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LE REGLEMENT DES FOURNITURES AUX PRUSSIENS EN BRETAGNE EN 1815

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Sur la question du règlement des fournitures, les renseignements abondent, et semblent témoigner, de la part de l'administration, d'une certaine bonne volonté relative, entravée par le désarroi général et par la détresse des caisses publiques.

Les « fournisseurs » mêmes, dont les comptes étaient bien en règle, durent attendre assez longtemps le payement. C'est ainsi que Salmon réclama plusieurs fois ce qu'on lui devait. Le 23 décembre 1815 il écrivait à M. du Petit-Thouars : « Lorsque je m'engageai envers le comité des subsistances présidé par vous..., vous me donnâtes presque la certitude d'un prompt payement, quoiqu'il fût stipulé dans le marché que je ne serais payé que deux mois après chaque fourniture.

En me faisant sévèrement l'application du délai fixé par mon marché, j'aurais dû être entièrement soldé dès le 25 novembre dernier. Néanmoins je n'ai encore rien touché. Une avance aussi considérable me cause un très grand préjudice, entrave le cours de mes affaires commerciales et me met dans l'impossibilité d'acquitter les obligations que j'ai contractées... » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Malgré son insistance, Salmon ne put être payé que par acomptes, et le solde de ce qu'on lui devait lui fut versé seulement le 3 mars 1816 [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350. Salmon au sous-préfet, fin mars 1816].

Le règlement des fournitures « irrégulières » et des indemnités pour dégâts subis souleva de bien autres difficultés. Les autorités préfectorales avaient bien prévenu leurs administrés de ne présenter que des bordereaux en règle. « Ayez bien soin » disait le sous-préfet de Saint-Malo au maire de Dol, le 23 septembre 1815, « de faire régulariser par M. de Trebra, pendant qu'il sera chez vous, ou par tel autre officier supérieur, tous les bons de fournitures qui pourraient présenter quelque irrégularité... Je vous engage aussi à faire connaître à MM. les Maires de vos environs, quoique je le fasse de mon côté, de rassembler et faire régulariser les bons ainsi qu'il est dit plus haut, pour les fournitures qu'ils ont faites aux troupes qui sont entrées dans cet arrondissement les 10, 11 et 12 du courant sans qu'on en fût officiellement prévenu... » [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350].

Le même sous-préfet écrivait, le 7 octobre de la même année, aux maires de Dol, Trans, Pleine-Fougères, Saint-Pierre :

« Je viens de nouveau vous engager à me remettre, sans délai et avant le 12 de ce mois, votre état, accompagné de réquisitoires et pièces à l'appui, des fournitures que vous avez faites aux troupes prussiennes... — Vous devez diviser voire travail en deux parties : La première comprendra toutes les fournitures qui ont été faites sur bons en règle à la troupe... — Quant aux dépenses faites irrégulièrement, c'est-à-dire par ordre [des Prussiens], il faut en faire un état séparé, de même que les dépenses de la table des officiers. Vous joindrez à cet état les différents ordres par écrit que vous avez reçus et vous suppléerez aux autres qui manquent, par une déclaration signée de vous, Monsieur, et de MM. vos adjoints.

Tous mémoires de fournitures et le prix doivent être ainsi fournis et de manière que les parties intéressées gardent des doubles visés par vous.

J'attends ce travail très promptement, devant le soumettre au comité des subsistances de Saint-Malo puis l'envoyer à M. le préfet ou au comité général de Rennes au plus tard le 12 octobre » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 349].

Quelques mois après, le 2 avril 1816, un placard imprimé du préfet, du 2 avril 1816, « vu l'avis de la commission départementale de liquidation en date de ce jour, — Invite les personnes qui, malgré les instances réitérées de l'administration, auraient omis de remettre à MM. les maires, les réquisitoires, bons, mandats ou récépissés constatant les fournitures faites aux troupes prussiennes, à déposer les pièces originales avant le 20 du présent mois d'avril, à la mairie du lieu où les fournitures ont été effectuées. M. les maires régulariseront » ces pièces, qui devront être remises au plus tard le 24 avril à M. le sous-préfet de leur arrondissement. Passé ce délai aucune réclamation ne sera admise [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

En octobre 1815, on éconduit un aubergiste de Dol qui présentait le certificat suivant :

« L'officier commandant soussigné, certifie que l'aubergiste François Fafin a logé, du 13 jusqu'au 29 de ce mois inclus, 22 chevaux, et a aussi fourni la chandelle pour éclairer l'écurie...
Dol, ce 29 septembre 1815.
J. von Wittenau, lieutenant et commandant de la batterie n° 22 »
.

A ce certificat est jointe une note de refus : « On ne peut accorder aucuns fonds, pour le logement des chevaux, fussent-ils même à l'auberge. C'est une charge locale et d'habitation » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Mais, en admettant la légitimité de cette fin de non-recevoir, bien d'autres fournitures personnelles, non régularisées au moyen de reçus, rentraient évidemment dans le cadre des dépenses remboursables. Leur « irrégularité » provenait presque toujours du refus des Prussiens de délivrer des reçus pour des fournitures ou des charrois indûment exigés, pour des dégâts commis, — ou bien de la peur inspirée par eux aux malheureux paysans (qui n'avaient osé leur en demander).

Voici à ce sujet une première lettre explicative, de la mairie de Dol à la sous-préfecture de Saint-Malo, le 6 octobre 1815 :

« Il fut impossible de régulariser le service dans les premiers jours. En effet, il arriva beaucoup d'hommes isolés dès le 11 et le 12, auxquels il fallut délivrer des vivres et à quelques-uns des fourrages, sans pouvoir obtenir de récépissés..., la plupart [de ces hommes] n'ayant aucunes qualités [pour en délivrer] et ne parlant pas français... Le 13, la troupe arriva à la débandade… — Il a été fait beaucoup d'autres fournitures qui n'ont pas été parfaitement régularisées, comme tous les objets nécessaires à la confection des fanaux, le charbon nécessaire aux forgerons, la façon de plusieurs roues pour l'artillerie..., la lumière pour les écuries, les repas des généraux et des officiers, etc. » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 348].

Peu de jours après, le 21 du même mois, M. du Petit-Thouars envoyait à M. d'Allonville un premier tableau des « dépenses occasionnées par les troupes prussiennes dans l'arrondissement de Saint-Malo », tableau divisé en trois chapitres :

« Le 1er : dépenses faites dans l'arrondissement pour Rennes ou Fougères, consistant en eau-de-vie requise, bœufs, vaches et vivres pour aider Fougères (qui en manquait)… 21.982f.43.

Le 2ème : Toutes dépenses régulières de nourriture des troupes par entreprises ..... 104.323f.27.

Le 3ème : Toutes dépenses irrégulières, comme dégradations, enlèvements, traitement des commandants de place prusiens, dépenses accidentelles de vivres, charrois extraordinaires, frais de voyage du sous-préfet à Rennes et dans l'arrondissement à ce sujet ...... 13.124f. 90.

Supplément (le 18 nov. 1815) au 3ème chapitre. 4.001f. 85
TOTAL : 143.412f 45.

Un tarif de sept centimes sur le foncier est en recouvrement pour payement des dépenses les plus urgentes.

Le sous-préfet, par lettres des 21 et 28 octobre dernier, a demandé l'émission d'un autre tarif de 28 centimes qui, avec les 7 premiers, sont présumés devoir donner la somme pour acquitter toute cette dépense » [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 349].

Le 18 mars 1816, le maire de Dol écrit encore à son sous-préfet : J'ai reçu avec votre lettre du 8 « un bon de 106 fr. 40 de M. Danycan, pour salaires des charrois réguliers exécutés par les harnais de cette commune pour le service des troupes prussiennes, les seuls que la commission de liquidation ait arrêté de payer ». Pourtant ceux qui ont le plus souffert sont justement ceux qui ont fait des charrois « irréguliers », « ceux qui ont été forcés par les Prussiens de dépasser d'un, deux, quelquefois trois gîtes, le lieu de la destination et se sont trouvés heureux de leur échapper sans pouvoir faire viser leurs réquisitoires par les maires des communes de [sur leur] passage, prenant même le plus communément des chemins détournés pour les éviter ; et c'est le plus grand nombre...

D'un autre côté, combien ne serait-il pas désagréable et même douloureux, pour les fonctionnaires qui ont ordonné ces charrois, de voir ainsi mettre la partie la plus... souffrante de leurs administrés à l'écart ; et combien de reproches ne recevront-ils pas des individus ainsi lésés ! ... MM. les administrateurs de la commission de liquidation n'habitaient sans doute pas des lieux occupés par les troupes prussiennes, puisqu'ils n'ont pas eu connaissance du désordre qui y existait... On devrait avoir plus d'égards » pour les victimes, en même temps que pour les fonctionnaires « qui ont passé nuit et jour et fait tout ce qui dépendait d'eux, même au péril de leur vie, pour prévenir le plus de désordres possible ». Je vous supplie de transmettre ma réclamation à la commission et de l'appuyer « de tous vos moyens » [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350].

Une lettre de M. Flaux, adjoint au maire d'Epiniac et Saint-Léonard, lettre datée du 4 avril de la même année [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350], confirme les allégations du maire de Dol.

Il est juste d'observer, à la décharge de l'administration préfectorale, que si elle avait accueilli facilement des demandes d'indemnité pour fournitures « irrégulières, » elle se serait vue peut-être, parfois, dans une sorte d'obligation morale d'acquitter des créances suspectes, grossies ou même inventées par des administrés malhonnêtes. Toutefois il n'existe pas de textes donnant à croire qu'il ait été présenté de créances de cette nature. Et la somme (indiquée plus haut) des dépenses « irrégulières » dans l'arrondissement de Saint-Malo, ne paraît pas excessive. La commission de liquidation le reconnut peut-être, car après le rejet de nombreuses réclamations, le préfet écrivit à du Petit-Thouars, le 6 janvier 1818 « ..... Lorsque les fournitures justifiées en temps utile auront toutes été payées, je me propose, s'il reste des fonds disponibles, de former un état des pièces en retard et d'en solliciter le remboursement auprès des ministres de S. M. » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 349].

Cependant la liquidation des remboursements pour fournitures aux Prussiens durait encore, pour quelques objets, en décembre 1819 [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, 10 R 1; dossier intitulé : Lettres et circulaires du préfet, 1815-1819]. Et il parait sûr que presque tous les gens qui n'avaient pu présenter de preuves solides de leurs fournitures « irrégulières » ou des dommages par eux éprouvés, ne furent jamais indemnisés.

Sur les mesures prises pour le règlement définitif des contributions de guerre levées par l'administration à Rennes et dans l'Ille-et-Vilaine, deux textes nous apportent des informations intéressantes.

Le 6 février 1816, M. d'Allonville écrivait à M. du Petit-Thouars « Les instructions que j'ai reçues de S. E. le ministre des finances au sujet des impositions extraordinaires qui ont eu lieu dans divers départements pour la subsistance, l'habillement et l'entretien des armées étrangères, exigent que MM. les receveurs généraux soient chargés de suivre la perception de ces impositions à quelque titre qu'elles aient eu lieu. Ils sont en outre rendus comptables envers la Cour des comptes des recettes et des dépenses relatives aux contributions dont il s'agit, et à cet effet ils sont autorisés à s'en faire justifier par tous les agents qui en ont été chargés, avec toute la régularité nécessaire pour mettre leur responsabilité à couvert. Cette mesure tient aux principes d'ordre qui doivent diriger la comptabilité générale, et les départements ont en outre un intérêt direct à son exécution, puisque ce n'est que d'après la connaissance de ces impositions que l'on pourra établir la compensation des sommes déjà versées aux alliés avec celles qui leur reviennent suivant les traités, et que le gouvernement pourra fixer les dégrèvements auxquels les départements pourraient avoir droit à raison de l'occupation étrangère... » [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350. En ouvrant la session de 1816 du Conseil général, le 3 juin, le préfet remerciait en ces termes les conseillers généraux qui lui avaient prêté leur concours pendant l'occupation prussienne : « Au moment où le Conseil général du département d'Ille-et-Vilaine reprend ses travaux interrompus depuis près de deux années [en réalité 15 mois], il est superflu sans doute de vous rappeler tous les désastres qui, dans cet intervalle, ont affligé la France entière et qui ont amené jusqu'en Bretagne les troupes alliées. Plusieurs d'entre vous, MM. De Lorgeril, de Sarty, Martial de la Villarmois, ont généreusement partagé avec l'administration le soin d'accélérer les réquisitions. » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, collection des rapports et mémoires faits par le Conseil général dans sa session de 1816. Reg. in-f° mss., de 101 pp. P. 1)].

Dans la « séance ordinaire » du Conseil municipal de Rennes du 11 mai de la même année, M. Morel-Desvallon, maire par intérim, lut le rapport suivant : L'an dernier, « ce fut d'abord par des marchés avec divers fournisseurs que l'on pourvut aux besoins des troupes alliées. Mais bientôt, M. le préfet, par des considérations très puissantes, qui d'ailleurs se rattachaient au système général adopté pour tout le département, substitua le mode des réquisitions à celui des fournitures, sans rien changer toutefois au mode d'emprunt adopté pour l'acquittement des dépenses… ? Une commission spéciale prise dans votre sein, Messieurs, était chargée de recevoir, d'examiner, de résoudre toutes les demandes en réduction de taxes. Mais pour assurer un service aussi urgent et prévenir des entraves non moins dangereuses qu'inutiles, il avait été décidé qu'il ne serait reçu de réclamations qu'après le payement de la première moitié... de chaque taxe..., et tous ceux qui payaient au delà étaient censés y renoncer ou n'avoir pas à offrir de justes motifs de réclamation.

Le 14 février dernier, M. le préfet autorisa la cessation de toutes poursuites relatives au recouvrement de cet emprunt.

Le nom seul de... cet emprunt indique... une avance remboursable.... La commission centrale chargée de » la « liquidation » générale en a adopté le principe, et M. le préfet, dans sa circulaire n° 2, en date du 16 septembre 1815, déclare l'intention où il est de soumettre à LL. EE. les ministres des finances et de l'intérieur tout le travail de la liquidation générale des objets fournis tant en nature qu'au moyen d'impôts subsidiaires en argent, afin d'obtenir de S. M. une ordonnance qui autorise la levée, sur tout le département, de centimes additionnels qui, étant payés dans des délais commodes, par ceux qui auront contribué le moins, opéreraient la compensation due aux autres.

Le travail particulier de la commission municipale relatif à cette liquidation importante, est depuis longtemps terminé. Celui de la commission d'arrondissement l'est aussi. Mais le comité central établi à la préfecture n'a pu encore achever ses opérations. Cependant, par délibérations des 31 janvier, 1er et 15 avril 1816, le prix des charrois, des cidres et des bœufs a été réglé et des objets ont été payés. Appelé moi-même plusieurs fois à ce comité départemental, j'y ai débattu, soutenu les droits de la ville. J'ai obtenu une somme de 6,984 fr. 60 pour indemnités des pertes éprouvées sur le produit de l'octroi pendant le séjour des troupes prussiennes. Aucune occasion de faire valoir nos besoins, soit verbalement, soit par écrit, ne m'est échappée depuis le départ des troupes, — ainsi que, durant leur séjour, je crois n'avoir omis aucun moyen de concilier l'empire des circonstances avec les intérêts de la ville et de la dignité du corps municipal [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350. — Nous verrons ce qu'était cette « dignité » d'attitude].

Travaux publics de charité. — Deux mois à peine, Messieurs, s'étaient écoulés depuis une occupation étrangère qui fera époque dans les annales de notre ville, lorsque, le 29 novembre 1815, votre sollicitude à soulager la misère de nos concitoyens accueillit avec empressement la proposition de travaux publics de charité...

Comptabilité. — Le receveur de la ville soumet à votre examen le compte des recettes et dépenses de 1815. J'y joins le compte d'administration, qui présente les mêmes résultats. La recette présumée sur le budget de 1815 était de 312,966 fr. 63 » ; la différence définitive en moins a été de 29,253 fr. 20 [Note : Arch. de Rennes, registre des délibérations du Conseil municipal, D 1/14 fos 87 v° à 89 r°]. Ce déficit provenait presque en entier de l'octroi.

(Léon Vignols).

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