivement à la pratique des œuvres de charité. Les indigents malades, les pauvres honteux, les jeunes filles exposées à se perdre, écrit Tresvaux du Praval (Histoire de la Persécution en Bretagne, 1ère éd., t. II, p. 103), furent l’objet de ses prédilections. Avantageusement connue de plusieurs dames riches de la ville, Angélique était souvent la dépositaire de leurs aumônes. La discrétion des personnes que Mlle Glatin recevait dans son petit logement de la rue Vicairerie et les sages précautions qu’elle prenait, préservèrent durant toute une année le Père Oger des atteintes des révolutionnaires malouins ».

Malheureusement, le 11 thermidor an II (20 juillet 1794), le Comité de surveillance, établi par les révolutionnaires à Saint-Malo, reçut avis du comité de Brest « de l’existence clandestine à Port-Malo d’un ex-récollet non assermenté chez les femelles (sic) de Gennes ». Voici du reste les termes dont un nommé Petit, s’était servi pour libeller sa dénonciation aux sans-culottes brestois : « J’ai appris hier soir que le Père Barthélemy Oger, cy-devant récollet, est retiré à Port-Malo dans un grenier ; qu’on n’y communique que par une trappe sur laquelle il met son lit ; ce prêtre réfractaire est logé chez les Dlles de Gennes ».

Sitôt que les Jacobins malouins connurent la présence du P. Barthélemy Oger, rue Vicairerie, ils envoyèrent perquisitionner au domicile des demoiselles de Gennes, nommément désignées comme devant lui donner asile. Les fouilles étaient demeurées infructueuses et les sans-culottes, tout penauds, se préparaient à se retirer, quand une fatale inspiration d’un de ces pourvoyeurs de guillotine, le sellier Sainctol, les fit pénétrer chez Mlle Glatin qui habitait sur le même palier que les demoiselles de Gennes. Quelques instants plus tard, le pauvre récollet et sa pieuse hôtesse étaient arrêtés l’un et l’autre. C’était le 2 août 1794, vers les premières heures de la matinée.

Les deux prisonniers furent immédiatement conduits devant le Comité de surveillance de Saint-Malo. On déposa sur le bureau quelques pièces d’argent espagnol qu’on avait trouvées sur le P. Barthélemy ainsi qu’un calice et sa patène. Ces derniers objets, aussi bien que les ornements sacerdotaux saisis avec eux chez Mlle Glatin, appartenaient au dernier doyen du Chapitre de Saint-Malo, Camille Goret de Villepepin, qui, après s’être assermenté, vivait alors ignoré aux environs de Paris.

141. — L’interrogatoire que les juges du tribunal du district de Saint-Malo firent ensuite subir aux deux prisonniers, mérite d’être retenu, car leurs réponses sont dignes des martyrs des premiers siècles de l’Eglise. En voici quelques extraits :

« Q. N’avez-vous pas d’autre nom que celui de Barthélemy ? — R. Il n’est pas nécessaire de dire son nom pour aller mourir...

Q. Où avez-vous passé votre temps depuis votre débarquement ? — R. Cela ne se dit pas...

Q. Avez-vous prêté le serment exigé par la loi ? — R. J’en étais très éloigné...

Q. Pourquoi vous êtes-vous caché chez la Glatin ? — R. Crainte d’être pris, connaissant la haine que vous portez aux prêtres et ayant l’honneur de l’être...

Q. Pourquoi avez-vous dit la messe chez la Glatin ? — R. Parce que c’était un bien...

Q. L’avez-vous dite souvent ? — R. Autant que j’ai pu, mais pas au gré de mes désirs ».

Angélique Glatin, de laquelle le comité de surveillance de Saint-Malo écrivait : « Cette pieuse aristocrate est tellement fanatisée ; qu’elle n’appréhende nullement le sort qui lui est destiné » ne le cédait point en énergie au P. Barthélemy et ses réponses devant le tribunal de Saint-Malo sont aussi fort belles. En voici quelques-unes :

« Q. Depuis combien de temps le P. Barthélemy demeurail-il avec elle ? — R. Il est inutile de le dire.

Q. Pourquoi le tenait-elle caché chez elle ? — R. Parce qu’il était poursuivi sans avoir fait aucun mal, elle l’avait reçu chez elle. Elle l’a fait pour la religion et le ferait encore si c’était à faire.

Q. Que faisait cet homme le temps qu’il a demeuré chez elle ? - ? R. Il disait la messe et ne l’aurait pas gardé s’il ne l’avait pas dite.

Q. Quelles sont les personnes qui allaient le visiter ? — R. Je n’ai rien à dire à cet égard.

Q. Si elle a connaissance de la loi qui défend de recéler les prêtres ? — R. Qu’elle sait que nous avons des lois, mais qu’elle a la sienne aussi qui lui commande la charité.

Q. Qui fournissait aux besoins de ce prêtre réfractaire ? — R. Moi-même, et j y aurais sacrifié jusqu’à mon dernier sou ».

142. — Des réponses aussi héroïquement chrétiennes ne pouvaient attirer sur ceux qui les faisaient qu’une condamnation capitale : le tribunal du district de Saint-Malo n’ayant pas le pouvoir de prononcer celle-ci, Proust, commissaire du Gouvernement près cette juridiction, demanda et obtint le renvoi des prisonniers devant le tribunal criminel de Rennes. Il en prévint son collègue, le servannais Pointel, accusateur public, qui tant de fois déjà avait requis la peine capitale contre des ecclésiastiques, par la lettre suivante qu’il lui adressa le soir du 2 août 1794 : « Frère et ami, je t’envoie deux fanatiques. Il est urgent qu’ils subissent ici leur jugement. C’est le vœu du peuple et du citoyen Carpentier, pour servir d’exemple. Leurs conducteurs ont ordre de les attendre pour les ramener, accompagnés de l’exécuteur ».

Telle était en effet la rigueur de la loi des 29 et 30 vendémiaire et du 22 germinal an II, destinée à exterminer le clergé catholique et ceux qui oseraient leur donner asile, que le sort des deux prisonniers ne laissait place à aucun doute. Mais réclamer leur retour à Saint-Malo pour y subir leur sentence, était un raffinement de cruauté inventé par la haine des Jacobins qui terrorisaient alors la vieille cité corsaire.

En conséquence de la décision du tribunal du district de Saint-Malo, le P. Barthélemy Oger et Mlle Glatin furent dirigés sur Rennes dès le matin du 3 août 1794. La justice révolutionnaire ne perdait pas de temps quand il s’agissait de faire périr un prêtre. Le soir de ce même jour, les deux confesseurs de la Foi furent renfermés à la prison de la Porte Saint-Michel et dès le lendemain, ils comparaissaient devant le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Ils firent preuve devant leurs juges d’autant de prudence et de grandeur d’âme qu’à Saint-Malo : « Je savais, déclara Mlle Glatin, qu’en cachant le P. Barthélemy, je m’exposai à perdre la vie... Quant à divulguer le nom des personnes qui ont usé du ministère de ce religieux, c’est un secret qu’elle ne révélera jamais, dût-on cent fois la mettre à la torture ».

Le cas du P. Barthélemy et de Mlle Glatin était, avons-nous dit, réglé à l’avance. Le jour même de leur comparution, le tribunal criminel leur infligea à tous les deux la peine de mort, et dès le lendemain, 5 août, on les ramena à Saint-Malo en compagnie du bourreau qui devait les exécuter. Une particularité qui confirme bien le caractère nettement antireligieux de leur condamnation, c’est que leurs juges prirent soin d’insérer dans le libellé de leur jugement « que les ornements sacerdotaux saisis dans leur demeure, seraient brûlés au pied de l'échafaud au moment de leur exécution ».

143. — Dieu ne préservant, pas toujours ses meilleurs serviteurs des affres de la mort, le P. Barthélemy tomba, dit-on, dans une profonde tristesse quand il fut jeté dans la prison où il devait passer sa dernière nuit. Mais Mlle Glatin releva son courage, en l’invitant à entendre sa confession et celle des détenus qui voudraient profiter de son ministère.

La plupart des prisonniers acceptèrent de grand cœur les consolations de celui qui se préparait à porter dans quelques heures sa tête sur l’échafaud pour Jésus-Christ. Après cette nuit de pieux labeur, le P. Barthélemy se sentit plus résigné et mieux disposé à quitter cette terre pour le ciel.

En sortant de la maison d’arrêt pour se rendre à la place de la Révolution (ancienne place Saint-Thomas), où s’élevait l’horrible machine, les prisonniers traversèrent une foule compacte, faisant haie des deux côtés. Angélique Glatin, ferme et calme, marchait devant. Le P. Barthélemy Oger, en toilette de supplicié, la tête nue, saluait la foule qui gardait le silence ou s’inclinait légèrement, comme pour lui rendre l’adieu qu’il semblait murmurer. Se tournant un instant vers le récollet, Mlle Glatin lui dit tout à coup : « Mon Père, entonnez le Te Deum en action de grâces de ce que nous allons mourir pour Jésus- Christ ». Et ce fut en chantant ce magnifique cantique qu’ils arrivèrent au pied de l’échafaud. La foi d’Angélique Glatin soutenant jusqu’à la fin son courage, elle voulut y monter la dernière, pour éviter sans doute au P. Barthélemy la douleur de la voir exécuter. Cette vertueuse et intrépide chrétienne ne parut pas se troubler un seul instant. Lorsque la tête du religieux fut tombée, elle se laissa doucement garrotter à son tour sur la planche toute ruisselante de son sang ; quelques instants après, son âme rejoignait celle du flls de saint François dans l’éternité bienheureuse.

144. — Le même jour, 19 thermidor (6 août), le Directoire de Saint-Malo écrivait au Comité de salut public : « Le cy-devant Père Barthélemy Oger, vicaire de la communauté des cy-devant récollets de Saint-Malo, caché depuis un an ou deux, dans cette commune ; il y fut découvert et arrêté il y a quatre jours et il a pieusement passé aujourdhui à la guillotine avec la femme chez laquelle il s’était retiré ». Cette lettre donne, comme l’on voit, la date exacte du supplice du Père Oger et de Mlle Glatin.

Cette double exécution produisit dans toute la ville de Saint-Malo une sensation douloureuse, Ceux qui en avaient été témoins se retirèrent attristés et gardant un morne silence. Les hommes les plus féroces ne purent s’empêcher d’admirer tant de courage. L’officier de place, chargé de présider à l’exécution, ne put prendre de nourriture le reste du jour. Il dit plusieurs fois, en parlant d’Angélique Glatin : « Il y avait en cette personne quelque chose de divin ; je n’ai jamais vu une fermeté pareille ». Quant au P. Barthélemy, sa fin n’avait été guère moins admirable et le souvenir de ces deux martyrs reste toujours vivace dans la ville qui a été le témoin de leur sacrifice.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, in-8°, Paris, 1821, t, III, p. 207, t. IV, p. 165, contient plusieurs détails erronés. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution, etc., in-8°, Paris, 1845, t. II, p. 103-105. — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, etc., op. cit. p. 113. — Herpin, La Côte d'Emeraude jadis et aujourd'hui, in-8°, Saint-Servan, 1914, p. 151-156, contient des détails erronés. — R. P. Norbert-Monjaux, La Bretagne franciscaine, etc., in-8°, Saint-Brieuc, 1911, p. 159-162. — Abbé Lemasson, Les Actes du P. Barthélemy Oger et d'Angélique Glatin, etc., Rennes, in-8°, 1928, 32 p., contient les pièces officielles du procès du P. Oger et de sa recéleuse.

es d’Ille-et-Vilaine, dossiers du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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