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L'église Saint-Louis de Brest, de 1789 à 1800

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Les graves événements qui marquèrent l'année 1789 avaient déterminé, à Brest, une agitation profonde. Il y avait donc déjà, au début de la Révolution, péril pour Saint-Louis et pour ses prêtres. 

L'église Saint-Louis de 1789 à 1800. — La Terreur brestoise. — Le Directoire.

1-Dévastations. — Profanation et pillage de l'église Saint-Louis

Premiers troubles. — Les graves événements qui marquèrent l'année 1789 avaient déterminé, à Brest, une agitation profonde. Les masses étaient travaillées par toutes espèces d'excitations et de promesses ; les troupes et les escadres sans discipline, le maire impuissant et tous les travaux suspendus. Aussi l'achèvement de Saint-Louis était arrêté et l'exécution de la belle place projetée par Frézier abandonnée totalement.

Cependant, dans la grande fête civique du 31 juillet, les troupes, les autorités et la foule avaient approuvé et accepté avec enthousiasme, aux cris de : Vive le Roi ! Vive la Nation ! le serment dicté par le maire Branda et commençant en ces termes : Nous jurons d'être fidèles au Roi, à la Nation, nous jurons de respecter la Religion, le Culte et ses Ministres, etc.

Mais les masses populaires et les fanatiques fauteurs de troubles ne voulaient pas tenir ce serment. Déjà des manifestations antireligieuses se produisaient de toutes parts ; déjà on invectivait les prêtres. Dès 1788, l'office divin avait été souvent troublé et le recteur de Saint-Louis, l'abbé Floch, était constamment obligé de se plaindre à l'évêque des désordres provoqués dans son église par des perturbateurs sans scrupules. Le magnifique autel de Frézier fut même menacé par une véritable émeute et il fallut toute l'énergie et toute l'adresse du maire Branda pour en empêcher la destruction.

Il y avait donc déjà, au début de la Révolution, péril pour Saint-Louis et pour ses prêtres.

La garde nationale. — Pendant que ces faits se passaient, la garde nationale s'organisait et l'on adoptait la cocarde tricolore. Les grades d'officiers nommés provisoirement par le Conseil excitaient bien des convoitises ; mais l'ardeur patriotique était générale et les femmes la partageaient avec exaltation. Elles offrirent les drapeaux du nouveau corps et les jeunes filles, imitant leurs mères, brodèrent elles-mêmes l'étendard qu'elles remirent aux jeunes gens composant la brigade légère de la nouvelle troupe.

Il y eut, lors de la remise de ces drapeaux, le 13 septembre 1789, une imposante cérémonie, dans laquelle il fut fait appel au clergé de l'église Saint-Louis, chargé de les bénir. L'abbé Floch prononça, à cette occasion, un superbe discours, renfermant bien des sages conseils qui ne furent malheureusement pas suivis.

Cette garde nationale eut bientôt à agir. La disette sévissait cruellement à Brest : le pain manquait et la misère était extrême. La Municipalité fut forcée d'acheter du blé au dehors ; mais la population de Lannion s'opposa violemment à la mise en route pour Brest des grains destinés à cette ville. Un véritable corps expéditionnaire fut dirigé de Brest sur Lannion et se fit restituer par la force les grains confisqués.

C'est dans ces conditions qu'eut lieu, conformément au décret de l'Assemblée nationale, rendu le 14 décembre 1789, décret sanctionné par le roi le 28 du même mois, l'élection d'une nouvelle Municipalité et d'un nouveau Conseil.

M. Malmanche fut élu maire de Brest et M. Caveillier, procureur-syndic.

Le maire Malmanche. — L'installation de M. Malmanche reçut, comme les précédentes, la consécration religieuse, mais considérablement simplifiée. Le clergé de Saint-Louis, le recteur en tête, fut convoqué sur la place du Château, splendidement pavoisée et décorée. Là se dressait l'autel avec cette inscription : A la Patrie !. Le recteur harangua successivement, le nouveau maire, la nouvelle Municipalité et M. Branda, président du Conseil général ; puis il entonna le Veni Creator au son du canon et des musiques militaires.

Après quoi, le recteur célébra une messe basse, à l'issue de laquelle M. Malmanche prêta sur les Evangiles le serment décrété par l'Assemblée nationale. A ce moment, une nouvelle salve de vingt-et-un coups de canon se fit entendre, les cloches sonnèrent à toute volée et les tambours battirent aux champs. La fête se termina par un Te Deum entonné par le clergé et les assistants, suivi du défilé de toutes les troupes et de salves d'artillerie.

Malgré cette fête, ni l'ordre ni le respect de la religion n'étaient assurés. Le clergé était dans une situation précaire. L'Assemblée nationale avait, par décret du 2 novembre 1789, confisqué les biens de l'église, à titre de déshérence. Il était bien dit que l'Etat devait pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, mais les événements allaient bientôt étouffer ces généreuses dispositions. Bientôt aussi, allait naître à Brest un nouveau pouvoir, qui devait être tantôt l'auxiliaire et tantôt le rival de la Municipalité et du Conseil général. C'était la société des Amis de la Constitution, dont le règlement fut arrêté le 14 juin 1790. Cette société était calquée comme organisation et comme but sur le Club des Jacobins de Paris.

Les départements. — Cette même année 1790 vit la création des départements, divisés en districts et en cantons ; puis eut lieu la réduction des évêchés à un par département, ce qui entraîna la suppression de l'évêché de Saint-Pol de Léon ; et, enfin, le 12 juillet 1790, fut promulguée la constitution civile du clergé. D'où un trouble profond dans toute la ville et la région : un seul prêtre de Saint-Louis se soumit au serment obligatoire ; les autres, après quelques mois de résistance inutile, durent fuir, se cacher ou se laisser emprisonner.

Troubles dans les églises et dans la ville. — Ce n'était qu'un début, précurseur de nouvelles vicissitudes. Elles s'annoncèrent, le 8 août 1790, par une proclamation de la Municipalité, qui, sans prévenir l'administration du district, arrêta, pour la Saint-Michel suivante, la suppression des bancs dans les églises de Saint-Louis et de Saint-Sauveur. Cette proclamation causa un grand émoi parmi les paroissiens. Ceux à qui la concession des bancs avait été faite à titre onéreux, manifestèrent leur intention de ne pas y déférer et même de se pourvoir si elle était suivie d'effet.

Le district et le Directoire après lui s'opposèrent à la décision municipale, la considérant comme une violation des droits acquis. Le Directoire même, dans l'arrêté qu'il prit peu de temps après pour ordonner la suppression des bancs seigneuriaux, déclara formellement que c'était sans préjudice des concessions faites par les corps politiques, à titre légitime et étranger au, régime féodal. La Municipalité voulut alors suspendre l'exécution de sa proclamation.

Mais les électeurs réunis pour nommer de nouveaux officiers municipaux ne l'entendaient pas ainsi, et sous leur pression, l'administration municipale publia, le 17 novembre 1790, un arrêté prescrivant l'enlèvement des bancs dans les vingt-quatre heures et fixant au 19 la vente aux enchères, au profit de l'église, des bancs des Citoyens qui ne se seraient pas conformés à la proclamation du 8 août.

Le lendemain, la foule s'assemble, l'émeute gronde et une populace en délire se précipite à Saint-Sauveur, dont tous les bancs sont mis en pièces.

Le district, averti, proteste et rappelle le Conseil municipal au respect de la loi.

Le Conseil s'engage par écrit à surseoir et veut arrêter le mouvement. Il est impuissant. Les électeurs fanatisés se portent en tumulte dans l'église de Saint-Louis et y brisent jusqu'au dernier les bancs accumulés.

Les fidèles étaient terrorisés. Un seul citoyen trouva alors le courage de protester contre cette violation cynique de la propriété, M. de Trédern de Lézérec. Il réclama pour lui et ses cohéritiers représentants de M. Bigot de Chazelles. Le rapporteur du Conseil lui répondit qu'il était d'une âme chrétienne de renoncer à toute poursuite et de faire au Seigneur un généreux sacrifice de ses prétentions.

Et les dames de Trédern et de Pontevès durent se résigner, car, malgré leurs efforts et la justice de leur cause, elles ne recouvrèrent pas leurs biens, et leurs bancs ne furent jamais rétablis.

Du reste, ce trouble, ce désordre, cette émeute dans l'église n'étaient que l'écho du désordre général. La discipline n'existait plus nulle part. Les troupes de la marine, les équipages de la flotte étaient presque en insurrection. Leurs chefs, MM. d'Hector et de Marigny, n'obtenaient que désobéissance et insultes. Les officiers démissionnaient et émigraient en masse.

D'un autre côté, les ouvriers de l'arsenal, non payés faute d'argent, menaçaient de se soulever. On eut bien du mal à calmer les ouvriers, et il fallut toute l'énergie, toute la popularité et toute l'habileté de Bougainville pour rétablir quelque discipline dans la flotte.

L'évêque constitutionnel à Brest. — Cependant, quoique n'acceptant pas la constitution civile du clergé, et dans un but d'apaisement, l'abbé Floch, curé de Saint-Louis, consentit, le dimanche 7 novembre 1790, à chanter, à l'issue des Vêpres, en présence de tous les corps religieux, civils et militaires, un Te Deum en actions de grâces pour la nomination de M. Expilly à l'évêché du Finistère, formé des anciens diocèses de Cornouailles et de Léon. Mais le 31 décembre 1790, le curé Floch refusait définitivement le serment qui répugnait invinciblement à sa conscience et il s'exilait en Angleterre.

Ce ne fut que le 28 mars 1791 que l'évêque constitutionnel, M. Expilly, fit sa première visite à Brest. Il y fut reçu avec les plus grands honneurs. De l'hôtel de ville où il logea et où il fut complimenté, il se rendit à l'église Saint-Louis, et après le Te Deum, qu'il entonna en présence de toutes les autorités civiles et militaires, un feu de joie fut allumé sur la place voisine.

Quelques jours après, le Directoire prenait un arrêté prescrivant d'éloigner de quatre lieues au moins de leurs paroisses les prêtres non assermentés. On en emprisonna même un certain nombre au Château de Brest. Et voilà comment, dès 1791, l'église Saint-Louis de Brest se trouva presque dépourvue de prêtres et le culte réduit à sa plus simple expression.

Assassinat de Patris. — Quant aux manifestations extérieures du culte, aux processions si fréquentes et si belles avant 1789, il n'y fallut plus songer, sans risquer de provoquer des troubles et des émeutes.

En effet, comme on va le voir, les passions populaires étaient de plus en plus surexcitées. C'est à la suite de la Fête-Dieu, célébrée le 23 juin 1791, et après une procession très mouvementée que fut assassiné au café militaire du n° 23 de la rue Saint-Yves — en 1911, Brasserie de la Marine — un officier du régiment de Poitou, nommé Patris ou Patry, venu à Brest pour rejoindre son corps à la Martinique. Il était coupable d'une caricature plus ou moins spirituelle et convenable, dans laquelle il outrageait, disait-on, les institutions nouvelles.

Malgré les efforts du maire Malmanche et des magistrats, une foule en délire entra dans le café, massacra Patis, jeta par la fenêtre, son corps en lambeaux, et plaçant au bout d'une pique sa tête séparée du tronc, la promena plusieurs heures dans la ville.

C'était un début plein de promesses !. Le lendemain, la nouvelle de la fuite du roi, celle des décrets de l'Assemblée nationale augmentèrent encore l'agitation, qui persista malgré les fêtes et le Te Deum célébrés le 10 octobre, à Brest pour solenniser l'acceptation de la Constitution par le roi.

Aussi, M. de la Jaille, commandant du vaisseau le Duguay-Trouin, fut-il assailli, le 26 novembre, par des forcenés, qui l'accusaient d'incivisme, et ne dût-il son Salut qu'au dévouement et au courage de l'intrépide Lauverjat, lui faisant un rempart de son corps.

Le 16 novembre 1791, M. Berthomme fut élu maire de Brest, sur le refus de M. Malmanche réélu la veille, mais épouvanté par la tournure des événements. Son remplaçant eut, en effet, à remplir une tâche bien laborieuse et bien pénible pendant les treize mois de son mandat. Il présida, en avril 1792, au Te Deum chanté à Saint-Louis pour célébrer la mise en liberté des Suisses du régiment de Châteauvieux, condamnés pour leur rébellion sanglante de 1790.

Les idées avaient marché depuis, et le bonnet rouge des galériens, que ces Suisses portaient encore, allait devenir bientôt l'emblème sacré de la République française, prête à naître.

La République française. — Cependant, les événements se précipitaient ; la guerre était déclarée solennellement à l'empereur d'Allemagne par le roi Louis XVI, le 20 avril 1792. A la suite des premiers désastres, le 20 juin, les Tuileries furent envahies, le roi, insulté et menacé, fut forcé de se coiffer du bonnet rouge ; puis après se succédèrent le manifeste de Brunswick, la journée sanglante du 10 août, l'emprisonnement du roi au Temple, les massacres de septembre et la proclamation de la République (21 septembre 1792).

Déjà, le 18 août 1792, l'abbé La Goublaye, recteur constitutionnel de Saint-Sauveur, avait dû chanter à Saint-Louis une grand'messe pour le service funèbre que les loges l'Heureuse rencontre et les Elus de Sully avaient fait célébrer en mémoire des F. F. Berthomme et Kérézéon, fédérés tués dans la journée du 10 août.

Quant à la reconnaissance de la République, elle ne fut effectuée à Brest que le 21 octobre 1792. Et, cette fois, la fête bruyante et tumultueuse ne fut accompagnée d'aucune cérémonie religieuse. Cet événement, bien que considéré comme inévitable, frappa de stupeur la population sérieuse de Brest. La situation était grave, l'état des finances de la Ville alarmant, la famine toujours menaçante, et puis il y avait la guerre de tous les côtés, guerre civile et guerre étrangère, et surtout la guerre avec l'Angleterre, l'antique et redoutable ennemie des Brestois. Et la flotte était désorganisée, presque sans chefs, sans matériel et sans discipline, et autour de Brest, dans les campagnes, l'agitation religieuse grandissait tous les jours !

Quelques mois après, le 21 janvier 1793, la Convention jetait la tête sanglante de Louis XVI comme défi à l'Europe coalisée.

A ce moment, M. Malassis était maire de Brest depuis le 1er janvier. Sous sa direction, le Conseil supprima les marguilliers des églises de la ville et nomma deux de ses membres, les citoyens Tuyau et Le Page, administrateurs de l'église Saint-Louis, et deux autres conseillers, les citoyens Le Grand et Garnier, administrateurs de celle des Carmes (24 janvier 1793).

Les conventionnels à Brest. — Alors, pour raffermir le républicanisme des Brestois, pour châtier les suspects, pour relever les courages et organiser les défenses de la Ville, pour rétablir l'ordre, la discipline et la confiance dans la flotte, la Convention envoya à plusieurs reprises des députés à Brest. On y vit successivement Rochegude, Defermon et Prieur, de la Côte-d'Or ; Bréard et Tréhouart ; puis, en octobre, Prieur, de la Marne, et Jean Bon Saint-André.

Ces derniers décrétèrent l'abolition du culte catholique et proclamèrent la Divinité de la Raison. Les églises furent fermées. Saint-Louis devint le Temple de l'Humanité ; la chapelle de la Marine, le Temple de la Concorde ; la chapelle Notre-Dame de Recouvrance et l'église des Sept-Saints furent mises en vente et l'église des Carmes transformée en magasin.

Le 12 octobre, une commission du Conseil municipal fit descendre les cloches des églises. Cependant, Saint-Louis put en conserver trois : celle qui servait aux convocations du Conseil de la commune, celle du beffroi et celle qui sonnait les quarts et les demi-heures.

Sur ces entrefaites, Jean Bon Saint-André ordonna de convertir l'église Saint-Louis et la chapelle de la Marine en hôpitaux, au moyen de planchers divisant l'une et l'autre en deux étages formant autant de salles. Le conventionnel Bréard se chargea de l'exécution de cette mesure. Il avait ordre de détruire tout ce qui gênerait l'exécution du projet.

L'ingénieur Sané, déplorant la ruine du bel autel de Frézier, objecta que le grand escalier nécessaire pour accéder à l'étage exigeait un fort point d'appui et une cage solide que les colonnes seules pouvaient offrir. Il s'entendit avec l'entrepreneur et Jean Bon Saint-André se rendit à leurs raisons. On enleva seulement le tabernacle pour lui épargner les profanations et on le plaça au fond de l'abside.

Le reste de l'autel fut entouré d'une cage d'escalier en planches qui le préservait de toute atteinte.

C'est au même entrepreneur que l'on dut alors la conservation de l'orgue et des boiseries de la sacristie, qu'il prit la précaution de cloisonner en tenant constamment fermées les issues destinées à pénétrer dans ces deux endroits.

Fêtes révolutionnaires. - Cependant, comme l'on objectait à Prieur et à Jean Bon Saint-André que les Brestois regrettaient leurs belles processions disparues : Nous allons, dirent-ils, leur en rendre de plus belles encore, s'appuyant sur la Nature et la Raison, mères de la Liberté, de la Sensibilité et de la Vertu !  

De là, ces cérémonies grotesques, organisées par Prieur et ces promenades à travers les rues de la déesse Raison, jeune femme choisie pour sa beauté, vêtue à l'antique et coiffée du bonnet rouge, portée en triomphe par des forcenés se disant patriotes, au milieu d'une foule débraillée, hurlant des refrains révolutionnaires. On dit qu'une jeune femme d'excellente famille et d'une grande beauté, eut, pendant la Terreur brestoise, l'héroïsme de jouer ce rôle pour sauver ses parents du couperet fatal.

La première de ces fêtes révolutionnaires fut célébrée à l'occasion de la mort de l'infortunée Marie-Antoinette et couronnée à la fin du jour par une illumination générale. Elle se continua le lendemain, au matin, par une salve de vingt-trois coups de canon, par des cortèges symboliques, et, le soir, il y eut un grand bal public.

La déesse Raison à Saint-Louis. — La seconde fut celle de la déesse Raison, célébrée le 10 nivôse an II (30 décembre 1793), à la demande de la Société populaire. Le rez-de-chaussée de l'hôpital construit dans Saint-Louis devint le temple de la Raison. On fit placer au-dessus de la porte principale une table de marbre sur laquelle était gravée la fameuse inscription : Le peuple français reconnaît un Etre suprême et l'immortalité de l'âme.

Jean Bon Saint-André vint inaugurer le temple. Il monta en chaire, et dans un discours très violent, il attaqua les prêtres et la religion catholique. Il exhorta ses auditeurs à abjurer un culte dont le genre-humain avait été trop longtemps victime, pour ne pratiquer que celui de la Nature, le seul que la Raison, mère de la Sagesse antique, indiquât aux humains !

L'effet de ce discours fut prodigieux et instantané. Son auteur n'était pas descendu de la chaire ; qu'une foule frénétique se ruait sur tout ce que contenait l'église, brisant et saccageant sans pitié. C'est ainsi qu'elle entendait la Sagesse antique et le culte de la Nature ! Rien ne resta intact de ce qu'elle put atteindre.

Le superbe tabernacle en marbre fut mis en pièces et, comme lui, fut brisée et détruite la rampe de communion due aux chevaliers de saint Louis. Les statues de Charlemagne et de saint Louis, les confessionnaux, les petits autels eurent le même sort. La magnifique chaire, une des gloires de l'église, fut pulvérisée, les tableaux déchirés et lacérés ; la tombe même de du Couëdic ne fut pas respectée par ces patriotes, les bronzes en furent enlevés, le marbre réduit en miettes et le cercueil violé. La fatigue seule fit cesser le pillage. Le tout se termina par une immense orgie et un spectacle gratis offert par la Ville. Et toute la nuit on fêta dignement la Raison dans les cabarets et les tripots de Brest.  

Cependant, le tumulte même fit oublier quelques objets. Des habitants adroits et courageux parvinrent à enlever et cacher les fonts baptismaux donnés par Louis XV. Quelques personnes pieuses sauvèrent des fragments des statues de Charlemagne et de saint Louis, qu'elles conservèrent comme de précieuses reliques.

Les jours suivants, plusieurs pièces concourant à l'ornement de l'église et que la fureur populaire avait épargnées furent vendues ou enlevées pour être employées à d'autres usages. Tels furent les chandeliers du maître-autel, les deux grands candélabres et le lutrin. Ils furent achetés par M. Le Beurriée, fondeur à Brest, qui, au lieu de les détruire, les cacha soigneusement dans sa cave ; il les céda en 1804, au prix d'achat, à la fabrique reconstituée. La, grille qui entourait le choeur fut transportée dans le port et dénaturée et la grille de clôture des fonts baptismaux, qui constituait un véritable chef-d'oeuvre, disparut sans laisser de traces.

Jean Bon Saint-André. — Quant à Jean Bon Saint-André, de son vrai nom André Jean Bon, qui présidait à ces pillages, nous n'avons pas à juger ici son rôle dans le combat du 13 prairial, et son travail de réorganisation de la flotte. Cependant, malgré ses excès, nous devons lui rendre cette justice qu'il retarda de tout son pouvoir la formation à Brest d'un tribunal révolutionnaire. Cet ancien royaliste fervent ? puis pasteur protestant, devenu conventionnel et terroriste exalté, finit admirateur de Napoléon et applaudit au concordat. Il fut nommé préfet du département du Mont-Tonnerre et commissaire général des trois départements voisins. Sa nomination fut même pour l'empereur l'occasion d'un de ces mots plaisants, auxquels il excellait : « Messieurs, dit Napoléon en le présentant à son entourage, vous n'avez plus devant vous le conventionnel Jean Bon Saint-André qui n'existe plus, mais bien le préfet baron Jean Bon de Mayence ».

Après cette glorification de la Raison, l'église Saint-Louis restait nue, souillée et dévastée ; moitié hôpital, moitié hangar, elle ne devait plus servir pendant longtemps qu'à des manifestations tumultueuses, à des réjouissances plus ou moins échevelées, au tirage au sort, à des élections partielles, au couchage des troupes de passage, aux réunions des décadi, et, enfin, elle allait s'abîmer et se dégrader de plus en plus jusqu'au rétablissement de la religion par le Premier Consul. Cependant, elle allait échapper à la sinistre, comédie jouée dans la chapelle voisine par le tribunal révolutionnaire.

Car la dévastation de Saint-Louis n'était que le prélude d'événements plus terribles, où, cette fois, le sang allait couler à flots.

La justice du peuple - En effet, le 19 nivôse an II (8 janvier 1794), de grand matin, par un temps glacial et brumeux, la ville se trouva tout à coup éclairée par la lueur d'un grand nombre de torches que portaient, au bout du canon de leur fusil, des soldats étrangers à la garnison, coiffés d'immenses bonnets à poil, aux longs cheveux, aux épaisses moustaches, à la mine farouche, sous les pas desquels s'était abaissé le pont-levis de la place. Ces soldats étaient la crème des révolutionnaires de Paris, formant le 3ème bataillon de la Montagne. Le représentant Laignelot était à leur tête. Il venait, disait-il, ranimer la flamme des vertus républicaines, revivifier et galvaniser les vrais patriotes et mettre au pas les nobles, les prêtres et les conspirateurs qui pullulaient à Brest.

A un mois de là, l'arrêté qui instituait le tribunal révolutionnaire était placardé partout sur les murs de Brest et sur la porte de l'église Saint-Louis.

Le lendemain, la guillotine était dressée sur le Champ-de-Bataille, devenu place de la Liberté. En face s'élevait déjà l'autel de la Patrie, construit en 1792 pour célébrer la fête de la Fédération. Il avait servi depuis à toutes les fêtes civiques. Cet autel fut renversé et remplacé par un monceau de bûches simulant une montagne avec ses infractuosités. La sainte Guillotine eut ainsi pour pendant la sainte Montagne.

D'autre part, des ouvriers avaient travaillé toute la nuit à restaurer l'ancienne chapelle de la Marine devenue le temple de la Concorde, et les habitants en sortant dès l'aube avaient pu lire en lettres d'or, sur une table de marbre noir, fixée au fronton de cet édifice, l'inscription menaçante : Justice du peuple !  

Le même jour, à onze heures précises, la porte du nouveau tribunal s'ouvrit devant la foule avide de contempler sur leurs sièges les nouveaux magistrats que Laignelot venait d'élire.

C'étaient, ce jour-là, le substitut Grandjean, remplaçant à la présidence Ragmey, empêché ; les juges Goyrand, Le Bars fils et Palis, l'accusateur public Victor Hugues, vis-à-vis duquel était assis le greffier Guermeur. Derrière ce dernier, adossé à la muraille, un jeune muscadin, tiré à quatre épingles, aux longs cheveux bouclés sous un bonnet rouge, aux vêtements élégants, mais dont le regard était sombre et fixe, Semblait attendre avec impatience l'ordre d'agir. C'était Hantz, le bourreau.

Les substituts étaient, en outre de Grandjean, Bonnet et Marion.

Pour débuter, le terrible tribunal fit tomber trois têtes et il ne chôma pas un seul jour. Il donna une telle besogne au bourreau, que l'on dut élever une guillotine sur la place du Château, devenue la place du Triomphe du Peuple, et il en fut ainsi jusqu'au moment où, à la suite du 9 thermidor (24 juillet 1794), et de la chute de Robespierre, la guillotine disparut des places de Brest.

Du 21 pluviôse au 24 thermidor, 188 accusés avaient comparu devant la justice du peuple, dont 72 furent mis à mort.

Tous ces faits s'étaient accomplis sous l'oeil navré mais impuissant du citoyen Berthomme, maire de Brest pour la seconde fois, du 23 novembre 1793 au 25 novembre 1795.  

 

2-L'église Saint-Louis temple décadaire

Cependant, les Membres du tribunal révolutionnaire cassés, accusés et poursuivis, ayant perdu tout pouvoir et tout moyen de nuire, l'apaisement se fit petit à petit et le calme revint. La terreur qui comprimait tous les cœurs s'envola et le sentiment religieux osa même se manifester avec une telle force, que la chapelle de la Congrégation fut ouverte et rendue au culte le 21 octobre 1795.

C'est pourquoi, le 14 mai 1796, un certain nombre de citoyens brestois, invoquant le droit au libre exercice des cultes conféré à chaque Français par la Déclaration de 1793, demanda que l'église Saint-Louis fut, mise à leur disposition pour y célébrer les offices de la religion catholique.

La Municipalité, présidée par le citoyen Gillart père (21 novembre 1795 - 28 mai 1797), fit bon accueil à leur désir et appuya leur demande, à la condition qu'ils se chargeraient de l'entretenir et de la réparer à leurs frais, et en même temps elle prescrivit l'enlèvement de l'inscription robespierriste et le rétablisement de l'horloge.

L'Administration départementale ayant à son tour accueilli, le voeu des habitants, le Conseil arrêta, le 2 octobre suivant, que l'ordonnateur de la Marine serait invité à faire connaître le jour où il pourrait remettre l'église en bon état de réparations.

Mais l'église fut à peiné ouverte, que les fêtes décadaires dont elle avait été antérieurement le théâtre furent désertées. Cela ne faisait pas le compte du Directoire du Finistère, qui enjoignit, le 7 vendémiaire an VII (28 septembre 1798), à l'Administration municipale d'appliquer dans toute sa rigueur la loi votée par les Conseils des Cinq-Cents et des Anciens (juillet 1798), ordonnant que les fêtes décadaires fus­sent célébrées dans l'église Saint-Louis.

En conséquence, le curé constitutionnel Laligne fut invité par l'Administration municipale à prendre ses mesures, pour qu'elle put disposer de l'église Saint-Louis les jours de décadis, dès onze heures du matin.

A partir de ce moment, elle devenait simple décadaire jusqu'au soir, et, son grand pontife était le citoyen Richard fils, président du Conseil municipal (29 mai 1797 - 28 mars 1799). C'était rendre le culte impossible, surtout quand le jour décadaire tombait un dimanche.

On passait la journée à y lire les actes municipaux, les nouvelles officielles, les comptes rendus du conseil, etc. Les instituteurs primaires devaient y assister avec leurs élèves.

Mariages décadaires. — Mais le principal attrait de ces séances était la célébration des mariages civils qui, d'après la loi, ne pouvaient avoir lieu que ces jours-là, c'est-à-dire trente-six fois par an. Cette mesure restrictive avait été adoptée malgré la vive opposition de plusieurs membres du Conseil qui avaient vainement démontré les inconvénients de cette limitation.

Le maire ou l'officier municipal de l'état civil, en grand costume, un panache tricolore au chapeau, se tenait en dedans de la balustrade du choeur. Là, il appelait successivement chaque couple, qui, après la lecture de la formule sanctionnant son union, faisait place à un autre couple et regagnait ses fauteuils au son d'un bruyant orchestre, à peu près comme un lauréat du Lycée venant d'être couronné. On allait à l'église comme on va, de nos jours, entendre la musique sur les places publiques. De là un manque de tenue, une confusion et un désordre auxquels l'Administration municipale dut obvier le 5 décembre 1798 par un arrêté des plus sévères, où elle obtenait le concours des autorités militaires pour le maintien de l'ordre et du décorum nécessaires.

Enfin même, pour simplifier les complications, la Municipalité décida : « Que les temples des deux côtés de la ville seraient fermés les jours des ci-devant dimanches et fêtes chômées par les sectateurs du culte catholique ».

C'était dire aux fidèles : « L'exercice du culte vous est permis, sauf les jours qui y sont fondamentalement consacrés ».

Le 15 juillet 1801, la conclusion du Concordat mit heureusement fin à cette situation intolérable et ridicule.  

3-L'église Saint-Louis est rendue au culte catholique

A peine arrivé au pouvoir, le Premier Consul remit chaque chose à sa place : les cérémonies religieuses à l'église et les cérémonies municipales à l'hôtel de ville.

Une grande fête célébra à la fois l'anniversaire de la République, la paix d'Amiens et le rétablissement du culte catholique. A Brest, la partie du programme qui impressionna le plus la population, fut la messe célébrée pontificalement à Saint-Louis par le nouvel évêque de Quimper, Mgr André, messe à laquelle assistaient le préfet maritime et le préfet du Finistère, tous les fonctionnaires civils et militaires, et à l'issue de laquelle fut chanté un Te Deum, en actions de grâce tant du Concordat et de l'adhésion qu'y avait donné tout le clergé de Brest, que de la pacification générale.

Les autorités, s'associant aux vues du Gouvernement consulaire et aux désirs de la majorité de la population, favorisèrent de tout leur pouvoir la reprise régulière du culte. Comme le préfet du Finistère, le maire, M. Tourot, donna toutes les facilités possibles et prit toutes les mesures voulues pour garantir aux églises l'ordre et le respect nécessaires à la grandeur et à la solennité de la religion.

Cependant la transition ne se fit pas sans quelques difficultés. Le désarroi précédent et les fêtes du décadi avaient donné à une partie de la population brestoise et aux mécontents des habitudes de laisser-aller et de désordre qu'une réglementation ferme et prudente à la fois dut réprimer avec énergie.

C'est pour ces causes que le Conseil municipal n'osa pas accorder, en 1802, à l'abbé Le Bris, vicaire à Saint-Louis, l'autorisation de célébrer la messe de minuit, et il arrêta en même temps que les baptêmes et les mariages ne pourraient être célébrés à l'église que de l'Angelus du matin à celui du soir. Plus de mariages nocturnes donnant trop souvent lieu à du désordre. Quant aux perturbateurs des cérémonies religieuses, le Conseil les condamnait à 500 livres d'amende et à un emprisonnement d'un an et même de deux ans, en cas de récidive.

Si l'on avait pu ainsi rendre à l'église le calme, le recueillement et la majesté des temps anciens, il restait bien des ruines à réparer, et le flot révolutionnaire y avait laissé une empreinte désolante. Déjà, la Marine et les habitants, consternés de la profanation du tombeau de du Couëdic, avaient demandé à le restaurer à leurs frais par des souscriptions largement couvertes.

Le tombeau de du Couëdic. — Le préfet maritime Caffarelli fit appliquer, en grande pompe, sur l'emplacement du monument primitif détruit, une table de marbre noir, surmontée d'une pyramide et portant l'inscription suivante : Ici repose le corps de M. Charles du Couëdic de Kergoualer, militaire décoré, capitaine de vaisseau, mort le 7 janvier 1780, des blessures qu'il avait reçues dans le combat mémorable qu'il a rendu, le 6 octobre 1779, commandant la frégate de l'Etat la Surveillante, contre la frégate anglaise le Québec. Ce monument, posé pour honorer un brave guerrier, fut mutilé dans des temps malheureux. Les habitants du Finistère, pleins de respect pour l'armée navale et pour la mémoire de du Couëdic, l'ont fait restaurer en l'an XIII de la République française.

En 1814, sur la demande de l'amiral de Marigny que choquait le militaire décoré et certains autres points de cette inscription, elle fut remplacée par la suivante, conforme au monument primitif et que nous pouvons y lire en 1911 : Ici repose le corps de messire Charles-Louis du Couëdic de Kergoualer, chevalier de l'ordre royal et militaire de saint Louis, capitaine des vaisseaux du roi, né au château de Kerguélenen, paroisse de Pouldregat, diocèse de Quimper, le 17 juillet 1740, mort le 7 janvier 1780, des suites des blessures qu'il avait reçues dans le combat mémorable qu'il avait rendu, le 6 octobre 1779, commandant la frégate de Sa Majesté la Surveillante, contre la frégate anglaise le Québec. Ce monument a été posé par l'ordre du Roi pour perpétuer la mémoire de ce brave officier.

Cette restauration ne rendait pas au monument de du Couëdic son importance première. On ne put jamais y replacer les magnifiques bronzes d'art qui le décoraient et dont l'un représentait le combat de la Surveillante et du Québec.

Ces bronzes, enlevés dans les pillages de 1793, avaient disparu sans laisser de traces, fondus et vendus sans doute par ceux qui les avaient dérobés.

La réfection du tombeau de du Couëdic fut le signal des importants travaux nécessités par la mise en état de l'église Saint-Louis. La bienveillance de Napoléon, premier consul, puis empereur, allait leur donner une impulsion répondant aux besoins spirituels de la paroisse et aux désirs de la population de Brest.

A. DE LORME. Brest, le 18 juin 1911

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