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LES EAUX MINÉRALES DE BRETAGNE au XVIIIème SIÈCLE

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Une déclaration royale du 25 avril 1772 enregistrée au Parlement de Paris le 28 août suivant, institua une Commission de médecins chargée d'inspecter les eaux minérales et d'en surveiller à la fois l'usage et la vente. Elle ordonna, de plus, la recherche et le relevé de toutes les sources de ces eaux existant sur le territoire du royaume de France.

M. Dupleix de Bacquencourt, intendant de Bretagne, fut avisé de cette déclaration et invité à s'y conformer. C'est pourquoi il écrivit à ses quarante-cinq subdélégués de rechercher et de lui signaler, avec les renseignements utiles, toutes les sources minérales découvertes sur le territoire de leurs subdélégations.

Le dossier de cette enquête déposé aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine, m'a semblé intéressant. Il forme, en effet, une étude d'ensemble sur toutes les sources minérales de Bretagne à la fin du XVIII siècle et contient de curieuses indications sur l'usage qu'en faisaient nos ancêtres, sur la confiance qu'ils avaient dans leur efficacité et enfin, sur les guérisons qu'ils leur attribuaient à tort ou à raison.

La Bretagne n'a jamais été réputée pour l'abondance et les propriétés curatives de ses sources minérales et ce n'est pas habituellement vers elle que s'orientent les malades désireux de recouvrer la santé ! Dès lors, on serait porté à croire que les réponses des subdélégués furent généralement négatives. Il n'en est rien cependant et tous, sans exception, signalent une ou plusieurs sources répérées dans l'étendue de leurs subdélégations. Les qualités de ces sources sont, il est vrai, très inégales. Si la réputation de quelques-unes a franchi les limites de la subdélégation, d'autres n'ont qu'une renommée locale et parfois problématique. Il en est enfin, qui coulent à peu près ignorées sur le bord de chemins fangeux ou dans des endroits isolés, sans pouvoir s'honorer d'une seule guérison. Trois sources étaient particulièrement connues dans toute la Bretagne, ce sont celles de Dinan, de Guichen et de Lannion.

De cette dernière, le subdélégué dit peu de choses. En revanche, des renseignements intéressants sont donnés sur les deux autres.

Celle de Dinan appartenait au Chapitre de la cathédrale de Saint-Malo qui en avait concédé l'usufruit à perpétuité à la communauté de la ville. Grâce à une subvention de la province, cette communauté avait acheté un terrain dans le voisinage de la source, y avait fait planter des arbres et construire une salle pour abriter les baigneurs. L'eau était distribuée gratuitement par un meunier voisin locataire du Chapitre de Saint-Malo, aux nombreux buveurs qui avaient coutume de le rémunérer à titre purement gracieux. La source de Guichen était peu fréquentée mais, du mois de mai à celui de septembre, sept ou huit chevaux en apportaient chaque nuit à Rennes l'eau dans des bouteilles qu'on distribuait le matin aux malades. Cette source située sur la route de Redon appartenait à une Demoiselle de Guichen mariée à M. de Talhouët.

Les eaux minérales de Bretagne sont dites ferrugineuses surtout. La plupart non analysées subissaient simplement une épreuve qui consistait a y plonger des feuilles de chêne ou de la noix de Galles qui contiennent du tanin.

Celui-ci donnait à l'eau une couleur d'encre qui révélait par son intensité le degré de la minéralisation.

Deux sources seulement, celles de Paimbœuf et de Josselin paraissent avoir motivé des analyses complètes dont les procès-verbaux sont joints au dossier.

Les maladies pour lesquelles les médecins prescrivaient les eaux minérales étaient surtout la jaunisse, les obstructions intestinales, les maux d'estomac, les vapeurs, l'hydropisie et quelques autres encore.

Maintenant, si les médecins avaient en général confiance dans leur efficacité, il ne semble pas que cette confiance fut partagée par tous nos ancêtres. Il y a eu de tous temps des esprits forts qui ne croient pas à la médecine. Les réponses des subdélégués autorisent à penser que tous n'avaient pas la foi qui aide aux guérisons. Ce n'est pas qu'ils soient très affirmatifs sur ce point, mais on sent percer, parfois, sous les termes mesurés dont ils se servent, un scepticisme aggravé d'ironie dont la haute personnalité de Mgr l'Intendant les obligeait à tempérer l'expression. Et puis, Sa Majesté voulant bien porter intérêt aux eaux minérales, celles-ci prenaient la gravité des choses administratives qu'il fut toujours prudent de respecter.

Deux notamment, celui de Vannes et surtout celui de Quintin expriment des doutes. Le premier après avoir signalé une source minérale située à un quart de lieue de Vannes et parlé des guérisons que lui attribuaient le public et surtout M. le Conseiller du Pargo, ajoute que c'est principalement la promenade faite pour se rendre à la source qui a soulagé les malades.

Le second va plus loin. Il mentionne une source au bourg du Quillio trêve de Merléac et écrit : « Je suis persuadé qu'il s'en trouverait bien ailleurs s'il y avait des charlatans pour les accréditer ».

M. le Subdélégué de Lesneven signale une source qui tue au lieu de guérir. Plusieurs personnes sont mortes après y avoir bu. Il l'attribue à la grande fraîcheur de l'eau et surtout à la cigüe qui croissait abondamment dans le bassin de la source.

Enfin le Subdélégué de Lannion, qui avait sur son territoire une des sources les plus renommées de la Bretagne, se borne à la signaler et à dire qu'elle se trouve dans la ville même entre les maisons de MM. de Kergariou, de Keridec et Chauvel qui en revendiquent tous les trois la propriété. Il ajoute seulement que cette source est assez suivie et que son eau est réputée forte.

Si l'efficacité des sources minérales était suspectée par quelques subdélégués, elle était reconnue par le plus grand nombre et certains même en étaient de fervents admirateurs.

Celui de Plélan a bu, sur l'ordonnance de MM. Dannebé et du Laté, médecins à Rennes, de l'eau d'une source située aux Forges de Paimpont appartenant à M. de Montigny et s'en est bien trouvé. La femme du Subdélégué de Pontcroix a usé avec succès d'une source appartenant à M. Le Baillif de Porsaluden et son mari signale qu'on y trouve parfois jusqu'à vingt-quatre buveurs réunis.

Le plus enthousiaste est le Subdélégué de Josselin. Il parle d'une source minérale existant à la sortie de la Cour de l'Abbaye de Saint-Jean-des-Prés qui est savonneuse (sic) et excellente pour les maladies de peau. Elle a guéri de la lèpre un meunier, chose merveilleuse, cette maladie étant réputée incurable. Il ajoute qu'un officier anglais interné à Josselin lui doit la guérison d'une maladie d'estomac dont les eaux de Dinan et celles de sources minérales anglaises n'avaient pu le débarrasser. Jusque là il ne pouvait pas conserver plus d'une demi-heure les aliments ingérés, situation très pénible pour toute personne mais surtout pour un anglais qui devait être grand mangeur. Aussi, cet officier avait-il une grande reconnaissance qu'il exprimait ainsi : « Bonne petite Josselin, moi ne foudrait pas n'y être pas venir pour 10.000 écus ». A l'appui de ses dires, le Subdélégué invoque le témoignage de l'abbé de Brilhac.

Cette source de Josselin,. moins réputée que celles de Dinan, Guichen et Lannion avait, comme on vient de le voir, de belles guérisons à son actif. Elle a malheureusement mal tourné. Le Subdélégué raconte, en effet, qu'en 1770 la Communauté de la Ville de Josselin fit dresser par un Sr Jullien un projet de bassin pour la capter, mais au moment d'entreprendre les travaux, l'épreuve de la feuille de chêne et de la noix de Galles révéla que l'eau n'avait plus ses propriétés d'autrefois.

Il existait à Montfort-sur-Meu une source minérale située dans le lit même de la rivière. Elle est signalée dans les termes suivants par le Subdélégué :

« On fit, il y a environ quinze ans, la découverte d'une source d'eau minérale proche les moulins dépendant de l'abbaye de Saint-Jacques, près Montfort. L'épreuve de ces eaux fut faite par les médecins de Rennes et quelques personnes en firent usage dans les commencements, mais depuis huit ou dix années elles ont été entièrement abandonnées parce que toutes fois que la rivière se trouvait un peu plus grosse qu'à l'ordinaire, l'eau se répandait dans la fontaine que les buveurs avaient fait pratiquer de manière qu'il n'était plus possible de prendre de ces eaux dont la qualité était d'ailleurs très faible ».

Je dois à l'obligeance de M. l'abbé Hervé des renseignements qui prouvent que cette source avait une renommée plus grande que la lettre du Subdélégué de Montfort ne le laisse entendre.

La Communauté de la Ville avait décidé, en effet, le 2 mai 1786, avec l'agrément de l'Intendant, de changer le plan de la fontaine et d'y faire édifier une construction en pierres de taille avec double parement, porte ouverte au midi et éperon au nord. Le tout terminé par une corniche et couronné d'une pyramide, fut fait par un Sr Gilbert et coûta 402 livres, plus une gratification de 72 livres, 10 sols. Le 1er juin 1787, sur la représentation de M. Rocher, membre de la Communauté, et d'un maître en chirurgie, que la porte trop étroite ne permettait pas l'aération de l'eau et nuisait à son efficacité, cette communauté autorisa M. Rocher à pratiquer dans la porte plusieurs ouvertures protégées par des grilles. Elle en confia la clef à Noël Regnard en le chargeant de curer la fontaine et d'en distribuer l'eau gratuitement. Cela coûta trois livres.

La période révolutionnaire fut inclémente à la source et un avis dut même être publié pour rappeler que le bâtiment qui la couvrait était une fontaine et non un édicule affecté à des usages intimes.

Plus tard, elle attira de nouveau l'attention, car, en 1822, le Maire de Montfort (M. Poignant) en fit réparer la porte et la munit d'une nouvelle clef. Enfin, une revue bretonne (Le Lycée armoricain, 4ème volume, page 311 de l'année 1824), publia une lettre d'un M. de la Musse qui signale la fontaine à un ami de Nantes comme ferrugineuse et aussi salutaire que celle de Dinan. Il ajoute que des installations convenables et un médecin zélé manquent seuls pour y attirer les malades.

Ce fut le dernier éclat jeté par cette fontaine. Depuis, elle connut l'indifférence et l'abandon. Aujourd'hui le monument qui la recouvre existe encore, mais ce n'est plus qu'un objet de curiosité et beaucoup le prennent pour la culée d'un pont détruit.

(V. Duval).

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