|
Bienvenue ! |
LA LEGENDE D'UNE CROIX DE CAST |
Retour page d'accueil Retour "Ville de Cast"
Le cheval blanc du maudit marquis de Pontlez.
On voit sur la route de Quéménéven à Cast, avant d'arriver au ruisseau de Pontlez, une croix dont voici la légende que nous croyons inédite.
Le seigneur du Breil, marquis de Pontlez, habitant le château de ce nom, en Cast, se rendit tellement odieux à ses vassaux par ses exactions et cruautés, qu'il fut cité à comparaître devant la justice du baron de Nevet qui le condamna par contumace à être en quelque sorte disqualifié, et comme signe de sa déchéance, la cime de tous les arbres de la seigneurie de Pontlez devait être coupée ; mais l'huissier chargé de signifier le jugement au terrible marquis n'était pas fier de son message ; il se rend cependant au manoir de Pontlez, ou sa qualité de messager le fait bien accueillir.
Attablé à la cuisine, il ne ménage ni le pain ni le beurre, ni surtout le cidre ; il est moins pressé de s'acquitter de son mandat, car il craint la colère du seigneur ; cependant, choisissant le moment propice, il glisse le pli qui lui était confié sous la serviette au pain, et, prenant sa course, il quitte au plus vite le château.
Mais le valet a vu le mouvement du messager, il porte le pli à son maître ; celui-ci n'a pas plus tôt vu de quoi il s'agissait, qu'il saisit son arquebuse, et du haut du donjon, visant le malheureux qui fuyait à toutes jambes, l'atteignit d'un coup mortel, au moment où il allait se trouver hors de portée, c'est à cet endroit, au haut d'une petite colline qui domine le ruisseau du Pontlez, que s'élève la croix qui rappelle cet événement. Mais le baron de Nevet avec les seigneurs voisins vinrent demander raison au marquis de ses déportements ; celui-ci céda devant la force et accepta en réparation d'entreprendre un pèlerinage en Terre Sainte. Il partit sur son cheval blanc ; mais des années et des années se passèrent sans qu'il revint au pays.
Cependant, un soir, certain tailleur qui s'était attardé à la foire de Saint-Gildas, en passant au Pontlez, entendit le hennissement d'un cheval derrière le fossé ; il s'approche et quelle n'est pas sa stupeur en reconnaissant le cheval blanc du marquis, et le marquis lui-même revêtu de son armure de chevalier. — Comment, c'est vous, M. le Marquis, vous voilà revenu ! Pas de réponse. — Je suis heureux de vous revoir ! hasarde encore le tailleur. Point de réponse, mais, comme il s'approche, il sent une odeur insupportable, il touche de la main l'armure du chevalier qui chancelle, tombe, les pièces de l'armure s'entr'ouvent et le jeune tailleur est en présence d'un cadavre en putréfaction, le marquis devait être mort depuis bien longtemps, mais le bon bidet breton avait ramené son maître pour recevoir la sépulture dans la terre bénite du pays.
Depuis ce temps le marquis, comme par une vieille habitude terrorise encore les voisins. Il se tient d'ordinaire sur le petit pont du moulin de Pontlez, toujours monté sur son cheval blanc, et malheur au passant attardé, d'un coup de lance il est jeté à l'eau et ce n'est que trempé jusqu'aux os qu'il lui est permis de gagner son logis ; il est juste de dire que le pont n'était formé, jusqu'à ces temps derniers, que de quelques grosses pierres brutes, et que les faux pas étaient faciles, la nuit, surtout lorsque l'on revenait de la foire par une bonne année de cidre.
Il y a une quarantaine d'années, un vieux soldat de l'empire racontait volontiers, et le plus sérieusement du monde, comment il avait usé de stratagème pour éviter d'être jeté à l'eau en passant le Pontlez. Il voyait bien le vieux marquis qui, d'un geste menaçant, lui barrait le pont, et alors chancelant sur ses jambes pour d'autres motifs que la peur ! il commença par l'interpeller, en breton naturellement. — Marquis, laisse-moi passer, je vois bien que tu veux me jeter à l'eau ; mais, je t'en prie, laisse-moi passer. — Mais, comme le marquis ne se laissait pas attendrir. — Eh bien, dit-il, tu n'auras pas le plaisir de me jeter à l'eau, et abandonnant le pont au marquis, il entra résolument dans le ruisseau et le passa avec de l'eau à mi-jambe, ce qui lui permit, par une sorte de réaction naturelle, de regagner sa demeure d'un pas plus assuré. Ce vieux brave n'était pas peu fier de sa victoire sur le Marquis de Pontlez.
Nous terminons ce court aperçu des richesses légendaires de nos calvaires, en rappelant les origines, bien connues et chantées par Brizeux, des croix dites de Coadri. Ces petites croix de pierre formées par deux cristallisations de formes rhomboïdales qui se compénètrent, et qui se trouvent plus spécialement dans les ruisseaux se déversant dans l'Odet et prenant leur source du côté de Scaër, se rencontrent en plus grande abondance près de la chapelle de Coadri ou Coatchrist, d'où leur vient leur nom de pierres de Coadri. Les savants peuvent expliquer leur origine en leur appliquant les lois sur la formation des cristaux, mais la légende nous dit que ces petites croix, dures comme le diamant, ont été plantées à profusion dans la terre par Notre-Seigneur, pour protester contre l'impiété d'un chef païen qui avait fait détruire toutes les croix du pays, Dieu voulant ainsi à perpétuité symboliser la ténacité de la foi, qu'aucune persécution ne saurait éteindre dans un cœur vraiment breton.
(Chanoine Peyron).
© Copyright - Tous droits réservés.