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COUVENT COMMUNAUTÉ DES FILLES DU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS DE L'UNION CHRÉTIENNE |
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NOTES HISTORIQUES
SUR LE PETIT–COUVENT
COMMUNAUTÉ
DES FILLES DU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS DE L'UNION CHRÉTIENNE
A BREST.
I.
Les bâtiments, connus sous le nom de Petit-Couvent, occupés maintenant par le Génie militaire, le Commandant et l'Etat-Major de la place, de Brest, étaient jadis une Communauté. La Bourse actuelle de Commerce était l'église du couvent.
Cette Communauté fut fondée en 1694.
« Catherine-Renée Le Douget, dame de Penfeunteun, fille naturelle et légitime d'écuyer François Le Douget et de dame Françoise Le Veyer, seigneur et dame de Kerandraon, de la paroisse de Ploumoguer, dit le registre de la Communauté, se sentant inspirée de consacrer à Dieu ses biens et ses jours, consulta Monseigneur de La Brosse, évêque et comte de Léon, ainsi que plusieurs personnes pieuses, sur l'emploi qu'elle devait en faire. Dieu lui fit connaître, par l'organe de ces personnes, qu'elle ne pouvait entreprendre une œuvre plus propre à l'avancement du service de Dieu et au public, que de former une Communauté de filles vertueuses et disciplinées pour instruire, tant dans la piété que dans les connaissances et exercices convenables à des filles chrétiennes, la jeunesse du sexe de la ville de Brest, où il n'y avait aucune Communauté de filles ».
La dame de Penfeunteun, encouragée par l'évêque de Léon, s'associa quelques filles vertueuses et instruites et fonda à Brest un couvent sous le nom de Communauté des Filles du Sacré-Cœur de Jésus de l'Union chrétienne. Leur premier établissemènt se fit rue de Siam, dans une maison qu'elles louèrent pour deux ans, à raison de mille livres par an, de M. Navarre, chirurgien-major du Château. Ce bail porte la date du 13 février 1694. La dame de Penfeunteun acheta, de ses propres deniers, les meubles nécessaires pour fonder son établissement, ainsi que les vases sacrés et les autres ornements et objets pour la chapelle. La dépense fut assez élevée « car tout était fort cher alors à Brest, à cause de l'affluence de monde que la chaleur d'une grande guerre y attirait ».
Le 1er avril 1694, tout étant disposé, elle ouvrit sa petite Communauté.
II.
La Société des Dames de l'Union chrétienne, dont la dame de Penfeunteun voulait établir une Communauté à Brest, avait été fondée à Paris, il y avait environ trente-trois ans, par un prêtre nommé Le Vachet. Le but de cette institution était de convertir les filles et femmes protestantes et de leur fournir les moyens de se préparer à leur abjuration ; d'offrir un asile aux jeunes personnes et aux veuves de qualité sans fortune ; de donner une éducation chrétienne à la jeunesse du sexe et de lui apprendre à lire, écrire et travailler.
Ce prêtre, secondé par une pieuse personne nommée Anne de La Croz, ouvrit d'abord, en 1661, à Charonne, près Paris, une maison qui fut le berceau de l'ordre. De là ces sœurs furent transférées, plus tard, rue Saint-Denis. Cette Communauté en forma plusieurs autres, au nombre desquelles se trouvait le couvent de Brest.
Pour être reçue dans cet ordre, il fallait faire deux années d'épreuves , après lesquelles les sœurs prononçaient trois vœux simples : de chasteté, d'obéissance et de pauvreté et un quatrième d'union.
Les constitutions de cet ordre ne furent définitivement réglées qu'en 1703. Cette Congrégation avait pour armes : un cœur enflammé, surmonté d'une croix, et pour devise : In charitate Dei et patientiâ Christi. Ces religieuses, dont le costume était tout noir, portaient au cou un cœur en or.
III.
Mme Le Douget de Penfeunteun, dix-sept mois après qu'elle eut ouvert sa Communauté dans la rue de Siam, offrit aux bourgeois et habitants de la ville, par une requête datée du 30 août 1695, d'apprendre à lire, écrire et travailler gratuitement aux petites filles pauvres de Brest. Ces Dames ne demandaient aucune rétribution à la ville pour cet enseignement, voulant rendre service seulement au public, n'étant mues que par un pur motif de charité, et ne désirant, disaient-elles, pour récompense que le ciel. Par cette requête, elles sollicitaient pourtant aussi l'autorisation de recevoir en pension « les filles des Messieurs de la ville pour les instruire » dans leur religion , et leur apprendre de même à lire, « écrire et travailler ». La demande était signée par Mme de Penfeunteun, Vincente Pitot, Henriette Chapelle et Magdelaine Le Guichoux, sœurs de la Communauté.
Par délibération du vendredi, 3 septembre de cette année, la Communauté de ville, agissant avec une grande prudence, accepta cette proposition, mais sous la réserve expresse « que les Dames de l'Union chrétienne ne pourraient jamais avoir recours vers la ville, pour quelque cause et prétexte que ce soit ou puisse être, sans exception », soumettant leur approbation à celles du Roi, de l'Evêque et des autorités de la ville. M. de Campagnolle, alors commandant de la ville et du château de Brest, approuva le 7 septembre la délibération du corps de ville et donna son consentement à la demande de ces Dames. Le 8 du même mois, le célèbre Vauban, qui était à Brest, sollicité de donner son approbation, signa aussi un certificat en leur faveur. M. Lars de Poulrinou était alors maire de Brest.
IV.
Cette même année, Mme de Penfeunteun, ne trouvant pas la maison qu'elle occupait rue de Siam convenable pour servir de refuge à de jeunes filles , en raison de sa situation « au cœur d'une ville deguerre et dans la plus grande foule de monde », jeta ses vues sur une maison qui venait d'être construite. Cette maison était située « dans un endroit reculé, vers les remparts de la ville, du côté de la rivière de Landerneau qui était une espèce de solitude ». Elle appartenait à noble homme Jean Gaillard , sieur de Portarieu écrivain du Roi entretenu au port de Brest. Le 30 octobre 1695, Mme de Penfeunteun fit un bail pour six années, à raison de 650 livres tournois par an, avec M. de Portarieu, pour cette maison et ses dépendances.
La Communauté quitta donc son ancienne demeure et vint s'établir dans cette espèce de solitude, qui forme aujourd'hui un des plus beaux quartiers de la ville [Note : L'emplacement sur lequel s'élèvent aujourd'hui les bâtiments du Petit-Couvent n'était encore, en 1690, qu'un champ cultivé, situé sur un lieu appelé la Grange de Quilbignon, nommé vulgairement Parc an Camus. Il était borné au midi par le chemin qui menait de l'ancienne ville à la chapelle Saint-Sébastien (ce chemin est la rue Voltaire), et de l'autre côté par le Champ-de-Bataille, qui n'existait point encore. Il contenait 72 cordes environ. Ces terrains étaient alors sous le fief de l'Evêque de Léon, en raison de sa juridiction des réguaires de Léon à Saint-Goueznou. Ce champ fut vendu, à cette époque, 48 livres de rente censive et foncière ; les droits de lods et ventes, dus à l'Evêque de Léon, s'élevèrent à 5 livres. De 1690 à 1695, M. de Portarieu avait fait bâtir, sur ce terrain, un grand corps de logis, couvert en ardoises, ayant cours et jardin y attenant, et autres commodités, issues, franchis, appartenances et dépendances. Il habitait cette maison, lorsqu'en 1695 il la loua à Mme de Penfeunteun, pour y faire sa Communauté. « Ce fut là proprement le lieu natal ou le berceau de la Communauté des Filles de l'Union chrétienne établie à Brest »].
V.
Au mois d'août 1698, leur établissement fut sanctionné par lettres-patentes de Louis XIV. Ces lettres nommaient Mme de Penfeunteun supérieure, avec le droit de choisir les personnes qu'il lui plairait de s'associer, sous l'approbation de l'Evêque de Léon. La Communauté était affranchie de tout droit, de toute charge, sous la condition pourtant de dire tous les ans une grand'messe le jour de la fête de Saint-Louis et de chanter tous les jours le verset Domine salvum fac regem et de réciter les autres prières accoutumées pour la prospérité du Roi.
Mme de Penfeunteun avait eu beaucoup de peine à obtenir ces lettres. Elle avait été obligée de faire plusieurs voyages et de longs séjours à Paris, quoique l'Evêque de Léon, les autorités de la ville et les habitants eussent donné leur approbation pleine et entière à son établissement.
VI.
Cette Communauté, qui ne comptait encore que quelques années d'existence en 1607, inspirait pourtant déjà une grande dévotion. Elle était du reste l'objet de la prédilection de l'Evêque de Léon, Mgr de La Brosse, qui, cette même année, avait béni la chapelle et permis d'y célébrer la messe. Il autorisa aussi, à la même époque, l'établissement d'un tabernacle pour mettre le Saint-Sacrement, à condition qu'une lampe ardente brûlerait nuit et jour devant l'autel. Ce fut messire Yves-Philibert Rodellec du Porzic qui fonda et dota la chapelle de l'entretien de la lampe ardente, par acte du mois d'août 1697.
En 1702, le Pape Clément XI approuva la création, dans la chapelle de la Communauté, d'une confrérie d'associés sous le nom du Sacré-Cœur de Jésus. Il accordait aux fidéles de l'un et de l'autre sexe, qui faisaient partie de cette confrérie, des indulgences perpétuelles. En 1703 il concédait aussi aux personnes pieuses qui suivaient les retraites de cette maison des indulgences plénières. Ces retraites qui avaient été accordées en 1700, par l'Evêque de Léon, se donnaient deux fois par mois dans l'établissement et duraient huit jours. Elles étaient fort suivies, on le conçoit facilement, en raison des indulgences qu'on y gagnait. L'affluence y était généralement si grande, qu'on ne pouvait y recevoir toutes les personnes qui se présentaient et pourtant, dans chaque retraite, on comptait deux ou trois cents femmes. Elles étaient un sujet de grands bénéfices pour la Communauté.
VII.
Le bail de la maison occupée par la Communauté devant expirer en 1703, il fut renouvelé pour trois années à raison de 750 livres par an. Ce bail n'eut pas tout son cours. L'année suivante, 1704, Mme de Penfeunteun, ne trouvant pas convenable que sa Communauté fût placée dans une maison qui ne lui appartenait point, acheta de M. de Portarieu l'établissement qu'elle occupait, situé, dit l'acte, dans l'enclos de la ville, près le Champ-de-Bataille [Note : Le Champ-de-Bataille, qui n'existait point encore en 1695, fut donc créé entre cette date et 1704]. Cette acquisition monta à la somme de 12,000 livres, dont elle ne paya que 8,000 livres, gardant les 4,000 autres pour les dots des demoiselles Jacquette et Jeanne Gaillard de Portarieu, filles postulantes dans la Communauté. Cette somme de 4,000 livres devait être soldée si les demoiselles de Portarieu, ne prenant point le voile, quittaient le couvent.
En conséquence de cet achat, Mme de Penfeunteun, devenue propriétaire de cet établissement, en prit possession, dans la forme que l'on suivait alors. Le 6 août 1704, elle entra dans les maisons et dépendances, y fit feu et fumée, ouvrit et ferma les portes et les fenêtres, bêcha la terre et fit tous les autres actes requis et nécessaires pour s'acquérir une véritable, et paisible possession, tout cela en présence de M. de Portarieu et de ses filles, sans que personne y formât opposition, trouble ni autre empêchement quelconque.
VIII.
En 1706, le bâtiment qui servait de chapelle tombant en ruines, l'Evêque permit de bénir le chœur de la maison pour y dire la messe et y mettre le Saint-Sacrement. Un autre petit bâtiment, où les sœurs tenaient leurs classes, étant aussi tombé, on rebâtit ces deux édifices dans les années 1706-1707-1708. A cette époque tout était, à Brest, d'une cherté extraordinaire. Un terrain qui se trouvait devant le couvent et qui forme aujourd'hui le petit jardin et la cour en avant des bâtiments occupés par le Génie, fut béni pour en faire le lieu de sépulture de la Communauté.
Mgr de La Bourdonnaye, évêque et comte de Léon, qui avait succédé à Mgr de La Brosse en 1701, et qui avait aussi pris. cette Communauté sous sa protection , vint au secours des Dames de l'Union chrétienne pour faire relever ces deux édifices. En reconnaissance de tout ce qu'il avait fait pour la Communauté et des sommes qu'il lui avait données, qui s'élevaient à plus de dix mille livres, on l'honora du titre de fondateur et principal protecteur de la Commtmauté. Pour rendre la reconnaissance de ces Dames publique et éternelle, on fit placer les armes de ce prélat au-dessus de la porte d'entrée de la cour de la maison.
IX.
Les édifices qui furent construits à cette époque, et ceux qui existaient antérieurement occupant presque tous les terrains que l'on avait achetés en 1704, on se trouva dans la nécessité d'en acquérir de nouveaux, pour faire un jardín et « autres commodités » absolument nécessaires dans une Communauté. On acheta d'abord plusieurs champs qui environnaient le couvent, puis ces acquisitions en entraînèrent d'autres afin de bien l'enclore. A cette époque cet établissement s'agrandit considérablement. En 1712 il possédait en biens-fonds toute la propriété que les Dames de l'Union chrétienne avait achetée de M. de Portarieu, toutes les pièces de terre qu'elles y avaient jointes par leurs dernières acquisitions et un grand champ afféagé de Mgr l'Evêque de Léon, moins, est-il dit dans le registre du couvent, les portions de terrains qui avaient été prises pour les rues que l'on traçait alors : la rue de Porstrein (d’Aiguillon), la rue du Château..., etc. [Note : A cette époque la rue du Château n'existait point encore, elle venait seulement d'être tracée entre ce couvent et le Champ-de-Bataille. Elle porta d'abord le nom de rue de Plœuc. Avant le percement de cette rue, celle de St-Yves était souvent désignée sous le nom de rue du Château, parce qu'elle y conduisait].
Les rentes dont jouissait le couvent à cette époque s'élevaient à 1,360 livres.
Les rentes qu'il devait montaient à 1,008 livres.
Dès 1743 presque toutes ces charges étaient remboursées. Il ne restait plus devoir qu'une somme de 13 liv. 4 sols , répartie ainsi qu'il suit :
A la chapelle de Notre-Dame-de -Pitié, au Château de Brest ..... 3 liv. 2 sols.
Au
recteur de Brest ....... 3 liv. 2 sols.
A Mgr l'Evêque de Léon : 5 liv.
Total
...... 13 liv. 4 sols.
X.
Le Pape, qui protégeait beaucoup cette maison, en raison de l'affection qu'il portait aux sœurs et de leur dévouement, etc. leur avait encore accordé, en 1708, des indulgences plénières pour elles, et rémission de leurs péchés, si, à l'article de la mort, elles avaient rempli leurs devoirs religieux, s'étaient confessées et, dans le cas où elles n'auraient pu le faire, si elles étaient vraiment repentantes. De nouvelles indulgences perpétuelles furent encore accordées par le Pape en 1713 à toutes les personnes qui suivaient les retraites de la Communauté.
XI.
En 1717 cette Communauté se composait de trente et une personnes, dont :
1. La Supérieure.
14 Sœurs de chœur.
3 Sœurs associées.
2 Novices.
2
Converses.
1 Aumônier.
1 Vieille Domestique , pensionnaire perpétuelle.
2 Valets à gage.
1 Garçon.
4 Servantes.
Total : 31 personnes.
Sans compter les pensionnaires et les dames qui se retiraient dans cet établissement, et qui, pour la plupart, étaient des veuves d'officiers de marine, sans fortune, qui trouvaient dans cette maison une vie douce et peu coûteuse.
XII.
Quoique la Communauté eût fait bénir un terrain pour les sépultures de l'établissement, on inhumait aussi dans la chapelle. En 1719 , Mme Suzanne de Kerléan, dame de Rosmadec qui habitait le couvent, demandait par son testament à être inhumée dans la chapelle, sous le prie-Dieu de la supérieure, Mme de Penfeunteun. Le 23 février 1747, Jean-Louis de La Bourdonnaye, docteur en théologie de la faculté de Paris, vicaire-général de Nantes nommé évêque de Léon le 21 octobre 1701 et sacré le 23 avril 1702 , bienfaiteur du couvent, mourut à Brest. Son corps fut inhumé aussi dans la chapelle, actuellement Bourse du Commerce. Cet honneur n'était probablement réservé qu'à des personnes distinguées soit par leur naissance, soit par leur position ou les bienfaits qu'elles avaient accordés à la maison ; car l'église ou chapelle était assez petite. Les Supérieures devaient aussi, sans doute, y être enterrées. Aucun document n'est resté, qui l'indique.
XIII.
Mme de Penfeunteun était encore supérieure du couvent en 1730 ; une lacune dans les pièces qui se trouvent aux archives de la ville, ne permet pas de dire l'époque à laquelle elle mourut. Nous savons seulement qu'en 1741, onze ans après, c'était Mme Catherine Guyaumar qui était supérieure.
C'est pendant ce laps de temps, en 1736, que la chapelle, qui sert de Bourse maintenant, fut construite.
XIV.
Cette Communauté, si protégée des Evêques de Léon ; que le Saint-Père avait si largement dotée d'indulgences perpétuelles et plénières, non-seulement pour les sœurs, mais aussi pour les personnes suivant les retraites qui s'y donnaient, ne pouvait manquer d'atteindre une grande prospérité. Nous avons déjà vu en 1742 les Dames de l'Union chrétienne possédant de nombreux terrains ; en 1765 nous les trouvons propriétaires de presque tout le territoire compris entre les remparts du côté de la poterne, le Cours Dajot qui n'existait point encore, où elles avaient une fort belle carrière, la rue Traverse qui n'était point percée alors, et le Champ-de-Bataille.
Cette année 1765 elles vendirent, à divers habitants de la ville, une grande partie de ces terrains, pour y bâtir. Ces Dames avaient acquis plusieurs de ces terres, qui n'étaient alors que des champs cultivés, comme nous l'avons dit, de leurs propres deniers ; d'autres leur avaient été donnés pour des fondations pieuses ; car elles étaient fort aimées et estimées à Brest, comme le prouvent de nombreux certificats des autorités de la ville. Au nombre des personnes qui achetèrent de ces terrains, nous citerons en 1765 : M. de Kerguelen, seigneur de Trémarec, lieutenant de vaisseau ; en 1767, M. de Rosily, chef d'escadre ; M. Marchais, commissaire général, ordonnateur de la marine à Brest, etc.
Tous ces terrains étaient vendus avec l'obligation par l'acquéreur d'y bâtir dans un temps déterminé.
En 1769, le 20 juillet, ces Dames vendaient aussi à Messire René de La Landelle, lieutenant des vaisseaux du Roi et aide-major de ses armées navales et à dame Coëtnempren de Kersaint, son épouse, demeurant en leur hôtel, en la ville de Brest, paroisse St-Louis, un terrain, quartier du Champ-de-Bataille, formant le bout de leur jardin, consistant en 47 pieds de face ou environ, sur le Champ-de-Bataille, sur une profondeur de 70 à 72 pieds, de manière que la profondeur se terminait absolument au ras de la première fenêtre de l'église. Cette vente fut faite pour une somme de cinq mille livres en argent et cinquante livres de rente foncière perpétuelle, quitte de tous droits d'amortissement et autres, avec la condition de bâtir dans l'année. L'hôtel ou maison, que M. de La Landelle fit construire alors, est celui qui existe encore au coin de la rue du Château et de la Rampe ; près de la Bourse de Commerce [Note : Cette maison a longtemps été occupée par la Direction des vivres de la marine]. Mme Catherine Salaun de Kerdalzou était alors supérieure de la Communauté.
Quelques années après, Mgr de La Marche, évêque de Léon, autorisa encore ces Dames à vendre tous les terrains vagues qu'elles possédaient en ville. Par suite de cette autorisation, qui porte la date du 14 janvier 1782, elles vendirent à M. Le Normand (conseiller du Roi, maire de Brest, colonel de la milice bourgeoise, juge de santé du port, conseiller du point d'honneur et commissaire des Etats de Bretagne au diocèse de Léon) un terrain qui longeait le Cours d'Ajot, fait en 1769 , pour une somme de trois mille six cents livres en argent et cinquante livres de rente foncière.
L'année suivante, le Roi, voulant fonder un Observatoire pour faciliter les études des officiers de la marine, ordonna d'acheter un vaste terrain donnant sur la rue St-Sébastien (Voltaire), sur la rue d'Aiguillon et sur la Rampe qui descendait au Cours d'Ajot, d'où l'on voyait la rade. Cet achat s'éleva à une somme de 40,044 livres 2 sols 4 deniers. La plus grande partie de ce terrain appartenait encore aux Dames de l'Union chrétienne ; c'étaient elles, du reste, qui, l'année précédente, avaient vendu l'autre partie à M. Le Normand, comme nous l'avons dit. M. Le Normand eut pour sa part, qui lui avait coûté 3,600 livres et 50 livres de rente perpétuelle, une somme de 7,449 livres 5 sols,. et les Dames de l'Union Chrétienne 32,594 livres 17 sols 4 deniers. Le terrain vendu avait 1077 toises carrées, dont M. Le Normand possédait 137 toises 3 pieds carrés et la Communauté 939 toises 2 pieds. L'évaluation avait été faite, le 23 septembre 1782, par M. Chochet-Lindu, ingénieur en chef des bâtiments civils du port, capitaine de brûlots [Note : Cambry, dans son rapport adressé en l'an III à la municipalité de Brest, proposa de construire sur ce terrain, non-seulement les bÄtiments de l'Observatoire, mais aussi une Bibliothèque publique communale].
XV.
Cette Communauté était dans une position fort prospère lorsque la Révolution commença. Elle possédait encore, malgré les nombreux terrains qu'elle avait vendus, tout l’îlot compris entre les rues du Château, de St-Sébastien (Voltaire), de la Rampe prolongée et d'Aiguillon, moins seulement la maison qui faisait l'angle de la rue du Château et de la Rampe, dont elle avait vendu en 1769 le terrain à M. de La Landelle. La Bourse de Commerce était l'église [Note : Tous les dimanches une messe était dite, vers onze heures, à l'église du couvent, probablement après le défilé des troupes de la garnison sur le Champ-de-Bataille, Du moins, le 8 juin 1777, l'empereur Joseph II, frère de la reine de France, voyageant sous le nom de comte de Falkenstein, qui était venu visiter la ville et le port de Brest, après avoir passé la revue de toutes les troupes de la garnison, sur le Champ-de-Bataille entendit la messe, à onze heures et demie, à l'église du Petit-Convent], comme nous l'avons déjâ dit, dans laquelle on voyait un autel orné de quatre colonnes corinthiennes, sur piédestaux., portant un entablement surmonté d'un baldaquin. Le tout était en bois de chême peint, avec des ornements dorés. Un lambris à hauteur d'appui entourait tout le rond-point, au milieu duquel se trouvait un assez mauvais tableau, dont l'inventaire ne donne pas le sujet. En face du chœur des Dames, qui se trouvait sur le côté de la chapelle, où sont maintenant les bureaux des officiers du Génie, était un petit autel particulier. Le chœur, assez vaste, se trouvait séparé de la nef par une balustrade en bois. On voyait aussi dans l'église une chaire à prêcher portative et deux confessionnaux. Le cimetière touchait l'église et le couvent. Les autres édifices renfermés dans l'enclos consistaient : en la maison conventuelle ; deux maisons pour les pensionnaires ; une maison pour les prêtres ; une autre pour les écoles et le logement du gardien, posée de biais relativement à la rue (habitation actuelle du commandant de la place); une buanderie, une maison à four. Un jardin s'y trouvait encore. Un filet d'eau de deux pouces de diamètre, pris sur la fontaine de Morogues [Note : Fontaine du coin de la rue du Château et de la Rampe prolongée. Cette fontaine fut construite d'abord à l'encoignure d'un jardin appartenant à M. de Morogue ; plus tard la ville acheta l'emplacement], fournissait l'eau nécessaire à l'établissement.
En outre de ce beau et vaste terrain, la Communauté possédait encore un grand jardin, près des remparts, quartier du Bois-d'Amour, formant l'angle de la rue St-Sébastien (Voltaire) et de la rue du Bois-d'Amour (rue de la Poterne ou du Rempart), emplacement sur lequel se trouve maintenant le quartier Foy.
Toutes ces proprietés, qui devinrent biens nationaux à la Révolution, furent estimées en 1790, par des experts représentant le gouvernement, valoir en capital 98,629 livres 2 sols 4 deniers, et en rentes au denier 22, 4,483 liv. 2 s. 10 d. L'enclos était évalué à 82,595 liv. 16 s. 8 d. et le jardin à 16,033 liv. 5 s. 8 d. Cette estimation fut faite, le 14 novembre 1790, par MM. Trouille, ingénieur de la marine, et Le Lièvre, experts nommés par le district de Brest.
Le couvent et ses dépendances occupaient une superficie de 2,798 toises 5 pieds 7 polices.
XVI.
Dès le 6 mai 1790, les Dames de l'Union chrétienne, qui craignaient déjà qu'on ne leur enlevât leur établissement, avaient adressé au corps municipal la pétition suivante :
MESSIEURS,
Les Sœurs de l'Union chrétienne, parfaitement sumises aux
décrets de l'Assemblée Nationale, ne désirent que de s'y conformer, par respect
pour cette auguste assemblée ; elles se trouvent heureuses d'être sous la
dépendance de juges intègres, comme vous, Messieurs. Elles supplient le corps
municipal de Brest d'examiner les raisons suivantes :
Premièrement. — Elles furent appelées à Brest par tous les corps en général pour instruire toutes les personnes du sexe ;
Deuxièmement. — Leur institut n'est qu'une congrégation séculière, qui n'est fondée de personne ;
Troisièmement. — Elles ne font que des vœux simples, elles héritent et sont propriétaires ;
Quatrièmement. — Pour les classes externes, où elles enseignent gratuitement aux enfants la religion, à lire, écrire et les ouvrages ;
Cinquièmement. — Pour y recevoir des filles, des femmes et veuves destituées de biens. En effet le plus grand nombre de nos pensionnaires sont à la pension de cent quatre-vingts livres par an.
Elles se flattent d'avoir jusqu'à, ce jour rempli leurs obligations sur tous ces chefs, et ne désirent que des sujets qui coopèrent à perpétuer leurs travaux de charité.
J'ai l'honneur, etc. Signé : Sr DE KERANNOU, Supérieure. Brest, le 6 mars 1790.
XVII.
Au reste, le 29 octobre de cette même année 1790, le Conseil général de la commune, consulté par le disirict sur l'opportunité de conserver ou de supprimer les maisons religieuses qui se trouvaient dans la ville, nomma une Commission dont le rapport concluait à la conservation « provisoire » seulement du couvent de l'Union chrétienne, en ne laissant à ces Dames que « la jouissance précaire » de leur enclos.
Nous transcrivons ici toute la partie de ce rapport qui concerne cet établissement, vu son intérêt, quant à la position de cette Communauté à Brest, aux services qu'elle y rendait et à l'espèce de regret et de doute avec lesquels on touchait généralement à toutes ces institutions.
« La Commission, dit le rapport, a pris en grande considération l'utilité dont les Dames de l'Union chrétienne sont, en ville, et par l'instruction gratuite que depuis leur établisseinent elles administrent à la jeunesse sans exception, et parce que leur maison a été de tout temps et est encore un asile honnête pour les dames et filles sans fortune, surtout pour les veuves de marins morts au service de la Nation, estime qu'en l'état actuel des choses on peut (nous n'osons pas dire on doit) conserver cette Communauté.
Considérant, en outre, que l'enclos de ces Dames emporte un terrain immense dans le local le plus précieux et le plus salubre de la ville, la Commission a pensé qu'en leur laissant la jouissance précaire de cet enclos, il serait très prudent de s'en approprier dès ce moment même pour l’appliquer dans la suite à quelques établissements publics.
Enfin, considérant que ces Dames jouissent, de plus, de deux autres terrains d'une grande étendue et qui leur sont d'autant plus inutiles qu'ils sont à une grande distance de leur préclôture, la Commission est d'avis que la municipalité peut, dès à présent, s'en approprier, aux conditions de la soumission qu'elle en a faite ».
L'estimation du 14 novembre suivant est probablement la conclusion de ce rapport, mise à exécution.
XVIII.
Une année après environ, le 7 janvier 1792, les opinions et les hommes avaient déjà bien changé ; le Conseil de la commune décida que la municipalité se transporterait chez les Dames de l'Union chrétienne, le lundi suivant, pour requérir de chacune d'elles le serment exigé de toutes les personnes chargées de l'éducation publique, en conformité de la loi du 17 avril 1791.
Le lundi, 9 janvier, les officiers municipaux se rendirent donc, accompagnés de M. Blad, procureur de la communie, à la maison conventuelle de la Communauté de l'Union chrétienne, où les religieuses ayant été assemblées, on les somma de se soumettre à la loi. La supérieure, Mme Colas de Kerannou, refusa ; la première assistante, Mme de La Boissière, refusa aussi ; Mme Charlotte de Lesguen, âgée de 86 ans « ne put énoncer son opinion, ni signer, attendu son état de faiblesse ». Une seule sœur, Marie-Jeanne-Marguerite Renaud, maîtresse des novices, ayant la main levée, promit et jura d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir la Constitution et de bien remplir ses fonctions, et signa. Toutes les autres sœurs refusèrent le serment exigé.
La maison fut donc fermée. Elle se composait alors d'une supérieure, d'une première et d'une seconde assistante, d'une maîtresse des novices, d'une dépositaire et de douze sœurs, en tout dix-sept personnes. Le nombre des élèves et des dames pensionnaires était à cette époque si grand, que la communauté ne pouvait recevoir toutes les personnes qui désiraient y entrer.
XIX.
Le catalogue des supérieures de ce couvent, que nous avons essayé de dresser, sur les documents qui étaient à notre disposition, donne sept supérieures pour les quaire-vingt dix-huit ans que la Communauté des Dames de l'Union chrétienne a existé à Brest. Peut-être se trouve-t-il une lacune entre 1730 et 1741, période pendant laquelle mourut Mme de Penfeunteun, dont nous ne pouvons préciser le décès, les documents nous manquant. Une seconde lacune pourrait encore exister entre 1769 et 1782. Là aussi les documents nous font défaut ; ce qui ne nous a pas permis probablemente de dresser une liste bien complète de ces supérieures.
CATALOGUE.
des Supérieures de la Communauté des Dames de l'Union chrétienne de Brest.
1694 1730. — Mme Le Douget de Penfeunteun (Catherine-Marie), fondatrice. Mme de Penfeunteun avait le
titre de supérieure perpétuelle.
1741. — Guyomard (Catherine), supérieure.
1748. — Kerlean (Renée-François-Corentine de), idem.
1749. — Chaix
(Marie-Elisabeth), idem.
1758. — Haïm (Marie-Antoinette), idem.
1767. —
Salaun de Kerdalzou (Catherine-Jeanne), idem.
1782. — Colas de Roslan de
Kerannou (Marie-Louise), idem.
1790. — idem, idem.
XX.
Que devinrent la supérieure, Mme de Kerannou, et les seize sœurs qui composaient la Communauté, après leur expulsion ?... Nous n'avons pu en trouver aucune trace, pas plus que de Mme Renaud, qui préta le serment exigé. Que sont devenues aussi les sépultures qui étaient dans la chapelle et dont faisait partie celle de M. de La Bourdonnaye, évêque de Léon ?... Nous n'en savons absolument rien. Dans les archives de la ville il n'existe aucun document sur ce sujet, pas plus que sur les tombes qui devaient se trouver dans le cimetière du couvent.
Cette Communauté, qui exista à Brest pendant plus d'un siècle et qui disparut à la Révolution, ne s'est jamais reconstituée depuis dans notre ville.
XXI.
Dès l'année 1792, un hôpital militaire y était établi ; mais le 9 prairial de l'an IX (29 mai 1801), l'hôpital ayant été fermé, tout cet établissement fut remis au Génie militaire. Par arrêté du 21 messidor de la même année (10 juillet) , le ministre de la guerre affecta tous ces bâtiments à rétablissement de la manutention des vivres, au logement de la compagnie des vétérans, à celui du commandant d'armes et des sous-directeurs d'artillerie et du génie. Un arrêté des Consuls, du 9 thermidor, même année, donna l'ancienne église du couvent au commerce de Brest, pour y établir une Bourse.
Plus tard, en l'an XII, un nouvel arrêté des Consuls, du 5 nivôse (27 décembre 1803), décida qu'une partie du terrain du Petit-Couvent serait affectée à la marine, pour y établir les bureaux de l'Inscription maritime, des Revues, de la Comptabilité centrale, des Armements, l'Ecole d'application du Génie maritime et celle d'instruction des Aspirants de marine. Enfin, le 1er messidor de la même année (20 juin 1804), les ingénieurs de la guerre et de la marine {Note : Ce furent Barazer, alors directeur des fortifications à Brest et M. Tarbé, ingénieur en chef des travaux maritimes, qui exécutèrent ce travail] fixèrent les délimitations des terrains affectés à chaque service. Un arrêté du 5 germinal précédent (26 mars 1804) avait maintenu l’administration de la guerre dans la possession de la partie qu'elle occupait déjà.
La partie donnée à la marine consistait en un parallélogramme compris entre la rue prolongée de la Rampe et la rue de la Fraternité (d'Aiguillon) — (40 métres sur chacune de ces rues), ayant sa façade sur la rue Voltaire et borné au nord par les terrains appartenant à la guerre. Ce terrain était divisé en un grand jardin, dit du Petit-Couvent, formant l'angle des rues de la Rampe et Voltaire, et un grand chantier de bois donnant sur la rue d'Aiguillon [Note : Le jardin était loué à la Société des Vêpres et le chantier à M. Faure, négociant à Brest]. La marine n'employa jamais ces terrains, qu'elle louait à des particuliers. La jouissance de cette partie de l'enclos du Petit-Couvent lui fut pourtant laissée jusqu'en 1834, époque à laquelle elle fut remise au service du Génie, le 17 février de cette année.
XXII.
En 1842, le terrain qui avait appartenu à la marine fut cédé à la ville, moyennant trente et quelques mille francs, pour y bâtir un Collége communal. Cet établissement, dont les travaux commencèrent en 1845, a coûté à la ville 500,000 francs environ, sans compter le terrain. Il a été ouvert le 3 octobre 1848 sous la dénomination de Lycée. Le projet adopté pour sa construction, au concours ouvert à Brest en 1845, fut celui qu'avait présenté M. Mortier, ingénieur civil de Paris.
Le vaste îlot, occupé jadis par la Communauté de l'Union chrétienne, est donc aujourd'hui partagé entre le Lycée Impérial de Brest et les bâtiments habités par le Génie militaire et l'Etat-Major de la place, bâtiments qui ont toujours conservé leur ancienne dénomination, et s'appellent encore le Petit-Couvent.
(Ed. Fleury).
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