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TOMBEAU DU DUC JEAN II. |
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Jean II de Bretagne. Maison capétienne de Dreux. Duc de Bretagne de 1286 à 1305. Né le 3 ou 4 janvier 1239. Fils de Jean Ier le Roux et de Blanche de Navarre. Marié à Béatrice d'Angleterre. Décédé le 18 novembre 1305 à Lyon. Enterré dans l'église de Ploërmel. |
TOMBEAU
DU DUC JEAN II.
Sur une grande feuille de vélin déposée aux archives de Nantes, on lit ces mots :
« Je Jehan, duc de Bretaigne, comte de Richemond, sain et en bon estat de corps et de pensée, la merci de Nostre Seigneur, ... comme je ey fondé la meson de N. D. des Carmes de Ploërmel en l’honneur de Dieu, ... se il avient que je muirs au reaume de France ou en celui d'Angleterre ou ailleurs par de çà les mongs, je eslis ma sepulture en l'église de la dite maison ... Donné et fait au mois de septembre en l'an de grâce 1302 ».
Trois ans après avoir dicté ce testament, dans lequel il semblait pressentir qu'il mourrait loin de sa Bretagne, Jean II escortait, à Lyon, le premier pape d'Avignon, Bertrand de Goth. Tour à tour, avec le roi de France, les comtes d'Anjou et d'Evreux, il tenait le cordon du palefroi de Clément VI, lorsqu'à la descente de l'église Saint Just, où la cérémonie du couronnement s'était faite, une muraille à demi-ruinée s'abattit sous le poids des curieux et tomba sur le cortège. Le roi Philippe fut blessé, et notre duc, retiré mourant de dessous les décombres, expira quatre jours après.
Les seigneurs bretons qui l'accompagnaient ramenèrent son corps au lieu désigné pour sa sépulture ; les dépenses de ce triste voyage et le détail des comptes pour les funérailles et l'érection du tombeau nous ont été en partie conservés.
Jean II aimait tout particulièrement ce couvent des Carmes ; il avait ramené de la dernière croisade deux religieux de cet ordre ; ce sont les premiers qu'on ait vus en France, et ils portaient alors le costume oriental, rayé de larges bandes bleues et blanches.
Le prieuré qui leur servait de couvent devint bientôt insuffisant et « le duc leur fit bastir, dit un manuscrit du XVIème siècle, un beau et somptueux monastère, avecque une grande ri magnifique église ». C'est dans le choeur de cette nouvelle construction que l'on déposa le corps du pieux fondateur. Une châsse de plomb en forme de bière fut recouverte au niveau du sol par un socle en pierre. Un tailleur d'imaiges, dont le nom est resté inconnu, sculpta dans l'albâtre l'effigie du prince, tête nue, l'épée au côté, véritable chef-d'œuvre que les siècles nous ont heureusement conservé. Sur le tombeau on plaça l'épitaphe suivante :
CY GIST JEHAN, JADIS DVC DE BRETAGNE
QVI TRÉPASSA A LYON SVR LE RHOSNE
LE JEVDI ES OCTAVES DE LA SAINT MARTIN D’HIVER
L’AN 1305
PRIEZ DIEV POVR L’ÂME DE LVI.
Le tombeau du duc Jean II était protégé par une grille fabriquée à Vannes par un orfèvre appelé Pierre Le Bordiec, ou Le Bourdieux ; son prix représentait près de 4.000 francs en 1894. Voici l'ordonnance de paiement délivrée, le 6 juin 1318, par l'un des exécuteurs testamentaires du duc Jean II : « A son cher ami André Bonin, ou à son lieutenant, à Nantes, Aubery de Baudement, salut et amour. Pierre Le Bourdieuc, de Vennes, a fait mises et doit ancor faire pour une graille de fer à la tombe de Monseigneur le duc Jehan, don commandement de ses executeurs. Si vous mande et pri que vous à iceluy Pierre ou à son commandement, portant ceste letre, bailliez et delivrez senz delay et prestement quarante livres pour ladite besoifine faire... Doné tesmoin mon seau, le mardi avant la Penthecouste, l'an de grâce M. CCC. et diz et oict ». — La Pentecôte, en 1318, tombait le 11 juin. Le 28 du même mois, l'artiste donnait quittance de la somme : « Sachent touz que ge Pierre Le Bordiec, de Vennes, ay eu et receu de André Bonin, du commandement de monsour Aubery de Baudement, pour l'evre de la graille de Ploarmel, quarante libvres monnoie corante, et me en tens (tiens) pour bien payé. Donné tesmoing mon seel, le judy en la vigille saint Pere et saint Poul, l'an mil tres cenz et dez et oict ». Titres du château de Nantes, ancien Inventaire Q. F. 11. — (Communiqué par M. A. de la Borderie).
D'après les tables de M. Leber (Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen âge, p. 90-91), 10 livres, en 1318, répondaient à 978 fr. de nos jours (en 1894) ; 40 livres, par conséquent, à 3.912 fr (en 1894).
Rien ne troubla le religieux sommeil de notre duc pendant près de trois cents ans. A deux reprises, en 1346 et 1487, Ploërmel fut enlevé d'assaut et saccagé. Le couvent des Carmes resta debout au milieu de ces désastres ; il fallut la rage impie d'un huguenot pour détruire ce sanctuaire vénéré. Pendant les guerres de la ligue, un protestant, le seigneur du Crévy, persuada au gouverneur militaire de la ville de faire démolir l'abbaye de N.-D. Il donna comme prétexte à cet acte de vandalisme la nécessité de dégager les fortifications ; puis, au grand scandale des habitants, on procéda à la démolition.
Les Carmes se réfugièrent au prieuré Saint-Nicolas, où ils transportèrent les restes de Jean II et de Jean III. Le procès-verbal de cette translation nous a été conservé [Note : Ce procès-verbal, en date du 21 juin 1593, a d'ailleurs été publié in extenso par feu M. Ropartz, en 1864].
De ce document il ressort : 1° que les restes de Jean II furent réunis à ceux de Jean III lors de la translation au prieuré de Saint-Nicolas ; 2° que la base du tombeau de Jean II, qui seule restait debout, fut transportée dans l'église dudit prieuré, l'autre ayant été détruite par les démolisseurs. Cette base avait perdu les statuettes qui occupaient les arcatures latérales, comme nous le voyons par la gravure donnée dans dom Lobineau.
Le tombeau ainsi modifié resta en cet état, au prieuré de Ploërmel, de 1593 à 1618, date de la reconstruction du monastère.
A cette époque, les Carmes, voyant que les habitants de Ploërmel voulaient appeler, dans le couvent, des religieux de l'Observance, résolurent de s'emparer des bâtiments inachevés, sans attendre qu'on leur donnât des remplaçants. Pour cela ils entrèrent, à l'aide d’échelles, dans la maison abbatiale, brisèrent les portes et firent élever à la hâte des murs pour s'enclore et se retrancher. Cette énergique prise de possession ne leur servit à rien ; les Pères de l'Observance furent installés le 2 mars 1418 par le Provincial de Rennes. « Les corps des ducs furent rapportés, dit un manuscrit des archives de Rennes, et placés, en leur premier lieu, sous l'un des sépulcres, parce que l'autre avait été rompu à la démolition du couvent ».
Dix-neuf ans après cette restauration, on s'aperçut que le tombeau de nos ducs gênait les cérémonies du culte ; une nuit, on fit enlever sans pompe le monument du fondateur et on le relégua dans un coin du choeur. Ce fait est consigné dans un procès-verbal en date du 15 mars 1647.
Malgré les vives réclamations soulevées par cette insulte à la mémoire de nos souverains, le tombeau de Jean II resta à cette place jusqu’en 1793. A partir de cette date, il subit le même sort que celui de Jean III, et nous décrirons à l'article consacré à ce prince la restauration de ces deux tombeaux dans l'église de Ploërme (P. de Lisle du Dréneuc).
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