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Le Régiment Royal-Suédois en Bretagne (1788)

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Dans son Histoire de l'infanterie française [Note : PARIS-DUMAINE, 1876, tome V, p. 73], le général Susane a donné l'historique sommaire du régiment étranger Royal-Suédois [Note : DESFEUILLES et LUNDBERG « Royal-Suédois au service de France », BN 8 Lf 207 1.401 ; le passage en Bretagne n'a pas été traité], devenu le 89ème d'infanterie de notre armée, après 1791. Il a siganlé la présence de ce régiment, propriété à l'époque d'Axel de Fersen [Note : André DESFEUILLES, Fersen achète Royal-Suédois. B.N. Lf 5764], à Saint-Brieuc en juillet 1788. Il venait de Valenciennes où il avait pris garnison en mars 1787 [Note : Paul LEFRANCQ : Royal-Suédois et l'opinion publique valenciennoise : l'affaire du « Reviseur » B.N. Lf 57 62], et où il revint en octobre 1788.

Il parut intéressant de savoir pourquoi ce régiment étranger a été envoyé en Bretagne, et de rechercher s'il n'y pas laissé quelques traces.

Costume du régiment Royal-Suédois.

D'abord quelle était la situation politique en Bretagne, et à Rennes, siège permanent de son Parlement, en 1788 ? Elle était profondément troublée. Le Parlement menait contre le pouvoir royal une sourde lutte qui se manifesta à plusieurs reprises par des « remontrances » sévères et osées. Les Etats, composés des représentants des trois ordres (pratiquement des deux seuls ordres privilégiés) à qui incombait le vote et la répartition des impôts de la province, s'étaient faits depuis longtemps les défenseurs des franchises de la Bretagne, encore mal résignée au Contrat d'Union avec la France de 1532. Ils se dressaient, eux aussi, contre l’autorité royale, surtout contre les actes de ses ministres. L'opposition au souverain français y était devenue traditionnelle, sans que les Etats eussent pour autant renoncé à celle qu'ils croyaient devoir mener contre le Parlement.

Le travail souterrain des Sociétés de Pensée portait d'autre part ses fruits, au moins dans une certaine classe sociale.

Sous le ministère Brienne avaient paru, le 8 mai 1788, de malencontreux édits qui, instituant les Grands Bailliages. entraînaient en fait la disparition des justices seigneuriales et surtout enlevaient aux Parlements la majeure partie de leurs attributions.

Cette mesure fut la cause immédiate des troubles qui allaient éclater à Rennes en 1788 et y marquer, au dire de Michelet, les prodromes de la Révolution française. L'intendant de la Province, Bertrand de Mollevine, l'avait dit avant lui : il en parlait savamment, ayant gagné, à faire son métier, une impopularité qui mît dès lors ses jours en danger.

La noblesse bretonne ne se fit pas faute de protester violemment contre les décisions royales, contraires, affirmait-elle, aux stipulations de l'Acte d'Union qui s'était interdit à l'avance la création de toute juridicion nouvelle.

Quant au Parlement il se refusa purement et simplement à enregistrer les fameux édits qui, en somme, le dégradaient. Une décision royale prescrivit qu’ils le seraient de force par les soins du commandant en chef de la province de Bretagne, le lieutenant général comte de Thiard [Note : Un passeport délivré par Thiard le 21 septembre 1789 nous donne exactement ses titres et ses fonctions : Henri Charles de Thiard de Bissy, comte de Thiard, Lieutenant Général des armées du Roi, chevalier de ses ordres, Gouverneur des ville et château de Brest, et des (sic) îles d'Ouessant, premier écuyer de Mgr le duc d'Orléans, commandant en chef dans la province de Bretagne] et de l'intendant Bertrand de Molleville.

Lorsque les deux fonctionnaires royaux, escortés des grenadiers du régiment de Rohan-Montbazon, voulurent le 10 mai faire exécuter par le Parlement l'enregistrement forcé des édits Lamoignon-Brienne, la tempête attendue éclata. Thiard et Molleville failirent être écharpés par les « étudiants patriotes » conduits par leur prévôt Moreau (le futur général, vainqueur d'Hohenlinden) et furent blessés par des pierres. Une collision sanglante entre les manifestants et la troupe, qui d'ailleurs, ne semblait pas tout à fait sûre, ne fut évitée que de justesse.

Thiard, responsable de l'ordre, demanda l'envoi de trois régiments [Note : Archives d’I.-et.-V. 3840 p. 1320. Rennes 30 mai 1788. Lettre de M. le Comte de Thiard à la commission intermédiaire : « La fermentation qui règne dans cette ville et les malheurs qu'elle peut entraîner et que je veux éviter m'ont engagé à y faire marcher des forces suffisantes pour en imposer à une jeunesse inconsidérée. En conséquence, j'ai l'honneur de vous informer que le régiment de Penthièvre (300 hommes), celui de Forest (sic), et 300 dragons du régiment d'Orléans seront rendus à Rennes demain dans la journée ou après-demain au plutart (sic). Vous voudrez bien donner vos ordres pour l'établissement de ces troupes »] de renfort. Le Palais de justice fut occupé par la troupe, les séances du Parlement suspendues. Le 2 juin la Cour se réunit néanmoins à l'hôtel Cuillé pour protester contre les

lettres de cachet qui avait dispersé ses membres et déclare « nulle et illégale » la transcription des édits opérés par la force et se réclame de la volonté nationale !

L'annonce de l'arrivée des régiments du Forez et de Penthièvre (les renforts demandés par Thiard) porta à son comble l'émotion des Rennais. Au surplus le ver était déjà dans le fruit : plusieurs officiers démissionnent plutôt que d'intervenir contre le peuple ; chefs et soldats fraternisent avec les émeutiers et la troupe se retire, la crosse en l’air. Le colonel d'Hervilly, commandant le régiment de Rohan, manque d'être assassiné.

Finalement, bien entendu, force resta à la loi, c'est-à-dire à l'autorité royale. Les lettres de cachet furent exécutées et le Parlement dispersé. Mais Bertrand de Molleville fut pendu.... en effigie devant la porte de son hôtel.

Les esprits ne s'en trouvèrent pas calmés, d'autant que les « vacances » du Parlement laissaient l'administration de la justice en sommeil.

Si Royal-Suédois n'est pas cité par la chronique locale avec Forez et Penthièvre, parmi les régiments envoyés par le Roi à la requête de Thiard, nous savons cependant d'après les « Délibrations de la commission intermédiaire des Etats de Bretagne » [Note : Archives d'Ille-et-Villaine C. 3840 et 3846 de 1788. Nous remercions M. H. F. BUFFET, archiviste en chef, de ses obligeantes recherches] qu'il était arrivé en Bretagne, venant de Valenciennes, en juin 1788. Il était à Vitré !e 28 juin, et quittait Saint-Brieuc pour rejoindre sa garnison le 20 septembre.

L'état-major du régiment était le suivant :

Colonel propriétaire : Comte Axel de Fersen.

Colonel commandant : Steding ; Lt-Cl. B. de Furstenwarther ; Major : baron de Kalb ; Qu. Me Tres. Zimmerman.

Capitaines : baron de Sparre ; de Brusselles : de Skiöldarm. d'Armfeldt ; de Polh ; de Cöhler ; baron de Wigand ; de Termes ; d'Aminoss ; de Reubel ; de Schöumetzel ; de Valois ; Brice de Montigny ; de Sommervogel ; de Golbery ; de Galenberg ; Ch. De Vitry ; de Mussel ; bar. de Schultz l'aîné ; de Gedda ; de Rosenheim.

Lieutenants: Jahu ; d’Ervillé ; baron de Halm de Wolkringer ; de Barbier ; bar. de Schultz cadet ; Paris de Bollardière ; Rouffot de Leyva ; baron de Noldé ; de Streicher ; de Ploman ; de Perbal ; cte de Stralenheim ; de Baer ; S. Amand ; de Pourcheresse ; de Waldman chasseurs ; de Ceterströme ; de Herman.

Sous-Lieutenants : Dafer ; d'Armfeldt ; Brungard ; Ch. De Saintignon ; de Tornerhielm ; baron de Wrede ; de Stierneroos ; de Stiervall ; de Gageren ; de Reustersverd ; de Reusterskiold ; vte de Lancy ; Caillou de Valmont ; bar. de Furstenwarther ; d'Annoncelles ; Mousseler ; Koeler de Blanberg ; de Henricourt, de Shoenström ; la Forêt et Sanders, porte-drapeaux.

Il est très vaisemblable qu'Axel de Fersen, trop occupé à Versailles, ne se rendit pas en Bretagne arec son régiment: Ses célèbres Carnets qui auraient pu nous renseigner sur ce point ont été malheureusement brûlés [Note : KLINCKOWSTRON : Le Comte de Fersen et la Cour de France, Paris 1877] pour les années 1780-1791, par leur dépositaire à Paris le baron de Frantz, au moment de la mort de Louis XVI.

D'ailleurs, nous rappelle le colonel de Kerangat, les colonels propriétaires n'étaient tenus qu'à de rares inspections ou revues et l'on cite comme un événement rarissime le prince de Lambesc faisant des étapes avec son régiment. Il est vrai qu'il était suivi de toute sa livrée, de sa chambre, de sa cuisine et de son équipage de chasse.

Néanmoins, Fersen inspectait et faisait souvent manœuvrer son régiment dont il était très fier. Dans son Carnet (Dagböcker 1800-1808.), conservé en Suède au château de Stafsund, et entièrement rédigé en français, il écrit, folio 10063, le 31 mai 1804 : … « le second Régt. des Gardes passa en revue devant le duc Charles ; il était ni beau ni bien tenu, quelle différence avec nos régiments en France ; je pensois en voyant celui-ci au plaisir que j'avois eu à montrer le régiment Royal-Suédois et combien on en avait été étonné... ».

Ajoutons que depuis longtemps déjà, seuls les officiers du Régiment étaient Suédois, Baltes ou Allemands, et que la troupe était principalement recrutée en Alsace, Lorraine, Deux-Ponts et Sarre.

En juillet 1788 arrive en Bretagne un deuxième échelon de renforts : quatre régiments d'infanterie (Orléans, Artois, Lorraine, Isle de France) et deux de dragons, en tout près de 8.000 hommes [Note : Les effectifs dont la mise en route avait été prévue se montaient (C. 3840 p. 1444) à 15 bataillons et 9 escadrons : Poitou, Rouergue, Bouillon allemand, Bassigny, Chasseurs bretons, Vigier suisse, Chateauroux suisse. Conty dragons, Chartres dragons, et Colonel général dragons créé en 1668. devenu en 1791, le célébre 5ème dragons de notre armée] sons le commandement du maréchal de Choiseul-Stainviile.

Le 3 juin 1788 M. de Brienne avait écrit à la Commission intermédiaire (Arch. I. et V. C. 3840, p. 1466, 47) : « Il convient que vous preniez les arrangements nécessaires afin de pourvoir, soit au pasage, soit au séjour des troupes qui vont être envoyées en Bretagne à cet effet : les dites troupes devant, avant d'être absolument réunies pour leur campement, occuper différents cantonnements qui vous seront indiqués par le commandant de la province ou l'officier général qui le suppléera ».

La Commission répondit à M. le comte de Thiard :

« Nous donnons les ordres nécessaires pour que l'étape soit fournie à ces régiments pendant leurs marches : quant à ce qui concerne leur emplacement, nous vous prions, Monsieur, de bien vouloir nous instruire de la durée de leur établissement qui paraît ne devoir être que momentané.

Les dispositions relatives aux camps sont étrangères à notre administration : elles doivent, Monsieur, être ordonnées aux frais du Roi.

Nous avons au surplus l'honneur de vous observer que si le Régiment de Rohan qui occupe actuellement Rennes y restait, il y aurait la plus grande difficulté à recevoir en outre, le régiment de Rouergue et à la Cazerner (sic).

Il en est de même de la ville de Lamballe. C'est un passage ordinaire on ne peut y cazerner qu'un bataillon et il serait à désirer que l'un des bataillons du régiment Royal-Suédois, destiné pour cette ville, fût placé à Guingamp. Nous persistons dans la demande que nous avons eu l'honneur de vous faire, d'ordonner aux troupes étrangères à la garnison de Rennes de retourner dans leurs quartiers respectifs ».

Royal-Suédois, arrivé à Vitré le 28 juin 1788, était le 4 juillet à Saint-Brieuc ce qui ne constitue pas une étape bien importante ni bien rapide, pour des fantassins du XVIIIème siècle, beaucoup moins chargés que ceux de 1870, 1914 ou 1939, précédé de son étapier chargé de répartir les officiers et les hommes chez les habitants où ils avaient droit au feu et à la chandelle, ou bien dans les bâtiments publics, à l'exception des églises et couvents.

L'étapier fournissait les vivres et le fourrage et éventuellement les charrettes d'allègement. C'était pour une paroisse un privilège insigne d'être exemptée du logement des gens de guerre car les déplacements étaient fréquents et les régiments valsaient d'un bout de la France à l'autre.

La situation devenant critique, le comte de Thiard décida de mettre en route Royal-Suédois de Saint-Brieuc sur Rennes, mais écrivit à la Commission :

« je me suis déterminé à suspendre provisoirement la marche du régiment Royal-Suède et d'un bataillon du régiment de Bouillon, et vous prie de donner des ordres pour que l'étape leur soit fournie, savoir au régiment de Royal-Suède à Montauban, pour le 13 et le 14 juillet... » (C. 3841, p. 1600).

Montauban-de-Bretagne est à huit lieues environ de Rennes. Le péril d'avoir à loger encore de la troupe se précisant, la Commission n’hésite pas à protester :

« Nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous faites l'honneur de nous informer des ordres que vous donnez au régiment Royal Suédois et au bataillon du régiment de Bouillon, qui étaient en marche pour se rendre à Rennes, nous mandons à nos adjudicataires de fournir à ces deux corps l'étape des 13 et 14 de ce mois, conformément à ce que vous nous avez fait l'honneur de nous marquer à ce sujet ».

« Nous vous sommes très obligés, Monsieur, d'avoir eu égard à nos représentations. Vous connaissez l'état d'épuisement où se trouve la ville de Rennes ; nous espérons que vous voudrez bien (ainsi que vous nous l'avez annoncé) ordonner à l'autre bataillon du régiment de Bouillon qui doit arriver ici, de retourner dans sa garnison aussitôt qu'il sera défatigué et nous avons l'honneur de vous renouveler nos instances pour la prompte sortie des autres troupes dont la présence inutile du service du roi, est infiniment onéreux aux habitants de Rennes... ».

Elle insiste même :

« D'après la conférence que nous avons eue avec vous le 11 de ce mois, vous nous avez fait l'honneur de nous demander que l'étape fut fournie les 13 et 14 au régiment de Royal-Suédois et à l'un des bataillons du régiment de Bouillon, qui avaient ordre de se rendre à Rennes, et que vous vous étiez porté il arrêter dans leur marche. Nous n'avons pas douté, Monsieur, que ces deux corps rétrogradassent pour rentrer dans leurs garnisons respectives, et nous avons été persuadés que la double fourniture d'étape n'avait pour objet que de leur laisser à cet effet, un jour de repos. Il nous a été assuré, qu’ils sont restés néanmoins à Broons, Montauban et Montfort, au grand préjudice des habitants. Nous vous prions, Monsieur, de ne pas différer et ordonner leur retour à Saint-Brieuc et Guingamp… ».

Mais le comte de Thiard le 25 juillet (C. 3841, p.. 1624) refuse :

« J'ai eu l'honneur de vous mander par ma lettre du 2 que je suspendais provisoirement la marche des trois bataillons allemands, que je faisais venir à Rennes. Les mêmes raisons qui m'ont déterminé à prendre ce parti subsistent, et je ne puis rien changer à ces dispositions jusqu'à ce que j'aye reçu la réponse de la Cour, à laquelle, j'ai écrit sur cet objet.. ».

La marche de Royal-Suédois vers « le camp près de Rennes » se poursuivit et ses deux bataillons y cantonnèrent jusqu'au début de septembre. Quant aux autres régiments, pour éviter des contacts dangereux avec les populations, le maréchal de Choiseul tes avait fait camper sur le champ de Montmorin (plus tard Champ de Mars), la Commission intermédiaire des États ayant d'ailleurs refusé antérieurement les crédits nécessaires au logement chez l'habitant.

Royal-Suédois était en 1788, sous le commandant effectif, depuis le 24 mars 1784, du colonel-commandant de Curt, baron de Steding [Note : Etat conservé au Service Historique de l'Armée à Vincennes, Nous remercions M. Cambier de son obligeante communication : baron de Curt, Bangislas, Louis de Steding, né en Poméranie le 7 décembre 1747 ; sous-lieutenant dans le régiment Royal-Suédois, le 7 septembre 1766 ; rang de capitaine du 16 avril 1771 ; avec 600 frs d'appointements par an autorisé par ordre du 5 mai 1772 à faire le service d'ayde Major surnuméraire 600 frs d'augmentation du 26 janvier 1773 à ses appointements de pareille somme ; commission de colonel d'infanterie du 21 mars 1779 et permission d'aller servir en cette qualité en Amérique ; L'ordre porte qu'il sera payé de ses appointements en passant présent aux revues ; augmentation de 800 L. du 20 janvier 1780 pour porter son traitement à 2.000 L. ; Colonel en second du régiment d'infanterie d'Alsace le 15 avril 1780 ; Mestre de camp, Lieutenant commandant du régiment Royal-Suédois le 24 mars 1784]. Plein de zèle pour le service du roy, disent ses états de service, sert avec la plus grande volonté d'être employé pour faire la guerre. Très bon officier, instruit, il recevra le 11 octobre 1785 une pension du roy de 3.800 L. Le brevet « délivré par Capet à Bogilas Steving (sic) sous bordereau d'envoi du receveur des domaines chargé des biens des émigrés », se trouve encore aux Archives Nationales à la cote T. 1105.

Dans l'ouvrage de Geffroy, sur « Gustave III et la Cour de France » (Tome I, p. 344) nous lisons :

... « Le Comte de Steding (k) a montré, dans !es rangs de nos armées, dans les salons de Versailles, puis en Suède et même contre les ennemis de son pays un noble caractère. Né dans la Poméranie suédoise en 1746, la même armée que Gustave III, et petit-fils par sa mère du célèbre feld-maréchal prussien comte Schewerin tué devant Prague, Curt de Steding (k) est mort seulement en 1837, plus que nonagénaire. Le service lui offrant en Suède peu de ressources pour l'avancement, il obtint un grade en France dans le Royal-Suédois, en 1766. De sous-lieutenant devenu en quatre ans capitaine, il se trouvait en garnison à Strasbourg quand Gustave III fit sa révolution le 19 août 1772 : cette révolution était chose si bien prévue, en Europe que le baron de Trenck, dans son journal de Trèves, en publia la nouvelle dès les premiers jours du mois d'août. Aussi l'adresse de félicitations partie de Strasbourg avec les signatures de Steding (k) et de ses camarades parvint-elle à Stockholm par un singulier à-propos, quelques minutes seulement après le fait accompli.

Steding avait connu Louis XV et il rappelait parfois l'étonnement que lui avait causé le scandale d'une grande revue, près de Versailles, dans laquelle le vieux roi à cheval fit défiler les troupes devant la calèche de Mme Dubarry ».

Le baron de Steding sera de 1790 à 1811, ambassadeur de Suède à Saint-Pétersbourg. Il a laisé d'importants recueils de Mémoires.

Le 3 septembre 1788 le comte de Thiard faisait connaître par lettre [Note : Communauté de ville de Saint-Brieuc, série E supplément. Nous remercions M. Merlet, archiviste des Côtes-du-Nord, de nous l'avoir signalée. Merci également de ses peines à M. P. Lorguilloux, secrétaire général de la ville de Saint-Brieuc] aux officiers municipaux de Saint-Brieuc « que son intention a toujours été de renvoyer dans cette ville le régiment de Royal-Suédois lorsque les circonstances le permettraient ».

Et de fait, deux bataillons de Royal-Suédois sont indiqués comme partant le 17 septembre du camp près de Rennes, et l'on estime qu'ils arriveront le 20 à Saint-Brieuc.

Une lettre du 26 août 1788 (C. 3841, p. 1774) du comte de Brienne au Comte de Thiard, précise des points importants pour l'histoire des régiments étrangers ; je remercie vivement M. Le Bour'his de me l'avoir communiquée :

« ... Quant au régiment du Royal-Suédois, il n'en est pas de même, et ce régiment étant nomément énoncé dans ces nouvelles capitulations, Sa Majesté a jugé qu'il devait jouir des privilèges qui y sont rappelés ; et quoique celuy de l'exemption des droits sur les boissons, n'y sont pas désignés d'une façon particulière, et que le règlement du 4 août 1716 n'ait été que pour les régiments suisses, Sa Majesté a bien voulu sans néanmoins tirer à conséquence, et jusqu'à ce qu'elle ait jugé à propos d'en ordonner autrement, se conformer à l'usage qui a été suivi jusqu'à présent en faveur des régiments étrangers qui ont obtenu des capitulations et les faire jouir de l'exemption accordée aux régiments suisses ; mais en même temps, ne voulant pas que ce privilège puisse porter atteinte aux droits de la province de Bretagne, ni contrarier le bail des devoirs de cette province, elle a décidé que le régiment de Royal-Suédois, serait tenu de se conformer pour l'achat, la garde et la distribution des vins nécessaires à leur consommation, dans la proportion fixée par le règlement du 4 août 1716, à ce qui est prescrit dans l'art. 1 de ce bail ; et pour indemniser ce corps du droit de 12 fr. par barrique qu'il doit payer en sus du prix de l’acquisition suivant cet article 1, Elle a bien voulu se charger elle-même d'acquitter le montant de ce droit, d'après l'état qui en aura été fait et arrêté de concert entre les députés ou commissaires des Etats de Bretagne et les officiers supérieurs de ce corps... ».

La Commission approuva (C. 3841, p. 1648) l'adjudication du bois, de la lumière, du vin pour fourniture au corps de garde du Royal-Suédois à Saint-Brieuc, jusqu'à son départ de la province vers Ernée, le 15 octobre. Un autre détachement quitta Montfort-sur-Meu te 18 pour rejoindre le corps à Fougères le 20 octobre.

Le 29 décembre s'ouvrit, dans une atmosphère d'orage, la session des Etats de Bretagne, primitivement fixée au 27 octobre, qui devait être la dernière de leur vie. Les dissentiments d'ordre à ordre — la lutte des classes — éclatèrent tout aussitôt, et le roi du suspendre les Etats le 3 janvier 1789. Le 26, violente manifestation qui se donne pour prétexte le maintien de la « constitution bretonne ». Le jour suivant, une contre-émeute fomentée par les jeunes gens de Rennes, fait quatre morts et une trentaine de blessés parmi les tenants de la noblesse. C'est à propos de ces événements que Chateaubriand devait plus tard écrire dans les Mémoires d'outre-tombe : « Lecteur je t'arrête, regarde couler la première goutte de sang que la Révolution devait répandre ».

De fait celle-ci était commencée.

(Comte Y. de Boisboissel).

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