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LE DEPART DES PRUSSIENS DE BRETAGNE EN 1815

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Départ des Prussiens. Attitude des autorités.

Il serait médiocrement intéressant de reproduire l'itinéraire de départ transmis au préfet par le colonel Rothenburg, le 20 septembre [Note : Arch. d'Ille-et-Villaine, Z 350]. J'ai donné déjà (en note) les dates d'arrivée et de départ pour Rennes et pour le département. — J'indique seulement une autre pièce intitulée : « Dislocation de la 24ème brigade... pour le 29 septembre 1815 ». On y voit que le canton de Dol logeait 5,210 hommes et 945 chevaux [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350].

Le 20 septembre, la préfecture reçoit l'ordre de tenir prêtes chaque jour de grand matin, sur les places de Rennes, 80 voitures au moins, de 4 chevaux chacune, avec des conducteurs et des vivres et fourrages pour conducteurs et chevaux, en vue des passages de troupes qui vont avoir lieu [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, 10 R 1].

Le 22, le préfet demande à son collègue du Morbihan des denrées ou de l'argent, en vue de ces passages de troupes.

Le Moniteur des 27 et 29 septembre et du 2 octobre, annonce le mouvement rétrograde des Prussiens cantonnés dans la Sarthe et en Bretagne : « Le 6ème corps prussien quitte la Bretagne pour aller à Caen pour remplacer le corps du général Blücher... On n'a qu'à se louer de la conduite de ses troupes sous les ordres du comte Tauentzien » [Note : Moniteur universel du 2 octobre 1815, p. 1084, 3ème col.]. — Dans la Loire-Inférieure, les commandants prussiens ont maintenu « parmi les soldats une discipline sévère, en s'attachant à entretenir avec les habitants tous les rapports de la plus parfaite harmonie » [Note : Moniteur universel du 29 septembre 1815, p. 1073, 1ère col.].

Le 25, le maire de Rennes écrivait au général de Lobenthal : « J'apprends que vous allez quitter notre ville. Permettez-moi, au nom de ses habitants, de vous adresser l'expression de leur reconnaissance pour l'excellente discipline que vous avez su maintenir parmi les troupes sous vos ordres prendant votre séjour à Rennes. De notre côté, nous nous flattons de n'avoir rien négligé pour entretenir cette heureuse harmonie qui doit régner entre deux nations amies [sic]. Nous avons eu l'avantage de nous entendre avec vous pour opérer le bien public et vous emportez la gloire bien douce d'y avoir si puissamment concouru » [Note : Archives de Rennes ; registres des délibérations du Conseil municipal, D 4/6 folio III verso].

Le même jour, du même à Tauentzien : « Depuis que nous avons l'honneur de vous posséder dans nos murs, vous avez toujours donné à cette ville des preuves de votre bienveillance. Lors même que Votre Exellence, usant du pouvoir dont elle est investie, a cru devoir prendre des mesures énergiques, elle a toujours tempéré la force par la modération..... » [Note : Même registre, folio 111, verso].

Le même jour encore, le maire faisait afficher ce placarda [Note : Placard communiqué par M. l'abbé Robert. Ces adieux sont reproduits dans le même registre que ci-dessus, folio 111 verso à 112 recto] :

DÉPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE

Rennes, le 25 septembre 1815.

LE COMMANDANT DE PLACE
A M. DESVALLONS, maire de la ville de Rennes.

J'ai l'honneur de vous remettre, sous ce pli, le témoignage de ma reconnaissance envers la bonne ville de Rennes. Veuillez en faire faire des affiches le plus promptement possible, et agréez l'assurance de ma considération distinguée. DE UNRUH, major.

Le major de Unruh, qui a l'honneur et le bonheur d'être le commandant de la ville de Rennes depuis le 7 septembre, a, au moment de son départ d'ici, la satisfaction si douce qu'on rende justice à sa bonne et pure volonté ; car sur cela se fonde tout son mérite. Ce n'est qu'avec des hommes si respectables à qui le bien de la ville de Rennes est confié par le Roi et la Patrie, qu'il a pu parvenir jusqu'à obtenir cette satisfaction, tels [sic] que M. le préfet d'Ille-et-Vilaine, le comte d'Allonville ; le conseiller de préfecture, M. de la Villebrune ; le maire, M. Desvallons ; ses adjoints ; les membres du Conseil municipal, et le chef si respectable de la garde nationale [royaliste], le colonel Duplessis. Recevez donc, Messieurs, mes sincères remerciements, et veuillez avoir la bonté d'être l'organe par lequel je fais mes adieux à la bonne et chère ville de Rennes ; c'est elle qui, par les bonnes opinions et par l'attachement au Roi et à la Patrie, m'a rendue agréable ma charge, comme commandant, pendant que les troupes prussiennes l'occupaient. Le plus grand éloignement ne pourrait en diminuer le souvenir.
Rennes, le 25 septembre 1815.
Le major DE UNRUH,
Chef de bataillon au 2ème régiment de ligne de la Prusse orientale.

Dès le lendemain, le maire répondait à M. de Unruh : « Je reçois avec reconnaissance les adieux touchants et honorables que vous voulez bien m'adresser pour les différentes autorités de la ville. Nous y sommes sensibles, nous en sommes fiers ; nous aimerons à conserver le souvenir de celui qui nous exprime si bien ses regrets et qui mérite si bien les nôtres. Nos vœux le suivront dans sa patrie. La ville de Rennes, dont il a toujours cherché à soulager les charges, le comptera au nombre de ses bienfaiteurs [sic] et elle n'oubliera jamais qu'un commandant étranger s'est conduit pour elle en chevalier français [sic]. Veuillez… » [Note : Même registre que ci-dessus, folio 112 recto].

Abrégeons. Bien avant le départ des Prussiens, du Petit-Thouars invite instamment Wrangel à venir visiter Saint-Malo et l'assure qu'il sera très honoré de l'y recevoir. Ce projet d'excursion paraît avoir manqué surtout par suite de nombreuses occupations de Wrangel et un peu par suite de l'animosité très violente entre le sous-préfet de Saint-Malo et le gouverneur de cette place (le baron de Lorcet) [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Z 350. Sous-préfet à Wrangel, 14 et 22 septembre ; — Wrangel au sous-préfet, 15, 22 et 27 septembre ; — de Lorcet au sous-préfet, 16 et 23 septembre].

Le 22 septembre, le maire de Saint-Servan, A. Bougourd, étant informé, par MM. du Petit-Thouars et d'Allonville, que Tauentzien allait visiter Saint-Malo et passer par Saint-Servan, écrit qu'il s'apprête à recevoir Tauentzien à l'entrée de la ville, avec le Conseil municipal, et à faire tirer en son honneur 13 coups de canon sur la principale place de Saint-Servan [Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Z 350].

Les faits de cette nature n'étaient malheureusement pas particuliers à l'Ille-et-Vilaine. Presque partout la majeure partie des royalistes faisaient les éloges des étrangers et leur adressaient des invitations. Le Moniteur du 17 septembre relatait une fête offerte huit jours auparavant, à Nîmes, aux officiers autrichiens, et complimentait sur leur « belle tenue » des hussards prussiens arrivés à Nantes quelques jours auparavant [Note : Moniteur universel du 17 septembre 1815. p. 1,025, 2ème et 3ème col.]. Deux jours après, il admirait « l'exacte discipline » des étrangers entrés dans la Loire-Inférieure [Note : Moniteur universel du 19 sept., p, 1,034, 3ème col. — Sur l'attitude réelle des Prussiens dans la Loire-Inférieure et sur la manière dont les y accueillit le peuple, voir Lescadieu et Laurent : Histoire de la ville de Nantes..., 1836 ; Paris et Nantes, 2 in-8° ; pp. 211-213]. Le 21, il félicitait les Bavarois cantonnés à Auxerre sur leur « modération » et leur « discipline » [Note : Moniteur universel du 21 septembre 1815, p. 1,043, 2ème col. — Voir le même journal, sur la grande ovation faite aux souverains étrangers dans le jardin des Tuileries, où l'on cria fort « Vive le roi de Prusse ! » le 13 juillet (Moniteur du 14, p. 798, 3ème col.) — C'est le 3 avril. 1814 que devant ce même souverain un acteur (il portait un nom de courtisane), Laïs, avait chanté « sur la scène de l'Opéra, aux acclamations de toute la salle... - Vive Guillaume - Et ses guerriers vaillants ! - De ce royaume - Il sauve les enfants. - Par sa victoire - Il nous donne la paix - Et compte sa gloire - Par ses nombreux bienfaits » (Vaulabelle, ouvrage cité, I, 378-379). Il ne serait que trop facile de multiplier des citations analogues].

Notre seule et piètre consolation est de savoir qu'après Iéna, en 1806 et années suivantes, une notable partie des Prussiens eurent une conduite semblable vis-à-vis des troupes françaises [Note : Ernouf : Les Français en Prusse, 1807-1808. In-12, Paris, Didier, 1872, Voir pp. 105, 119, 132, 229-230, 238].

Et quel profit retirèrent pour la France les royalistes français, de leur attitude à l'égard des Prussiens en particulier ? L'histoire des traités de 1814 et de 1815 répond à cette question ; on sait quelle frontière les Prussiens auraient voulu imposer à la France.

Dans un compte rendu, de la publication des Mémoires et Souvenirs du baron Hyde de Neuville, M. Louis Farges écrivait dans la Revue historique : « … Les détails qu'ils donnent sur le retour de Louis XVIII nous confirment dans l'opinion à laquelle nous amènent tous les documents publiés depuis trente ans : rien n'est plus faux de dire que les Bourbons ont été imposés à la France par l'étranger. Ils ont été rétablis presque malgré les alliés et ils ont sauvé la France des vengeances de l'étranger autant qu'elle pouvait être sauvée. La France leur sera reconnaissante, malgré les erreurs de Charles X » [Note : Revue hidorique, tome 44, p. 108 ; n° de septembre 1890].

J'écrirais volontiers : « Cela estoit tant bien dit que rien plus ». Mais je me crois obligé d'établir une sorte de restriction de détail. « ... Tous les documents publiés… », dit M. Farges. Pourtant les textes rapportés par Tiersot, ceux que je viens de donner ici, d'autres encore, tendraient à prouver justement le contraire de l'opinion professée par M. Farges au sujet du rétablissement des Bourbons. On peut dire avec raison, et je m'empresse de le reconnaître, que d'autres textes, moins nombreux peut-être, mais beaucoup plus importants, décisifs, combattent victorieusement ceux dont je viens de parler. Aussi n'ai-je pas voulu établir autre chose que ceci : 1° L'opinion de M. Farges me semble, sur le point en question, présentée sous une forme trop absolue ; 2° Il ne faudrait pas tant malmener, comme il est de mode à présent [Note : Ceci n'est aucunement à l'adresse de M. Farges, qui n'a jamais, que je sache, éreinté Béranger ni Paul-Louis Courier], les pamphlétaires de la Restauration pour avoir soutenu que « les Bourbons avaient été imposés à la France par l'étranger ». Ces pamphlétaires connaissaient à peine et très mal quelques-unes des preuves qui nous permettent d'affirmer aujourd'hui la fausseté de leur opinion ; et d'autre part ils voyaient dans le journal officiel et dans les autres journaux bourbonniens et sur les murs des villes s'étaler l'éloge des étrangers, les déclarations en leur faveur ; ils voyaient les banquets et les bals offerts et les ovations faites à tous ces ennemis de la France, aux Prussiens comme aux autres.

APPENDICE. — Pourquoi le Morbihan n'a pas été envahi.

On a vu au cours de la présente étude que l'arrondissement de Ploërmel (Morbihan) devait d'abord recevoir une fraction des troupes prussiennes et que finalement il en fut exempté. Il est de tradition, dans le Morbihan, que les Prussiens ont eu peur, qu'ils ont reculé devant une menace à eux adressés par de Sol de Grisolle, général royaliste commandant une troupe de partisans bourbonniens, qu'ils ont craint une attaque combinée des chouans encore en armes, des autres royalistes du pays et des impérialistes. Les ouvrages de Rio [Note : La petite chauannerie, ou histoire d'un collège breton sous l'empire. 1842, Paris, Fulgence, in-8°] et de dom Jausions [Note : Histoire abrégée de la ville et de l'abbaye de Redon... (par dom Jausions). 1864, Redon, Thorel, in-12 de X+396 pp. Voir p. 309 (d'après Rio) et note de d. Jausions] ont contribué à propager cette idée, très propre à flatter notre amour propre national et nos sentiments à l'égard des Prussiens, — mais sans l'appuyer sur aucun texte, ou, à défaut de preuves matérielles, sur un ensemble de preuves morales.

Que de Grisolle ait pris sur lui de menacer les Prussiens, le fait, a priori, nous paraît bien douteux. En agissant ainsi, ce chef eût pu créer gratuitement de nouveaux embarras au gouvernement de Louis XVIII, dont la situation était déjà si difficile à tous égards. Je dis « gratuitement, » car on se représente mal le 6ème corps prussien, — 33,000 hommes de troupes fraîches, bien commandées, — reculant devant la menace d'une hypothétique attaque combinée (?) de royalistes et d'impérialistes, troupe qu'il eût fallu improviser en corps, troupe sans cohésion, médiocrement commandée, mal disciplinée, assurée d'un juste désaveu de Louis XVIII. Voilà pour la qualité. Pour la quantité, quel nombre d'hommes eût pu, à la rigueur, réunir rapidement de Grisolle ? En acceptant même les chiffres exagérés de d'Andigné [Note : La Vendée après les Cent-Jours. Récit du général d'Andigné. Par Alfred Nettement (Revue de Bretagne et de Vendée, IV, 209-232), p. 228. — Il y aurait à signaler dans ce fragment des Souvenirs de la Restauration de Nettement, une série d'exagérations et d'erreurs. — A l'égard des forces du général de Grisolle, évaluées par d'Andigné-Nettement à 5,000 hommes, il convient d'observer que Levot (article de Sol de sa Biographie bretonne) les estime seulement à 3,000 à 4,000. Je relève dans cet article des passages d'autant plus significatifs que l'auteur était monarchiste et favorable à de Grisolle ; les voici : En 1815 « de Sol n'était plus que l'ombre de lui-même... Vainement se trouvèrent près de lui des hommes de résolution ; son invincible entêtement les paralysa... Voulant éviter toute division, ils se placèrent sous ses ordres résolus à l'aider de leurs conseils. Il les suivit peu ou point... Quoiqu'il eût trois ou quatre mille hommes sous ses ordres, il échoua devant Redon, défendu par des forces bien inférieures... Pressé... d'empêcher la jonction du général Rousseau et du général Bigarré, il opposa, pour motiver son refus, des raisons dont s'irritèrent d'autant plus les royalistes que, supérieur en forces, il pouvait écraser le général Rousseau »], on voit que les deux chefs en armes dans le Morbihan à la fin de juillet, de Sol et d'Andigné, n'avaient à eux deux que 12,000 hommes ; en admettant (ce qui ne pourrait certes pas se prouver !) la concentration rapide, au commencement de septembre de 15,000 à 18,000 hommes, qu'aurait pu faire cette cohue contre le 6ème corps prussien ? En Bretagne comme ailleurs, un soulèvement, en septembre 1815, n'avait pas la plus petite chance de succès même temporaire, la dernière armée impérialiste (« armée de la Loire ») étant dissoute, l'armée nouvelle n'existant pas encore et 1,135,000 étrangers en armes campant sur le sol français. Tauentzien eût pu mener ses soldats jusqu'au fond du Morbihan et du Finistère sans rencontrer une résistance redoutable.

La lettre (jusqu'à présent inconnue) que voici, explique clairement les raisons pour lesquelles le commandant du 6ème corps consentit à ne pas pénétrer dans le Morbihan :

COPIE DE LA LETTRE DE S. E. LE GÉNÉRAL TAUENTZIEN,
commandant en chef le 6ème corps prussien, à Rennes,
à M. le Général DE SOL DE GRISOLLE
commandant en chef les armées royales en Bretagne.
MONSIEUR LE GÉNÉRAL,

C'est avec empressement que j'ai l'honneur de vous répondre à la lettre que vous avez bien voulu m'adresser en date d'aujourd'hui.

La demande que vous m'avez faite, M. le Général, de ne pas faire pénétrer les troupes sous mes ordres dans les cantonnements occupés par l'armée royale [Note : C'est ainsi que de Grisolle avait dû qualifier pompeusement ce qui restait des troupes royalistes en Basse-Bretagne] en Bretagne, est trop juste pour que je ne doive y consentir avec beaucoup de plaisir.

Les services [Note : Ces services avaient été, en somme, assez réduits (voir plus haut, en note, d'après Levot)] que ladite armée a si glorieusement rendus pour la cause commune [Note : C'est-à-dire pour la seconde invasion] et la conduite qu'elle a tenue a [sic] été justement appréciée [sic] des Alliés ; et je ne demande pas mieux, M. le Général, que de me rendre à tous vos vœux aussitôt [sic] ne seront pas directement contraires aux ordres émanés par [sic] S. M. le Roi mon maître. Veuillez...
Le Général COMTE TAUENTZIEN.
A mon quartier-général, à Rennes, le 12 septembre 1815 [Note : Cette pièce imprimée (2 p., in-4° c.) m'a été communiquée par M. l'abbé Robert. Nous avons insisté sur ce fait secondaire de la non-occupation du Morbihan, pour bien établir que les Prussiens n'ont pas reculé là devant une menace. C'était une question d'équité dont la nature même de notre travail nous faisait une obligation].

(Léon Vignols).

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