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La Ville de Brest et l'église Saint-Louis

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La municipalité de Brest et les habitants, confiants dans les garanties des lois ecclésiastiques et dans les promesses du Roi, ne songèrent pas un seul instant que la propriété de l’église Saint-Louis pour laquelle ils dépensaient tant d’argent pût leur être contestée.

Le jour où ils craignirent sérieusement de perdre le fruit de leurs sacrifices, ils s’indignèrent et ils protestèrent. Il en résulta un long procès et une longue lutte.  

Où l’on verra au prix de quelles vicissitudes et de quels sacrifices, la ville de Brest devint propriétaire de son église.

Lorsque Seignelay, dans un but d’économie et pour ménager les finances royales, eût l’idée de faire un seul et même édifice de l’église paroissiale de Brest et de la chapelle du séminaire de la marine, il ne songea pas que le Roi avait fait auparavant une double promesse à la ville et aux jésuites ; que ces derniers ne pouvaient pas canoniquement être chargés de paroisses ni être pourvus d’une cure ; qu’enfin, le traité de réunion de la Bretagne à la France maintenait le duché dans les franchises, droits et privilèges dont il jouissait sous ses souverains primitifs et que les communes bretonnes n’étaient pas soumises sans contrôle à l’autorité absolue du Roi. Il y avait là les germes d’un conflit inévitable, qui sommeillait encore en 1698, mais qui n’allait pas tarder à éclater au premier choc. En effet, en juin 1698, la Communauté demanda la communication des plans de l’église pour bien les étudier. Grand fut son étonnement d’y voir figurer deux sacristies, l’une pour le clergé de la ville, l’autre ayant un escalier communiquant de l’église avec le séminaire. Cette découverte un peu tardive la détermina à agir avec vigueur. Elle décida de dépêcher trois de ses membres pour demander aux jésuites de justifier leurs prétentions à la possession d’une église bâtie en grande partie avec les deniers de la ville (12 mars 1699).

Le R. P. recteur était absent quand les députés se présentèrent. Ils furent reçus par le procureur, de la façon la plus fâcheuse. La Communauté délégua alors auprès du même personnage, deux notaires apostoliques, auxquels il fut répondu cette fois que tout étant public dans cette combinaison, si la Communauté voulait des copies de titres, elle n’avait qu’à se pourvoir où bon lui semblerait.

Les deux notaires revinrent à la charge. Ils arrivèrent enfin à voir le P. recteur des jésuites (23 mai 1699). L’entrevue fut bizarre, si l’on en croit les registres des délibérations de la commune de Brest. En effet, le R. P. refusa tout d’abord de répondre, puis, poussé à bout, il se montra aussi facétieux que le P. procureur avait été discourtois. « L’habit que vous portez est-il à vous ? demanda-t-il à Me Polard, l’un des notaires. — Oui, répondit ce dernier, car je l’ai bien payé. Et se tournant vers l’autre notaire : Votre perruque, votre chapeau sont-ils aussi à vous ? — Même réponse. — Allez, mes amis, poursuivit le recteur, l’église est aussi bien à nous que le justaucorps, la perruque et le chapeau que vous portez sont à vous ».

Le dimanche suivant, 31 mai 1699, le Conseil se réunit. Il approuva, tout d’abord, la soumission faite le 6 du même mois par M. Charles Hubec, receveur de l’octroi, d’avancer dans l’année une somme de 4.000 livres pour les travaux de l’église. Après quoi, avec le concours de plus de 120 notables habitants, il décida avant de reprendre les travaux, d’assigner les jésuites devant le Présidial de Quimper. Inquiet de cette démonstration, le P. Fortet la dénonça, le lendemain, au ministre, par une lettre dans laquelle il représentait M. Lors de Poulrinou, maire, et M. Bigot-Duverger, échevin, comme ayant soulevé le peuple.

C’était la guerre, et la Communauté se décida à la soutenir avec vigueur. Elle songea, tout d’abord, à se pourvoir en cours de Rome, mais, après réflexion, elle préféra faire appel, comme d’abus, auprès du Parlement, le 9 juillet, en se fondant principalement sur ce que l’union de la cure et sa conversion en vicariat amovible n’avaient eu lieu ni à la demande des jésuites, ni à celle des habitants, parties intéressées. Les moyens de droit qu’elle développa dans divers mémoires démontrèrent que la sentence épiscopale était une violation flagrante de toutes les lois canoniques et elle ne se laissa pas fléchir, un seul instant, par les manoeuvres habiles de ses adversaires.

Cette attitude énergique étonna les jésuites et préoccupa même le Roi. Louis XIV aurait bien voulu un accommodement et il regrettait la manière dont Seignelay avait dirigé cette affaire. M. de Pontchartrain, ministre du Roi, écrivit dans ce sens à M. Desclouzeaux.

L’intendant, dans sa réponse, reconnut qu’il était, en effet, difficile aux habitants de Brest d’abandonner la propriété d’une église qui leur coûtait déjà 250.000 livres, quoiqu’elle fut loin d’être terminée. Peut-être, insinuait M. Desclouzeaux (ou Descluzeau), Sa Majesté pourrait-elle accorder une seconde église pour indemniser les R. P., le tout en considération de l’engagement antérieur de Sa Majesté avec les jésuites, la plus grande des églises devenant la paroisse de la ville, et la moindre, la chapelle des jésuites qui n’avaient pas besoin d’un aussi vaste et aussi coûteux édifice que celui qui était bâti des deniers d’octroi de la ville (5 janvier 1701).

Il est probable que dans des temps plus prospères, la générosité du Roi eut consenti à ce sacrifice et à construire à ses frais une autre église pour le séminaire, mais on touchait à la fin du règne, les finances étaient obérées et l’horizon politique gros d’orages menaçants.

Aussi cette démarche de M. Desclouzeaux resta-t-elle sans effet ; les négociations continuèrent sans plus de succès et sans réussir à amener une solution satisfaisante et acceptable pour les deux parties. Dans ces conditions, le R. P. Van-Rhyn, recteur du séminaire, découragé, se démit de ses fonctions le 2 mars 1702.

Pendant ce temps, les travaux de l’église continuaient, mais lentement. La perception des droits d’octroi étant devenue insuffisante, le Conseil autorisa, le 30 mai 1699, l’avance, par M. Hubec (ou Hubac), d’une nouvelle somme de 4.000 livres, permettant d’accélérer les travaux.

Au milieu de ces débats, l’évêque de la Brosse était venu à mourir (18 septembre 1701). Son successeur, Monseigneur de la Bourdonnaye, sacré le 23 avril 1702, résolut d’amener la paix entre la ville et les jésuites.

Dans ce but, le 21 juin 1702, le prélat proposa à la Communauté un projet de transaction, d’après lequel elle consentirait à abandonner aux jésuites l’église en construction, et s’occuperait à en faire construire une seconde de ses propres deniers.

Ni la dignité, ni le triste état des affaires de la ville ne lui permettaient d’accepter la transaction ainsi suggérée. Aussi, quand le maréchal d'Estrées, M. de Linvigny, intendant de la marine, et M. de Méjusseaume, procureur général, syndic des Etats de Bretagne, convièrent, au nom du Roi, le 10 septembre 1702, le maire, le syndic et les principaux habitants à y souscrire, un morne silence fut leur seule réponse. Les instances énergiques du maréchal ne réussirent qu’à provoquer une délibération, dans laquelle la grande majorité du Conseil repoussa tout moyen terme, et le maire, assisté de quatre notables, dût aller porter au maréchal d'Estrées une réponse absolument négative.

Le maréchal était autoritaire, il considérait le pouvoir du Roi comme absolu et indiscutable ; aussi fut-il excessivement mécontent de cette réponse et il fit savoir à la députation « que l’esprit de résistance des habitants aux intentions de Sa Majesté était une manière de rébellion, qu’il en rendrait compte et qu’ils devaient appréhender que Sa Majesté ne prit des voyes qui convenaient à son autorité ».

Il tint sa promesse et il adressa à M. de Pontchartrain un rapport très vif préconisant l’emploi de la force pour soumettre des rebelles à la volonté du Roi.

Pontchartrain, plus calme, et tenant à ce que la justice suivit son cours sans tapage, se borna à faire rendre un arrêt en date du 17 octobre 1702.

Par cet arrêt, l’évêque de Léon fut chargé de commettre celle des parties qu’il jugerait convenable pour desservir la cure, en attendant l’issue du procès.

Monseigneur de la Bourdonnaye vint, le 1er novembre 1702, faire en grande pompe la bénédiction solennelle de Saint-Louis de Brest, et, en même temps, conformément aux engagement de son prédécesseur, il désigna l’abbé Roignant, déjà titulaire, à la charge de curé de l’église que, légalement, il devait posséder jusque sa mort, et il lui adjoignit dix prêtres habitués pour l’aider à desservir la paroisse.

Cette décision et la nouvelle dédicace de l’église, à saint Louis seul, comblèrent de joie les habitants de Brest ; ils y voyaient l’issue favorable de leur procès. Les jésuites furent mécontents, cependant ils renoncèrent au bénéfice de la sentence d’union par un acte notarié du 19 novembre 1702, en introduisant toutefois ces réserves « que leur désistement ne pourrait porter aucun préjudice à leurs droits sur l’église bâtie par ordre du Roy, joignant et pour le service du séminaire ».

Si l’église Saint-Louis avait ainsi des prêtres, elle ne possédait ni autels, ni confessionnaux, ni ornements, ni chaises et le service religieux ne pouvait pas s’y célébrer convenablement. Pour y remédier, l’évêque ordonna aux marguillers des Sept-Saints d’employer à l’achat des objets qu’exigeaient les besoins les plus pressants tous les fonds appartenant à leur fabrique, ceux même des confréries et le produit d’une quête faite en ville. Ces différentes ressources ayant été insuffisantes, on tira de l’église des Sept-Saints, que Vauban avait destiné à disparaître, tout ce qui était possible ; l’hôpital de la ville fournit un tabernacle et le 20 août de l’année suivante l’évêque prescrivit même « de construire et de placer un autel dans l’église Saint-Louis et d’y mettre une quantité de confessionnaux suffisante, en sorte qu’il y eût toujours deux non remplis par les prêtres de la paroisse pour ceux à qui la fabrique les destinait ».

Malgré cela, la nouvelle paroisse n’avait en somme, aucun revenu ; elle était absolument pauvre et sans ressources ; les habitants, contents d’arriver ainsi à procurer aux prêtres malheureux un léger casuel pour les aider à vivre et à entretenir l’église se cotisèrent et firent construire 169 bancs, dont ils payèrent la location annuelle à raison de 3 livres par place.

Cependant les jésuites semblaient calmes ; ils paraissaient désirer vivre en paix avec le clergé et accepter la situation. Ils renouvelaient même leur désistement le 23 janvier 1703. Mais, en réalité, ils agissaient pour reconquérir le terrain perdu. L’évêque, qui connaissait quelques-unes de leurs pensées, restait toujours défiant de leurs intentions et il crut même devoir prévenir la Communauté, dès le 4 décembre 1702, de bien se tenir sur ses gardes et d’avoir toujours soin de députer en haut lieu « un homme intelligent et vigilant ; sans quoi une surprise restait à craindre ».

Justement, il se distribuait alors en ville, à l’instigation des jésuites, un écrit violent, injurieux pour le recteur, les marguillers et où l’évêque, lui-même, n’était pas ménagé. On y détournait les habitants d’aller entendre l’office divin et les prédications dans la nouvelle église. L’émotion causée par cet écrit chez les Brestois était grande et on redoutait les suites, tellement les esprits étaient excités.

C’est pourquoi les paroissiens, réunis le dimanche 31 décembre 1702, arrêtèrent qu’il serait écrit à l’évêque pour lui demander la continuation de sa bienveillance et qu’un mémoire spécial et détaillé serait adressé à M. Poirier, avocat de la Communauté.

Enfin, le 2 mars 1703, le receveur des deniers communaux, consulté, dut déclarer que loin d’avoir en caisse des fonds appartenant à la ville, il était son créancier pour des avances considérables. La Communauté résolut alors d’emprunter, à ses risques et périls, la somme de 4.000 livres nécessaires à défrayer M. Bigot-Duverger, député par la ville à Paris, pour obtenir le prompte jugement du procès pendant.

Le service culturel paraissait suffisamment assuré par le recteur Roignant et les dix prêtres qui lui avaient été adjoints par la volonté épiscopale depuis le 1er novembre 1702, lorsqu’en mai 1703, les jésuites, qui ne restaient pas inactifs, exposèrent à l’évêque que le clergé de la paroisse, réduit à trois prêtres seulement, était absolument incapable de suffire à ses besoins spirituels, et qu’il était écrasé par sa tâche ; ils demandaient, en conséquence, à lui venir en aide, en prêchant, en confessant et en célébrant, la messe dans l’église.

Le 15 mai 1703, Monseigneur de la Bourdonnaye, oubliant, sans doute, qu’il avait fait porter à onze prêtres l’effectif du clergé de Saint-Louis, ne s’informa pas davantage. Surpris par cette demande et n’en prévoyant pas toutes les conséquences, il accorda aux jésuites une permission qui, d’après le règlement de 1645 et tous les décrets ou lois canoniques antérieurs ne pouvait devenir exécutoire qu’à la charge de prendre le consentement du recteur et du curé.

Cette permission était ainsi conçue : « Jean-Louis de la Bourdonnaye, etc..., attendu le petit nombre de prêtres, qui ne se trouvent pas suffisants pour dire la messe dans la nouvelle église Saint-Louis de Brest, où une grande abondance de peuple se presse tous les jours pour l’entendre ; faute de fonds et du revenu qui serait nécessaire, nous avons permis, permettons et chargeons les R. R. P. P. jésuites, directeurs du séminaire royal de marine, de dire la messe, prêcher et confesser dans la dite église, et les aumôniers dudit séminaire par nous approuvés... Donné à Saint-Pol de Léon, etc... ».

C’était une simple permission, comme le déclara lui-même, par écrit, l’évêque, dans sa lettre du 10 juin 1703, permission que les jésuites auraient dû transmettre à l’autorité du recteur de la paroisse ; mais eux, ils y virent le droit de disposer de l’église d’une manière collective et permanente. Cependant, pressentant l’état des esprits de la population et en concluant que leurs prétentions rencontreraient à Brest des obstacles sérieux, ils cherchèrent, avant tout, à se concilier l’autorité militaire.

En conséquence, ils allèrent le 23 mai, jour où ils reçurent la permission de l’évêque, la communiquer, non à l’abbé Roignant à qui seul elle devait être soumise, mais, en l’absence du maréchal d'Estrées, à M. de la Reinterie, commandant de la ville et du château, ancien protestant, récemment converti, homme violent et prêt à entreprendre tout ce qui semblerait démontrer la sincérité de sa conversion et exalter son dévouement pour le service du Roi.

Aussi, plein de zèle et plein de feu, et sans plus réfléchir, s’empressa-t-il, dès le lendemain, d’aller, en personne, raisonner la Communauté et déterminer les habitants à se soumettre à l’ordonnance de l’évêque.

Si l’on en croit le récit fait par les R. P. dans leur requête de 1704, un certain nombre d’habitants se seraient réunis chez le sénéchal et ils auraient chargé le maire de représenter aux jésuites la convenance qu’il y avait à ne pas exécuter l’ordonnance de l’évêque sans l’agrément du maréchal d'Estrées, c’est-à-dire qu’ils auraient implicitement adhéré à la permission du 15 mai, si elle avait obtenu l’approbation du maréchal. M. de la Reinterie, d’après la même requête, avait appuyé la demande de ces habitants auprès des jésuites qui l’auraient accueillie.

Cependant, le jour même, sans se procurer le consentement du maréchal, ils faisaient signifier à la Communauté l’acte du 15 mai, tant pour eux que pour leurs successeurs, avec sommation d’y déférer, à peine de tous dépens, dommages et intérêts.

Cette sommation effraya les habitants ; ils craignirent la main-mise absolue des jésuites sur une église qui leur coûtait déjà si cher, et ils se refusèrent à reconnaître même l’autorité du maréchal d'Estrées, qui ne s’appuyait pas sur un ordre du Roi et qui leur paraissait incompétente pour un acte émané d’un évêque.

Ils se réunirent le lendemain, 26 mai 1703, pour protester, au nombre de plus de deux mille, et sur la proposition de M. de Quéranmoal, premier marguiller, ils déclarèrent que, malgré le respect pour l’évêque, ils ne pouvaient accepter son ordonnance et ils s’en portèrent appelants comme d’abus.

Cet appel, bien que suspensif, n’arrêta pas les jésuites. Tout au contraire, ils agirent avec décision et énergie. Se prévalant du consentement vrai ou faux des habitants, ils écrivirent à Rennes au maréchal d'Estrées, pour obtenir de lui l’ordre d’exécution de la volonté épiscopale. Le maréchal qui, éloigné, ignorait le véritable état de choses, l’accorda. Munis de cet ordre, ils se rendirent au château et le remirent au commandant. Celui-ci fit immédiatement mander chez lui le maire et les échevins, leur donna lecture de l’ordre du maréchal et les invita à s’y conformer (1er juin 1703).

M. de la Reinterie se dirigea ensuite avec eux et les jésuites, vers le presbytère et vers l’église, où le curé célébrait la grand'messe. Là, quand elle fut finie, le commandant somma l’abbé Roignant d’exécuter l’ordonnance de l’évêque. Le recteur refusa. Alors, le commandant et le supérieur des jésuites haranguèrent successivement le peuple nombreux et agité qui se pressait tant dans l’église que sur la place. Puis, le gouverneur du château exigea la célébration immédiate d’une messe dite par un jésuite. Le clergé résista encore. Alors commença une série de scènes déplorables qui se continuèrent plusieurs jours et dans lesquelles, à la tête d’une troupe de soldats excités, violant le sanctuaire, le commandant de la Reinterie exerça sur les prêtres et les fidèles de Saint-Louis, les plus graves sévices. Il y eût même un coup de fusil, tiré volontairement ou involontairement par un sol­dat, dont la balle faillit tuer l’abbé Roignant. Nous n’insisterons pas sur ce triste spectacle. Il fut l’objet d’un long mémoire et d’une longue plainte « adressée à Monseigneur de Chamillart, par le recteur et les prêtres de Saint-Louis, au sujet du scandale qui a été causé dans leur église, des insultes et des violences commises sur leurs personnes par le sieur de la Reinterie, commandant du château, officiers et soldats à sa suite ».

Ce document très étendu est daté de Brest, 4 juin 1703. Il est signé : J. Roignant, prêtre recteur de Brest ; Alain Le Cargour, prêtre sacristain ; Michel Lalouer, curé de Brest ; Pierre Le Lann, diacre ; Hervé Kermarec, prêtre ; Jean Floch, prêtre ; Yves Le Guen, prêtre ; Urbain de la Goublaye, prêtre ; Pierre Gratien, clerc. En tout, neuf signatures.

Les jésuites répliquèrent dans une requête de 1704, signée de l’avocat Ferrary, où ils atténuaient et même contredisaient certains points du précédent mémoire.

Enfin, après une lutte pénible, écrasé par la force, le clergé dut se soumettre, mais il ne lui fut tenu aucun compte de sa soumission. Le 6 juin, le maréchal d'Estrées, puis, deux jours après, l’évêque arrivèrent à Brest. Le prélat obligea l’abbé Roignant, le curé et le sacristain à faire des excuses à M. de la Reinterie. Les deux derniers prêtres furent même interdits, quoique dans sa lettre du 10 juin, le prélat reconnut que le clergé pouvait, dans les conditions données, s’opposer à ce que l’on empiétât sur ses droits.

Cependant, le service partagé ne marcha pas sans de grandes difficultés et des obstacles perpétuels. Il y eut encore des troubles. Le sacristain Cargour et le marguiller M. de Quéranmoal furent exilés.

Enfin, après toutes sortes de contestations, d’intrigues et de manoeuvres, l’arrêt du 29 novembre 1705 statua définitivement entre la ville et les jésuites. La sentence d’union du 25 juin 1688 fut déclarée abusive ; mais il n’en fut pas de même de la décision épiscopale du 15 mai 1703, elle fut maintenue et par une étrange contradiction, malgré la révocation de la sentence d’union, la propriété de l’église fut adjugée aux jésuites : « Sa Majesté le Roi pouvant, dit le rapport, disposer, en faveur de qui lui semblerait, d’un édifice provenant des deniers d’octroi levés avec sa permission ».

L’avocat de la ville avait soutenu courageusement, en s’appuyant sur le droit breton « qu’un impôt affecté par le Roy à une destination spéciale n’en pouvait être détourné, même par Sa Majesté ».

« C’est au tribunal de la divine Majesté, osa-t-il ajouter, que se décidera cette difficulté ».

C’était un désastre pour la ville de Brest ; pendant dix-neuf ans elle avait supporté des charges énormes et dépensé pour cette église 300.000 livres, alors que les jésuites en devenaient propriétaires sans bourse délier. Il fallait pourtant à la ville une église spéciale et, dans ce but, elle était autorisée de nouveau à la bâtir au moyen des droits indiqués par l’arrêt du 3 juillet 1704 et des autres sommes qui seraient, à cet effet, destinées par Sa Majesté le Roy. Mais, hélas ! on savait ce qu’il fallait penser de cette dernière promesse.

Enfin, l’évêque fut chargé de pourvoir, en attendant cette seconde construction, aux besoins du service spirituel, de faire que l’église servit tout à la fois aux jésuites et au clergé paroissial, à moins que la ville n’offrit une meilleure solution.

Mais la ville, obérée et écrasée d’impôts, ne pouvait plus faire aucune dépense. La construction d’une nouvelle église était par suite renvoyée à un avenir très lointain. L’église des Sept-Saints, plus que jamais insuffisante, menaçait ruine, et destinée à disparaître ne pouvait être utilisée. Il fallait donc se résigner à partager avec les jésuites la jouissance de l’église non terminée. C’était pour tous une situation délicate. Pour éviter les chocs et les contestations, l’évêque décida que le maître-autel provisoire, seul existant, serait à la disposition des Pères jusqu’à dix heures du matin et qu’à partir de ce moment il servirait aux besoins de la paroisse.

Or, cette mesure était loin d’aplanir les difficultés et la présence de deux clergés rivaux au même autel eut pour résultat de diviser la ville en deux camps et de provoquer sans cesse des actes de défiance et d’hostilité réciproques, dont souffraient à la fois la religion et l’église.

En effet, des deux côtés, faute de fonds et d’entente, on  renonça à entreprendre les moindres travaux, l’église inachevée resta à moitié construite, et pendant trente-trois ans, il ne fut rien entrepris pour la terminer et l’embellir ; et cela d’autant plus que la misère des dernières années de Louis XIV ne permettait à la ville épuisée et sans ressources, aucun sacrifice et aucune dépense. On ne pouvait compter en rien sur l’aide de l’Etat ruiné et menacé de la banqueroute.

Les choses restèrent au même point sous Louis XV.

Cependant, en 1740, comme tout le monde était fatigué d’une situation vraiment intolérable, sur les instances pressantes des habitants, de l’évêque et de l’intendant, les jésuites consentirent, au mois d’avril, à l’abandon de leurs droits, moyennant le paiement d’une somme de 50.000 livres. Sanctionné par un arrêt du Conseil, en date du 3 août suivant, le traité conclu fut promptement exécuté.

La ville de Brest devenait enfin l’unique propriétaire de son église. Elle allait, avec persévérance et activité, poursuivre son achèvement.

Mais il ne fut pas donné à Garangeau de terminer et de parfaire son oeuvre. Fait chevalier de Saint-Louis en 1712, il devait mourir à Saint-Malo, à l’âge de 91 ans, en 1741.

Quant aux jésuites, on leur construisit bientôt la chapelle de la marine (1741-1743).

A ce moment, M. Vincent Labbé était maire de Brest et l’abbé Perrot, recteur de Saint-Louis.

A. DE LORME. Brest, le 18 juin 1911

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