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Saint-Yves en Bubry durant la Révolution

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1789. — Les premières étincelles jaillissent qui vont allumer l'immense brasier dans lequel seront consumés, en peu de temps, des trésors amoncelés au cours de tant d'années.

Dans la nuit du 4 Août, les privilèges sont abolis l'Eglise Catholique n'est plus reconnue comme religion d'Etat. Le 14 avril de l'année suivante, on s'attaque aux biens ecclésiastiques qui sont décrétés biens nationaux. Puis, c'est le tour des personnes elles-mêmes. Les premières mesures vexatoires sont prises contre le clergé que l'on décide d'asservir à l'Etat, comme furent asservis ses biens, et que l'on ne veut plus considérer que comme un clergé fonctionnaire, attaché par une promesse d'honneur au seul service de la nation.

La chapelle ou l'église de Saint-Yves en Bubry (Bretagne).

On devine l'accueil fait par les prêtres à des décisions aussi arbitraires, aussi tyranniques. La grande majorité refusa catégoriquement de se plier à une telle iniquité et de prêter le serment exigé par la Constitution civile. Ces disciples du Christ, et non de César, subirent la persécution plutôt que de se vendre et, s'ils connurent les poursuites, l'emprisonnement, l'exil et la mort, ils gardèrent, en tout cas, leur liberté. Leur fière attitude eut, pour résulat, de renforcer encore la confiance et les sympathies dont ils étaient entourés, particulièrement en Bretagne où la Foi des Ancêtres était demeurée si ferme et si vivante au coeur des populations rurales.

En ces jours sombres, il y avait, à St-Yves, deux chapelains, en résidence au presbytère, appelé de ce fait, la chapellenie : l'abbé Olivier Le Fellic, né en 1754 au village de Keranduic en Noyal-Pontivy, nommé à St-Yves en 1784 et l'abbé Jean Le Goff, originaire de Lotuen en Kervignac, qui lui fut adjoint, en qualité de sacriste, à la fin d'Avril 1790. Autant le premier était d'un naturel calme, timide et n'agissait qu'avec prudence, autant Monsieur Le Goff était d'un tempérament nerveux, ardent, dynamique jusqu'à la témérité.

A l'exemple de la grosse majorité de leurs confrères, ils refusèrent de prêter serment. Ils furent, de ce fait, classés parmi les prêtres dits « réfractaires » ou « insermentés » et exposés aux tracasseries du régime d'abord, puis aux menaces et à la persécution. Pour échapper aux poursuites, ils durent chercher refuge dans la campagne, non sans avoir pris la précaution de mettre à l'abri certains objets sacrés ou vénérables comme l'ostensoir, le bras reliquaire et le grand lustre, ce dont on doit se réjouir aujourd'hui.

Au mois de Mars 1794, en effet, la chapelle était, par ordre de l'Administration, profanée, saccagée, mise à sac par les soldats et les gendarmes à l'acharnement desquels les paysans insurgés répondirent par la violence. Aucun écrit n'a malheureusement survécu à la tempête. Les archives, que devait bien posséder la chapelle, n'auraient-elles pas été, elles aussi, pillées à cette occasion et détruites par des mains malveillantes ? ou bien existeraient-elles encore en quelque cachette, jusqu'ici inexplorée ? Semblables documents auraient cependant singulièrement éclairé notre lanterne pour échaffauder l'histoire du pèlerinage.

Quant aux objets les plus indispensables pour le culte, calices, ciboires, ampoules aux Saintes Huiles etc..., ils faisaient partie du bagage des fugitifs qui ne devaient pas, un seul instant, renoncer à leur ministère sacré.

Pour échapper aux poursuites, dont l'étau se resserrait chaque jour davantage, ils auraient pu chercher asile en des contrées lointaines et plus clémentes. La loi du 26 Août 1792 accordait un certain délai aux prêtres réfractaires pour s'exiler. Mais leur zèle apostolique, le souci qu'ils avaient avant tout autre du bien des âmes, leur commandèrent de demeurer dans les environs immédiats, afin de ne pas abandonner, sans pasteurs, des brebis désemparées qui, en ces temps de détresse, avaient besoin, plus que jamais, et de leur sollicitude, et des secours de leur ministère.

Il y avait bien les curés « jureurs », mais la confiance, comme l'estime populaire, s'étaient bien vite retirées d'eux. Les paysans bretons, les vouant au mépris, les mirent, bientôt, en quarantaine. Par contre, ils prirent fait et cause pour les persécutés qu'ils défendirent avec fermeté, entendant, par là, défendre leur foi. Une anecdote va nous montrer l'attachement des paysans de St-Yves à leurs convictions religieuses.

A Bubry, un curé « jureur », originaire d'Inguiniel et nommé Le Stunff, avait officiellement remplacé le desservant « insermenté », Benjamin Videlo. Lors d'une fête dans sa paroisse il voulut faire figurer, dans la procession, les croix de la chapelle. Il n'ignorait pas les sentiments hostiles que nourrissait, à son égard, la population et, pour éviter des humiliations personnelles, dépêcha à St-Yves deux émissaires, avec l'ordre de réclamer les emblèmes religieux.

Les envoyés se présentèrent à la chapellenie. Le portail franchi, ils se trouvèrent en présence de la soeur de l'abbé Le Fellic, laquelle gardait le presbytère en l'absence des prêtres et faisait, en ce moment, sa provision d'eau au vieux puits situé près de l'entrée. Dès qu'elle aperçut les visiteurs, dès qu'elle entendit, surtout, les motifs de leur démarche, elle entra dans une colère violente, dont les représentantes de son sexe détiennent l'indiscutable monopole et, séance tenante, congédia les deux quémandeurs sous une avalanche de bons mots et un débit d'épithètes, que l'Histoire n'a pas conservés, mais qu'on devine avoir été de la taille de son juste courroux.

« Honteux et confus » .... comme le renard de La Fontaine, les délégués s'en retournèrent à Bubry porter, à leur curé, leurs doléances et, en fait de croix, l'humiliant et pesant fardeau des effusions oratoires de l'éloquente demoiselle.

Le Stunff ne se tint pas pour battu. Pour être assuré de livrer un combat à armes égales, il s'exerça à la fureur, cria, gesticula, tempêta, et, l'entraînement jugé suffisant, décida de se rendre, en personne, à St-Yves, afin de mettre ces « paysans » à la raison et de les obliger, par la force s'il le fallait, à faire droit à ses exigences.

Mais, entre temps, l'alarme avait été donnée et tout un régiment de « paysans », armés de pieux et de fourches, était posté à l'entrée de la sacristie quand arriva celui qu'ils appelaient le « faux-prêtre ». Ni l'air insolent de ce dernier, ni ses ordres, ni ses sommations ne réussirent à vaincre l'entêtement de ces gardiens, décidés à tout pour garantir et conserver leurs trésors. A bout de patience et d'arguments, l'intransigeant curé entreprit alors de rompre, de force, ce barrage humain, mais la bagarre s'ensuivit et il dut, précipitamment, prendre la fuite sous les menaces et les insultes des défenseurs de St-Yves, qui le poursuivirent sur la route de Bubry, jusqu'à Kéleshouarn.

Pendant ce temps, les prêtres de St-Yves étaient retirés, non loin de la bourgade, au village de Kerfosse, où les cultivateurs leur donnaient asile, les aidaient, les protégeaient de leur mieux. C'est dans la ferme de Pierre Le Dilly qu'ils élirent domicile. A l'étage, un appartement vaste et, pour l'époque, confortable, que desservait de l'extérieur un rustique escalier de pierre, fut mis à leur disposition.

Dans cette retraite ils se reposaient, prenaient leurs repas, s'adonnaient à la prière, se retrouvaient, eux et leurs amis, pour élaborer leurs projets et retremper mutuellement leur courage. Ils l'utilisaient encore comme sanctuaire clandestin pour la célébration quotidienne du Saint Sacrifice. Pendant longtemps les murs conservèrent les traces des images pieuses qui y étaient apposées et l'on voit encore au milieu du XXème siècle un vieux banc d'oeuvre à deux places, témoin vénérable des oraisons de ces hardis défenseurs de la Foi.

C'est de cette retraite que, courageux et débrouillard au possible, l'abbé Le Goff sortait pour organiser le culte à St-Yves. Il s'assura le concours de plusieurs confrères, réfractaires et cachés comme lui dans les environs, les prêtres de Bubry, M. Célard, recteur de Quistinic, M. Quéven de Lanvaudan, M. Le Manour de Languidic, et créa un centre religieux pour toute la région. Grâce à lui il ne se passa guère de dimanches et de fêtes, durant les années sanglantes de 93-94, où la messe ne fut célébrée à St-Yves, publiquement, devant des foules immenses.

Il fallait, bien sûr, prendre des précautions, exercer, à chaque heure du jour et de la nuit, une surveillance étroite et user de grande vigilance, car le danger rôdait toujours. La nuit du samedi au dimanche était consacrée aux confessions et, le lendemain, la messe était célébrée de bonne heure, puis, à la fin de l'office, l'assistance se dispersait à la hâte laissant désert le village. Très souvent, des détachements de « bleus » arrivaient à l'improviste, mais c'était toujours trop tard et ils ne pouvaient que constater le silence et la tranquillité. Les habitants étaient rentrés chez eux et les proscrits avaient regagné leur repaire.

Quelques accrochages se produisirent, cependant, comme en ce jour de la Fête de St-Yves, en Mai 93.

Une affluence considérable se pressait autour de la chapelle quand quelques municipaux d'Hennebont se présentèrent maladroitement et faillirent amener un conflit. Mais les railleries et les quolibets, décochés en bonne langue bretonne, répondirent à leurs extravagances et l'affaire n'eût pas d'autres conséquences.

Profitant des assurances que donne l'obscurité, les prêtres se déplaçaient surtout de nuit, pour visiter les malades, soutenir les courages, distribuer les Sacrements. Dans ce premier « maquis », qui était d'autant plus dangereux et méritoire que ses adeptes n'utilisaient aucun moyen de défense, et d'autant plus odieux que ce n'était pas des étrangers, mais des Français comme eux, qui les y pourchassaient, l'Église continuait à assurer sa mission divine, toute de consolation, de paix et d'amour.

Une existence, aussi pleine de risques, ne pouvait, cependant, durer longtemps. Dans la nuit du 9 au 10 Décembre 1793, l'abbé Le Fellic se trouvait, en compagnie de 2 prêtres réfractaires de Bubry, les abbés Videlo, chez Pierre Le Dilly, cultivateur à Kerfosse, quand ils furent vendus par un traître de St-Yves, nommé Louis Guillemot.

A 4 h. du matin, des coups violents ébranlèrent la porte. « La Nation !... Ouvrez au nom de la Loi ». On devine l'émotion qui dut s'emparer de tous à l'intérieur de la ferme. Cependant, la soeur de Dilly ne perdit pas son assurance et ouvrit aux gendarmes qu'elle eut la ruse de retenir un instant sur le seuil, au pied de l'escalier de pierre. De leur cachette, les proscrits, l'oreille toujours au guet, n'eurent aucune illusion sur la gravité du moment et mettant à profit les quelques secondes ménagées par l'astuce de la jeune fermière, l'abbé Louis Videlo, frère du recteur de Bubry, perça la toiture et gagna rapidement la campagne.

On raconte que, voulant en faire autant, Olivier Le Fellic fit une chute malheureuse et se fit au pied une blessure qui devait le perdre. Il put cependant, s'écarter du village, en direction de Bochelin, mais la souffrance l'empêcha bientôt de continuer son chemin, et il dut s'arrêter aux alentours de Bodconan. C'est là qu'il fut rejoint, ligoté, puis conduit en direction de Lorient, en compagnie du recteur Videlo, qui avait été capturé dans la ferme.

En cours de voyage, l'escorte s'arrêta, au sortir du vieux pont d'Hennebont, en St-Caradec, pour prendre quelque réfection dans un hôtel (nommé le Café de la Marine vers 1945). Sans doute les gendarmes relâchèrent-ils un peu la surveillance des prisonniers, car l'abbé Videlo, faussant compagnie à la Nation, réussit à s'échapper et à gagner la hauteur avoisinante.

Monsieur Le Fellic arriva donc seul à Lorient le soir du 10 Décembre. Son emprisonnement ne devait pas se prolonger au-delà de la nuit. Le lendemain, au lever du jour, il comparaissait devant le tribunal, composé de J.-M. Raoul, président, Paul Marie Le Vaillant, Pierre Vincent Gérard, et Grégoire Jean Rousseau, juges. Il y subissait un court interrogatoire, sans témoins, sans défense, qui se termina par sa condamnation à mort.

La sentence devant être exécutée immédiatement, on fit rapidement au condamné sa dernière toilette. Le cortège formé de gendarmes, puis de gardes nationaux, enfin du bourreau, se mit en route vers la place de la Montagne, salué au passage, par des cris de mort et des chants révolutionnaires. La place, que dominait l'échafaud était noir de monde. M. Le Fellic gravit, calme et courageux, les marches de la plate-forme. Pendant que, de la foule, s'élevait le cri de « Vive la République ! », il fut saisi, lié à la planche puis couché sous le couperet qui consomma son sacrifice. Il était 11 heures 1/2 du matin.

L'exécution fut contrôlée par Charles François Lozac'h, Commisssaire national près du Tribunal du district d'Hennebont et par J.-M. Lasalle, huissier au même Tribunal, qui se placèrent au 1er étage de la maison du citoyen Le Chesne.

Le prêtre était vêtu d'une veste brune, d'un gilet blanc, d'une culotte de toile et de guêtres de toile.

Moins d'un an plus tard, le 24 Octobre 1794, alors qu'il revenait d'Inguiniel, où, avec 3 ou 4 amis il était allé s'approvisionner en vivres, l'abbé Le Goff était appréhendé, aux environs de Lanvaudan, par un détachement bleu composé de six hommes et commandé par le sergent Dominique Petitcolas. Ses compagnons, sans hésiter, firent feu sur la troupe qui riposta, et s'enfuirent. Plus malchanceux ou pris de court, l'abbé resta entre les mains des soldats. Il portait une veste blanche, un gilet de laine croisé, des culottes de toile et guêtres modèle campagne et un chapeau demi-castor usé, mais ce déguisement ne le sauva pas. Interrogé, il déclara d'abord se nommer François Jégouzo, prêtre insermenté de Bubry, mais se rétracta aussitôt et déclina sa véritable identité.

Il fut alors conduit dans la maison commune de Lanvaudan, où fut vérifié le sac de toile qu'il portait et qui contenait : une chasuble de satin broché, une étole, un manipule, un voile de calice, une bourse, un porte-hostie, six purificatoires, une nappe d'autel, une serviette, une aube et son cordon, un amict, un goupillon de bois garni de crins, un calice et sa patène d'argent, une feuille de parchemin renfermant des papiers : proclamations, correspondance, etc...

Cette formalité accomplie, le captif fut emmené à Hennebont. Là, il devait subir un premier interrogatoire à la suite duquel des dragons le conduisirent à Lorient, où il comparut, le 27 Octobre, devant le Tribunal criminel.

L'accusateur public Marion, faisant état du tempérament insolite et aventurier de l'accusé, ainsi que de ses relations avec les insurgés, voulut voir en Le Goff surtout un chouan et demandait à le punir comme tel. Mais les juges le condamnèrent à mort uniquement parce que prêtre insermenté et réfractaire.

L'exécution eut lieu le 28 Octobre, sur la place de la Montagne, avec toute la mise en scène dont les sans-culottes de Lorient se plaisaient à entourer ce genre de spectacle.

Quant à Pierre Le Dilly, de Kerfosse, il fut, cette même année, condamné à la déportation à vie, pour avoir donné asile à des prêtres réfractaires.

St-Yves apporta sa part à cette contribution du sang dont la tache, immense, rougit, en ces temps douloureux, les landes de nos campagnes et les places de nos villes. Dans un accès de fureur satanique, on avait pensé terrasser, à tout jamais, l'Église, en la frappant dans ses fondements, en ébranlant sa hiérarchie, en muselant ses bergers, espérance insensée des hommes auxquels l'apôtre St Paul avait, depuis longtemps, répondu.

Le sang est une semence. Sur la tombe des martyrs allait lever une plus riche moisson de chrétiens et, sur les vestiges du passé, se dresser, plus rayonnantes et plus vivantes que jamais, les institutions d'une ère nouvelle.

(Louis le Brazidec).

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