Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

L'OCCUPATION ET LES FOURNITURES AUX PRUSSIENS EN BRETAGNE EN 1815

  Retour page d'accueil        Retour page "Occupation prussienne en Bretagne"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

L'OCCUPATION ET LA QUESTION DES FOURNITURES DANS L'ARRONDISSEMENT DE SAINT-MALO.

 

Les difficultés soulevées par la question des fournitures avant l'arrivée des Prussiens devaient durer pendant toute la période d'occupation et se prolonger bien au delà.

Au sujet du tabac, élément notable des rations à livrer, la commission départementale des subsistances décida qu'il serait requis dans les magasins de l'État [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine Z 350 ; 6 septembre 1815. Le préfet au sous-préfet de Saint-Malo]. Le contrôleur principal des contributions indirectes dans l'arrondissement de Saint-Malo refusa d'abord livraison, faisant « observer à M. le Sous-Préfet qu'une circulaire de M. le directeur [des contributions] Judicelly, en date du 4 septembre, n° 154, porte que la présence des troupes alliées ne doit rien changer à l'ordre établi conformément à l'annonce faite par une circulaire administrative du 26 août » [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350 ; 2ème note du contrôleur à la suite d'une lettre à lui adressée le 8 septembre par M. du Petit-Thouars].

Le maire de Dol, qui n'avait pas le temps, sans doute, d'admirer l'intelligent à-propos de ces mesures administratives, répondit au sous-préfet : Votre lettre d'hier soir m'a péniblement impressionné, m'annonçant le refus de l'entreposeur. Nos trois buralistes n'accusent en tout que 27 kilog. de tabac ; mettons qu'en réalité ils en aient une centaine ; il nous en faut dès à présent 200 ; « d'autant mieux qu'on élève la colonne [de Prussiens] qui va nous passer [sic] à 10,000 hommes ».

« Nous voilà donc, par l'entêtement de M. l'entreposeur, exposés à essuyer des vexations terribles, car on dit qu'ils fument tous et que mieux vaudrait leur retrancher le pain que le tabac ; et par surcroît de malheur ils peuvent nous tomber sur le corps au premier moment, puisque deux escadrons de cavalerie, forts de 400 hommes, sont arrivés hier l'après-midi [8 septembre] à Antrain ».

Que devenir, « si l'homme du gouvernement refuse de faire une semblable fourniture sur un bon de l'autorité qui lui assure le payement dans un mois ? » J'espère « que vous le déterminerez à suivre l'exemple de celui de Fougères... » et qu'il nous délivrera du tabac. « Recourir à la fraude » pour éviter des vexations de la part des Prussiens, « vous sentez combien cela doit répugner à des personnes qui sont chargées de la réprimer ; » aussi voudrais-je tout faire pour éviter d'en venir là [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine Z 350].

Le 10, M. du Petit-Thouars revient à la charge auprès de l'entreposeur des tabacs, qui, ayant peut-être reçu de nouveaux ordres de Judicelly, consent aux réquisitions. Il y avait urgence, vraiment, puisque, du 10 au 26, l'arrondissement de Saint-Malo dut fournir, au moyen de sept réquisitions successives, 1,150 kilog. de tabac aux troupes prussiennes [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350 ; préfet à du Petit-Thouars, 22 décembre 1817; entreposeur-receveur central de la régie à Saint-Malo au sous-préfet, 26 décembre 1816 ; état signé du même entreposeur, Daguenet, et non daté].

Mais on n'en avait pas fini avec les difficultés de fournitures. Le 12 septembre, le maire de Combourg écrit en hâte au sous-préfet que les entrepreneurs ont envoyé la veille à Rennes pour avoir de l'eau-de-vie, qu'on n'a pas voulu leur en délivrer [M. de la Villebrune s'y était opposé, craignant d'en manquer sur la place], qu'ils envoient à l'instant une charrette à Saint-Malo et qu'il faut absolument la renvoyer chargée du schnaps cher aux militaires Prussiens [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350].

Le lendemain, comme on manquait d'argent, n'ayant pas encore réuni de fonds pour les achats, le receveur des contributions de l'arrondissement, Auguste Danycan, avance 4,000 fr. au nommé Cauvin, marchand boucher, chargé d'achats de bestiaux [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350. Reçu de Cauvin. « J'ai reçu de M. Aug. Danycan... 4,000 fr... à la décharge de la réquisition dont est frappé l'arrondissement de Saint-Malo, suivant la lettre de M. le Préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 13 courant »].

Le 14, le sous-préfet écrit à Wrangel : « ... Lorsque, M. le général, vous aurez bien voulu me faire connaître vos postes de correspondance pour le service des lettres, je ferai tenir à ces postes des commissionnaires sûrs, qui feront suivre le transport de vos lettres dans cet arrondissement » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Mais il semble que les exigences des Prussiens croissent en raison directe de la bonne volonté des autorités du pays ; témoin, par exemple, cette lettre du maire de Dol à M. du Petit-Thouars :

« M. le commandant de place des troupes prussiennes à Dol me requiert de mettre de suite à la disposition de M. le chirurgien-major, un hôpital pour 60 hommes, pourvu des lits, ustensiles et médicaments nécessaires ». Le chirurgien-major ne veut pas du nôtre, à cause de quelques fièvres scarlatines. « Il entend que son hôpital soit placé en bon air au dehors de la ville ». Mais comment nous procurer, dans une petite ville comme Dol, le local nécessaire et surtout comment l'approvisionner ? J'ai vainement proposé à ces Messieurs de leur faire faire de la place dans notre hôpital de sorte que leurs malades et les nôtres seraient dans deux parties distinctes du bâtiment, avec entrées distinctes aussi, en leur offrant de faire soigner leurs malades par nos sœurs hospitalières. « Leurs malades ne sont attaqués que de maladies d'yeux et de pieds ; on pourrait continuer à les soigner chez l'habitant ». Et tout au plus pourrions-nous distraire de notre hôpital une vingtaine de lits [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

La sous-préfecture ne pouvait gère venir en aide à la mairie de Dol. On manquait toujours d'argent à Saint-Malo, même pour les besoins les plus urgents. Le 19, il fallait faire une nouvelle avance à Cauvin : « Les membres du comité de subsistances de l'arrondissement de Saint-Malo invitent par la présente M. Blaize, négociant de cette ville, a vouloir bien compter 4,000 fr. au sieur Aug. Cauvin, marchand boucher... laquelle somme doit être employée à l'achat de vaches mises en réquisition par le comité... du département… et sera payée à M. Blaize sur les fonds imposés ad hoc sur cet arrondissement. Le comité... de Saint-Malo entendant garantir solidairement... le remboursement... et assurer en outre M. Blaize de toute sa reconnaissance de ce qu'il veut bien, dans ces temps difficiles, aider l'administration et les habitants… [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine Z 350].
Signé : du Petit-Thouars, Aug, Danycan, Dupuy-Fromy, Moras et Cor
.

Recourir indéfiniment à des expédients de ce genre était impraticable. Aussi, dès le lendemain, le conseil municipal se réunit pour délibérer à ce sujet.

Présents MM. : le maire [Note : De Bizien fils], président; Dupuy-Fromy aîné et Blaize, adjoints ; Cor fils, secrétaire ; Collin de Boishamon Henry ; Dubois ; J.-B. Pierrès Villalard ; Bassinot ; Danycan fils ; Egault ; Fontan jeune, père ; Fromentin ; Godfroy ; Gault ; Houitte ; Le Breton de Blessin (Allain) ; Lecerf ; Surcouf (Robert) ; Magon-Vieuville ; Lebihan de Pemelle ; Dupuy-Fromy (Pierre) ; Lanterre père ; et Larsonneur père.

« … L'objet unique de la convocation était de délibérer sur les moyens à prendre pour procurer instantanément les fonds nécessaires aux besoins des troupes prussiennes... dans cet arrondissement, les fournisseurs menaçant d'abandonner tout service si on ne les met pas en mesure, soit en leur comptant de jour à autre les sommes nécessaires aux débours considérables qu'ils sont obligés de faire, soit en leur donnant des moyens de s'en procurer à titre d'emprunt, la rentrée des centimes additioneles destinés à faire face à ces dépenses ne pouvant être assez prompte pour pourvoir à l'urgence des circonstances.

Sur quoi le conseil... autorise… les fournisseurs ayant traité avec le comité de subsistances de cet arrondissement à emprunter jusqu'à concurrence de 60,000 fr. et seulement au fur et à mesure des besoins, — pour l'emprunt de laquelle somme les maire, adjoints et membres du conseil municipal se portent, au nom de la ville, personnellement et solidairement cautions de remboursement... Le terme régulier desquels emprunts ne pourra excéder neuf mois... » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 348].

Des faits de cette nature prouvent combien l'argent était rare, tant les guerres et les tueries de Napoléon avaient appauvri la France, et surtout à quel point les capitaux se cachaient, pour ainsi dire, tant les secousses politiques de 1814 et de 1815 et l'explosion des haines intestines inspiraient d'appréhensions.

Néanmoins, les diverses mesures prises par les autorités de notre département, avec des tâtonnements et des lenteurs généralement excusables, valurent au sous-préfet de Saint-Malo une lettre du général de Wrangel dans laquelle nous relèverons ce témoignage : « … J'espère que j'aurai encore l'honneur de vous voir à mon passage à Dol… , pour jouir de la satisfaction de vous témoigner toute ma reconnaissance…, surtout à l'égard de l'ordre qui règne dans l'administration des magasins pour nourrir mes troupes… » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

La « reconnaissance » de Wrangel n'allait pas jusqu'à rendre l'occupation moins coûteuse et moins pénible la tâche des autorités.

La lettre écrite le 16 septembre par le maire de Dol au sous-préfet se terminait ainsi « J'ai entendu dire que M. le Commandant de place entendait qu'il lui fût payé 16 fr. par jour pour sa table et ses frais de bureau..... » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Le 26, M. du Petit-Thouars, en attendant la réponse de Wrangel, croyait pouvoir rassurer les maires de Dol et de Combourg : « ... Toutes les ordonnances de M. le général Tauentzien et Wrangel [sic] n'ont parlé que de la nourriture de MM. les officiers et des troupes, mais n'ont rien dit des rétributions en argent » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Mais le jour suivant arrivait une lettre de Wrangel, portant que « la somme de 16 fr. par jour que MM. les Commandants de Dol et de Combourg ont demandé aux maires... est une gratification qui doit leur être payée de ces derniers pour les indemniser des frais de bureau et de l'ouvrage que leur poste leur a coûté… » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

On voit que MM. les officiers supérieurs de l'armée prussienne n'ont jamais négligé les petits profits personnels. Il faut convenir, toutefois, que ceux du 6ème corps étaient bien plus raisonnables (!) que leurs collègues cantonnés dans le centre :

Le général Steinaecker, commandant prussien d'Orléans, « avait demandé que le conseil municipal lui votât une épée d'honneur ; l'épée fut votée et offerte à ce général le jour de son départ ; mais il la refusa, en exigeant à la place, un rouleau de napoléons en or et un menu cadeau de 124 francs en argent » [Note : De Vaulabelle, ouvr. cité, III, 385].

Le secrétaire particulier de Blücher fut encore mieux partagé : La ville d'Orléans ayant été frappée d'une contribution de guerre de 600,000 fr., une députation de trois personnes part pour Paris dans le but de réclamer une réduction au feld-maréchal Blücher, généralissime de l'armée prussienne, prince de Wahlstadt et docteur en droit de l'université d'Oxford [Note : Reçu avec enthousiasme par les Anglais, après la campagne de 1814, Blücher avait reçu ce grade honoraire]. Ils le trouvent « à moitié ivre, et fumant, accroupi sur le tapis de sa chambre à coucher. Ils lui exposent leur demande, Blücher s'emporte, leur adresse des injures, puis finit par consentir à une diminution de 150,000 fr., mais à la condition d'un cadeau de 40 ,000 fr. pour son secrétaire particulier » [Note : De Vaulabelle, ubi supra].

(Léon Vignols).

© Copyright - Tous droits réservés.