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CANCALE - NOTICE HISTORIQUE

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Si l'on en croit M. l'abbé Manet, qui a beaucoup étudié l'état ancien des environs du Mont-Saint-Michel, la baie de Cancale fut produite par plusieurs envahissements successifs de la mer dont le principal fut la fatale marée de 709. Avant cette époque de grands bois appelés forêt de Seiscy s'étendaient depuis les rochers de Chausey inclusivement jusqu'au delà du Mont-Saint-Michel, et dans ce territoire se trouvaient plusieurs paroisses englouties depuis par les flots. Parmi ces dernières, l'abbé Manet compte Port-Pican situé à l'entrée de l'anse actuelle de Port-Piquain et Thommen dont le nom est encore porté par un écueil que la mer en se retirant montre chaque jour en face de Cancale.

« Cette petite ville ou gros bourg de Port-Pican, dit-il, paraît avoir subsisté misérablement jusque dans le XIème siècle, malgré les ravages affreux occasionnés par l'Océan dans ses environs. Elle a laissé son nom, quoique un peu altéré, aux champs et à l'anse de Port-Piquain, et l'on appelle encore de nos jours Vieille-Rivière l'espace que la mer occupe entre le Grouin et l'île des Landes, espace où le courant est fort rapide. Il y a quelques années qu'on découvrit entre le village du Haut-Bout et l'anse de Port-Mer, qui confine à celle de Port-Piquain, deux chambres souterraines et quelques voûtes en pierre de taille qui peuvent avoir appartenu à cette malheureuse ville ; mais les frais que cette fouille aurait nécessités empêchèrent de porter plus loin ces recherches » (Grandes Recherches, ms. - Archives municipales de Saint-Malo).

Ce port de Port-Pican est mentionné dans une charte de 1032 « portum qui nominatur Porpican » mais je ne sais si l'abbé Manet ne s'avance pas un peu trop, en affirmant que c'était alors une ville et une paroisse.

Il est certain qu'à cette époque Alain III, duc de Bretagne, rendit aux moines du Mont-Saint-Michel deux églises avec leur revenu, que son père le duc Geoffroy Ier avait données à cette abbaye, avant l'an 1008, mais qui avaient été enlevées depuis aux religieux. Ces églises, situées dans le Pou-Aleth, ou territoire d'Aleth appelé Poulet dans les derniers siècles, étaient celles de Saint-Meloir et de Saint-Méen. Une terre nommée Cancavene, située au bord de la mer, ornée d'un village et d'un port, dépendait de ces églises, nous dit la première charte de Geoffroy Ier : « una villa que vocatur Cancavena cum uno portu qui illi adjacet » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 380). Quant à savoir quel était ce port avoisinant le village de Cancavene ou de Cancale, comme l'on dit maintenant, il me semble que la charte de 1032, confirmant cette donation de Geoffroy Ier est explicite sous ce rapport, en nous disant que le duc Alain ratifia la donation faite par son père, de la terre située au bord de la mer, appelée Cancavene et du port nommé Porpican « terram quoque prope littus maris sitam que dicitur Chancavena et portum qui nominatur Porpican » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 372).

Il résulte donc de ces chartes, qu'au commencement du XIème siècle il y avait non loin de la mer — 1° une église de Saint-Meloir qui n'était autre que celle de la paroisse actuelle de Saint-Meloir-des-Ondes, — 2° une autre église dédiée à saint Méen et à saint Judicael « ecclesia sancti Mewen Judichel, » — 3° un village appelé Cancavene, — 4° enfin le port de Porpican, voisin de ce village.

Cette église de Saint-Méen et Saint-Judicael est évidemment celle de Cancale ; de tout temps saint Méen a été considéré comme le patron de cette paroisse ; une petite source d'eau douce, s'échappant du rocher occupé par ce sanctuaire porte toujours le nom de fontaine de Saint-Méen, et témoigne de l'antiquité du culte de ce bienheureux abbé à Cancale. Comme à la fontaine du Grand-Saint-Méen, si célèbre jadis par les guérisons qu'elle opérait, on amène à Cancale les petits enfants malades, atteints de cette espèce de dartre appelée mal de Saint-Méen, et on les lave dans ce mince filet d'eau qui coule au pied de la falaise sur le bord de la grève.

La charte de 1032, — dit avec raison M. de la Borderie, dans un intéressant article sur les origines paroissiales de Cancale, — distingue nettement l'église ou paroisse de Saint-Méen et le lieu de Cancavene : « Cancavene était une terre au bord de la mer, avec un village et un port ; quant à l'église, tout porte à croire qu'elle occupait, ou à peu près, la même place qu'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'elle était plantée sur la falaise qui domine la baie. D'abord sans doute elle était isolée ; mais peu à peu, autour d'elle, des maisons se bâtirent, et cette agglomération, au lieu de prendre le nom du patron de l'église (saint Méen), emprunta celui du village voisin dont cette église était la paroisse : cela devint le bourg de Cancale » (Revue de Bretagne et Vendée. 1871, I, 388). A l'appui de cette assertion, M. de la Borderie prouve fort bien que le nom de Cancale découle certainement du nom ancien de Cancavene en passant par ces trois formes intermédiaires attestées toutes par des actes authentiques Cancavne, Cancavre et Cancare (Revue de Bretagne et Vendée. 1871, I, 388).

Mais où se trouvait ce village de Cancavene destiné à donner son nom à la paroisse actuelle de Cancale ? Je crois que, d'après le texte des chartes que nous avons précédemment citées, il faut nécessairement le chercher aux environs de Port-Piquain. Or, non loin de l'anse de ce dernier nom et de l'anse voisine de Port-Mer, à côté de ce village de Haut-Bout où l'abbé Manet a signalé d'antiques ruines, et à peu de distance de cet autre village appelé la Baye, — que la tradition prétend avoir appartenu à des moines et qui pourrait bien être ce qu'au moyen-âge on appelait l'abbaye de Cancale, abbatia de Cancavria en 1184, de Cancavna, en 1210, de Quanquale en 1296 [Note : Ce qu'on appelait l'abbaye de Cancale dès le XIIème siècle, était le domaine temporel appartenant aux moines du Mont-Saint-Michel en la paroisse de Cancale ; il n'y eut jamais à Cancale ni abbaye véritable ni même simple prieuré, le fief de l'abbaye du Mont en Cancale était une dépendance du prieuré de Saint-Meloir, membre lui-même du Mont Saint-Michel], apparaît au bord de la mer le village de la Basse-Cancale ; ne serait-ce point là l'ancien Cancavene ? J'admettrais volontiers cette hypothèse de préférence à celle qui place cet antique village à Port-Piquain,— port distinct au XIème siècle du lieu de Cancavene, — de préférence même à celle qui regarde la Houle, — port trop éloigné de Port-Pican, — comme ayant été le berceau de Cancale. Je ne vois pas d'ailleurs comment expliquer le changement du nom de Cancavene en celui de la Houle, tandis que cette vieille dénomination se retrouve à la Basse-Cancale.

Quoi qu'il en soit, la paroisse de Saint-Méen de Cancale était parfaitement constituée au XIème siècle sous la dépendance de l'abbaye du Mont-Saint-Michel ; mais le plus ancien recteur, dont le nom nous soit connu, est Even, qui vivait seulement vers 1180 (Revue de Bretagne. 1871, I, 391). Quant à la Houle, ce pittoresque port du Cancale moderne, son origine doit être fort ancienne comme lieu d'habitation. Le moyen-âge y éleva une chapelle en l'honneur de saint Antoine et de saint Julien. Cet édifice, antérieur à 1536, lui reconstruit et bénit en 1753. Pillé par les Anglais, qui débarquèrent à Cancale en 1758, et restauré de nouveau peu après, en 1764 , le sanctuaire de la Houle subsista jusqu'à la révolution ; il fut détruit de fond en comble à cette époque néfaste, mais son souvenir subsiste encore, et sur son emplacement s'élève une simple croix bénite par Mgr de Lesquen en 1846 (Reg. paroissial de Cancale).

Cancale possédait, au reste, plusieurs autres chapelles : Saint-Jean des Hauts-Prés, située au milieu du village de Saint-Jouan, fut dotée le 15 juillet 1542, par Jean Le Sur, qui venait de la faire bâtir ; — Saint-Martin de Terlabouet s'élevait à l'angle du chemin qui conduit du village de Terlabouet à celui de la Chapelle ; comme la précédente, elle fut ruinée en 1793 ; — mais le plus célèbre de ces humbles sanctuaires était celui de Notre-Dame du Verger.

Il est fait mention du Verger à la fin du XIème siècle. A cette époque, un chevalier, Clamarhoc, fils de Richer, donna à l'abbaye du Mont-Saint-Michel sa dîme du Verger en Cancale « Decimam de quodam loco qui Vergied vocatur » (Cartulaire du Mont Saint-Michel, cité par M. de la Borderie, Revue de Bretagne, 1871. I, 403). Ce village du Verger a donné son nom à une fort belle anse de mer qui borde au nord le territoire de Cancale, et près de laquelle se trouve pittoresquement posée dans le pli d'un vallon, en face de l'Océan, et abritée par un rideau de verdure, la jolie chapelle de Notre-Dame. Vénéré de toute antiquité par la population si chrétienne encore de nos côtes, ce sanctuaire vient d'être reconstruit pour la quatrième fois au moins. — car sa première fondation remonte si loin dans la suite des siècles, qu'on en a perdu le souvenir, — et cette fois, avec un véritable bon goût, c'est un édifice ogival, à chevet droit, précédé d'un porche qui porte la date de 1869.

La paroisse de Cancale se rend processionnellement au Verger, aux Rogations, à la Mi-Août et à la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre). Ce dernier jour-là, la procession est exceptionnellement solennelle ; d'après un usage immémorial, elle fait le tour entier de la vaste paroisse de Cancale ; je reviendrai quelque jour sur cette cérémonie, si je puis, car elle mérite qu'on la signale. Mais non-seulement les paroissiens se rendent en corps à Notre-Dame du Verger, l'on y voit souvent aussi les marins échappés aux dangers de la navigation, s'y rendre pieusement pour remercier Marie, l'Etoile des mers, de les avoir rendus à leurs familles et à leurs foyers. Au retour des voyages de Terre-Neuve, au milieu des frimas de l'hiver, ils partent de l'église paroissiale de Cancale, en blanc, c'est-à-dire en corps de chemise et pieds nuds, portant à la main le cierge, symbole de leur foi ardente, et ils accomplissent ainsi les vœux qu'ils ont faits en se recommandant dans le péril à Celle que l'on n'implore jamais en vain.

Cette vieille église paroissiale de Saint-Méen de Cancale est bien pauvre de style et bien insuffisante pour la population ; mais la volonté d'un peuple chrétien fait des merveilles, et Cancale est destiné, je crois, à en donner une nouvelle preuve. Au sommet des hautes falaises qui dominent si magnifiquement le port de la Houle et toute la baie de Cancale, dans un domaine appelé ajuste titre Bellevue, s'élève maintenant une vaste église dont la première pierre fut bénite le 17 août 1875. Nul doute que cet édifice ne soit digne de l'esprit religieux des habitants de la localité, que nos anciens rois décorèrent du titre de ville, et du culte séculaire qu'y reçoit notre saint abbé Méen ; nul doute aussi que la générosité des paroissiens ne se signale d'une façon d'autant plus éclatante dans cette grande œuvre, que l'esprit de foi qui les anime est plus universellement connu. On parle déjà de la façon ingénieuse dont les bons Cancalais savent coopérer à la construction de leur église en offrant à Dieu une partie du produit de leurs pêches ; leurs vieux patrons bretons Saint Méen et Saint Judicael et la reine des Saints, Notre-Dame du Verger, béniront leurs efforts !

(abbé Guillotin de Corson).

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