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PAROISSE SAINT-MARTIN de BREST

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Paroisse Saint-Martin de Brest (Bretagne).

CHAPITRE PREMIER.

Brest en 1857, d'après un contemporain.

Enfermée dans des remparts qui, partant de la Porte Tourville, remontaient à la hauteur de la rue Traverse pour rejoindre le Château, la ville de Brest, au milieu du XVIIème siècle, comprenait à peine au millier d'habitants. Dans ces étroites limites tenaient quatre cents feux et six petites rues suffisaient à la circulation.

Mais Louis XIV, reprenant les idées du cardinal de Richelieu au sujet de la marine, décide de faire de Brest un des grands ports militaires de la France. En avril 1683, son ministre Vauban vient à Brest ; il fait raser les anciens remparts, et édifier les fortifications actuelles. Le travail est achevé en 1693 et, sept ans plus tard, 14 mille habitants vivaient déjà dans l'enceinte nouvelle.

Pendant tout le XVIIIème siècle, la population de Brest va en croissant. Un recensement de 1776 accuse déjà 22 mille habitants et un recensement de 1781, 24 mille habitants.

Si l'accroissement s'arrête pendant la Révolution et l'Empire, il va reprendre avec la Restauration et avoir un rythme accéléré. Le recensement de 1830 donne 35 mille habitants et celui de 1856 accuse le chiffre énorme de 64.665 habitants, dont 19.323 pour le côté de Recouvrance.

Un Brestois, M. Daniel de Proxy a publié en 1857, un petit livre intitulé Brest, édité par Alléguen, successeur de Le Pontois jeune, rue Saint-Yves, 25, à Brest. Sous forme de lettres, il y décrit le passé, le présent et l'avenir de la ville. D'après lui, si la population totale de la ville est de 64.665 habitants, la partie civile de l'agglomération, la population communale proprement dite, suivant son expression, compte 41.512 habitants.

Il y a, dit-il, 31 membres du clergé séculier de tous les cultes et 48 membres du clergé régulier (il a tout l'air de mettre les religieuses parmi les membres du clergé régulier). Il y a 60 magistrats des tribunaux de tous les degrés, 28 avocats, 53 officiers ministériels, 109 médecins et chirurgiens, 36 pharmaciens, 14 sages-femmes, 6 dentistes, 310 membres de l'enseignement, 7894 fonctionnaires des administrations publiques et 1.176, des administrations privées.

La ville compte trois paroisses : l'archiprêtré de Saint-Louis, dont le curé est M. Mercier ; Saints Sauveur de Recouvrance, dont le titulaire est M. Quéinnec ; enfin un décret impérial du 31 décembre 1856 vient d'ériger en succursale la chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel et Mgr Sergent, le 10 janvier 1857 a fait de cette église une paroisse, en lui donnant pour recteur M. l'abbé Testard du Cosquer.

Il y a un temple protestant, desservi par un pasteur et il y a un officier de synagogue, faisant fonctions de rabbin pour le culte israëlite.

On y trouve un tribunal de première instance, une intendance sanitaire, une recette générale, une direction télégraphique, une direction des postes, une direction des douanes avec inspection et principalité, une inspection de l'enregistrement et des domaines, une conservation des hypothèques, une direction d'arrondissement des contributions indirectes.

Brest est le chef-lieu d'une préfecture maritime et le chef-lieu d’une subdivision militaire.

Le préfet maritime est le vice-amiral La Place (Cyrille-Pierres-Théodore), né en mer le 7 novembre 1793, vice-amiral depuis le 11 juin 1853. Il y a un contre amiral, 40 capitaines de vaisseau, 75 capitaines de frégate, 217 lieutenants de vaisseau, 225 enseignes, un commissaire général, un inspecteur en chef, un directeur d'artillerie, un directeur de port, un directeur des constructions navales, un directeur des travaux hydrauliques, un directeur du service santé.

La place compte un général de brigade, un colonel-commandant, un directeur des fortifications, un directeur d'artillerie, un sous-intendant.

Comme ville commerçante, Brest possède un tribunal et une Chambre de commerce, une banque, un comptoir d'escompte, une compagnie d'agents de change et des consulats étrangers.

L'instruction publique compte 13 institutions : le lycée, l'école supérieure, l'école de la Doctrine chrétienne, l'école du Mont-Louet, l'école de Recouvrance, l'école de l'Hospice civil, l'école des Sœurs de la providence, l'école des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, l'école de Mlle Lafosse, les salles d'asile, le cours des adultes, le cours de dessin et le cours de musique.

La commune de Brest est administrée par un maire assisté d'un Conseil municipal de 30 membres. Depuis le 20 août 1855, le maire est M. Hyacinthe-Martin Bizet et les principaux conseillers sont MM. Tritschler, Le Guen, Cosmao, Pidoux, Brousmiche, Crouan, Deshays, Moreau, Oudin, Troude, Bellamy, Martin, Dénouel, Costentin, Bruslé, Clérec, Jardin, Vignioboul, Bontoux, Poilleu, Léyer, Le Jeune.

Avec toutes ces administrations, Brest n'a pas le caractère d'une ville bretonne. Elle n'a rien du cachet féodal des cités du vieux duché. Elle n'a pas, comme Rennes, Guingamp, Saint-Pol-de-Léon, ce cachet aristocratique et monacal qui donne à ces dernières villes quelque chose de raide et de guindé. C'est une véritable colonie où les habitants se renouvellent sans cesse. Sa population est comme la mer qui baigne ses rivages et dont un flot chasse l'autre en effaçant sa trace.

A Brest, comme au temps passé, le premier personnage, c'est le chef de la marine. Les officiers des différents corps de la flotte s'y croient chez eux.

Malgré l'atmosphère humide qu'il respire, le Brestois, dans la classe du peuple, est généralement vigoureux. Plié, dès son enfance, aux plus rudes travaux, il acquiert de bonne heure une force musculaire considérable.

Il aurait toutes les chances d'une vie durable et puissante, si l’ivrognerie, ce vice de ses aïeux, n'exerçait pas sur lui une déplorable influence. La femme du peuple, astreinte comme l'homme à un labeur continu, est habituellement forte comme lui. Les femmes de Recouvrance ont eu, de tout temps, une réputation de beauté que le plus grand nombre justifie encore de nos jours.

L'homme des classes aisées est, comparativement, moins robuste. Elevé, pour ainsi dire, en contact avec l'Océan, il redoute peu ses tempêtes et presque toujours il parcourt avec succès la carrière maritime qu'il préfère à toutes les autres. Les femmes du monde sont en général gracieuses et bien faites. En dépit des nuances inévitables qui séparent les différentes fractions de la société, la communauté des goûts et des habitudes les relie entre elles. Aucune cité n'est plus hospitalière. Nulle part les relations, une fois établies, ne sont plus faciles et plus franches. Nul n'a le visage et le cœur plus ouverts qu'un Brestois.

Brest a été longtemps une ville plus que sceptique ; mais, le voltairianisme, autrefois à la mode, y a fait son temps. Les théories des encyclopédistes n'y ont plus cours que dans certaines vieilles cervelles révolutionnaires. La vieille foi bretonne est rentrée dans nos murs.

Qu'on y soit plus discret qu'ailleurs, je le veux bien. Mais Brest a à peine une lieue de périmètre. Toutes les familles y sont entassée l'une sur l'autre.

Il est bien difficile conséquemment que ce que échappe à un regard malveillant ne soit pas surpris par un autre. Il faut donc admettre que Brest n'a pas seulement les apparences de la vertu.

D'ailleurs l'hymen est en honneur à Brest. On s'y marie généralement jeune. Le marin a besoin de se créer une famille. L'isolement qu'il subit, durant ses longues campagnes, ne l'habitue pas au célibat, comme on pourrait le croire. Et ces ménages de marins sont heureux. Il y a, en effet, dans la vie de toutes les épouses le roman et l'histoire. Il n'y a que les femmes de marins dont la vie soit un perpétuel roman. Pour l'homme de mer, sa compagne est toujours jeune. Il ne voit pas naître ses rides, il ne compte pas ses années. Elle lui apparaît à travers un prisme qui la lui représente sans cesse telle qu'il l'a aimée. Ainsi quand on compare son sort à celui de ses contemporaines, enchaînées à des maris sédentaires et moroses, comment ne préférerait-elle pas son bonheur si complet de quelques mois, de quelques jours, à cette existence monotone et glacée que l'amour n'échauffe plus que des pâles rayons de son hiver ? On doit croire que cette doctrine est en faveur à Brest car la plupart des demoiselles y épousent de préférence des marins. Elles savent d'ailleurs à quoi l'hymen les engage. Dès que l'époux est parti, adieu le monde et ses plaisirs. Il faut vivre en recluses. En dehors des réunions de famille, toute société est prohibée pour la femme du marin. On ne lui pardonnerait pas de se montrer dans les fêtes.

Cependant les Brestoises ont deux passions, la promenade et la danse.

Bien que le climat n'y soit pas du tout clément, il est peu de pays où l'on se promène plus qu'à Brest, L'été, le Champ de Bataille et le Cours d'Ajot sont encombrés par la foule. Si la brise de mer ne venait pas y apporter un peu d'air respirable, la police municipale aurait à intervenir pour empêcher une asphyxie générale. Les jours d'hiver, dès que se montre à travers les nuages un faible rayon de soleil, la population féminine déborde de tout côté, bravant le froid et la bise.

Depuis le milieu de l'automne jusqu'au jour des Cendres, les soirées dansantes se succèdent sans interruption. Il n'y a que le soleil du printemps que triomphe de l'amour du bal.

La femme du monde à Brest, c'est le movement perpétuel. Si le Juif-errant revivait et voulait faire souche qui lui ressemblât pour l'activité incessante, c'est à Brest qu'il lui faudrait venir prendre une épouse.

Quand le chemin de fer sera fait, nos jeunes pilles brestoises iront danser le dimanche à Landerneau, le lundi à Morlaix, le mardi à Quimper, le mercredi à Lorient, le jeudi à Rennes, le vendredi à Paris, et reviendront tout d'une traite à Brest pour recommencer le samedi dans leur ville natale.

Nous avons laissé M. de Prony parler du présent de la ville de Brest, à l'époque où il écrivait son livre  : nous ne pouvions mieux faire que de laisser la plume à un contemporain de l'époque qui va nous occuper.

 

CHAPITRE II.

Brest étouffe dans ses remparts.

Brest a à peine une lieue de périmètre, disait M. de Proxy, et compte plus de 60 mille habitants. Aussi les habitants y sont-ils entassés comme nulle part ailleurs. A la séance du Conseil municipal, le 5 novembre 1859, le maire, M. Bizet, écho des plaintes qui s'élevaient de toutes parts, le faisait remarquer : « Songez, disait-il, que Brest a 629 habitants à l'hectare, tandis que Metz en a 409, Strasbourg, 311 et Paris, 309 ». Les maisons ont, dû s'exhausser d'un étage ou deux. Dès lors, les rues, jusque là larges et aérées, quand les habitations avaient peu d'élévation, sont devenues sombres et tristes. Beaucoup de jardins et de cours ont été supprimés parce qu'on à dû y bâtir des habitations. Par suite, une crise terrible de logement sévit, et comme la demande l'emporte sur l'offre, les loyers deviennent d'une cherté excessive ; il n'y a pas en France, ajoute le maire, une vîlle où les loyers soient aussi chers qu'à Brest. Dès lors aussi, des familles entières sont entassées, c'est bien le mot, dans une seule et unique chambre, ce qui n'est pas favorable aux mœurs. De plus, l'hygiène souffre du défaut d'air et de soleil.

Le choléra eu 1832 et la dysenterie en 1837 ont plus que décimé la population. Et en 1859, la diphtérie, la scarlatine et la rougeole font des ravages inquiétants parmi les petits enfants.

On objectera bien qu'il y a de la place en dehors des remparts, soit sur la colline qui conduit vers Saint-Pierre Quilbignon, soit sur la colline où s'élève maintenant le quartier dit de Saint-Martin.

Mais Brest est une place forte de première classe. Les terrains avoisinant les fortifications étant, d'après le style militaire, enclavés dans le polygone de tir, sont soumis à des servitudes militaires qui n'ont été supprimées que le 10 janvier 1921. Ces terrains étaient partagés en plusieurs zones. Il y avait d'abord les terrains militaires, c'est-à-dire, les fortifications; puis du côté, de Saint-Martin, une ligne parallèle aux remparts allant de Kérigonan à la Gare limitait la 1ère zone militaire ; une ligne allant du Stiffellou, par Coat-ar-Guéven, jusqu'à Kéroriou, limitait la 2ème zone ; une ligne allant du cimetière actuel de Kerfautras jusqu'à l'Abattoir, limitait la 3ème zone. Comme en 1859, on édifiait le fort du Guelmeur, une 3ème ligne passant par Saint-Marc, vers le couvent actuel des Carmélites, pour rejoindre ce fort, limitait la 4ème zone alors projetée. Or un caractère commun à toutes ces zones, c'est qu'on n'y pouvait bâtir en pierre sans la permission du Génie militaire, le G. M. (le Génie malfaisant, traduisaient les Brestois frondeurs). Et si, par exception, la bâtisse était autorisée, le propriétaire devait signer l'engagement de laisser détruire sa maison sans indemnité, si les besoins militaires un jour venaient à exiger la démolition de son immeuble. Quel propriétaire aurait consenti à bâtir dans ces conditions, si l'on songe qu'une loi de 1853 venait de renouveler ces servitudes et qu'une autre se préparait pour en aggraver l'extension !

En vertu encore de son caractère de ville fortifiée, Brest voyait ses portes se fermer tous les soirs à dix heures quand le couvre-feu sonnait au beffroi de l'église Saint-Louis et elles ne s'ouvraient qu'à l'Angélus du matin. La nuit, les pont-levis étaient même levés et nul ne pouvait entrer dans Brest ou en sortir sans une permission spéciale de l'autorité militaire. Cette fermeture des portes avait même un curieux effet au point de vue religieux. Une vieille disposition canonique défendait de faire dépendre les individus habitant une zone extra-muros d'une église paroissiale sise intra-muros, car la fermeture des portes empêchait d'appeler la nuit un prêtre de cette paroisse près d'un moribond habitant extra-muros. C'est pour cette raison d'ailleurs que le terrain, occupé aujourd'hui par la paroisse Saint-Louis, étant, jusqu'à Vauban, hors de l'enceinte fortifiée, ressortissait de la paroisse de Lambézellec et n'en fut détaché qu'à l'achèvement des fortifications actuelles. Quand le Port de commerce sera achevé vers 1872, le curé de Saint-Martin fera justement état de cette disposition canonique pour revendiquer la juridiction de ce terrain, sis hors des fortifications.

En vertu de cette règle canonique, le terrain situé dans le quartier actuel de Saint-Martin, dépendait donc de la paroisse de Lambézellec et pour les baptêmes, mariages et enterrements, il fallait aller jusqu'à Lambézellec et faire deux lieues au moins dans ces circonstances sous le climat humide de Brest et à travers des routes plus ou moins boueuses.

On comprend donc toutes les difficultés qu'il y avait à sortir de Brest. Aussi jusque vers 1830, la colline où est maintenant le quartier Saint-Martin ne comprenait-elle que des champs et des jardins, où on cullivait légumes et fleurs pour le ravitaillement de Brest. Ça et là s'élevaient de petites fermes basses, sans étage, groupées en villages. Au bas de la rue de Paris, appelée Grand Chemin avant la Révolution, route impériale ou royale depuis, il y avait le village de la Villeneuve. En montant le Grand Chemin, on rencontrait à gauche la ferme de Coat-ar-Guéven qui, avec les fermes de Kerjean, de Kérivin et de Kéruscun, formait le faubourg de la Belle promenade. Au-dessus, à l'endroit même où s'élève maintenant l'église Saint-Martin, il y avait une ferme qui avec deux ou trois autres formait le village de Bel-Air. Une famille de jardiniers, les Hautin, avait ses jardins tout près de Bel-Air et aussi à l'endroit où s'élève maintenant la gare. Il y avait encore le village de Messidou, le manoir de Kéroriou. Il y avait aussi et surtout quelques lopins de terre que des bourgeois de Brest avaient achetés et entourés de palissades et qu'ils appelaient leurs jardins.

Cependant malgré les servitudes militaires, malgré les difficultés religieuses, l'exode de Brest avait dû commencer. Cet exode avait débuté par les morts. Les cimetières voisins de l'église Saint-Louis, de la chapelle Saint-Sébastien et de l'église Saint-Sauveur n'avaient pu suffire lors de l'affreuse épidémie de 1757. Celle-ci obligea la, municipalité à établir un quatrième cimetière. Elle l'érigea hors des murs à Parc-ar-Querch, à l'endroit où il existe encore sous le nom de Cimetière de Brest. En 1794, ce cimetière était devenu le cimetière unique pour les inhumations des Brestois du quartier de la ville sur la rive gauche de la Penfeld. Le défaut de place et l'hygiène forcèrent ensuite à faire sortir de la ville les tueries des bouchers et celle-ci au nombre de dix à douze s'étageaient le long d'un chemin parallèle à la rue de Paris et appelé Vieux Chemin (rue Branda actuelle).

Puis les passions des Brestois polir la promenade et la danse accélérrent l'exode.

Les Brestois aiment à se promener. La bicyclette, l'auto n'existaient pas ; le chemin de fer ne viendra qu'en 1865. Si l'on veut prendre l’air, il faut sortir de la ville forte et se promener sur les collines avoisinantes. Or la marche donne soif ; des auberges et des guinguettes jalonnent les routes fréquentées ; on ne peut bâtir en pierre, mais on bâtit en torchis ou en bois et on recouvre le tout de zinc ou d'ardoises ; de bonne heure se sent ainsi établis et l'Etoile du Nord et le Chapeau-rouge l'un d'un côté, l'autre de l'autre de l’entrée du Grand Chemin.

La danse est une autre passion des Brestois. Les gens de la classe aisée peuvent se payer des salons même dans Brest intra-muros. Mais la femme du peuple, pour danser, doit quitter le réduit où elle vit. A son intention, de nombreuses salles de danse s'établissent sur la colline du faubourg. Il y a le Casino, devenu depuis l'église de Saint-Joseph du Pilier Rouge ; La Plaisance, au n° 95 de la rue de Paris ; La Gaieté, au n° 36, la Barrière de Brest, au ne 29 qui ne tarde pas à s'appeler le Valentino.

Là où est maintenant la pâtisserie Poirier, c'est le Prado, plus bas La Porcelaine et dans toutes ces salles de danse, tous les dimanches après-midi, sauf en Carême, on danse au son de la musique la polka, la valse, la mazurka ou le quadrille des lanciers.

L'octroi de Brest s'arrête à ses remparts et l'octroi impose les comestibles ; hors de ses limites on peut donc donner à manger à meilleur compte qu'intra-muros, et des restaurants nombreux s'établissent autour de la Place de la Liberté, appelée alors Place du Roi de Rome, tels le Treillis-Vert et la Glacière et même le long du Grand Chemin, comme Le Petit Saint-Cloud et combien d'autres ! C'est là que les Brestois viennent commander leurs repas de noces.

Et voici qu'à leur tour, chassés par la cherté des loyers, les petits retraités viennent s'y établir, attirés par le petit lopin de terre à cultiver.

En 1830, le recensement accuse dans ce faubourg une population de 950 habitants. Le recensement de 1856 donne déjà 6.600 habitants. En 1847, les Petites Sœurs des Pauvres s'installent à Kéroriou avant de se fixer dans le quartier Coat-ar-Guéven. En 1857, les Religieuses de l'Adoration s'établissent dans le même quartier. On parle maintenant de la création d'un Port de Commerce, appelé, croit-on, à devenir la tête d'un service transatlantique ; le Chemin de fer ne va tarder à arriver à Brest, puisqu'on traite déjà de l'expropriation des jardins de M. Hautin. Or la gare et le Port de commerce vont desservir plus Brest que Lambézellec ; en tout cas Brest ne peut se désintéresser des terrains avoisinant ses fortifications, puisqu'elle étouffe entre ses remparts. Le moment est venu pour Brest de sortir officiellement de son enceinte.

CHAPITRE III.

L'annexion du faubourg à la commune de Brest.

En 1859, le moment était vraiment propice pour Brest de vouloir sortir de l'enceinte qui l'écrasait. Napoléon III régnait et nul souverain n'a plus aimé Brest que cet Empereur. La Ville lui demande de pouvoir jeter un pont sur la Penfeld pour mieux unir les deux parties de Brest. L'Empereur le lui accorde et en 1856, les travaux commencent sous la direction de M. de Cascaradec, ingénieur des Ponts et Chaussées ; le souverain y fait même participer l'Etat pour deux millions et demi. La Ville lui demande la création d'un Port de commerce qui doit libérer la marine marchande des servitudes militaires des quais Tourville et Jean Bart. L'Empereur le lui accorde et promet même une subvention de l'Etat. C'est Napoléon III qui a décidé de prolonger deux lignes de chemin de fer jusqu'à Brest. L'Empereur même a fait un séjour prolongé à Brest, les 9-10-11 et 12 août 1858, l'hôtel de la Préfecture maritime fut pendant ces quatre jours le palais Impérial et la ville organisa des fêtes dont l'éclat n'a jamais été depuis surpassé. En 1860, la Municipalité, écho de l'unanimité presque des Brestois, demandera l'érection sur le Champ de Bataille de la statue équestre de Napoléon III. Au budget elle inscrira 30 mille francs dans ce but. L'empereur refusera cette fois l'autorisation, mais c'est la seule chose qu'il a refusée aux Brestois.

Or deux démarches pouvaient être envisages au sujet de l'extension de Brest hors de ses remparts. Ou bien demander le déplacement, le recul des fortifications, mais c'était là chose grave et fort coûteuse et la défense nationale était en jeu.

Ou bien demander l'extension de l'octroi hors des fortifications en annexant à la commune de Brest le faubourg qui commençait à se développer du côté dit actuellement quartier de Saint-Martin. Certains conseillers étaient pour la première solution. Oui, disait l'un d'entre eux, M. l'ingénieur Tritschler, l'Empereur est si bien disposé à notre égard que si le jour de l'inauguration du Chemin de fer, le Souverain vient à Brest, comme nous l'espérons, il suffira si le décret est tout rédigé, de présenter le porte-plume à l'Empereur, pour qu'il daigne signer aussitôt. « C'est possible, lui répondait le maire dans la séance du Conseil municipal du 5 novembre 1859, mais après avoir tant eu, par pudeur administrative (sic), comme par calcul avec nous-mêmes, nous ne pouvons pas solliciter le déplacement des fortifications; contentons-nous de demander l'extension de l'octroi par l'annexion à notre commune de ce faubourg qui ressort encore de la commune de Lambézellec ». La majorité du Conseil adopta l'avis du maire qui fut chargé de rédiger un projet de requête à ce sujet.

M. Bizet lut ensuite à ses collègues du Conseil une longue requête que nous résumons ainsi : quatre raisons militent en faveur de l'annexion.

1°) Ou va construire une gare et un Port de commerce. Or cette gare et ce port desserviront plus Brest que Lambézellec, on l'accordera sans peine. De ce fait alors, il y aura à construire des monuments publics ; il faudra édifier des promenades, des terre-pleins, y assurer la sécurité publique, en organisant la police et l'éclairage. Or la commune de Lambézellec, avec son budget annuel d'une trentaine de mille francs, n'y pourra jamais parvenir et cependant on avouera que Brest ne peut pas se désintéresser ni des abords d'une gare ni d'un Port de commerce qui la desservent.

2°) L'annexion d'ailleurs n'existe-t-elle pas déjà en fait ? N'est-ce pas dans les églises de Brest que la population de ce quartier de Lambézellec vient pratiquer ses devoirs religieux ? N'est-ce pas au tribunal de simple police de Brest que sont déjà appelées et jugées toutes les contraventions municipales de Lambézellec ? N'est-ce pas au théâtre de Brest que les habitants de ce faubourg viennent chercher leurs distractions ? N'est-ce pas pour cette population enfin que la commune de Brest entretient totalement à ses frais un service de nuit aux portes de la ville, afin de lui assurer les secours des médecins en cas de maladie et ceux des pompiers en cas d'incendie ? Et voici qu'en retour de nos bienfaits, c'est dans, cette partie de Lambézellec que nos ouvriers, nos militaires, tant marins que soldats, vont dépenser leurs économies dans les cabarets et les guinguettes qui s'y trouvent en très grand nombre. C'est là que nos artisans donnent leurs repas et bals de noces, que les petits retraités vont prendre les logements à bon marché, que sont retirées nos revendeuses pour étaler, tous les lundis et les vendredis, sur les Glacis, leurs friperies. On le voit, la commune de Lambézellec profite, sans charge aucune pour elle, de tous les avantages de la ville de Brest.

Cette anomalie existe même en fait de bienfaisance. Dans cette fraction de Lambézellec, il existe deux établissements de charité, l'un dit de l'Adoration, l'autre dit des Petites Sœurs des Pauvres. Ces deux maisons reçoivent des orphelins et des vieillards de Brest, sans doute, mais de Lambézellec aussi et en bon nombre. Or ces deux établissements sont subventionnés par la ville de Brest, tandis que Lambézellec ne leur fournit pas une obole. Les Religieuses de l'Adoration et les Petites Sœurs des Pauvres nous ont affirmé elles-mêmes vingt fois que leur plus vif désir serait de faire partie de la ville de Brest.

3°) Cette agglomération est trop loin du centre de son administration pour être protégée par elle. Les constructions s'y élèvent selon le bon plaisir de chacun, n'ayant d'autres limites que les tracés de la route impériale et des chemins vicinaux. Il n'y a aucun plan régulateur. Des établissements insalubres s'y créent sans les formalités légales. A cause de l'hygiène, nous avons dû bannir les tueries des bouchers de l'enceinte de la ville. Pas moins de douze tueries privées que Lambézellec ne contrôle jamais, se sont installées dans ce quartier et ont accès sur les routes les plus fréquentées.

4°) Enfin l'intérêt même de Brest postule cette annexion. Brest étouffe dans son corset de pierres. La population entassée dans l'enceinte s'élève à plus de 60 mille habitants. Brest a plus de 629 habitants à l'hectare. Des bâtisses s'élèvent dans les cours et les jardins de jadis, il n'y a plus de place pour bâtir et on doit exhausser les maisons de plusieurs étages ce qui rend les rues sombres et sans air. Une crise terrible de logement sévit aux dépens de l'hygiène. Il faut permettre à Brest de sortir de ses remparts.

On objectera que l'annexion entraînera pour les annexés une augmentation des contributions puisqu'ils seront soumis aux droits d'octoi. A coup sûr, les patentes seront augmentées, mais ces charges ne seront pas sans compensation, puisque l'annexion permettra le développement du faubourg et augmentera ainsi le nombre d'acheteurs. Dans la comparaison des impôts de Lambézellec et de ceux de Brest, il ne faut pas oublier un élément qui établit presque l'équivalence entre les deux communes. Lambézellec est frappé de 13 centimes et demi additionnels sur les quatre contributions, tandis que Brest n'en a que 5 centimes 2 dixièmes. Et puis l'annexion entraînera fatalement un jour ou l'autre la création d'une paroisse en ce quartier. Il y aura à y édifier une église et les habitants ne seront plus condamnés comme maintenant à faire deux lieues de marche pour aller aux baptêmes, mariages et enterrements dans l'église de Lambézellec. Ne sera-ce pas là pour eux un avantage appréciable ?

La population actuelle de la commune de Lambézellec est de 14.635 habitants et sa surface, 2.076 hectares. La partie à distraire enferme environ 6.090 habitants et a une surface de 150 hectares.

Le Conseil municipal, approuvant la requête du maire, les démarches aussitôt commencèrent. Celles ci étaient multiples. Il fallait une enquête dans les deux communes intéressées avec formation d'une commission syndicale dès plus imposés dans la partie de commune à annexer. Il fallait appeler les Conseils municipaux des deux communes à délibérer avec adjonction à ces Conseils des Contribuables les plus imposés. Il fallait soumettre l'affaire au Conseil d'arrondissement et au Conseil général. Il fallait l'avis du géomètre en chef de Cadastre, celui du Directeur des Contributions directes. Il fallait tirer deux plans des lieux et faire un tableau indiquant l'étendue de la partie à distraire, sa population, ses ressources. Il fallait enfin obtenir l'avis du Préfet du Département. Puis, tout cela accompli, il fallait que l'affaire fût soumise d'abord au Corps Législatif puis au Sénat et enfin obtenir la signature de l'Empereur.

Moins d'un an plus tard, le 14 juillet 1860, le Corps Législatif recevait le dossier complet de l'affaire. Le 17 avril 1861, cettte Assemblée en délibérait, et acceptait l'annexion. Le 27 avril, le Sénat en connaissait à son tour et, le 2 mai 1861 la loi était signée par l'Empereur et publiée au Bulletin des Lois, n° 924. En voici le texte.

N° 8957. — Loi qui modifie les limites des communes de Brest et de Lambézellec (Finistère). Du 2 mai. 1861.

Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut.
Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulgnons ce qui suit :
Loi (extrait du procès-verbal du Corps Législatif). Le Corps Législatif a adopté le projet de loi dont la teneur suit :
Article Premier. — Le territoire circonscrit par les fortifications de Brest et par la ligne verte hachée sur le plan annexé à la présente loi est distrait de la commune de Lambézellec, 2ème canton de Brest arrondissement de ce nom, département du Finistère, et réuni à la commune de Brest, même arrondissement. En conséquence, la limite entre Brest et Lambézellec est fixée conformément à la ligne verte hachée indiquée au dit plan.
Art. 2. — La limite entre les premier et deuxième cantons de Brest est fixée par la ligne orange également indiquée sur le susdit plan.
Art. 3. — Les dispositions qui précèdent auront lieu sans préjudice des droits d'usage ou autres qui pourraient être respectivement acquis.

La commune de Brest demeure chargée de contribuer à la reconstruction de l'église de Lambézellee. La quotité de cette contribution, et, s'il y a lieu, les autres conditions de la réunion prononcée seront ultérieurement déterminées par un décret de l'Empereur.

Délibéré en séance publique, le 17 avril 1861. Le Président, signé, Comte de Morny. Les secrétaires : Vernier, Comte Joachim Murat, de Saint-Germain, Comte Le Peletier d'Aunoy.
Extrait du procès-verbal du Sénat.

Le Sénat ne s'oppose pas à la promulgation de la loi relative à la modification des limites des territotres de Brest et de Lambézellec (Finistère). Délibéré et voté en séance, au palais du Sénat, le 27 avril 1861. Le Président : signé, Troplong. Les Secrétaires  A. Dariste, P. Mérimée, baron T. de Lacrosse. Vu et scellé du Sceau du Sénat : Le Sénateur secrétaire : Signé: baron T. de Lacrosse.

Mandons et ordonnons que les présentes, revêtue du Sceau de l’Etat et insérées au Bulletin des lois, soient adressées aux cours, aux tribunaux et aux autorités administratives, pour qu'ils les inscrivent sur leurs registres, les observent et les fassent observer, et notre ministre secrétaire d'Etat au Département de la Justice est chargé d'en surveiller la publication.
Fait, au palais des Tuileries, le 2 mai 1861. Signé : NAPOLEON.
Vu et scellé du grand sceau : Le Garde des Sceaux, ministre et secrétaire d'Etat au département de la justice : Signé, Delangle. Par l'Empereur : Le ministre d'Etat : Signé : A. Walewski
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La commune de Brest s'augmentait de tout le territoire compris entre les remparts et la ligne qui, partant du Moulin à poudre, longeait les fours à chaux, montait par la rue de la Vierge à l'Allée verte puis, descendait Messidou, gagnait la route impériale par le chemin de Kerfautras et rejoignait la route du Moulin-Blanc jusqu'au chemin de Poul-ar- Bachet, en suivant ce chemin jusqu'au ruisseau que descend à la mer.

Une modification ultérieure de 1865 a distrait de ce territoire le Bot, Pencréac'h et le Douric pour tes rattacher à la commune de Saint-Marc.

CHAPITRE IV.

Lambézellec oppose des difficultés à l'exécution de la loi.

Dès la publication au Bulletin des Lois de la loi du 2 mai 1861, M. Bizet écrivit au Préfet du Finistère pour lui demander le détail des formalités à remplir pour l'exécution de la loi. « Préparez tout d'abord votre bureau et votre personnel d'octroi, faites-le le plus vite possible, puis, tout étant prêt, entendez vous avec le maire de Lambézellec pour signer de concert avec ce magistrat le procès-verbal d'annexion dans les termes marqués dans ce modèle de procès-verbal que je joins à ma lettre ». Telle était en substance la lettre du Préfet.

M. Bizet acheta un terrain là où est maintenant encore l'octroi et y fit édifier une cabane en planches, il prépara un personnel octroyen. A la fin d'août, tous ces préparatifs étant faits, il écrivit au maire de Lambézellec pour lui donner un rendez-vous soit à Brest soit à Lambézellec le 1er septembre pour la signature du procès-verbal.

Hélas ! pendant toute la matinée du 1er septembre M. Bizet eut beau, comme soeur Anne, attendre le premier magistrat de Lambézellec, il ne vit rien venir. Il se rendit alors dans l'après-midi à la mairie de Lambézellec ; ce fut pour s'entendre dire que le maire était absent depuis plusieurs jours et n'avait averti personne du jour de son retour.

Mais, le lendemain matin, à la première distribution du courier, M. Bizet recevait de son collègue de Lambézellec une lettre par laquelle ce dernier déclarait se refuser absolument à la signature de tout procès-verbal d'annexion. « La loi du 2 mai, y disait-il, ne pourra être exécutoire que quand aura été rendu le décret qui, aux termes mêmes de la loi, devra fixer l'indemnité due, en faveur de Lambézellec ».

Certes le texte de la loi portait que « la commune de Brest demeure chargée de contribuer à la reconstruction de l'église de Lambézellec » et Brest acceptait cette condition. Mais l'exécution de la loi était-elle subordonnée oui ou non au versement de la contribution qui, d'après le texte même, devait être fixée par l'Empereur ?

Lambézellec disait oui, mais le Préfet du Finistère consulté disait non. Et la ville de Brest qui avait fait une dépense de 43 mille francs pour installer ses barrières d'octroi et embaucher des employés se mit à percevoir les taxes d'octroi. De son côté Lambézellec se mit à percevoir les fortes taxes qu'elle avait établies sur les boissons en particulier. La position du contribuable néo-annexé devint bizarre. « On le réputait de Brest pour l'imposer à une taxe à laquelle il aurait échappé s'il avait été de Lambézellec et on le considérait de Lambézellec lorsqu,'il s'agissait de lui attribuer un tarif d'octroi plus élevé que celui auquel il aurait été soumis s'il avait été uniquement de Brest » (Cahier de Délibérations).

Qu'on nous classe comme on voudra, disaient les pauvres annexés, mais qu'on ne nous classe pas de deux communes à la fois. De plus le fermier des droits d'étalage de Lambézellec et celui des mêmes droits de Brest se trouvaient à tout moment en conflit et on vit le garde-champêtre de Lambézellec verbaliser même contre le maire de Brest pour abus de pouvoir.

Pour comble d'agitation, voici que le 29 Septembre le Conseil municipal de Lambézellec décida que le maire écrirait au Ministre de l'Intérieur pour faire surseoir à l'exécution de la loi du 2 mai « jusqu'à ce que la ville de Brest eût été condamnée au paiement d'une somme, juste compensation du territoire usurpé ». Et l'indemnité que réclamait Lambézellec était de 517.188 fr. 36.

Soit 1e) 342.188 fr. 36 pour déficit de revenus. Brest, en effet, bénéficiera, par suite de l'annexion d'un revenu annuel de 100.000 francs ; cette ville aura donc encaissé un million en dix ans. Tandis que pour Lambézellee, la perte par an étant de 34.218 fr. 83, en dix ans cela nous fait un déficit de 342.188 fr. 36.
2°) 75.000 francs au titre d'indemnité ; Laimbézellec a dépensé cette somme pour construire deux écoles et un asile à Bel-Air. C'est la moindre des choses qu'on doive payer ce qu'on lui prend.
3°) 100.000 francs pour la reconstruction de l'église paroissiale. La municipalité de Lambézellec expédia une copie de cette délibération à la Municipalité de Brest. Celle-ci, réunie extraordinairement en séance, eut un sursaut d'indignation.
Comment ! dit-elle, Lambézellec demande que nous soyons condamnés, comme si nous étions coupables ; d'ailleurs sa imunicipalité nous traite d'usurpateurs. Nous avons été suppliants tout comme elle. L'épithète d'usurpateurs à notre adresse est un outrage pour nous, mais ce qui est plus grave, c'est qu'elle est un outrage aussi à l'adresse du Préfet, du Corps législatif, du Sénat et de S. M. l'Empereur.

La demande d'indemnité pour déficit de revenu d'octroi est un outrage de plus à notre adresse et elle est contraire à la jurisprudence en cette matière. Certes l'annexion sera pour Brest une source de revenus, mais ces revenus ne sont pas destinés à augmenter la fortune de la Caisse municipale, mais à améliorer les conditions d'habitation et à édifier des monuments publics. Ce qui est étonnant, c'est que Lambézellec ne nous ait pas réclamé de suite une rente perpétuelle de 100.000 francs. Mais il n'y a rien à craindre à ce sujet, la jurisprudence établie pour des annexions analogues à la nôtre nous rassure. Lambézellec sera certainement débouté de son injuste prétention.

Certes Lambézellec a bien construit les écoles de Bel-Air, mais les habitants de l'Annexion ayant contribué aux charges quand ils étaient de Lambézellec, il est naturel qu'ils puissent aussi contribuer aux profits maintenant qu'ils sont de Brest. La prétention émise par Lambézellec pour la reconstruction de son église, nous l'acceptons puisque la loi nous impose une contribution. Mais nous constatons, après enquête faite à ce sujet, que le Corps Législatif a été abusé à ce sujet par le rapport du Conseil municipal de Lambézellec. Ce Conseil municipal, a, en effet, envoyé à l'Assemblée Législative copie du texte d'une délibération que nous avons connue trop tard. Lambézellec a trompé le Ministre de l'Intérieur en lui disant que les habitants de l'Annexion viendraient remplir leurs devoirs religieux dans la ville de Brest. Sans doute, cela peut être vrai pour la messe dominicale, mais pour les baptêmes, mariages et enterrements, on est oblige par l'Eglise d'être d'une paroisse déterminée. L'Annexion nous obligera d'installer une église dans ce quartier et nous devrons payer deux fois au point de vue religieux, une fois pour procurer aux annexes une église et une fois pour l'église de Lambézellec où les annexés, nous l'espérons, n'auront plus besoin d'aller. Mais la loi du 2 mai nous imposant une contribution à la réédification de l'église de Lambézellec, nous nous y soumettrons.

Néanmoins puisque 6.000 habitants viennent d'être détachés de la commune de Lambézellec, il faut en tenir compte. Depuis l'annexion, il n'y a plus que 9 mille habitants à Lambézellec. Or pour établir les dimensions d'une église on se base sur le dixième de la population. La nouvelle église devrait donc être faite pour abriter 900 fidèles et non 1.500 comme le devis le porte. Si, par impossible, l'exécution envisagée de la nouvelle paroisse n'avait pas lieu, Lambézellec serait tenu de créer une chapelle de secours capable de contenir au moins 600 fidèles. La Fabrique de Lambézellec aurait-elle le toupet de nous la faire payer en plus des 100 mille francs que la commune nous réclame pour son église ? D'ailleurs, la nouvelle église de Lambézellec au lieu de se rapprocher du quartier annexé s'en éloigne et nous devrions de nos deniers favoriser les difficultés d'accès pour nos nouveaux concitoyens ?

Au reste, n'aurons-nous pas nous-mêmes à construire une église dans le quartier annexé si l'érection en paroisse se fait un jour ? Nous ne savons pas à quelle somme s'élèvera la dépense de construction de cette église et nous ne savons pas non plus ce qu'il faut, d'après la loi du 2 mai, verser à la paroisse de Lambézellec. Cette commune a établi pour la reconstruction de son église 5 centimes additionnels qui doivent rapporter annuellement 3.343 francs ; mais, par le fait de l'annexion, ce produit va tomber à 1712 francs, peut-être à 1.630 francs. Nous ne savons pas combien de temps doivent durer ces centimes additionnels. En capitalisant au denier vingt, nous proposons 32.600 francs une fois pour toutes.

Les procès-verbaux de délibérations des deux Conseils municipaux de Brest et de Lambézellec furent transmis à Paris et le Conseil d’Etat, délibérant le 17 novembre 1861, rapportait une décision, en vertu de laquelle la commune de Brest devait verser 80 mille francs pour la reconstruction de l'église de Lambézellec et 30 mille francs pour dédommager la commune de Lambézellec des frais de construction des écoles de Bel-Air. Les prétentions de Lambézellec étaient réduites de 517.188 francs 36 à 110.000 francs.

Le Conseil d'Etat ayant tranché, rien ne s'opposait plus à l'annexion et, le 2 décembre 1861, les maires de Brest et de Lambézellec se rencontraient enfin pour signer le procès-verbal d'annexion.

CHAPITRE V.

L'érection du quartier annexé en paroisse Saint-Martin.

L'annexion du faubourg à la commune de Brest allait permettre à la ville de Brest de sortir de ses murs. L'Annexion, comme on a appelé à ce moment ce nouveau quartier de Brest va voir, en effet, croître rapidement sa population. Mais de nouveaux besoins vont s'y faire sentir.

C'est d'abord le besoin religieux. Pour l'observation du précepte dominical de la messe, il y a bien les chapelles des religieuses de l'Adoration et des Petites Sœurs des pauvres, mais dans ces chapelles il n'y a chaque dimanche qu'une messe, et elles ne peuvent contenir à elles deux plus de deux cents personnes. Il y a encore la chapelle du cimetière, où un aumônier dit la messe tous les jours. Ce n'est pas un spectacle banal que la messe qui y est dite tous les dimanches à sept heures. La chapelle ne peut contenir plus d'une douzaine de fidèles, mais ses portes alors sont grandes ouvertes et sur l'allée centrale du cimetière il y a une foule qui s'y presse, exposée au froid et à la pluie, pour participer au saint sacrifice. La plupart des habitants descendent entendre la messe dans une des églises et chapelles de Brest. Mais pour les baptêmes, les mariages et les enterrement, il faut aller à l'église de Lambézellec et cela fait entre aller et retour, deux lieues à parcourir par des chemins souvent boueux et toujours raboteux. Le plus pénible est surtout pour les enfants qui sont obligés le jeudi et le dimanche d'aller au catéchisme à Lambézellec et d'y faire leurs communions. Les habitants de l'Annexion faisaient des pétitions que la ville de Brest appuyait pour obtenir qu'une chapelle de secours fût érigée dans leur quartier. Mais la commune de Lambézellec boudait depuis la séparation qu'on lui avait infligée et la Fabrique de la paroisse ayant son église à reconstruire se trouvait dans l'impossibilité de construire une chapelle de secours pouvant contenir 600 fidèles.

Que faire ? La ville de Brest s'adresse aux religieuses de l'Adoration, leur demandant si elles ne pouvaient prêter leur chapelle pour la desserte du quartier. Ces bonnes religieuses doivent decliner l'offre, car elles ne s'occupent pas seulement d'élever des orphelines, elles se sont vouées avant tout à l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement; jour et nuit, une d'entre elles est à genoux devant le tabernacle. Cette adoration serait rendue impossible si le lieu saint était envahi pour les besoins d'un mariage, d'un enterrement ou d'un baptême. Le maire de Brest, M. Bizet, s'adresse alors à Mgr Sergent, évêque de. Quimper, pour obtenir une solution quelconque. Or ce prélat aimait beaucoup Brest, où il séjournait pendant trois ou quatre mois tous les ans. Quelques années auparavant, le Conseil municipal avait même décidé de louer une maison au bas de la rue de la Rampe et de l'offrir à l’Evêque. Mais celui-ci avait décliné l'offre et acheté de ses deniers au prix de 35.000 francs, le manoir de Kéroriou (maison où se trouve actuellement le Dispensaire antituberculeux). Ce prélat répond au maire que la seule solution qui peut satisfaire tout le monde est l’érection en paroisse du quartier de l'Annexion. Si le maire demandait la chose, lui, Evêque, l'appuierait près du Gouvernement. Il lui indique même un endroit pour bâtir la nouvelle église, le fort de Kéroriou. On construit, dit-il, un fort au Guelmeur, cela permettra de déclasser le fort de Kéroriou et là on aurait un superbe emplacement pour l'église. En attendant, le prélat offre au maire au prix coûtant de 35.000 francs sa maison de Kéroriou. « Transportez-y l'asile de Bel-Air, transformez cet asile en église provisoire et un jour si l'église se bâtit à Kéroriou, vous aurez dans ma maison un presbytère tout prêt ».

Le Conseil municipal accepte avec empressement cette suggestion de l'Évêque. Il décide l'achat de la maison de Kéroriou et vote des remerciements au prélat pour sa cession à si bon compte. A la fin de l'année scolaire 1861-1862 : M. Bizet vient à l'école de Bel-Air et annonce aux familles réunies pour la distribution des prix que l'école et l'asile s'ouvriront en septembre à Kéroriou et que dans la maison d'asile, il va, de concert avec l'Evêque et le curé de Lambézellec, ouvrir une église provisoire.

Cette salle d'asile existe encore et y occupe les numéros 13, 15 et 17, de la rue Danton, Cette longue maison n'a pas d'étage et est maintenant divisée en trois classes ; on y accède par la porte cochère du numéro 15 de la même rue. Cette salle d'asile pouvait renfermer 600 personnes.

Un menuisier fabrique un maître-autel, la Fabrique de Lambézellec prête le mobilier nécessaire pour garnir l'église, Le maire fait transporter dans la cour de l'asile et monter sur des madriers une vieille cloche qui se trouvait dans la cour de la Mairie, la cloche de la chapelle de Notre-Dame de Recouvrance démolie lors des travaux de construction du grand Pont. Cette cloche portait l'inscription : « Viel, fondeur 1830 » et à peine commencera-t-elle à sonner qu'on verra le curé de Recouvrance et l'Administration maritime se la réclamer comme la propriété ou de l'un ou de l'autre.

Le 15 août 1862, la cloche sonne pour la première fois à Bel-Air et le curé de Lambézellec, M, Mengant, chante lapremière messe dans cette église provisoire qu'il dédie à Notre-Dame de l'Assomption. Le « serpent » de Lambézellec, M. Souben, est venu soutenir le chant des fidèles des accords puissants de son long et tortueux ophicléide pendant que Madame Cras, joue sur l'harmonium, dans l'intervalle des chants, ses meilleurs morceaux à l'Offertoire et à l’Elevation.

A partir de ce jour, un vicaire de Lambézellec réside dans un local attenant à l'église provisoire, depuis la première messe du matin jusqu'à six heures du soir. Il y tient les registres paroissiaux, car il y procéde aux baptêmes, mariages et enterrements et le dimanche il y a deux messes.

Mais aussitôt aussi, fort de l'appui de l'Evêque, M. Bizet demande officiellement l'érection en paroisse du quartier de l'Annexion. Pour l'érection en paroisse comme pour l'annexion à la commune, il fallait enquêtes et délibérations non plus cette fois de Conseils municipaux mais de Conseils de Fabrique. M. Jégou, vicaire général écrit le 26 juillet 1863 au curé de. Lambézellec et à M. Michel, maire de cette commune, pour avoir leur avis sur le détachement du faubourg de leur paroisse. Le curé, le maire et le Conseil de Fabrique conviennent de la nécessité inéluctable d'une nouvelle paroisse dans ce quartier qui devient de plus en plus populeux, mais, mûs par un sentiment qu'on comprend, ils émettent le vœu que l'érection soit ajournée jusqu'au complet achèvement de l'église de Lambézellec.

Si l'on trouve, ajoute le curé, que les besoins religieux exigent plus d'un vicaire, qu'on y place deux vicaires à poste fixe, l'un à la charge de la Fabrique de Lambézellec, l'autre à la charge de l'Administration municipale de Brest ; qu'en tout cas, on n'érige pas en église paroissiale une « bicoque » comme l'église dite provisoire de Bel-Air qui n'est qu'une chapelle pouvant tout au plus contenir 400 fidèles.

Le 30 décembre 1863 paraît le décret suivant, « Ministère de la Justice et des Cultes et Administration des Cultes. Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français. A tous présents et à venir, salut ! Sur le rapport de notre Garde des Sceaux, Ministre secrétaire d'Etat au département de la Justice et des Cultes, Vu les articles 61 et 62 de la loi du 18 germinal an X, Vu les propositions de l'Évêque de Quimper et du Préfet du Finistère, Avons décrété et décrétons ce qui suit :

Article 1er : Est érigée en succursale l'église de Bel-Air de la ville de Brest, dans le diocèse de Quimper et le département du Finistère, conformément au plan annexé au présent décret.

Article 2. — Notre Garde des Sceaux, ministre d'Etat au département de la Justice et des Cultes est chargé de l'exécution du présent décret qui sera inséré au, Bulletin des Lois.

Fait au palais des Tuileries, le 30 décembre 1863. Par l'Empereur, le Garde des Sceaux : Barochi ». Signé : Napoléon.

Il s'agit maintenant de donner un nom de saint à la nouvelle paroisse. C'est alors que Mgr Sergent, voulant reconnaître la part que le maire de Brest avait prise dans l'affaire, demande au magistrat de lui permettre de prendre un de ses saints patrons pour titulaire de la nouvelle paroisse. M. Bizet avait pour prénoms Hyacinthe-Martin. Sur son désir, le prélat décide d'appeler la paroisse, paroisse de Saint-Martin et quand il s'ouvre de son dessein au curé de Lambézellec, M. Mengant lui répond que cette dénomination lui plaît, car elle rappelle le geste du saint Évêque de Tours qui avait, étant catéchumène, partagé en deux son manteau pour vêtir un pauvre ; lui aussi, il déchire sa paroisse en deux parties pour aider à la sanctification des âmes des annexés.

C'est pourquoi, le 26 mars 1864, Mgr Sergent promulgue l'érection canonique de la nouvelle paroisse, détachant, dit-il, de la paroisse de Lambézellec la partie « vulgo dicta, les Glacis ». « Auctoritate ordinariâ a sancto concilio Tridentino delegatâ, disait l'acte canonique, separamus, dividimus, et dismembramus et in parochialem ecclesiam erigimus et constituimus prœdictam ecclesiam sancti Martini ». L’Evêque accorde la faculté d'ériger des fonts baptismaux et nomme pour recteur de la paroisse « magistrum Isidorum Petrum Josephum Chouffeur ». M. Chouffeur, né à Guiscriff en 1820, avait été vicaire à Landerneau et était, au moment de sa nomination, aumônier des Ursulines de Carhaix. L'Evêque lui donne pour vicaires M. Berthou, vicaire à Spézet, M. Kersimon, vicaire à Plouigneau, et M. Quillivic, précepteur à Clohars.

Il nomme en même temps un Conseil de Fabrique. MM. Charles Vaucel, Louis-François-Marie Le Bras Jacques Raudier, François Rolland et Martial Gandon étaient nommés, par l'évêque et MM. Guézennec, négociant, Mahé, négociant, Rousseau, receveur des contributions directes, et Lallour Valéry étaient nommés par le Préfet.

Le dimanche 1e mai, M. Mengant, curé de Lambézellec, procède à l'installation du premier recteur de Saint-Martin. Le lendemain a lieu la première réunion du nouveau Conseil de Fabrique. A l'unanimité, M. Chouffeur est nommé président et M. Raudier secrétaire, tandis que MM. Vaucel, Lallour et Gandon sont élus pour former le bureau des marguilliers.

Le 8 mai, le Conseil se réunit encore pour établir une liste des objets nécessaires au culte, à communiquer à la Ville.

Le 22 mai, autre réunion pour fixer les tarifs des enterrements, baptêmes et mariages, et M. Chouffeur y annonce que la Municipalité vient de voter 18.000 francs pour parer aux besoins de la nouvelle paroisse.

Le 14 août, le Conseil réuni, M. Chouffeur donne sa démission de président du Conseil de Fabrique et M. Vaucel est élu à sa place.

Cette démission fut provoquée par un curieux incident. Nous avons vu au début du service religieux, le « serpent » soutenir le chant des fidèles et l'harmonium faire ses solos. Or an début d'août, M. Chouffeur renvoie le « serpent » et demande à l'harmonium de Madame Cras d'accompagner le chant. Ce fut toute une révolution. Les fidèles refusèrent de chanter, sous prétexte que le son de l'harmonium est trop maigre et trop difficile. M. Chouffeur maintint sa réforme et c'est alors que, blâmé par le Conseil de fabrique, il donna sa démission de Président.

La vie paroissiale est déjà active puisque du 1er mai au 20 novembre, il y a eu 980 enterrements.

CHAPITRE VI.

Construction de l'église Saint-Martin.

« Il faut une nouvelle église, disait à la séance du Conseil municipal de Brest le 27 décembre 1861, M. Tritschler, rapporteur ; il faut une église pour satisfaire au besoin le plus élevé dans l'ordre moral à toute agrégation d'hommes ». Et pour l'érection de ce nouveau temple, on ne peut choisir un emplacement plus favorable que celui qui a été suggéré par l'Evêque, le terrain occupé actuellement par le fort de Kéroriou. La construction du fort du Guelmeur rendra inutile la redoute de Kéroriou qui sera déclassée et on peut espérer que le Gouvernement cédera cet emplacement à la Ville à des conditions peu onéreuses. Il faut mettre au concours le projet de cette église qui devra contenir 3.000 personnes et présenter un espace de 1.000 mètres carrés ; la dépense ne devra pas excéder 800.000 francs ».

Eglise de la paroisse Saint-Martin de Brest (Bretagne).

Sur ce rapport, la Municipalité arrête :

Article premier. — La ville de Brest met au concours le projet d'une église paroissiale devant contenir 3.000 personnes, c'est-à-dire, présentant une surface d'au moins 1.000 mètres carrés, réservée aux fidèles.

Article 2. — L'emplacement, libre de toute construction sur une étendue de 300 mètres en longueur, sur 200 mètres en profondeur, est un point culminant, allant en amphithéâtre vers la gare, le Port Napoléon et en regard de toutes les parties de la magnifique, rade de Brest et du Goulet.

Article 3. — Les projets devront être conçus suivant un des styles généralement suivis au Moyen-Age, du XIème siècle au XVIème siècle inclusivement. Ils se composeront : 1°) d'un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 indiquant l'église et ses abords ; 2°) de plan, élévation et coupe de toutes les parties de l'édifice de 0.01/100 ; 3°) d'un devis descriptif et d'un devis estimatif.

Article 4. — La durée du concours est de 6 mois à partir du 1er février 1862 ; tous les projets seront adressés à la mairie de Brest pour le 1er août au soir.

Article 5. — Une commission mixte, composée de membres du Conseil municipal et d'hommes spéciaux au nombre de sept, présidée par le maire, fera un classement.

Article 6. — Les projets admis seront soumis à l'examen du Comité des Inspecteurs généraux diocésains qui en fera le classement et le Conseil municipal choisira définitivement deux des projets.

Article 7. — Le premier prix sera de 2.000 francs avec droit à la direction des travaux à raison de 4 0/0 ; le 2ème prix sera de 1.000 francs.

..........

Article 12. — La Ville de Brest ne peut prendre l'engagement ni déterminer l'époque à laquelle seront commencés les travaux, ni la durée de leur exécution qui dépend des crédits disponibles. L'article 12 était de toute prudence. Une ville fortifiée a des servitudes militaires et, à Brest, si la Ville propose, le Génie militaire seul dispose et le G. M. fit vite comprendre à la Municipalité que jamais il n'autoriserait l'édification d'une église sur le terrain de Kéroriou ; si ce fort peut être déclassé, la position qu'il occupe garde une valeur particulière pour la défense de la place. Et alors aucun projet ne fut présenté à la Municipalité et la question de l'église tombe véritablement en sommeil, car on a beau feuilleter le registre des Délibérations du Conseil municipal pendant les années 1862, 1863 et 1864, il n'y est plus question de la nouvelle église à ériger.

Mais le nouveau recteur de Saint-Martin, M. Chouffeur veille. Son Conseil de Fabrique transmet à la Municipalité, le 6 décembre 1865, copie d'une délibération par laquelle il demande l'érection de la paroisse Saint-Martin en cure de 1ère classe et rappelle l'urgente nécessité de l'édification d'une église en remplacement de l'installation provisoire qui devient de jour en jour plus insuffisante.

Le Conseil municipal convient que « la construction d'une église pour la paroisse de Saint-Martin est l'un des besoins les plus urgents auxquels la Ville doit satisfaire » et assure le Conseil de Fabrique qu'il va s'en préoccuper.

M. Kerros a succédé comme maire à M. Bizet le 17 août 1865. Il va prendre l'affaire à cœur. C'est à sa demande, qu'à la séance du 5 juin 1866, le Conseil municipal décide l'achat de terrains pour l'érection d'une église et la construction d'un marché couvert pour le quartier Saint-Martin. Il fixe le coût de l'église à 500.0.00 francs en sus du prix d'acquisition de terrains, Et la Municipalité de Brest fit là vraiment acte de bonne volonté ; car un incendie qui venait de détruire son théâtre, l'obligeait à ce moment à de grosses dépenses imprévues pour la réédification de ce monument public.

Le 28 octobre, l'afficheur municipal colle sur les murs de Brest l'affiche suivante :

« La Ville de Brest se propose d'acquérir de MM. Paré, Le Bras, Denouel, François et de Mlle Vincente Pérennez, propriétaires à Brest, au prix de 117 à 118.000 francs, les terrains nécessaires pour l'édification de l'église Saint-Martin avec la place à l'entour et la rue débouchant sur la route impériale n° 12 de Brest à Paris.

Ce projet est soumis à une enquête publique. Les promesses de vente, le plan des lieux et la délibération du Conseil municipal resteront déposés au Secrétariat et y seront communiqués à tout requérant, depuis le vendredi 12 octobre jusqu'au samedi 20 dut même mois.

Les 22, 23 et 24 de ce même mois, M. le Juge de paix du 2ème canton de Brest, commissaire enquêteur, recevra a la Mairie, de 11 heures a 2 heures, toutes les observations ou réclamations auxquelles pourraient donner lieu les acquisitions projetées.

En mairie, à Brest, ce jour 8 octobre 1866. Le maire : Kerros ».

Le 12 novembre 1866, l'achat des terrains, fait par la Municipalité, est approuvé par le Préfet. Ce même jour, le Conseil municipal décide de créer un concours entre les architectes pour le projet de l'église. Il donne un programme qu'il a soumis au Comité des Inspecteurs diocésains afin d'entourer le concours de toutes les garanties nécessaires. D'après ce programme, les dimensions de l'église doivent être de 1900 à 2.000 mètres carrés.

Le concours eut lieu, en effet. Le Comité des Inspecteurs diocésains retint les projets de MM. Bigot, Pellefresne et Leguerrannic. Mais ces projets ne plaisent pas à la Municipalité, tout d'abord parce qu'ils donnent tous trois à leur église un clocher en charpente recouverte d'ardoises, indigne d'un pays de granit, puis parce que les dimensions de ces églises ne sont que de 1.400 ou 1.500 mètres carrés, et enfin parce que leurs devis estimatifs dépassent de beaucoup les 500.000 francs prévus. Le projet de M. Bigot reçoit le 1er prix de 3.000 francs, celui de M. Pellefresne le 2ème prix de 1.800 francs et celui de M. Leguerrannic le 3ème prix de 1.200 francs.

La Municipalité décide alors de s'adresser, pour avoir un projet plus conforme à ses goûts et à ses crédits, à M. Boucher de Perthes, qui avait construit la basilique de Sainte-Anne d'Auray et qui venait d'être nommé architecte de la Ville de Brest.

Mais, avant d'entreprendre tout ouvrage de maçonnerie dans cette zone de Saint-Martin, il fallait avoir la permission du G. M. Enfin, après de multiples démarches et des enquêtes plus multiples encore, voici que le 1er juillet 1868, le commandant du Génie militaire adresse au Maire de Brest une lettre lui faisant connaître que M. le Ministre de la Guerre autorise conditionnellement la Ville à construire une église et un marché dans ce qu'il appelle « la 2ème zone des servitudes de la place ». Son Excellence, dans sa réponse au Maire, fait remarquer, qu'en vertu de l'article 27 du décret du 10 août 1853, la Ville doit s'engager à démolir, au besoin sans indemnité,  l'église et le marché en question si les circonstances prévues à l'article 8 du même règlement venaient à se réaliser.

Le maire signe l'engagement demandé et le Conseil municipal décide que l'église devra être achevée pour le 1er mars 1871.

Le projet fait par M. de Perthes est approuvé par le Conseil municipal, son devis total est de 502.500 francs.

La première adjudication a lieu le 4 février 1869. L'entreprise est adjugée à M. Sichère, entrepreneur demeurant à Brest, rue d'Aiguillon. Mais aussitôt les autres entrepreneurs élèvent une violente protestation. Leur représentant, M. Kerautret, attaque l'adjudication en justice : « Il y avait, disait-il, deux projets, l'un présenté aux concurrents pour baser leurs calculs et ne valant rien que par son attache administrative ; l'autre, tenu à l'abri des regards indiscrets mais devant seul servir de règle à l'adjudicataire pour la construction de l'édifice ». La justice donne raison à la Ville, et le 16 mars 1869 on commence les travaux.

Le lundi 21 juin 1869, lit-on dans le journal L'Océan, à 9 heures du matin, eut lieu à Bel-Air la bénédiction de la première pierre de l'église Saint-Martin, en présence des autorités ecclésiastiques, civiles, maritimes et militaires et avec un grand concours de fidèles. Elle a été faite par Mgr Sergent.

Après avoir revêtu ses ornements pontificaux dans la chapelle de Bel-Air, Monseigneur, escorté de son clergé, s'est dirigé vers l'entrée de l'emplacement préparé pour l'église. Il y a été reçu par M. Hessé, deuxième adjoint, remplaçant le Maire, M. Kerros, indisposé, et le magistrat lui a fait le discours suivant :

« Monseigneur, nous avions jusqu'au dernier moment conservé l'espoir que notre premier magistrat viendrait, à la tête des Adjoints et du Conseil municipal, vous présenter ses hommages. Mais son état de santé n'est pas tel qu'il puisse encore reprendre ses fonctions. Je viens donc en son absence vous remercier de l'honneur que vous voulez bien nous faire de donner votre bénédiction à l'église que nous allons construire.

Personne plus que M. Kerros n'a contribué à l'exécution de cet édifice ; il a fallu toute son experience des affaires, toute son activité et toute sa prévoyante persistance pour vaincre les nombreux obstacles qu'il a rencontrés et pour parvenir à concilier les intérêts opposés qui se trouvaient en présence.

Il a eu cependant ce bonheur ; aussi est-il bien juste de lui en attribuer le mérite, et son absence, en ce moment surtout, me fait un devoir de le proclamer hautement.

La Ville de Brest, Monseigneur, animée d'un sentiment d'équité et de bonne confraternité qui doit toujours exister entre concitoyens, a voulu doter la nouvelle population, qui est venue se grouper autour de son enceinte, d'un édifice religieux dont elle a tant besoin pour elle-même, car vous savez, Monseigneur, quelle est notre pénurie. Vous pouvez conséquemment apprécier notre désintéressement et notre libéralité. Mais il vous semblera peut-être qu'en construisant une église dédiée à saint Martin, notre cité devait s'inspirer des sentiments de générosité qui, dans la légende de ce saint, ont été signalés comme exemple à la vénération des fidèles.

L'église que nous allons élever se fera remarquer, nous en avons l'espoir, parmi celles qui, en grand nombre en Bretagne, méritent la célébrité par la hardiesse et l'élégance de leur construction. Nous en avons pour garant l'expérience et l'habileté bien connues de notre architecte. Il s'efforcera, je n'en doute pas, de maintenir la réputation dont il jouit et de mériter surtout les suffrages d'un juge aussi éclairé et d'un appréciateur aussi compétent que vous l'êtes.

Nous avons aussi le précieux avantage d'avoir pu la placer dans une situation tout à fait exceptionnelle et l'on aura, quand elle sera sortie de ses fondations, du faite de cet édifice, un coup d'œil des plus splendides. Au loin on aperçoit les montagnes dont le vaste amphithéâtre borne l'horizon. En face et à ses pieds, se présentent les maisons entassées de la ville qui supporte impatiemment l'étreinte de ses murailles, puis le Port Napoléon avec ses nombreuses jetées et ses darses spacieuses destinées à faciliter les relations commerciales les plus étendues. A ses cotés se trouve ce magnifique arsenal qui sert à maintenir la paix en faisant redouter la guerre. Enfin, pour terminer ce tableau grandiose, on voit au loin comme un miroir lumineux, la rade dont l'étendue se comfond avec la mer et se prolonge à l'infini. La contemplation de toutes ces merveilles élève l'âme vers Dieu et la dispose à la prière.

Mais je ne yeux pas, Monseigneur, abuser plus longtemps de vos précieux moments ; nous sommes à vos ordres et disposés à vous accompagner dans l'accomplissement de vos augustes fonctions ».

L'Evêque remercie l'adjoint de l'hommage qu'il lui fait de ses sentiments dévoués ; il le prie de transmettre à la Ville de Brest qu'il représente ses remerciements et ses félicitations pour le bel ouvrage qu'il va bénir. Ce bienfait ne restera pas sans récompense. Comme l'acte de saint Martin fut récompensé par le Ciel, ainsi la ville de Brest retirera des avantages de la nouvelle paroisse. Autour de cette église les maisons vont se multiplier, elles seront habitées par des Brestois qui se décideront sans crainte désormais à quitter les logis surpeuplés de la ville close, et ainsi les églises de Saint-Louis et des Carmes, insuffisantes aujourd'hui, vont un jour pouvoir suffire aux paroissiens. Mais il y aura bientôt dans ce nouveau quartier tant d'habitants que, dit-il, cette église qu'il va bénir ne suffira même plus un jour. En tout cas rien ne plaît plus à l'Evêque que de voir s'élever de nouvelles églises. « Faites des églises, dit-il textuellement, élevez des temples à Dieu, vous me trouverez toujours disposé à venir leur apporter ma bénédiction. Ne craignez pas de me déranger par de trop fréquents déplacements ».

Alors entre deux haies de sapeurs-pompiers et aux brillants accords de la musique des Equipages de la Flotte, Monseigneur est entré dans le chantier. La cérémonie a commencé par la bénédiction de la nef et de la place du maître-autel.

Revenant ensuite vers le seuil, l'Evêque bénit la première pierre angulaire, puis tout le pourtour de l'édifice avec le cérémonial d'usage.

A l'issue de la bénédiction, une quête, faite en faveur des ouvriers du chantier, a été assez productive pour faire participer ceux-ci à la joie commune.

Mais voici qu'en juillet de même année, un membre du Conseil municipal s'étant aventuré sur le chantier, remarque une excavation profonde à l'endroit où devait être le chevet de l'église. Qu'est-ce celà ? demande-t-il à M. de Perthes. C'est l'emplacement d'une crypte que le recteur, M. Chouffeur, m'a demandé d'exécuter pour servir de salle de catéchisme. Le conseiller porta la question en séance du Conseil municipal, le 7 juillet, et un blâme y fut voté à l'adresse de l'architecte. Pour payer le prix de cette crypte, on décide de donner une travée de moins à l'église et on prie l'architecte de s'en tenir au plan approuvé.

Néanmoins les travaux avançaient vite, car dès le mois de juillet 1870, les murs de l'église s'élevaient à plus d'un mètre au dessus du sol, quand, le 2 août la guerre éclate !

Les travaux s'arrêtent aussitôt. Le maire de Brest, M. Kerros, démissionne ; il est remplacé par. M. Lemonnier. Le 4 septembre, c'est la chute de l'Empire. Le 5 septembre, réuni en séance extraordinaire, le Conseil municipal rédige l'adresse suivante au nouveau Gouvernement :

« Le Conseil municipal de Brest, plein de confiance dans l'énergie et le patriotisme des membres du Gouvernement de la Défense nationale, met à sa disposition toutes les forces vives qu'il possède pour contribuer à chasser l'étranger de notre sol national. Vive la République ! Vive la France ! ».

Sur les chantiers de l'église Saint-Martin et sur le terrain de Kéroriou on organise des sortes de redoutes pour défendre, au besoin, l'approche de Brest au cas où les Prussiens voudraient arriver jusqu'à cette ville. Le 11 janvier 1871, en effet, l'ennemi n'était-il pas près de Laval ?

Mais ce ne fut qu'une alerte et les fortifications furent enlevées. Le chantier de l'église Saint-Martin présenta alors l'aspect d'une église rasée par un bombardement, image qui frappa plus d'un soldat de retour du front de bataille, nous a-t-on raconté.

Enfin le triste traité de Francfort, qui déchirait la carte de France, est signé le 10 mai 1871. Hélas ! Sur la guerre s'était greffée une émeute meurtrière et la guerre ne finit que le 28 mai, le jour où les Français pénétrèrent dans Paris, dont la Commune s'était révoltée.

Le 5 décembre de l'année suivante, le Conseil municipal de Brest remet en adjudication les travaux de l'église Saint-Martin. M. Even, entrepreneur à Morlaix, obtient l'ouvrage qui est aussitôt repris sous la direction de M. de Perthes. Mais cette fois l'œuvre va doucement car la main d’œuvre est plus rare et la matière première plus chère.

C'est alors aussi, que M. Chouffeur, recteur de Saint-Martin eut la curieuse idée de revendiquer pour sa paroisse le territoire du nouveau Port de Commerce. Il eut un beau procès ecclésiastique entre le curé des Carmes, M. Cozanet, et M. Chouffeur mais la logique de M. Cozanet l'emporta, bien qu'elle fut basée plus sur le code civil que sur le code ecclésiastique et M. Chouffeur fut ramené à ses 148 hectares (on peut lire dans l'Histoire de Brest par Levot, les détails de ce curieux procès).

Mais deux ans plus tard, l'honneur lui venait sans charge en plus. Nous l'avons vu solliciter en 1865 l'érection de sa paroisse en cure de 1ère classe. La chose semblait classée quand le Journal Officiel publia le décret suivant :

« Le Président de la République, sur le rapport du Ministre de l'Instruction publique et des Cultes, Vu les propositions de l'Evêque de Quimper et du Préfet du Finistère, Vu l'article 62 de la loi du 18 germinal an X, Décrète :
Article 1er — L'église succursale de Saint-Martin, à Brest, canton de Brest, diocèse de Quimper (Finistère), est érigée en cure de 2ème classe. 28 août 1874. Signé : Mac-Mahon »
.

Mais entre temps, M. de Perthes avait dû quitter Brest. La Ville de Paris avait mis au concours un projet de réédification de son Hôtel de Ville, incendié pendant la Commune. M. de Perthes prit part au concours ; c'est son projet qui fut adopté et réalisé. La Ville de Paris associa alors M. de Perthes à M. Balu pour en diriger les travaux.

M. Jourdan de la Passadière, ancien élève de l'Ecole centrale, qui avait servi dans l'artillerie pendant la guerre et y avait été blessé, fut nommé architecte de la Ville de Brest, prit donc la succesion de M. de Perthes dans la direction des travaux de l'église Saint-Martin. Il modifia bien des détails dans le plan de M. de Perthes, entre autres la forme du chœur, la structure et la forme du clocher. Eut-il raison, eut-il tort ? Nous ne pouvons entrer dans les détails d'une polémique qui fut des plus vives entre M. Jourdan et M. de Perthes, et dont bien des Brestois ont conservé le souvenir.

Toujours est-il qu'à la fin de l'année 1875, le vaisseau de l'église était terminé ; il ne restait plus que le clocher à terminer. Le 22 décembre, M. Barillé, adjoint-maire, vient visiter officiellement le monument, accompagné des membres du Conseil de Fabrique, et à la suite de cette visite, M. Barillé et M. Lallour, président de ce Conseil, signent le procès-verbal de remise de l'édifice à la Fabrique.

La première cérémonie religieuse a lieu alors dans la nouvelle église ; c'est la messe de minuit du 25 décembre 1875. Les murs encore nus, l'autel rapidement improvisé, la grande nef sans ornement s'harmonisaient très bien avec la célébration de l’humble naissance de Jésus dans la crèche de Bethléem. La foule était si grande pour assister à l'office, qu'elle dut se tasser et rester debout pendant la cérémonie. Le journal L'Océan déclare que pendant cette messe de minuit le clergé ne distribua pas moins de 1.500 communions.

Un Ordo diocésain de 1875 donne la composition du clergé de Saint-Martin en cette année. M. Chouffeur, curé, avait pour vicaires MM. Berthou, Héliès (l'oncle du futur curé de Saint-Martin, M. Henry), Roland et Quiniou. La population de la paroisse Saint-Martin était alors de 11.650 habitants. La paroisse Saint-Louis comptait 24.445 paroissiens, celle des Carmes, 12.828 et celle de Saint-Sauveur de Recouvrance, 30.235.

A la fin de 1877, le clocher de Saint-Martin était terminé. La Marine, voulant elle aussi participer un peu à l'érection de l'église Saint-Martin, offre alors quelques canons pris à l'ennemi pendant la guerre de Crimée, à la victoire d'Inkermann. On les fondit pour en faire la croix qui fut fixée au sommet du clocher.

Le 20 avril 1878, le curé de Recouvrance, M. Quéinnec, était délégué par l'Evêque pour bénir deux cloches, fondues aux frais de Mme Vve Olivier. La première reçut les noms de « Marie-Augustine » et eut pour parrain et marraine M. Auguste Penquer, chevalier de la Légion d'Honneur et maire de Brest, et Madame Vve Olivier, née Marie Guyomard, rentière. L'autre cloche, appelée « Jeanne-Marie », eut pour parrain et marraine M. Jacques Nicol, entrepreneur, et Madame Jean Tann, née Labat, propriétaire. Ce jour là même on installa dans le clocher la vieille cloche de Notre-Dame de Recouvrance qui depuis 1862 avait appelé les fidèles de Saint-Martin aux offices de l'église de Bel-Air.

A la fin de 1880, le maître-autel actuel est mis en place, avec ses marbres et ses bas-reliefs représentant les Sacrements. Il coûtait à la Ville la somme de 22.541 francs. Le 6 janvier 1881, l'autel de Notre-Dame des Victoires est posé lui aussi. Le 11 mars de la même année a lieu l'érection du Chemin de Croix, dont les stations étaient représentées sur les vitraux, donnés principalement par les familles Guézennec et Crouan (Hippolyte, Lucien, Louis et Félicité Crouan) ; ces vitraux coûtaient 13.500 francs. M. Le Guen donnait le vitrail qui représente la légende de saint Martin.

La Ville acquiert encore au prix de 16.500 franes un buffet d'orgues qu'on installe derrière le maître-autel.

La nouvelle église a maintenant le mobilier essentiel. Elle est prête à recevoir la consécration. Cette cérémonie eut lieu le mercredi 30 mars 1881. « Mercredi matin, lit-on, dans le numéro du 1er avril du journal L'Océan, Mgr Nouvel a procédé à la consécration de la belle église Saint-Martin, qui attire tout d'abord l'attention de l'étranger arrivant à Brest. Ce beau monument est digne de notre cité, qui, au point de vue architectural, ne possédait pas jusqu'ici de grandes richesses.

Nos concitoyens de l'Annexion sont vraiment bien partagés ; nous les félicitons ainsi que le vénérable pasteur de cette paroisse.

La cérémonie, à laquelle assistaient des membres du clergé de Brest et des paroisses voisines, ainsi qu'un grand nombre de fidèles, a eu lieu suivant les rites prescrits par l'Église. Le R. P. Gueusset, de la Congrégation des Eudistes, a pris la parole et prononcé une allocution éloquente.

A l'issue de la cérémonie il y a eu au presbytère une réception présidée par Monseigneur, et à laquelle assistaient les membres du Conseil de Fabrique et Monsieur le Maire de Brest, représentant de la cité et de l'administration ».

CHAPITRE VII.

Le dédoublenent de la paroisse Saint-Martin.

L'église Saint-Martin était donc consacrée le 30 mars 1881 ; le maire de Brest, M. Bellamy, assistait à la cérémonie. Hélas ! c'était bien la dernière fois qu'un maire devait à Brest assister officiellement à une cérémonie religieuse. L'année 1881 marque, en effet, la fin de cette équité, de cette confraternité que l'adjoint, M. Hessé, lors de la bénédiction de la première pierre, affirmait devoir exister entre concitoyens. La Franc-maçonnerie, arrivant au pouvoir, commençait d'agiter en ce moment entre les Français le brandon de discorde qu'est le laïcisme. Un jeune sous-préfet de 23 ans, qui s'est peut-être assagi depuis, mais, qui était alors radical, M. Paul Martin, dit Deschanel, venait d'être nommé à Brest, le 3 décembre 1879. Il y était arrivé avec mission de répandre dans ce pays les idées de Jules Ferry. Sous son inspiration, les Municipalités de Brest et de Lambézellec ont déjà voté, en 1880, la laïcisation de leurs écoles communales. Il est le grand inspirateur du journal radical de Brest, le Petit Brestois ; celui-ci souffle la haine antireligieuse et pour cela se sert de l'arme de Voltaire, le mensonge. Brest possède trois journaux alors : l'Océan, royaliste, l'Union républicaine, opportuniste et Le Petit Brestois, radical, comme nous l'avons dit. L'Océan a raconté la cérémonie de la consécration de l'église Saint-Martin ; nous lui avons emprunté notre récit. Ce journal affirme la présence du Maire et le cahier de Délibérations de la Fabrique porte d'ailleurs sa signature. L'Union républicaine ne daigna pas en parler, mais voici ce qu'écrit Le Petit Brestois :

« Mercredi matin, une cérémonie avait lieu à l'église Saint-Martin à l'occasion de la consécration de cette église. Dès sept heures et demie, les portes ont été fermées au public et l'entrée de ce bâtiment communal (ces deux mots sont soulignés dans le texte) n'a été libre qu'à neuf heures. Pendant une heure et demie, malgré le grand froid, les femmes et les enfants ont été forcés (sic) de stationner sur la place de l'église ; il est vrai que la foule n'était pas grande, 250 personnes, y compris une trentaine d'hommes.

Malgré certains faux bruits qui ont couru en ville, nous pouvons certifier qu'aucun membre du Conseil municipal de la ville n'a assisté à cette cérémonie religieuse qui s'est terminée à onze heures et demîe environ ».

Quoi qu'il en soit, l'Annexion voyait sa population augmenter tous les jours. Les recensements successifs, dont les chiffres sont empruntés par nous aux Annuaires de Brest, nous donnent le tableau suivant :
En 1873. — Saint-Louis, les Carmes 26.677 habitants ; Saint-Martin : 18.910 habitants ; Recouvrance : 22.685 habitants.
En 1880. — Saint-Louis, les Carmes, 23.320 habitants ; Saint-Martin : 18.173 habitants ; Recouvrance : 25.335 habitants.
En 1884. — Saint-Louis, les Carmes, 25.012 habitants ; Saint-Martin : 22.025 habitants ; Recouvrance : 22.073 habitants.
En 1890. — Saint-Louis, les Carmes, 26.401 habitants ; Saint-Martin : 22.586 habitants ; Recouvrance : 21.687 habitants.
En 1894. — Saint-Louis; les Carmes, 27.535 habitants ; Saint-Martin : 26.709 habitants ; Recouvrance : 19.250 habitants.
En 1898, — Saint-Louis, les Carmes, 28.503 habitants ; Saint-Martin : 26.785 habitants ; Recouvrance : 19.250 habitants.
En 1910. — Saint-Louis, les Carmes, 34.862 habitants ; Saint-Martin : 28.509 habitants ; Recouvrance : 21.923 habitants.

En 1910, Brest avait donc une population totale de 85.294 habitants. Cette population continuait, on le voit à s'entasser dans l'intérieur des remparts puisque des 60 mille habitants y demeurant en 1857, il y en avait encore maintenant 56.285, mais elle se répandait aussi hors des remparts, dépassant même l'octroi de Brest à Saint-Martin, au point qu'en 1907, Lambézellec, en tant que paroisse, voyait se détacher d'elle, la paroisse de Saint-Joseph du Pilier-Rouge, créée cette année-là et ayant pour église l'ancien Casino ; son recteur actuel est le premier recteur de la paroisse, M. l'abbé Yves Milin, ancien vicaire à Saint-Martin.

Les habitants de la paroisse Saint-Martin étaient devenus trop nombreux eux-mêmes pour que le ministère religieux se fit d'une façon efficace et, depuis la Séparation en 1905, on agitait la création dans ce quartier d'une nouvelle paroisse. En 1896, on avait dû y créer un 8ème vicariat. En 1882, M. Chouffeur, le premier recteur de Saint-Martin démissionnait et se retirait au numéro 2 de la rue Massillon, où il mourut en 1894. L'abbé Noël-Marie Arhan, précédemment curé de Plogastel-Saint-Germain, était nommé en sa place. Ce prêtre, mourait le 29 janvier 1897 et, le 9 mars suivant, M. François-Marie Billant, recteur de Saint-Melaine de Morlaix, était nommé curé de Saint-Martin. C'est sous ce curé qu'eut lieu la Séparation et c'est alors aussi que les pourparlers commencèrent pour la création d'une nouvelle paroisse dans l'intérieur de l'ancienne paroisse Saint-Martin. Consulté, M. Billant était d'avis de placer la nouvelle église dans les terrains situés à l'intersection de la rue, de la République et de la rue Richelieu. Mais les conditions avantageuses offertes par Mlle de la Buffetière, propriétaire de terrains situés en bordure de la rue Victor Hugo, amenèrent le choix de l'emplacement actuel de l'église Sant-Michel. Les détails des enquêtes menées à cette occasion par l'Administration épiscopale laissent entrevoir même qu'on avait alors pensé à établir une autre paroisse dans le quartier Kéruscun. M. Billant mourut au début de mars 1912, M. Henry, recteur de Saint-Pierre-Quilbignon, fut nommé cure de Saint-Martin le 23 mars de cette année et c'est sous son gouvernement que, le 8 juin 1913, Mgr Du- parc, agissant, en vertu de son pouvoir ordinaire de juridiction décréta l'érection de la nouvelle paroisse Saint-Michel.

« Nous, Adolphe-Yves-Marie Duparc, évêque de Quimper et de Léon,

Voulant assurer, autant qu'il est en Notre pouvoir, le progrès de notre sainte Religion et le salut des âmes qui nous sont confiées.

Considérant que la paroisse Saint-Martin de Brest a vu depuis plusieurs années s'accroître considérablement le chiffre de sa population, au point d'obtenir, suivant le dernier recensement effectué en 1910, près de 31.000 habitants ; que cette nombreuse population est répartie sur une étendue de terrain considérable ; qu'il en résulte de grandes et perpétuelles difficultés, tant pour l'exercice du ministère paroissial par le clergé que pour la fréquentation des offices et l'accomplissement des devoirs religieux par les fidèles.

Attendu qu'il est possible d'apporter un remède à cet état de choses en démembrant cette grande paroisse, pour en ériger une nouvelle sur une portion de son territoire.

Après avoir pris l'avis de Monsieur le chanoine Billant, curé défunt de Saint-Martin, et informé Monsieur Henry, son successeur, de Nôtre dessein ; tenant compte, dans mesure du possible, des réclamations présentées par un certain nombre de paroissiens,

Le Chapitre de Notre cathédrale consulté et consentant à l'unanimité,

En vertu de Notre pouvoir ordinaire de juridiction épiscopale,

Avons décrété et décrétons ce qui suit :

Article premier. — Est érigée en paroisse une partie du territoire de Saint-Martin de Brest, suivant délibération annexée à la présente ordonnance. Cette nouvelle paroisse portera le nom de Saint-Michel de Brest.

Article 2. — Est élevée au rang d'église paroissiale la nouvelle église bâtie sur ladite portion de territoire, et qui sera dédiée sous le vocable de saint Michel.

Article 3. — Les frais du culte et d'entretien du clergé seront assurés par les quêtes et les offrandes des paroissiens. Un tarif des services religieux, dressé par les soins du recteur, sera dans le plus bref délai soumis à Notre approbation, pour être aussitôt mis en vigueur dans la paroisse. Fait à Quimper, le 8 juin 1913. + Adolphe, év. de Quimper et de Léon.

La nouvelle paroisse, détachée de Saint-Martin, sera délimitée et circonscrite comme il suit :

A partir de la porte Fautras, par le chemin qui conduit à l'entrée de la venelle de Kérabécam ; — par ladite venelle jusqu'à la rue de la Vierge ; — puis, par une ligne de démarcation partant de la rue de la Vierge pour aboutir dans la rue de Paris, à la hauteur de la rue Victor Hugo ; — et ensuite, successivement, par les rues de Paris, Kergorju, Yves Collet, Kerjean-Vras, Villaret-Joyeuse, Edouard, Corbière, Richelieu, Choquet de Lindu, avec prolongement au delà de la rue Porstrein-Névez par une ligne droite descendant jusqu'à la route du Gaz, en face du grand escalier en pierre montant au Forestou.

Pour tout le reste, la nouvelle paroisse empruntera à Saint-Martin les limites qui séparent actuellement cette dernière paroisse de Saint-Marc, des Carmes et de Saint-Louis.

N.-B. — La ligne de démarcation prévue de la rue de la Vierge à la rue de Paris sera provisoirement constituée par le mur séparant la propriété Berger (la quelle demeurera en Saint-Martin) de la propriété Crouan, qui sera comprise dans la nouvelle paroisse avec les numéros 29 de la rue de la Vierge et 48 de la rue de Paris.


Plus tard, quand la rue projetée à travers ces immeubles comme prolongement de la rue Victor Hugo aura été ouverte, le tracé de cette rue nouvelle formera la limite entre les deux paroisses »
.

Le premier recteur de la paroisse Saint-Michel fut M. l'abbé Le Rhun, vicaire aux Carmes.

M. Henry mourut au début de juillet 1929 et M. Jean Barvet, recteur de Saint-Marc fut nommé en sa place le 23 juillet de la même année.

Personnel de l'église Saint-Martin en 1931.

Curé : M. Jean Barvet, chanoine honoraire. Vicaires : MM. Salou, Sibiril, Loaëc, Le Gall, Philippe. Organiste et directeur de la chorale : M. François Lidou. Sacristain : M. Gabriel Mazé. Chantre : M. Jean Roé. Quêteuses de chaises : Mesdames Talbot, Littré, Leoquet, Kerdreux. Choristes : Jean Lemoine, Albert et Jean Gollen, Louis Hascoët.

 

APPENDICE.
Liste des vicaires de Saint-Martin :

MM. Pierre Berthou, 1864-1875. Quillivic, 1864-1867. Jean-Marie Kersimon, 1864-1868. Thomas, 1865-1870. Eugène Janvier, 1867-1868. Jean-Marie Caradec, 1868-1872. Olivier Héliès, 1868-1879. Pierre-Louis Roland, 1870-1881. Alain Quiniou, 1872-1884. Pierre Terrom, 1875-1886. Yves Goachet, 1879-1892. Claude Léostic, 1881-1887. François Larher, 1884-1891. Jean-Louis Quintric, 1886-1896. Jean-Yves Gouzard, 1887-1904. André Rolland 1888-1896. Gabriel Saliou, 1891-1903. Jean Fortin, 1892-1901. Sébastien Colin, 1892-1893. Yves Milin, 1893-1907. Pierre Thomas, 1896-1905. Michel Blanchard, 1896-1911. Odilon Gouriou 1901-1912. Alain Lharidon, 1903-1925. François Louarn, 1904-1919. Jean-Louis Chapalain, 1905-1928. Louis Le Boëtté, 1907-1919. Henri Guégan, 1911-1919. Jean-Yves Sibiril, 1912. Louis Loaëc, 1919. Louis Salou, 1919. Eucher Le Gall, 1925. François Philippe, 1928.

(Saluden).

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