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En revenant d'une excursion à la forêt du Gâvre, après avoir traversé une partie de la ville de Blain, le bourg de Saint-Omer, passé le canal de Nantes à Brest au gué de Barel, nous chevauchions vers le domaine de la P***, terme de notre voyage. Au lieu de suivre la grande route de Blain à la Primaudière, qui nous aurait conduit directement, nous primes le chemin des écoliers, qui, s'il n'est pas le plus court, est souvent le plus agréable.

Après avoir fait une halte au village de Barel et laissé les voies battues, nous nous engageâmes dans les prairies et les landes qui forment de ce côté le versant de l'Isac, en nous dirigeant vers le sud-est et prenant comme point de direction le clocheton inachevé de l’église paroissiale de Fay et les bois de haute futaie du parc de Châtillon. Ces sentiers plaisent mieux à la jeunesse toujours entreprenante, amoureuse de l'émotion, de l'imprévu et du danger.

Après une demi-heure de marche à travers champs, nous avions rejoint le chemin de moyenne communioation, qui mène du coin de Curun au bourg de Fay. Ce chemin coupe la route départementale n° 11, de Blain à Savenay, au commencement de la propriété du Pont-Piétin, au village du Bois-Morinet, dont l'auberge porte le modeste titre d'hôtel de France. Nous aperçûmes alors derrière un bouquet d'arbres le toit en poivrière d'une tour féodale ; nous étions, sans le savoir, à la gentilhommière du Pordo.

Le Pordo est situé sur la droite du chemin de Fay. Il confine aux territoires de la Ruauté, de la Mortais et de la Duéhais. Pour le temporel il dépend de la commune de Blain, mais fait partie sous le rapport spirituel de la succursale de Saint-Omer, la plus coquette église de campagne que nous connaissions, dont les boiseries et le maître-autel, en vieux chêne sculpté, pourraient exciter l'envie de plus d'une paroisse de nos grandes villes.

Bâtie dans une jolie position, au sommet d'une colline, la gentilhommière du Pordo se compose de deux grands corps de bâtiments se coupant à angle droit et reliés entre eux par une tour plus élevée. Tout a bien changé depuis le temps de la chevalerie ; les douves sont taries et comblées, le pont-levis à disparu, le logis est devenu ferme, le laboureur remplace le gentilhomme.

Le Pordo relevait autrefois des ducs de Rohan, « noblement, à foi, hommage et rachat ». Cette terre appartenait au XVème siècle à Aliette de Lusanger, dame de Lymuraux. Elle passa ensuite et successivement aux mains de Marie de Calvarin, épouse de Jean de Saint-Gilles, en 1479, — Robert de Saint-Gilles en 1559, — René de Téhillac eu 1580, — Gabriel et Jean de Téhillac, — Charles de Montauban, seigneur de l'Aujardière, frère du chevalier du Goust, capitaine du château de Blain.

En 1669 elle était la propriété de Louis de Domaigné, écuyer, seigneur du Fremiou, et de Marguerite Abraham, son épouse, veuve en premier mariage de Gabriel de Saran, écuyer, seigneur de Goulaine et de Soulains, capitaine des villes et château de la Chèze et de Josselin.

Louis était fils de Jacques de Domaignè et de dame Renée des Vaux. Il descendait à la sixième génération de Guillaume de Domaigné, seigneur de la Roche-Hue, et de Jeanne de Beaumanoir.

Ses armes étaient : D'argent, fretté de gueules, à six pièces.

Louis de Domaigné et Marguerite Abraham firent construire en 1699 la chapelle du Pordo, dont nous rapportons textuellement les titres de fondation.

I.

L'an mil six cens quatre vingt dix neuf, le 7e jour de feuvrier après midy, devant nous notaires royaux et apostoliques de la cour de Nantes, soussignez, avec soumission et prorogation de jurisdiction y jurée, ont comparus en leurs personnes escuyer Louis de Domaigné, seigneur du Fremiou, et dame Marguerite Abraham, son épouse non commune en biens, authorisée de justice à la suite de ses droits et néanmoins elle les requérant, dud. sr son mary bien et deuement authorisée pour l'effet et exécution des pressantes, demeurants ordinairement à leur maison du Pordo, paroisse de Blain ; lesquels, pour le repos de leurs âmes et de leurs parents et amis trepassez, leur famille, postérité et successeurs, ont déclarez avoir pieusement dessein sous le bon plaisir de Monseigneur l'illustrissime et reverendissime Evesque de Nantes, de faire construire est bastir sur heritages leur appartenant en la paroisse de Blain, en cet evesché, une chapelle a l'honneur et dédicace de sainte Marguerite, pour y estre dit et célébré à perpétuité à jamais au temps advenir une messe à basse voix à chacun jour du dimanche, feste de sainte Marguerite et autres festes solamnelles de l'année, lors des festes principalles Noël, Pasques, Pantecoste, Toussaints et la feste Dieu, par le chapelain qui sera pourveu de lad. chapelainnie, à commencer des aussitost que lad. chapelle sera parachevée, appropriée et en estat d'y pouvoir celebrer le divin service, ornée d'ornements et que lesd; sieur et dame fondateurs auront obtenu toutes lettres de permission, homologation et autres actes requis et necessaires du mond. seigneur Evesque de Nantes, et comme il est nécessaire de faire un fond certain pour la retribution de lad. fondation, lad. dame fondatrice sous lad. authorité y a affecté et légué une maison, appartenances et dépendances d'icelle, grange, rue et issues, sittuées au lieu de la Gaudais, dite paroisse de Blain, un jardin au-devant de lad. maison et un autre au derrière avec un pré cernoyé de ses hays, et ce qu'il en despend auprès et joignant led. jardin de devant lad. maison. Item une pièce de terre labourable appellée la Pièce au Féal, aussy enfermée de ses hayes et ce qu'il despand. De plus, en la Gaignerie du Désert en 2 cantons, 2 journaux de terre ou environ ; dans les bois communaux environ de 4 journées de terre et lande commune pour le pacage des bestiaux ; 2 cantons de terre en lande dans la Noë de la Suardais, comme ils apartiennent auxd. fondateurs. Item le pré de la Chaussée aussy ainsy qu'il se contient adjaceant au chemin qui conduist de Blain à la croix Bidau ; pour par le pourveu chapelain de lad, chapelainie jouir et disposer desd. heritages comme usufruitiers et les entretenir en bon et deub estat, payer les rentes seigneurieuses, charges et devoirs, si aucuns sont deues sur iceux, et les dismes l'église suivant et à la maniere accoustumée. Sera led. chapelain tenu de celebrer la sainte messe aux heures reglées par les ordonnances de mond. Seigneur de Nantes, par chacun desd. jours de festes et dimanches de l'année, et à l'endroit de la préface de faire la recommandation des fondateurs et de leurs sucesseurs et de demander au peuple et assistants un Pater et un Ave pour le repos de leurs âmes, se reservant lesd. sieur et dame fondateurs pour eux et leurs sucesseurs le droit de patronage et présentation de lad. chapelainie, a l'aisné ou celuy de la famille de lad. dame fondatrice soit de son 1er mariage ou de celuy avec led. sr de Domaigné, sucessivement et en cas que la lignée manqueroit d'enfants masles des 2 mariages de lad. dame fondatrice, que le presentation appartiendra aux plus proches parents de lad. dame ; en cas que lad. dame fondatrice decederoit avant la confection de lad. chapelle et execution des presantes et que ses enfants ne voudroient la faire parachever ny executer ceque devant, lesd. presantes demeureront nulles et sans effet. Laquelle dame fondatrice asseure que lesd. heritages cy dessus affectez et hypothequez a lad. fondation vallent au moins de revenu chacun an la somme de 60 liv., sans que de cette declaration le chapelain, qui sera pourveu de lad. chapelainie, en puisse tirer aucune consequence, ny qu'il s'en puisse prevalloir en maniere que ce soit et puisse estre sur les autres biens de lad. dame fondatrice ni de ses sucesseurs et en cas que led. chapelain ne resideroit en d. paroisse ou autrement qu'il ne pouroit faire la deserte de lad. chapelainie il sera tenu de la faire desservir aux jour et heures susdites, suivant la volonté de lad. dame fondatrice dans lad. chapelle, se reservant lad. dame fondatrixe pour elle et les siens la jouissance desd. héritages jusqu'à la confection de lad. chapelle et qu'elle soit en estat d'y celebrer la sainte messe et pour faire la desserte et service de lad. chapelainie, lad. dame fondatrice, sous lad. authorité, a nommé et presenté pour chapelain vénérable et discret missire Julien Moriceau, prestre de la paroisse de Bouvron, absen des presentes, et pour lequel nous stipulons et acceptons s’il l'a agréable ; suppliant mond. seigneur Evesque de Nantes de luy en accorder et faire delivrer toutes provisions requises et necessaires ; et pour requerir tous actes d'insinuation et homologation des presentes lad. dame fondatrice, sous lad. authorité, a justituée a ses procureurs generaux et speciaux les porteurs des presantes avec tout pouvoir quant a ce, promis, jurez, jugez et condamnez, etc....Fait à Nantes en l'estude et ont signez, averti les parties de l'insinuation des presentes au greffe des insinuations ecclesiastiques suivant l'édit. Ainsi signez au registre : L. de Domaigné, Margueritte Abraham, Simon notaire royal et apostolique, Lepeletier notaire royal et apostolique, registrateur. L'original est controllé à Nantes par Chevallier, suivant l'édit. L'expédition est signée : Simon, Lepeletier. — Scellé à Nantes, le 4e.. 1699,. reçu 13 s. (signé :)
Chevallier.

II.

Gilles de Beauveau, par la grâce de Dieu et du St Siège apostolique, Evesque de Nantes, conseiller du roy en tous ses conseils, scavoir faisons que veu la requeste à nous présentée par escuyer Louis de Domaigné, sr du Fremiou, et dame Margueritte Abraham, son épouse, tandante à ce qu'il nous plut homologuer la fondation d'une chapelainie par eux fondée d'une messe à basse voix tous les jours de feste et dimanches et le jour de sainte Margueritte, pour estre ditte et celebrée dans une chapelle qu'ils ont dessein de faire construire à leur maison du Pordo, paroisse de Blain, en notre dioceze, laquelle ils auroient dessein de dedier a l'honneur de sainte Margueritte, ainsy qu'il est plus au long porté dans l'acte de fondation en chiite du 7e jour de ce mois au rapport de Symon et Lepeletier, nottaires royaux à Nantes, etc…………………………… Au pied de laquelle ditte requeste aurions ordonné le 12e des presents mois et an, qu'elle seroit communiquée à notre promotteur, conclusions dud. sr promotteur en datte du 15e dud, present mois, signées : Cassard, promotteur; requérant pour le bien public que lad. fondation fut decrettée et homologuée et érigée en titre de benefice pour valloir et subsister à perpetuité, et que sur la nomination qu'auroient fait lesd. sieur et dame fondateurs de la personne de missire Julien Moriceau, prestre de la paroisse de Bouvron, pour 1er chapelain d'icelle, il luy en fut expedié visa pour en prendre posession. Tout quoy meurement considéré, voulant seconder l'intention desd. fondateurs, avons loué, ratiffié et homologué laditte fondation et icelle erigée et erigeons en tiltre de benefice perpetuel, pour estre deservie à perpétuité dans laditte chapelle qui sera batie en laditte maison du Pordo, dille paroisse de Blain, aux jours cy dessus marqués, et, affin que la chose soit stable, nous y ayons apposé notre decret irrévocable, nous reservant à nous et à nos sucesseurs le droit d'institution, provision et toutte autre disposition, au moyen de la nomination dud. Moriceau prêtre, faitte par lesd. sr et de de Domaigné, fondateurs, l'avons, admis et admettons pour 1er chapelain de lad. Chapelainie, que nous luy conférons par ces présentes. Mandants aux nottaires royaux et apostoliques de notre dioceze ou au 1er d'iceux, sur ce requis, de le mettre et induire en la réelle, actuelle et corporeile posession d'icelle, ses appastenances et despendances, parcequ'il mettra coppie deument garantie tant de lad. fondation que presente homologation aux archives de la paroisse de Blain, pour y avoir recours en cas de besoin. Le tout sans préjudicier à nos statuts synodaux et droits rectoriaux. Donné à Nantes en notre palais episcopal, ce 17e jour de feuvrier 1699, en presence de Mrs Claude Fruschard et Nicolas Gendron, prêtres, dts séparement en cette ville de Nantes, témoins à ce requis et appellez. Ainsy signé au registre : C. Fruschard, N. Gendron prêtre, et, par commandement de monseigneur, Maillard, secret. L'expédition est scellée et signée Maillard, secret. [Note : Bibliothèque publique de Nantes. Fonds Bizeul].

La chapelle de Sainte-Marguerite n'existe plus. Les habitants, du Pordo en ont perdu jusqu'au souvenir. Sur l'emplacement du sanctuaire, ou bien des fois des prières se sont élevées vers le Seigneur, on n'entend plus aujourd'hui que le chant des oiseaux et les gais refrains des enfants de la ferme.

(M. Charles Bougouin).

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