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L'église Saint-Louis de Brest, de 1742 à 1789

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L'église primitive de Saint-Louis avait été édifiée en 1688-1692 (la première pierre est posée par Mgr de La Brosse, évêque de Léon, le 1er mars 1688), bénite le 29 octobre 1702 par Mgr de la Bourdonnaye, et continuée en 1778 : elle avait été commencée le 1er mars 1688 par Garangeau (ou Garengeau) et terminée par Frézier et Besnard.

L'église Saint-Louis, de 1742 à 1789

1- L’oeuvre de Frézier.

L’église en 1742. — Lorsqu’en 1742, et grâce à d’immenses sacrifices, la Ville de Brest devint, sans contestations possibles, seule maîtresse et propriétaire de l’église Saint-Louis, celle-ci était, comme nous le savons, loin d’être achevée. Pendant trente-trois ans, elle avait été absolument délaissée ; ni le chœur, ni les bas-côtés n’étaient terminés, les sacristies n’étaient qu’ébauchées, les autels et le mobilier faisaient également défaut, la façade et les clochers n’existaient pas. On n’entrait dans l’église que par des porches provisoires d’un accès difficile. On y avait négligé toute réparation sérieuse, et l’entretien de ce qui existait avait été réduit autant que possible. Aussi était-elle dans un triste état et y avait-il beaucoup à faire.

Cependant, les hommes qui avaient vu poser les premières assises de l’édifice avaient disparu. Desclouzeaux était mort le 6 mai 1701, remplacé successivement d’abord par l’intendant Robert, puis par le commissaire général Bigot de la Motte. L’abbé Roignant et même son successeur, l’abbé de Kerret, avaient été emportés dans la tombe ; enfin l’architecte de Garangeau, vieux et usé depuis longtemps, venait de succomber en 1741.

Le colonel Frézier. — Il lui fallait un successeur pour continuer, compléter et parachever son oeuvre. Le roi désigna pour cet emploi le colonel du génie Frézier, directeur des places de guerre et fortifications de Bretagne, déjà fort connu par ses écrits et ses travaux, homme du monde doublé d’un savant et d’un artiste. Louis XV ne pouvait mieux choisir, et un coup d’oeil jeté sur la vie et la carrière du second architecte de Saint-Louis, en fera comprendre toute la valeur.

Né à Chambéry, en 1682, Frézier appartenait à une famille écossaise, établie en Savoie depuis un certain nombre d’années. Il fit à Paris de fortes études scientifiques et artistiques et il y cultiva principalement l’architecture. Il compléta son instruction par un fructueux voyage en Italie. En 1702, il fut nommé lieutenant dans le régiment d’infanterie du duc de Chaumes, et, en 1707, attribué à l’arme du génie. Il y fit une brillante carrière, au cours de laquelle il fut adjoint à M. de Garangeau dans ses constructions de Saint-Malo. Connu par ses voyages, par ses travaux d’architecture et son traité de coupe de pierres, il devint, en 1739, directeur du génie pour la Bretagne et, en 1752, membre de l’Académie de Marine

Très au courant des oeuvres, des procédés et des idées de Garangeau, dont il avait été longtemps le second, il était tout désigné pour lui succéder, en 1741. Il se fixa alors à Brest, où il mourut à l’âge de 91 ans, en 1773. La Ville, reconnaissante de ses mérites, donna son nom à l’une des rues voisines de Saint-Louis.

L’abbé Gourio de Menmeur. — Le recteur de Saint-Louis, l’abbé Gourio de Menmeur, successeur de l’abbé de Kerret, était un homme actif, intelligent et qui savait plaire. Il avait pour aide le curé Perrot, qui déployait les mêmes qualités et le secondait d’une façon remarquable. Ils arrivèrent à convaincre le corps de la Marine royale et l’intendant Bigot de la Motte que l’église de Saint-Louis était leur véritable paroisse et qu’ils devaient favoriser sa construction de tout leur pouvoir. Ils acquirent les bonnes grâces du ministre de la Marine, M. de Maurepas, et, par lui, la bienveillance du roi.

Ils en obtinrent, dès avril 1741, des bois et des fers inutiles au service pour les employer dans l’achèvement de Saint-Louis ; puis, enfin, en 1742, un don véritablement royal, celui des beaux marbres roses de la Sarthe devant servir à la construction du maître-autel et des fonds baptismaux, celui des bronzes nécessaires à leur décoration, et le don plus important encore des colonnes monolithes en marbre cipolin qui font actuellement la principale parure du maître-autel.

Ces colonnes ont leur histoire, qui mérite d’être contée.

Les colonnes de Lebida. — Elles appartenaient, il y a seize siècles, à un superbe temple gréco-romain élevé à Lebida (Cyrénaïque), non loin de la ville actuelle de Tripoli. Après avoir servi bien des années au culte des Dieux de Rome, ce temple fut détruit par les invasions, et au milieu des débris de ses autels, de son fronton et de ses parvis, les colonnes restaient seules debout. Louis XIV, averti, obtint du sultan de prendre, pour orner le palais de Versailles, celles d’entre elles qui lui conviendraient. Il en choisit vingt dont les fûts étaient intacts, et un navire français, la Diépoise, capitaine La Motte, les amena à Brest, le 26 avril 1689. De là, il dut les conduire au Havre pour leur faire remonter la Seine jusqu’à Paris. Mais quatre fûts corinthiens non utilisés furent déposés et oubliés à Honfleur. En 1742, Bigot de la Motte en fut informé. Il s’adressa à Maurepas, et à la demande de ce ministre, Louis XV les céda à la Ville de Brest avec les autres présents dont il a été parlé plus haut, voulant ainsi honorer à la fois le grand saint dont il portait le nom et le grand roi son aïeul ; le 13 avril 1742, la gabarre la Colombe les débarquait sur les quais du port militaire.

Le maître-autel de Frézier. — A la vue de ces beaux marbres, de ces riches matériaux, de ces fûts corinthiens si sveltes et si élégants, d’un galbe si harmonieux, Frézier renonça à l’autel plein, adossé par son retable au fond de l’abside, tel que l’avait conçu Garangeau.

Il résolut de faire quelque chose de plus détaché, de plus aérien, il voulut même mettre en lumière les élégantes architectures qu’allaient lui inspirer les colonnes corinthiennes de la Cyrénaïque et ses propres souvenirs de l’Italie.

Il plaça son autel isolé au milieu du choeur, véritable monument au centre de l’abside et ses dessins réunirent tous les suffrages.

Ce bel ouvrage nous est resté presque intact. Comme vous le voyez, Frézier appuyait le corps saillant de l’autel à une base courbe en marbre, mettant bien en évidence les bronzes dorés du médaillon central et des angelots des côtés. Du contour se détachaient des piédestaux en marbre saillants et portant les socles des fûts antiques. Ceux-ci, d’une seule pièce et d’une hauteur de 7m20 (deux étages), étaient couronnés par de riches chapiteaux corinthiens en bois doré.

Les quatre colonnes ainsi formées soutenaient un entablement en arc de cercle de même style portant en son milieu une riche Gloire dorée. De là, s’élançaient au-dessus de chaque colonne autant de pieds obliques dont la courbe gracieuse, infléchie en double volute s’ornait d’oves et de fleurons. Ces pieds étaient réunis aux deux tiers de leur hauteur par une traverse horizontale en arc de cercle concentrique, d’où se détachaient des guirlandes de fleurs admirablement sculptées. L’ensemble, en bois doré, était d’une élégance incomparable. Il portait un riche baldaquin couronné par un groupe d’angelots ravissants soutenant un globe d’or surmonté de la Croix.

C’était une magnifique et harmonieuse composition, dans laquelle la justesse des proportions faisait ressortir l’élégance et la richesse des détails. L’art antique s’y associait d’une façon parfaite à l’art naissant du XVIIIème siècle.

Concours de la Marine. Grille offerte par les chevaliers de saint Louis. — Le succès du chef-d’oeuvre de Frézier entraîna tout le monde et donna une vive impulsion aux travaux. Pendant que l’architecte préparait l’exécution de son projet, le recteur fit, en 1744, paver l’église, et substituer aux bancs disparates jusqu’alors, des bancs symétriques et réguliers qui furent confectionnés au moyen de matériaux dus à la libéralité du ministre. Trois de ces bancs furent réservés au commandant de la Ville, au clergé et au corps politique.

Pendant ce temps, la Marine continuait son concours, elle donnait une partie des fers nécessaires à la confection de la grille de clôture des arcades du chœur ; et, d’autre part, les chevaliers de saint Louis de la Ville, de la flotte, du port et même des environs de Brest, offraient à leur église patronale une superbe rampe de communion en fer forgé et doré, embellie de croix de saint Louis, de fleurs de lis et d’attributs maritimes et guerriers. Cette grille, ainsi que le tabernacle en marbre et bien d’autres richesses, fut anéantie par le vandalisme révolutionnaire ; mais en souvenir de ses donataires, on eut soin, en la reconstruisant autrement et dans un autre style sous la Restauration, d’en orner les vantaux de la double effigie de la croix de saint Louis, qui y brille en 1911.

Le buffet de la sacristie. — En même temps, la Communauté consacrait six annuités de mille livres chacune à la confection de la belle boiserie dont est revêtue la sacristie. Cette oeuvre élégante et d’un style si pur, dont se détache un Christ admirablement sculpté, fut terminée en 1748. Elle est due au sieur Bervas, maître sculpteur à Brest.

2- L’installation d’un maire à Brest.

C’est à cette époque que le recteur de Saint-Louis, l’abbé Gourio de Menmeur, assisté du curé Perrot, eut à installer M. Betbedat comme maire, avec le cérémonial accoutumé, célébré auparavant aux Sept-Saints et inauguré à Saint-Louis le 1er janvier 1748.

Le procès-verbal qui en fut dressé, nous apprend que M. Betbedat, avant d’entrer dans l’église, s’agenouilla au pied d’un prie-Dieu, vis-à-vis et en dehors de la porte principale ; que là, la main sur le livre des Evangiles, il prêta le serment de garder et conserver les droits et intérêts de l’église, ainsi que de la religion catholique, apostolique et romaine ; qu’à la sortie du cortège, on s’arrêta à l’endroit où l’on avait placé, au niveau du pavé, « une pierre expressément percée d’un trou au milieu » ; que le maire mit le talon dans le rond ou fossette « censée le centre de la Ville » et que, la main levée, il prêta, entre les mains du sénéchal, le serment « de se bien et fidèlement comporter dans les fonctions de maire, de conserver les droits du Roy, les privilèges, prérogatives et immunités de la Ville et ordonnances de police, comme aussi de protéger les pauvres, les veuves et les orphelins » ; qu’au Château, il prêta encore serment comme colonel de la milice, entre les mains de M. Lombard, major, qui le reconnut dans son grade et ordonna de lui obéir en tout ce qu’il commanderait pour le service du Roy.

Et voilà comment on était proclamé maire de Brest sous le règne de Sa Majesté Louis XV, roi de France et de Navarre.

Don de M. Bigot de Chazelles. — En mai 1749, M. Bigot de la Motte, assisté des autorités de la Ville et de tout le clergé, posa solennellement la première pierre du massif destiné à recevoir le maître-autel, et afin d’en hâter la construction, son fils, M. Bigot de Chazelles, proposa une somme de deux mille livres pour opérer le placement des colonnes et le montage du baldaquin, à la condition que le banc n° 38 qu’il occupait dans l’église appartiendrait à perpétuité à lui et à sa famille. Cette condition fut acceptée par la Communauté et observée jusqu’en 1790, époque de la destruction des bancs dans un mouvement révolutionnaire.

3- La générosité du roi Louis XV.

Cadeaux du roi - Ce grand travail de la construction du maître-autel dura jusqu’en 1758 (près de dix ans). Et peu après, l’église reçut, probablement en cadeau du roi, six superbes chandeliers, deux grands candélabres et un magnifique lutrin en bronze doré, dus à un célèbre fondeur ornemaniste de Paris, qui les signa de son nom, Lecler, rue de la Féronnerie, à la date de 1759. C’est vraisemblablement dans la même période que l’église Saint-Louis s’enrichit des lampes du sanctuaire, des crédences et de beaucoup de pièces du riche mobilier qui complète si élégamment la décoration du choeur.

Le départ de Frézier. — Au milieu de tant de travaux, et malgré ses 78 ans, l’activité de Frézier ne se ralentissait pas. Sous sa direction, l’entrepreneur Jaffrey acheva l’abside, construisit les bas-côtés de l’église et commença le portail jusqu’au-dessous des voûtes qui supportent le buffet des orgues.

Frézier avait renoncé à la façade de Garangeau, trop coûteuse et aux deux tours à dôme qui la complétaient. Il proposa une façade plus simple couronnée par un dôme, réduction de celui des Invalides, et flanqué de deux tourelles de même style. Mais le manque d’argent suspendit alors ses travaux, et l’âge allait bientôt le condamner au repos.

Avant de terminer son oeuvre, il avait préparé, pour les placer à droite et à gauche de la porte principale, deux inscriptions qui résumaient, d’une façon peut-être trop piquante, les justes griefs de la Ville contre Louis XIV et les jésuites. Aussi ne furent-elles jamais mises en place.

Il est intéressant de les connaître. Les voici :

Ludovici XIV munificentia
Ex urbis Bresti aerario
Inceptum est hoc aedificium
Anno MDCXCVII (1697)
Deinde seminarid clericorum
Ad navalia armameuta instituto
A Rege gratis concesso
Stetit imperfectum per multos annos
Auspiciis Ludovici XV
Tandem, pacto convento,
Soli parrochiœ urbis Bresti
Restitutum aedificium
Ex ejusdem aerario huc usque
Provectum est
Anno MDCCLVIII (1758)

Ce qui peut se traduire :

« Grâce à la munificence de Louis XIV, la Ville de Brest commença à ses frais, en mil six cent quatre-vingt-dix-sept, cet édifice. Mais ayant été donné par le roi, au séminaire des aumôniers de la flotte, il resta inachevé pendant de longues années. Enfin, un traité étant conclu sous les auspices de Louis XV, ce monument, restitué à la seule paroisse de Brest, pût être terminé, aux frais de la Ville, en 1758 ».

 

4 - Ralentissement des travaux.

Suppression des sépultures dans l’église. — Cependant les travaux languissaient faute d’argent et Frézier prenait sa retraite. On avait beaucoup dépensé à l’avance pour achever les bas-côtés, et le casuel de Saint-Louis était alors moins avantageux que celui des antiques églises, telles que celle des Sept-Saints et même celle des Carmes qui conservait les privilèges de l’église Saint-Yves qu’elle avait remplacée (1651).

En effet, jusqu’alors, il était permis d’inhumer dans les églises, ce qui coûtait assez cher et rapportait fort aux paroisses. Mais, en 1707, Monseigneur de la Bourdonnaye, poussé peut-être par l’intérêt de la salubrité publique, décréta que l’église de Saint-Louis serait exclusivement réservée pour la sépulture des officiers de marine et leurs familles. M. Lars de Poulrinou, maire de Brest, protesta au nom de l’égalité de tous devant la Mort, mais sa protestation fut inutile. L’hygiène l’emporta et il fut même décidé que l’église de Saint-Louis ne pourrait accorder la sépulture qu’à des décédés illustres et dans des circonstances particulières ; ce qui eut lieu plus tard lors des funérailles du valeureux du Couëdic, et celles d’ecclésiastiques marquants ou d’autres morts glorieux.

Bientôt après, du reste, une ordonnance des Etats de Bretagne, approuvée par le Roi, confirma ces dispositions.

En 1762, pour donner un peu d’activité aux travaux à moitié suspendus, le ministre de la Marine délivra gratuitement à la paroisse trois mille pieds cubes de bois, trois cents planches et dix mille livres de fer, à condition qu’un banc, convenablement placé, serait réservé dans l’église aux principaux officiers du corps.

Non seulement la Communauté se soumit avec empressement à cette condition, mais elle offrit même de nommer un marguillier d’honneur pris parmi les officiers de plume, au choix du commandant de la Marine. Ces officiers déclinèrent cette distinction, se contentant des bancs n° 68, 69 et 70, qu’ils partagèrent avec la Communauté.

Dans la même année, le recteur faisait refaire le pavage de l’église, et celle-ci recevait de généreux donateurs les deux statues de saint Louis et de Charlemagne, qui furent érigées à l’entrée du chœur : l’une du côté de l'Evangile, l’autre du côté de l'Epître. Ces deux statues devaient être victimes des saturnales de 1793.

La fabrique aurait alors voulu agrandir l’église par une chapelle extérieure dont la Marine lui cédait le terrain. Elle demanda en même temps l’acquisition des cloches du Folgoat mises en vente par les jésuites. Mais ces deux demandes furent repoussées comme coûteuses et inopportunes, et elles ne se réalisèrent jamais.

Premières fêtes dans l’église. — Cependant, malgré la pauvreté de son budget, la paroisse put, grâce à la générosité des fidèles, disposer à l’occasion, de ressources suffisantes pour donner aux cérémonies religieuses un éclat et une pompe impossibles jusqu’alors. Elle possédait enfin un bel autel, un matériel suffisant, des croix, des ostensoirs, quelques bannières et de riches parures ecclésiastiques.

Aussi, le 6 août 1769, lors de la fête célébrée en l’honneur du rappel du Parlement de Bretagne, la Communauté, au milieu de la joie générale, pût-elle faire célébrer à Saint-Louis une messe solennelle et un Te Deum, auquels assistaient, avec les milices en armes, toutes les autorités civiles, militaires et maritimes. L’éclat de ce spectacle religieux et guerrier, la pompe et l’ordre des cérémonies, la beauté des chants, ravirent les Brestois et les encouragèrent à de nouveaux sacrifices pour terminer cette église, qu’ils regardaient comme l’honneur et la parure de leur Cité.

On put avec le même succès déployer la même pompe lors de la visite du duc de Chartres à Saint-Louis, le 5 mai 1772.

 

5 - Mort de Louis XV.

Mort de l’abbé Perrot. — C’est à cette époque que mourut l’abbé Perrot, auquel l’église devait tant. La Ville, reconnaissante de ses vertus, de ses bienfaits et de sa bonne administration, lui servait, une pension de 400 livres. On lui fit à Saint-Louis de belles funérailles.

M. Le Normand, maire de Brest. — M. Le Normand (Jean-Jacques), procureur du roi et syndic, avait été élu maire de Brest le 22 juin 1771 et il était en fonctions depuis cette date, lorsque parvint à Brest, dans les premiers jours de mai 1774, la nouvelle que le. roi Louis XV était dangereusement malade. Le roi n’était plus le bien-aimé des premières années du règne, il avait perdu toute sa popularité et les désastres militaires et financiers s’unissaient à la misère générale et à la vie privée du monarque pour saper les anciennes affections mais la Communauté et la paroisse de Brest ne pouvaient oublier sa générosité pour leur église.

Aussi pendant trois jours consécutifs une grande messe fut-elle chantée à Saint-Louis pour demander à Dieu le rétablissement de sa santé. L’état-major de la place fit célébrer la première le 9 mai ; le corps de la Marine la seconde, et la Communauté la troisième. Mais ces prières ne furent pas exaucées et le roi mourut. Quelque modérée que fut en présence de cet événement la douleur de la population, elle dut, pour se conformer à l’usage, porter le deuil de son souverain. C’était le roi de France et, quoique bien ébranlé, le prestige de la royauté régnait encore dans les coeurs.

C’est pourquoi la Communauté crut devoir ordonner un deuil général, suivi d’un imposant service funèbre à Saint-Louis. Toutefois, celui-ci fût moins somptueux qu’on ne le proposait, le roi Louis XVI ayant exprimé le désir qu’une partie de la dépense fut consacrée au soulagement des pauvres.

Les autorités de la ville se conformèrent à ces paternelles instructions en décidant que le service projeté devant donner lieu à une dépense de 1.200 livres, le quart de cette somme serait affecté à l’achat de 600 pains bis et blancs de 10 sols chacun, que l’on distribuerait aux pauvres en leur recommandant de prier Dieu pour l’âme du feu roi.

Ainsi débuta à Brest le règne du roi Louis XVI.

 

6 - L’œuvre de Besnard. — L’église sous Louis XVI.

Joachim Besnard. — Frézier, en se retirant du service, avait légué le soin de continuer après lui et de terminer l’oeuvre de Garangeau, à l’architecte Pierre-Joachim Besnard, désigné par le roi. Architecte et ingénieur de talent, Besnard était né à Rennes en 1741. Après avoir été élève de l'Ecole des ponts et chaussées de Bretagne, il devint ingénieur ordinaire des Etats de Bretagne à Vannes, puis à Landerneau. Il fut promu, au concours, ingénieur en chef de la province en 1787. Ayant terminé la façade de l’église Saint-Louis de 1774 à 1785, il eut à restaurer l’église Saint-Martin de Morlaix et plusieurs autres édifices importants. Il fut nommé inspecteur général des ponts et chaussées en 1791 et chargé, en 1805, par l’empereur Napoléon, de tracer la nouvelle ville de Pontivy, devenu alors Napoléonville.

On adjoignit bientôt à l’ingénieur Besnard, pour les nombreux travaux de sculpture à exécuter dans l’église Saint-Louis, le sculpteur Collet, élève de Coysevox, Coustou et Bouchardon, premier prix de l'Académie des Beaux Arts et chef de l’atelier de sculpture du port de Brest, déjà connu par les grandes statues navales et les magnifiques décorations sculptées dont il avait embelli les vaisseaux du roi.

C’est à Besnard que nous devons la façade actuelle de l’église Saint-Louis. Il accepta, dans cette dernière conception, les deux étages superposés dorique et ionique de Garangeau, mais il en diminuait la largeur et il en simplifiait considérablement la décoration. Il supprima les portes latérales, les prolongements, les sculptures et les statues de l’attique, les niches de l’ordre ionique, les balustrades, les guirlandes et, de tous les ornements proposés par Garangeau, il ne conserva que le riche cartouche du portail et les trophées du fronton. Il ne voulut ni des tours latérales, ni, à leur place, de la coupole centrale avec lanternons pro­posée par Frézier, et il les remplaça par la tour circulaire actuelle, coupée de trois étages éclairés par six fenêtres inférieures, six lucarnes circulaires intermédiaires et six fenêtres supérieures et renforcée par six contreforts. Ces contreforts supportaient un entablement surmonté d’une balustrade et limité aujourd’hui par une plate-forme. Dans le projet de Besnard, au-dessus de cette terrasse devait se dresser un dôme ovoïde portant une sphère d’or surmontée de la croix, ce qui aurait donné à la tour huit mètres de plus qu’elle n’en a en 1911. Nous verrons pourquoi l’architecte se crut obligé de renoncer à ce couronnement. Il compléta le raccordement un peu brusque du fronton avec la tour par deux pyramides aiguës, placées à droite et à gauche de la façade, et en granit comme elle. On a beaucoup critiqué cette disposition. Dans son Voyage en Bretagne, Max Radiguet, railleur, a même écrit que c’étaient deux métronomes flanquant une clarinette. La moquerie est excessive ! En résumé, il ne restait plus de la primitive façade projetée en calcaire que l’intérieur du tympan, les ornements des métopes et l’immense cartouche qui surmontait la grande porte.

Or, Garangeau et Frézier avaient admis que la façade de Saint-Louis devait être, comme le reste de l’église, construite en calcaire de Caen, pierre compacte, solide, lumineuse et permettant les sculptures délicates et les ornements fouillés. On ne voit pas pourquoi Besnard préféra le granit et ajusta à une église de pierre blanche cette nouvelle façade dont la pierre de couleur, de densité et de tassement différents, exigeait pour la taille et la sculpture un travail à la fois plus difficile et plus coûteux, sans fournir au résultat une mise en lumière favorable.

Peut-être est-ce la crainte de l’action de l’air salin sur une façade en calcaire exposée aux vents humides du Sud qui fit choisir le granit ?

Accidents à la tour Saint-Louis. — Quoiqu’il en soit, ce projet fut approuvé au mois d’octobre 1774 par la Communauté brestoise et Besnard en confia l’exécution à l’entrepreneur Le Jemble. Le travail avançait, la tour s’élevait et l’entrepreneur avait déjà reçu 20.400 livres pour ses travaux lorsqu’en 1776 deux des piliers ou pieds-droits de la tour partirent se tasser et se lézarder.

Grand émoi dans la population. Effrayée, la Communauté demanda à l’intendant la prompte démolition de la tour menaçante et la réfection des piliers. Besnard refusa et se contenta de renforcer les piliers par des contreforts ; mais les lézardes augmentant toujours, une visite minutieuse eut lieu avec le concours de l’architecte Choquet de Lindu, auteur de tant de grands travaux à Brest.

L’expertise fut très rassurante, et l’on fit publier à son de caisse qu’aucun péril n’était à redouter. Ce fut en vain. L’affolement persista et personne n’osait plus séjourner dans l’église ni même passer devant de peur d’une catastrophe. Il fallut, pour éviter la démolition de la tour et rassurer l’opinion publique, que l’architecte se résignât à reprendre .sa construction en sous-oeuvre.

L’intendant de la Marine mit à la disposition de la Ville les bois, les cordages et les apparaux nécessaires à l’opération, qui commença dans les premiers jours de juillet 1777. On s’accordait à penser que les tassements tenaient à l’emploi dans les fondations et les supports de la tour de matériaux et de pierres de taille de résistance différente.

C’est pourquoi on refit en granit deux piliers en pierre blanche et on conserva les contreforts supplémentaires en les utilisant comme supports du buffet des orgues.

Besnard renonce à sa coupole projetée. Les deux piliers supérieurs, bien qu’en pierre blanche, n’avaient donné aucun signe de faiblesse. On n’y toucha pas. Mais Besnard, craignant d’augmenter le poids de la tour, n’osa pas compléter son clocher tel qu’il l’avait conçu et il supprima l’exécution du dôme ovoïde et de la grande croix dorée qui devaient le couronner.

Les travaux de la tour et leurs conséquences avaient à eux seuls absorbé plus de 40.000 livres et il y avait encore à refaire la charpente, à établir les portes, à construire un perron et à édifier et à emménager les grandes orgues.

C’étaient d’énormes dépenses qui forçaient la Ville à de nouveaux sacrifices, d’autant plus lourds qu’à l’intérieur de l’église on venait d’exécuter de grands travaux de perfectionnement et d’embellissement, tels que le lambrissement et la peinture du plafond et, en particulier, l’établissement d’une chaire magnifique qui pouvait rivaliser en beauté avec celle de l’église Saint-Thégonnec dont elle s’inspirait.

Dans cette période laborieuse on vit successivement à la mairie de Brest MM. Le Guen de Neugel (1777-1780), Le Normand (Jean-Jacques) (1780-1783), Le Guen aîné (1783-1789) et Branda (Louis) (1789- 1790).

Pendant ce temps, Collet sculptait les deux anges adorateurs qui ornent le maître-autel.

Les funérailles de du Couëdic. C’est alors qu’éclata la guerre d'Amérique motivée par le soulèvement des colonies anglaises du Nouveau-Monde, guerre à laquelle la France, ses armées et ses escadres allaient prendre une part si glorieuse.

Nous n’avons pas à raconter ici les événements mémorables de cette lutte si brillante pour la marine française ; mais nous ne pouvons oublier l’intrépide du Couëdic et le combat héroïque de la Surveillante contre le Québec. Louis XVI voulant témoigner au marin breton son admiration et sa reconnaissance l’éleva, le 20 octobre 1779, au grade de capitaine de vaisseau et quand, épuisé par ses blessures, le vaillant officier expira, le monarque décida qu’il serait inhumé aux frais de l’Etat dans l’église Saint-Louis de Brest.

Le corps du héros fut déposé dans un caveau derrière et au pied du pilier à droite du maître-autel. Le roi, pour perpétuer sa mémoire, ordonna qu’on érigeât sur sa tombe un mausolée dont M. Trouille, ingénieur des bâtiments royaux, traça le plan. Il se composait d’un sarcophage de marbre noir surmonté d’une pyramide de même marbre dont les inscriptions et les ornements étaient en bronze doré. Ce monument avait cinq pieds trois pouces ou un mètre soixante-dix de hauteur, sur trois pieds trois pouces, c’est-à-dire un mètre de largeur. On l’appliqua sur le pilier au-dessus du caveau.

Une inscription éloquente de simplicité mentionnait le combat de la Surveillante. A la base de la pyramide brillait un écusson doré aux armes des du Couëdic de Kergoualer. Enfin Louis XVI, voulant que ce monument fut tout à la fois un honneur pour la Marine et un encouragement pour ceux qui s’y destinaient, fit graver sur la face de la pyramide ces mots remarquables : « Jeunes élèves de la Marine, admirez, imitez l’exemple du brave capitaine de vaisseau du Couëdic, premier lieutenant des Gardes de la Marine ! ».

La translation des cendres, la mise au tombeau, la bénédiction du monument, furent entourées d’une pompe et d’une solennité imposantes. Dans l’église, où se pressait une foule recueillie et émue, s’inclinant avec respect devant sa veuve et ses enfants, se groupèrent autour du cercueil de du Couëdic et, au pied de l’autel, l’élite de ses compagnons d’armes et les drapeaux en deuil de tous les corps de la garnison précédés de leurs chefs saluant, l’épée nue à la main.

Nous savons tous qu’une rue de notre ville porte encore en 1911 le nom de du Couëdic. Espérons qu’il sera conservé !

Le perron et la place Saint-Louis. — Cependant, malgré la guerre, puis après la glorieuse paix de Versailles, malgré les difficultés politiques et financières qui succédèrent, la Municipalité n’abandonnait pas les travaux de Saint-Louis.

C’est pourquoi, en 1788, M. Besnard et M. Maury, architecte du domaine, tracèrent et édifièrent le perron de l’église.

Mais pour montrer et dégager convenablement ce grand édifice, il fallait encore construire la place et la rue qui le mettaient en communication avec la rue Royale (depuis Grand’Rue), nouvellement créée.

Cette place et cette rue avaient été l’objet d’un projet très réussi de Frézier qui avait voulu en faire avec l’église un ensemble monumental harmonieux. Aussi la place et la rue devaient être toutes deux bordées de maisons régulières du style de l’église, et les rez-de-chaussée étaient garnis d’arcades circulaires doriques qui devaient régner tout le long des édifices jusqu’à leur débouché dans la rue Royale. C’était un vestibule monumental précédant l’église. On commença alors les expropriations et les démolitions nécessaires, mais la Révolution arrêta bien vite ces travaux. On ne les reprit que bien longtemps après et par fragments ; dans l’exécution, on préféra les boutiques aux arcades et rien ne resta du beau projet de Frézier. Cette place, du reste, n’est pas encore terminée en 1911 et il y a pourtant plus de cent vingt ans qu’on y a donné le premier coup de pioche.

Les grandes orgues. — Quant aux orgues, en 1789 la fabrique se décida à les construire avec ses propres ressources. Elle en confia l’exécution au frère Florentin Grimaud, carme de Brest, pendant que Collet était chargé des sculptures du buffet. Cette belle oeuvre coûta 80.000 livres (valeur de 150.000 francs en 1911).

Avant de recevoir ces grandes orgues, on dut les essayer. On les trouva excellentes et l’on admira beaucoup le travail du sculpteur Collet. Aussi ce fut une véritable fête de la Cité quand, pour la première fois, après avoir été bénites, elles firent, dans une grandiose cérémonie religieuse, retentir de leurs accents majestueux et superbes, les voûtes du saint édifice. Toutes les autorités, dans les beaux costumes de l’époque, tous les notables et leurs familles richement pa­rées ; toutes les corporations, avec leurs bannières, se pressèrent dans l’église, trop petite pour contenir l’immense concours de peuple accouru de tous les côtés.

Ce fut une véritable apothéose et la triomphale inauguration de Saint-Louis enfin achevée. Les colonnes antiques qui tant de siècles auparavant avaient pu contempler de si belles fêtes, n’avaient certes pas vu se dérouler sous les portiques de leur temple primitif une assemblée aussi brillante et aussi glorieuse.

Il y avait là, en effet, à côté des autorités municipales de Brest, tout l’état-major des flottes victorieuses de Louis XVI, la fleur de la vieille noblesse militaire, les compagnons d’armes des Suffren, des de Grasse, des d'Estaing, des Lamotte-Picquet et des du Couëdic, un assemblage incomparable de bravoure, d’élégance, de distinction et de courtoisie, et il semblait, ce jour-là, que prête à périr dans le naufrage de la royauté, cette haute société maritime, si intrépide et si charmante, voulût se contempler encore une fois dans un suprême et dernier éblouissement.

Ce beau jour n’eut pas de lendemain.

L’annonce de la réunion des Etats généraux, les élections des délégués, les délibérations, la constitution de ces Etats en Assemblée nationale, allaient bientôt troubler et passionner tout le royaume et déterminer à Brest, en particulier, une effervescence redoutable, qui devait ébranler jusque dans leurs racines les plus profondes, les anciennes moeurs, les anciennes traditions, les anciens cultes de la population et préparer ainsi les plus graves événements. Dans ces conditions, l’administration du nouveau maire, M. Branda, était entourée de telles difficultés qu’il dût accepter l’assistance d’un conseil général et arrêter tous les travaux, y compris ceux de la place Saint-Louis.

L’église en 1789 – Il est difficile d’évaluer exactement la dépense totale effectuée depuis 1685 pour amener au point où elle se trouvait à cette époque de 1789, la construction de la paroisse de Brest, l’église Saint-Louis ; mais je ne crois pas m’éloigner beaucoup de la vérité en disant que cette dépense atteignait et dépassait même probablement la somme de un million de livres, sans compter les marbres antiques et les oeuvres d’art dont la valeur est inestimable.

Quoiqu’il en soit, au moment de la réunion des Etats généraux, l’église de Saint-Louis était à peu près terminée. Malgré l’agitation produite, on aurait pu croire alors qu’il n’y eut plus rien à craindre ; mais comme nous l’avons déjà vu, la Révolution grondait sourdement, prête à éclater, et ses tourmentes impétueuses et terribles allaient faire éprouver au saint édifice de nouvelles vicissitudes et de nouveaux périls.

 

7 - Recteurs de Saint-Louis, de Brest.

M. l’abbé Roignant, vicaire en 1678, recteur de 1686 à 1710 ;

M. l’abbé Yves-Joseph de Kerret, de 1710 à 1741 ;

M. l’abbé Jean-René Gourio du Menmeur, 1741 à 1757 ;

M. l’abbé Jean-Esprit Prudhomme, 1757 à 1784 ;

M. l’abbé Olivier Le Floch, 1784 à 1790.

A cette date, les recteurs furent remplacés par des curés comme chefs de la paroisse.

A. DE LORME. Brest, le 18 juin 1911

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