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L'HISTOIRE DE PONT-KALLEC (ou PONT-CALLEC)

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L'histoire de Pont Kallec (ou Pont-Callec ou Pont-Calleck), nous la diviserons en trois périodes :

I. — Pont Kallec jusqu'à son érection en marquisat, 1657.
II. — Marquisat de Pont Kallec, 1657-1797.
III. — Pont Kallec depuis la Révolution.

Château de Pont-Calleck de Berné (Bretagne).

I. — Pont Kallec jusqu'à son érection en marquisat.

Jusqu'à son érection en marquisat, Pont Kallec (ou Pont Callec) a appartenu successivement aux seigneurs d'Hennebont, aux ducs de Bretagne, aux Clisson et Beaumanoir, enfin aux familles de Malestroit et de Guer.

a. — Pont Kallec, apanage des seigneurs d'Hennebont ( ? - 1281).

Dès ses débuts la Bretagne fut divisée en trois comtés : Domnonée, Penthièvre et Broérec.

Le comté de Broérec ou de Vannes comprenait, d'après le livre des Ostz, le territoire de Redon, le territoire de Rieux, le doyenné de Péaule, le territoire de Vannes, le doyenné de Pou-Belz et celui de Kémenet-Héboi. (Les doyennés de Carentoir, de Porhoët et de Kemenet-Guégan du diocèse de Vannes, faisaient partie de la baillie de Ploërmel et par là même du comté de Rennes).

Le Kemenet-Héboi était une grande seigneurie dans l'ouest du comté de Vannes. Elle avait pour bornes : au sud, la mer ; à l'ouest, l'Ellé jusqu'à l'embouchure de la petite rivière du Pont-Rouge, entre les paroisses de Priziac et de Meslan ; à l'est, le Blavet jusqu'au lieu où il reçoit un ruisseau venant de Bubry qui fait limite entre Bubry et Melrand ; au nord, de l'embouchure du ruisseau de Bubry à celle du Pont-Rouge, une ligne irrégulière marquant la séparation entre le Kemenet-Héboi et le Kemenet-Guégan.

Hennebont était le chef-lieu du Kemenet-Héboi, et cet Hennebont était non la ville actuelle sise sur la rive gauche du Blavet, mais la vieille ville d'Hennebont qui dresse aujourd'hui ses tristes ruines de l'autre côté du fleuve.

Cette seigneurie comprenait, au moins dans l'origine, vingt-cinq paroisses ou trêves entre autres l'île de Groix. C'était une division territoriale des plus anciennes de Bretagne. Il en est déjà question dans les actes de St Gunthïern et dans ceux de sainte Ninnoch.

Bérenger commence la série des seigneurs connus du vieil Hennebont. Il vivait vers l'an mil. Après lui viennent Huélin, son fils, époux d'Avan, sœur d'Alain Canhiart, comte de Cornouaille, Guégan, Tangui, Guillaume, Soliman et Henri.

Au XIIIème siècle, après le décès de Henri d'Hennebont, la lignée tomba en quenouille et le démembrement de la seigneurie s’ensuivit. Elle fut disloquée en trois chatellenies : Roche-Maison, à l'Ouest, entre le Scorff et l'Ellé ; le Pont Kallec au Nord ; les fiefs de Léon ainsi nommés parce qu'ils avaient formé la dot de la fille d'Henri d'Hennebont mariée vers 1218 à Hervé de Léon, de la branche cadette.

La chatellenie de Pont Kallec comprenait : les paroisses de Berné, d'Inguiniel, de Bubry, de Quistinic, la plus grande partie de Lanvaudan et Calan, tout Cléguer, un quartier de Pont-Scorff, les deux tiers de Plouay, une partie de Saint-Caradec-Hennebont, une partie de Caudan et enfin quelques parties de Saint-Caradec-Trégomel, limitrophes de Berné. Elle échut successivement à Eudon d'Hennebont, fils ou petit-fils de Henri d'Hennebont, puis à Geffroy Ier de Lanvaux, Alice d'Hennebont et Geffroy II d'Hennebont.

b. — Pont Kallec, propriété des ducs de Bretagne (1281-1332).

La tactique des ducs pour maintenir leur autorité sur leurs puissants vassaux, on la connaît : ils séparaient les grandes seigneuries en interposant entre elles des domaines dont ils se réservaient la jouissance directe ou qu'ils confiaient à l'une de leurs créatures.

La seigneurie de la puissante famille de Rohan venait jusqu'à Berné. Jean Le Roux et Jean II son fils, eurent tout naturellement l'idée de constituer à côté un domaine pour tenir les Rohan en respect.

Geffroy II d'Hennebont, baron de Lanvaux, fournit au duc l'occasion désirée. On dit couramment que Geffroi se révolta contre Jean Le Roux, que celui-ci confisqua sa seigneurie et la rattacha à son duché. Il semble plutôt que le baron était un prodigue et que le duc de Bretagne lui prêta de l'argent à diverses reprises. Continuant à gaspiller au lieu d'économiser, Geffroi dut vendre son domaine par parcelles. En 1265, c'est Caudan et Saint-Caradec-Hennebont qu'acquiert le duc. En 1267, c'est Tronchâteau et Cléguer. En 1281, ce fut tout le reste du domaine.

Jusqu'à cette époque Pont Kallec n'a ni château, ni étang. On y trouve un simple barrage connu sous le nom de « Stang hingant ».

En 1291, Jean II, fils et héritier de Jean Le Roux, fit faire la chaussée et le grand étang de Pont Kallec. Plusieurs terres de Saint-Caradec furent inondées. Ces terres relevaient du vicomte de Rohan par la seigneurie de Kemenet-Guégan. Le vicomte se plaignit de cette usurpation au Parlement et demanda la destruction de l'étang et de sa chaussée.

On trouva sans doute un terrain d'entente ; l'étang fut maintenu et le duc construisit sur le bord un château qui devint bientôt le chef-lieu de ce que le duc possédait dans le Kémenet-Héboi.

Qu'était exactement ce château ? Motte féodale au début, il connut bien des vicissitudes et des transformations.

De ce château si souvent pillé, aujourd'hui complètement en ruines, voici la description qu'en fait la déclaration de 1860 :

« Dans la paroisse de Berné est situé le château de Pont Kallec ; avec ses murailles, clostures, terrasses, tours, maisons, pavillons, galeries, arcades, voûtes, chapelles, colombiers, cours, avant-cours et arrières-cours, basse-cours, escuries, remises de carosses, grands jardins au coin desquels il y a deux pavillons du côté du septentrion, petit jardin en forme de terrasse, vergers, courtils, réservoirs d'eau, rabines, issues, bergeries, aire à battre et autres appartenances ; le tout joignant du côté du Levant au grand estang du Pont Kallec, du côté du Midi à la forest, du côté du Couchant, au chemin qui conduit de Kernascléden au bourg de Berné, et du côté du Septentrion à la métairie du Laetti dépendant du dit marquisat.

Le grand estang du Pont Kallec ayant environ une lieue de longueur à prendre depuis le pont qui est au-dessus du bourg de Kernascléden joignant le grand pré du dit château jusqu'à la chaussée du dit estang, un peu au-dessus du château joignant la grande forest.

La grande forest du Pont Kallec, bois ancien et de haute futaie, nommé Coëterparc contenant de longueur deux lieues environ et demi lieue de largeur, et peut contenir 3.400 journaux environ.

Cette forest qui s'allonge au Nord et au Sud, donne au Nord sur les issues du château et est bordée à l'Est dans presque toute sa longueur, d'abord par le ruisseau sortant de l'estang du Pont Kallec et ensuite par la rivière du Scorff jusqu'au Ponthulaire.

Et à l'entrée de la dite forest, du côté du château, vis-à-vis du portail d'icelui, il y a une chapelle fondée sous l'invocation de la Sainte Vierge, ornée au dedans et au dehors de plusieurs écussons aux armes du seigneur marquis et d'un clocher au-dessus. De mesme joignant la dite forest du costé du couchant est la chapelle de St Herband (appelée ailleurs St Albaud) ornée d'écussons au dedans et au dehors aux armes des seigneurs du Pont Kallec : de laquelle le déclarant est fondateur et a droit de trois foires l'an aux environs de ladite chapelle ».

Voici d'après A. de la Borderie (VI, p. 48) l'état de ce château en 1720 : « Le château de Pont Kallec avait l'aspect d'une forteresse. Avec ses remparts intacts et solides, une fois la porte fermée et le pont levé, il paraissait encore redoutable. Il était d'ailleurs situé dans une région des plus pittoresques et des plus sauvages de l'Armorique entre Guéméné et Le Faouët, sur la paroisse de Berné, à une demie lieue de la chapelle de Kernascléden aux merveilleux vitraux. Bâti sur un côteau à pic, percé de souterrains, qui à l'Est domine un vaste étang et est protégé à l'Ouest par le cours sinueux du Scorff, rendu infranchissable par les roches qui l'obstruent, il était de plus entouré à quelques pas, du côté du Sud, par une forêt de 500 hectares, remplie de chênes séculaires et coupée de fourrés et de halliers impénétrables. On ne pouvait y accéder que par deux ponts faciles à défendre : c'était un refuge inaccessible ».

On peut encore voir les vestiges de l'un de ces souterrains près de Coëtcado.

c. — Pont Kallec, propriété de Jean Derval (1332-1345).

Cette terre du Pont Kallec resta dans le domaine ducal jusqu'en l'année 1332. A cette époque le duc Jean III pour indemniser le sire de Derval des terres prises sur lui et mises dans la forêt ducale du Gâvre, et reconnaître ses bons services lui donna toute la chatellenie du Pont Kallec « les prés, landes, pastures, foretz, et toutes autres choses appartenant à la dite chatellenie : les estangs, les moulins, les prés avec les domaines, et le manoir dudit de Pont Kallec et tout ce que nous avons ès paroisses de Bubri, de Questinic, d'Inguiniel, de Berné, de Plouaey, de Cléguer, de Caudan, de Colzan (Calan) et de Saint-Caradec près d'Hennebont, et l'estang de Kernascleden ».

d. — Pont Kallec, propriété des Clisson ou Beaumanoir (1345).

Jean de Derval et son fils, nommé aussi Jean, jouirent de cette donation pendant une douzaine d'années. Les Derval, pendant la guerre de Succession prirent le parti de Charles de Blois. En 1345, Jean de Montfort attaqua le château de Pont Kallec et s'en empara. On sait qu'en 1342, Olivier de Clisson, un des principaux barons du duché était passé du parti de Charles de Blois à celui de Montfort. En 1343, pendant la trêve de Malestroit, le roi de France attira à Paris Olivier de Clisson, le fit arrêter et, sans jugement, décapiter aux Halles le 2 août. Pour dédommager Jeanne de Belleville, veuve de Clisson, de l'assassinat des son mari, Jean de Montfort lui fit donation de la chatellenie de Pont Kallec.

A son tour Charles de Blois vint attaquer le château de Pont Kallec. Il s'en empara et en fit donation à Jean de Beaumanoir, le héros de Mi-Voie.

e. — Pont Kallec, propriété des Malestroit (1440).

Jean de Montfort triompha dans la guerre de Succession. La donation du domaine de Pont Kallec faite par Charles de Blois à Jean de Beaumanoir fut tenue pour non avenue. La seigneurie reste donc aux Clisson, mais pas pour longtemps. Olivier le connétable, se révolta contre Jean IV. Celui-ci lui reprit la chatellenie de Pont Kallec et se la réserva. Elle resta attachée au domaine ducal jusqu'en 1440.

Dans les premières années du XVème siècle, la chatellenie de Plancoët appartenait à Thiphaine Duguesclin. Se voyant sans héritier direct, en 1418 elle céda son domaine au duc Jean V à condition que celui-ci lui donnât ailleurs une terre d'un revenu égal. L'héritière de Thiphaine, Perrette de l'Argentaie, pria le duc de tenir son engagement et en 1440 elle reçut en compensation la chatellenie de Pont Kallec.

Perrette de l'Argentaie épousa Hervé de Malestroit et lui apporta en dot son domaine de Pont Kallec.

Les Malestroit, barons du dit lieu à partir de 1451, seigneurs de Chateaugiron, Oudon, Keraer, Uzel, Combourg, Rougé et autres lieux, étaient l'une des familles les plus importantes de Bretagne. La branche d'Uzel fut fondue d'abord dans les Coéquen, ensuite dans les Durfort.

Hervé de Malestroit, capitaine de Vannes, était l'un des huit chambellans chargés de la garde des principales villes du Duché. Son fils et sucesseur, Jean Ier de Malestroit arrondit son domaine en se faisant remettre le 14 décembre 1455 la paroisse de Cléguer, le manoir et l'étang de Tronchâteau que le duc s'était réservés.

Jean Ier épousa Anne de Penhoët dont il eut Jean II, son successeur. Celui-ci mourut le 31 décembre 1507. De son union avec Marguerite de Rosmadec il eut un fils, Louis.

Louis de Malestroit se maria à Marguerite de Rohan, fille de Jean de Rohan. Il en eut une fille, Anne.

Anne de Malestroit, dame de Pont Kallec, épousa René Papin, seigneur de la Tévinière, dont il eut un fils, Jean.

Jean III Papin, seigneur de Pont Kallec, épousa Marie, de Brignac qui lui donna une fille du nom de Marie.

C'est Anne de Malestroit et René Papin son époux qui entreprirent de bâtir une chapelle en l'honneur de Sainte-Anne. Elle ne fut achevée que par Marie Papin, leur petite fille. Les travaux durent être interrompus par les guerres de la Ligue.

Sous les Papin, Pont Kallec connut des jours bien sombres. C'était au moment des guerres de Religions. En Bretagne deux grands partis : les Ligueurs du duc de Mercœur aidé par les Espagnols, les Calvinistes et Royaux soutenus par les Anglais. A l'exemple du vicomte de Rohan, calviniste, les Rohan-Guéméné bien que catholiques, soutenaient les Royaux. La plupart de leurs vassaux embrassèrent leur parti entre autres Nicolas Talhouet de Kerservant, seigneur de Crémenec en Priziac. Hennebont et les environs étaient du parti des Ligueurs. Pont Kallec était donc bien mal placé. En 1501 et 1594 le château fut pris et repris par les Ligueurs et les Royaux. A chaque assaut c'était le pillage organisé du château et de la région.

En 1595 la situation empira encore avec l'arrivée à Priziac de Fontenelle, le Brigand de la Cornouaille. Il s'empara du château de Crémenec et y installa son quartier général. Ce Fontenelle pilla, rançonna, incendia toutes les paroisses voisines. Un malheur, dit-on, ne vient jamais seul. En 1596, 1597 et 1598 ce furent la peste et la famine qui firent leur apparition. On vit même les loups sortir en grand nombre de la forêt et dévorer les habitants. Les châteaux pillés et incendiés, pour échapper au brigandage et aux bêtes sauvages, les habitants durent se réfugier dans les villes, notamment à Hennebont.

f. — Pont Kallec, propriété de la famille de Guer (1598).

Le 30 avril 1598 Marie Papin, dame de Pont Kallec, épousa Charles de Guer, seigneur de Porte-Neuve en Riec.

Charles de Guer, de l'une des grandes familles bretonnes, comme le montre le décret d'érection de Pont Kallec en marquisat, trouva de quoi faire à Pont Kallec. Son château avait été ravagé, incendié. Il le reconstruisit de fond en comble.

A côté du château, la chapelle commencée par Anne de Malestroit et René Papin restait inachevée et dans un un état lamentable. La devise des Guer, on la connaît « Sinc maculis, sans souillure » la famille de Guer devait donc faire quelque chose pour l'Immaculée. Dès la restauration de son château Charles de Guer se mit à l'œuvre et fit achever la chapelle commencée à Pont Kallec pour honorer Saint-Anne, mère de l'Immaculée.

De l'union de Marie Papin et Charles de Guer naquirent deux fils et quatre filles.

L'aîné, Olivier de Guer, né en 1405 hérita de la seigneurie de Pont Kallec. En 1626, il épousa Jeanne de Kerméno. Il eut trois enfants Alain, Sébastien et Louise.

Au temps de Alain de Guer la chatellenie de Pont Kallec se vit érigée en marquisat par lettres patentes du Roi de l'an 1657, enregistrées en 1668.

 

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II. — Marquisat de Pont Kallec.

ALLAIN DE GUER, marquis ! Était-ce mérite ou favoritisme ! La lettre d'érection nous fixe nettement à ce sujet (1657). Louis par la grâce de Dieu... ayant, à l'exemple de nos prédécesseurs roys, toujours gratifié les gentilshommes de grande naissance et élevé à des honneurs et dignités convenables……. mettant en considération l'antiquité de noblesse des maisons de Guer, de Malestroit, de Cornouaille de notre province de Bretagne, et les signalés services que les seigneurs de ces noms ont rendus aux roys nos prédécesseurs et aux ducs de Bretagne ; étant certain que Jacques de Malestroit assista en l'an 1119 aux obsèques du duc Alain Fergent en la ville de Redon en qualité de prince et dénommée avant les seigneurs de Léon et de Dinan ; que Judicaïl de Malestroit était l'un des principaux capitaines qui combattaient pour le duc Conan de Bretagne, son prince, en l'an 1144, contre ses sujets rebelles ; que Pierre de Malestroit assista le duc de Bretagne contre le roy Richard d'Angleterre et s'arma l'an 1186 avec les autres barons pour venger la mort de son prince. Geffroy de Malestroit, l'un des principaux capitaines du duc Jean de Bretagne... tailla en pièces six mille hommes de Charles d'Espagne en 1341 et 1342. Hervé de Malestroit défendit la ville de Saint-Malo contre les Anglais l'an 1376. Jean de Malestroit combattit et mit en fuite l'armée de l'amiral d'Espagne l'an 1380 ; commandant l'armée du même duc au siège du château de Brest que les Anglais avaient surpris, il exécuta ce valeureureux exploit remarqué en l'histoire, en ce que voyant l'armée qu'il commandait se retirer il prit une hâche d'armes et s'écriant : « Qui m'ayme me suyve ! » donna avec tant de vigueur sur les ennemis qu'il remporta une mémorable victoire, si bien qu'il fut honoré de la charge de lieutenent-général en Bretagne en l'an 1402. Geffroy et Jean de Malestroit furent tués en la bataille d'Azincourt, l'an 1415 pour le service du roi Charles VI, notre prédécesseur. Un autre Geffroy de Malestroit fut tué en la bataille de Verneuil en l'an 1424. Jean et Philippe de Malestroit principaux capitaines de l'armée, par leur valeur et sage conduite contribuèrent au gain de la bataille de Formigny l'an 1150. Jean sire de Malestroit, maréchal de Bretagne, et un autre Jean de Malestroit évêque de Nantes et Hervé de Malestroit, évêque de Vannes, ont rendu notables services à leur patrie et à leurs princes en qualité de leurs chanceliers.

Et quant aux seigneurs de Guer, la terre de leur nom passa par mariage en la maison d'Acigné, d'où elle est venue par partage en celle de Montbourcher et du Bordage, le nom ayant esté conservé en la famille d'un puîné, seigneur de la Porte-Neuve, et les armes sont d'azur à sept médailles d'or, au canton d'argent fretté de gueulles, estimés en Bretagne les plus nobles pièces après les hermines. Guillaume de Guer, troisième, seigneur du Parc, espousa Catherine de Morillon….

Et quant au nom de Cornouaille porté par les Seigneurs de Hennant, il est si ancien que l'on ne peut marquer le temps auquel ceux de cette maison sortirent puînés des comtes de Cornouaille, desquels ils ont porté les armes pour marque infaillible d'une seigneurie, étant notoire que les comtes de Cornouaille vinrent au duché de Bretagne par succession, et que leur postérité a porté la couronne ducale jusqu'à la duchesse Anne. Enfin les gentilshommes de Malestroit, de Guer, de Cornouaille ont cette glorieuse marque, qu'il ne se trouve titre, ni histoire qui fasse mention qu'ils aient jamais pris le parti contre le service de leurs princes. Et néanmoins, après tant d'années de services, il se trouve que, de toutes les belles terres possédées par les seigneurs de ces noms, aucune n'a été érigée en dignité que la seule terre de Malestroit, qui fut érigée en baronnie, l'an 1451, par le duc Pierre de Bretagne.

Et étant informé que notre ami et féal Allain de Guer, chevalier, seigneur de Pont Kallec, de la Porte-Neuve, de Hennant, de Quergunuz et de plusieurs autres belles terres, est issu par succession de Guer, de Malestroit et de Cornouaille, désirant reconnaître en sa personne les services de ses prédécesseurs, lesquels n'ont retiré aucune autre récompense de leurs généreuses actions que la gloire de les avoir faites ; considérant que la reconnaissance est dans un état aussi nécessaire que la punition du mal ; voulant faire un acte de justice autant que de libéralité en la personne dudit seigneur de Pont Kallec ; faisant aussi réflexion sur les alliances de ces maisons : la seigneurie de Malestroit, de laquelle ses prédécesseurs de Pont Kallec sont issus, étant tombée en l'illustre Maison de Brissac et celle de Guer en celle de Montbourchet du Bordage, l'une des plus qualifiées de notre dite province ; et les lettres du dit de Guer justifiant que de l'estoc paternel, il est issu par alliance des Maisons de Plieuc, du Tineur, de Romasdec, de Morillon, du Juch, du Chastel, de Trévalot, de Queslen, de Quersauzon et de Querméneau, et de l'estoc de Pont Kallec, des sieurs de Malestroit, du Guesclin, de Rieux, de Rohan, de Penhoët, de Montbourcher, des Papin, de La Jaille, de Longueval et de Beaumanoir ; étant aussi bien informé que le dit Allain de Guer possède la terre et seigneurie de Pont Kallec, celle de Tronchasteau, de la Bruyère et de Thierry... et grandes étendues de fiefs de plus de dix lieues de pays. Desquelles seigneuries du Pont Kallec, Tronchasteau, la Bruyère et Thierry, le dit seigneur de Guer est chef de nom et d'armes, et la juridiction s'exerce au bourg ou petite ville de Plouay, tous les lundis par sénéchal, alloué, lieutenant, prévôt fiscal, greffier et tous autres officiers de justice. En laquelle ville de Plouay se tient treize foires par an et marché le lundi de chaque semaine, où les seigneurs de Pont Kallec jouissent de tous droits de coutume, péage et havage... et pareillement une fois au bourg de Caslan à chaque lundi de la Trinité... et de plus privilège de trois foires l'an qui se tiennent à la chapelle de Saint-Elband — Albaud — près de la dite Maison de Pont Kallec...

A ces causes, nous, de notre propre mouvement et grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, avons créé et érigé la dite terre de Pont Kallec en titre, qualité et dignité de marquisat à laquelle avons joint uni et incorporé les fiefs, terres et seigneuries de La Bruyère, Tronchasteau et Thierry, leurs dépendances et appartenances, tenues à foi et hommage de nous à cause de notre barre royale de Hennebont, pour en jouir par le dit seigneur de Guer, ses hoirs, successeurs et ayant cause tant mâles que femelles aux droits, privilèges, exemptions et communités accoutumés.. ». Donné à la Fére, 1657, Louis.

La déclaration que dut faire Alain de Guer à l'occasion de l'érection de son domaine en marquisat porte qu'il était « seigneur et fondateur de toutes les églises paroissiales, leurs presbytères, trefves, chapelles qui sont enclavées dans ses terres ». Sur la maison presbytère, et prez la fabrique de Bernay (Berné) payait trente sols de loyer de vingt en vingt ans. Parce que ce presbytère et ses dépendances appartenaient réellement au marquis de Malestroit, ils ne furent pas vendues pendant la Révolution. Après la séparation, au moment de la dévotion des biens des fabriques, il eut été bon de voir à qui revenaient le presbytère et l'église de Berné.

Descendant des comtes de Cornouaille, des seigneurs de Malestroit, Beaumanoir, Rieux, Rohan, Brissac, etc, on ne pouvait trouver lignée plus noble. Vraiment la nouvelle dignité était méritée par la noble et puissante maison de Pont Kallec. Cinquante-trois ans plus tard, Clément-Chrysogone de Guer, le petit-fils d'Alain était décapité à Nantes. Avant de faire exécuter cette sentence le Régent eut été bien inspiré de songer aux services rendus par cette famille à la Couronne de France.

Alain de Guer ne se laissa nullement éblouir par cette dignité. A cette époque le R. P. Maunoir parcourait la Bretagne en faisant de nombreuses conversions. Le marquis de Pont Kallec, touché par la grâce, céda biens et dignités à son fils aîné Charles-René, reçut la prêtrise, devint l'un des auxiliaires du P. Maunoir et fit l'admiration du pays par sa vie édifiante.

CHARLES-RENÉ DE GUER, le second Marquis de Pont Kallec, épousa en 1678 Bonne-Louise Le Voyer, dame de Trégomar et de la Haie-Painel. Il en eut six enfants, trois fils et trois filles, savoir, nous dit Laborderie (Revue de Bretagne 1862, p. 128) « 1° Claude, l'aîné né en 1684, reçu aux Pages de la Grande Écurie du Roi, le 1er mai 1699, mort avant son père. 2° Clément-Chrysogone. 3° Henri-Marie qui suit. Et les filles : 1.° Marie-Gabrielle mariée en 1698 à Pierre-Hyacinthe de Cosnoual, seigneur de Saint-Georges. 2° Françoise. 3° Louise-Marie ».

Que Claude né en 1.684 fût l'aîné, cela n'est pas possible, puisque Clément-Chrysogone naquit à Rennes le 24 novembre 1679, ainsi qu'il ressort de l'acte de baptême. Henri-Marie né également à Rennes le 17 juin 1681, était aussi plus âgé que Claude. D'ailleurs Claude n'est pas mort avant son père : le 6 novembre 1698 avait lieu à Berné le mariage de Marie-Gabrielle, l'aînée des filles. Le père y est porté comme décédé.

CLÉMENT-CRYSOGONE DE GUER, troisième Marquis de Pont Kallec. Né à Rennes le 24 novembre 1679, Clément-Chrysogone hérita du titre de marquis au plus tard en 1698, donc vers l'âge de dix-neuf ans. Il servit quelque temps dans les Mousquetaires et les Dragons du Roi et se retira dans ses terres après six ans de service. C'était un chasseur passionné qui convoquait fréquemment aux hues de sangliers tous les paysans des environs. Les châtelains, ses voisins, avaient pour son nom la plus grande considération. Il habitait un château qui semblait un refuge inaccessible. Jusqu'en 1718 rien ne le signala à l'attention publique.

 

Causes de la Conspiration de Pont Kallec.

Les dernières années du règne de Louis XIV avaient pesé lourdement sur le pays, Les guerres continuelles et les impôts toujours croissants avaient fini par énerver, irriter, appauvrir toutes les classes. Quand le Roi mourut ce fut partout une impression de détente bientôt suivie d'une réaction inévitable. Elle se fit sentir en Bretagne plus que dans toute autre région. Le naturel breton longtemps comprimé voulut prendre sa revanche. Celle-ci allait aboutir à un drame sanglant.

Dès décembre 1715, aux États généraux ouverts à Saint-Brieuc, on remarqua un certain vent d'indépendance. L'Assemblée vota sans débat le don gratuit, mais elle rejeta certains crédits demandés parles commissaires du Roi.

En 1716 arrivent en Bretagne un nouveau gouverneur et un nouvel intendant : Le Maréchal de Montesquiou et Feydeau de Brou.

De Montesquiou, le gouverneur s'imagina faire manœuvrer les États et le Parlement comme un bataillon, procédé au moins désuet. Il avait de grands besoins d'argent. Pour se les procurer il eut recours au trésorier des États, Michau de Montaran. Traitant durement les contribuables, signalant et dénonçant les opposants, ce trésorier s'était rendu odieux.

S'ouvre l'Assemblée de 1717. La situation financière était déplorable. Non seulement les Etats refusent de voter le don gratuit par acclamation, mais ils veulent obliger le trésorier des État à rendre des comptes.

Par contre les ordres de l'intendant sont formels : dissoudre les États s'ils refusent de voter le don gratuit par acclamation. La bataille s'engage le 15 décembre. La Noblesse tient bon. Le président se fait apporter le traité de 1532. Le lendemain le Maréchal dissout l'Assemblée.

La séparation des États produisit en Bretagne une immense impression. Jamais, en aucun temps, en aucune circonstance pareille atteinte n'avait été portée à la Constitution. D'ailleurs les États étaient populaires. Ils étaient pour les Bretons la sauvegarde et la garantie de leurs libertés et de leurs intérêts. Ce coup d'État provoqua partout l'indignation et la révolte.

Les États dissous, impossible de faire approuver et percevoir les contributions.

Un décret du Conseil du Roi ordonne la levée des impôts ordinaires. Le Parlement refuse de l'enregistrer et adresse des renontrances au Roi « Cet évènement (la séparation des États) change la forme du gouvernement de cette province et donne atteinte au traité d'union de la Bretagne à votre couronne ».

Force est de rappeler les États. Cette fois le don gratuit est accordé non par acclamation, mais immédiatement et sans aller aux Chambres. Par ailleurs vives discussions sur les droits d'entrée des boissons et les réductions à faire sur les émoluments du trésorier.

Le 4 août en termes blessants le Maréchal intime aux État l'ordre d'obéir. La Noblesse persiste dans sa résistance et gagne à sa cause le Parlement qui à son tour le 6 septembre 1718 fit défense à toute personne de faire aucune imposition ni levée de deniers dans la province sans le consentement des États, à peine de concussion.

Les impôts ne rentrant pas, le Pouvoir croît devoir sévir. Le 29 septembre un arrêté du Conseil ordonna de retirer du registre la décision du Parlement et d'inscrire à sa place l'arrêt du Conseil.

Les gentilshommes protestent et s'élèvent contre les illégalités du Maréchal. Si l'on tolérait ces atteintes aux libertés bretonnes c'en était fait des. Etats. On décide de résister, mais pour résister il faut être fort et uni. D'où d'une association de nobles bretons pour opposer une barrière aux entreprises abusives et illégales du Pouvoir. Ainsi, à la mi-septembre 1718, fut arrêté l'acte d'Union. Dans cet acte on s'engageait à « s'unir tous ensemble pour soutenir par toutes sortes de voies justes et légitimes, sous le respect dû au Roi et à S. A. Monseigneur le Duc d'Orléans, Régent du Royaume tous les droits et privilèges de la province de Bretagne et les prérogatives de la Noblesse ».

Cet acte, œuvre de Talhouët-Bonamour et de Lambilly, fut présenté au marquis de Pont Kallec. Il refusa de le signer. En novembre on revint le solliciter. Il y apposa sa signature le 4 novembre 1718 et devint à son tour un zélé propagateur de cet acte.

Le 13 avril 1719 les principaux adhérents se réunirent. à Lanvaux sous prétexte de chasse. On y nomma des commissaires pour organiser et répandre l'Association. Le marquis de Pont Kallec fut chargé de la Cornouaille.

Comme la réunion allait se terminer, de Lambilly proposa d'envoyer quelqu'un en Espagne pour demander l'appui de cette puissance. Le projet fut froidement accueilli et provoqua des murmures.

Fin juillet, de Lambilly prévint ses principaux partisans que l'Espagne promettait son concours : deux millions en argent, 8.000 hommes et un général. Dans une forêt de Priziac le marquis en informa ses voisins et nomma les officiers de la future armée : Du Couédic, Lemoyne de Talhouët, de Montlouis. Tout en recrutant des partisans le Marquis de Pont Kallec mettait son château en état de défense et en faisait une véritable place de guerre. Il y entretenait un armurier auquel il faisait fabriquer des fourches de fer, des baïonnettes et réparer des fusils. Il y accumulait de la poudre et des balles.

Outre ses vassaux qu'il convoquait souvent à l'occasion des battues de chasse, le marquis avait formé le projet de lever des soldats et de constituer un régiment « le régiment de la Liberté ».

Le château de Pont Kallec d'un accès si difficile était gardé militairement : des paysans armés de fusils étaient placés en faction au pont du Moulin et à celui de Léty. Nul n'y pouvait passer sans être reconnu et autorisé.

 

Échec de la conspiration.

En plus de l'Assemblée de Lanvaux le marquis de Pont Kallec et ses amis eurent des réunions à Pontivy, Questembert, la Martyre, etc... Grâce à des espions et à des traîtres le Maréchal de Montesquiou, gouverneur de Bretagne et l'Intendant étaient au courant de ces colloques, ils avaient même le nom des principaux conjurés. Un incident imprévu vint leur fournir bien d'autres renseignements.

Un bourgeois manceau fixé à Guérande s'était lié avec Rohan-Pouldu, l'un des principaux conjurés, et connaissait tous les desseins des Bretons. Arrêté à Nantes le 21 septembre 1719, il révéla tout ce qu'il savait : Acte d'association, principaux signataires, organisation par évêchés, assemblées diverses, alliance espagnole, etc.

Muni de ces indications le Maréchal n'hésite plus. Il convie une centaine de gentilshommes à venir se justifier à Rennes. La plupart refusent d'obéir et décident de s'enfermer au château de Pont Kallec. Ce sont entre autres le marquis de Guer, de Lambilly, de Bonamour, de Rohan-Pouldu, du Couédic, etc.

Le 23 septembre le Marquis est prévenu qu'un détachement de soldats était parti de Vannes et se dirigeait probablement sur Berné. Aussitôt il convoque ses vassaux et ses amis.

Il n'était pas facile de pénétrer au château transformé en place de guerre. Deux postes avancés gardaient le pont du Léty et le pont du Moulin, seuls passages pour y arriver. Vingt à vingt-cinq paysans armés de fourches, fusils ou baïonnettes montaient la garde. La grande porte du château était fermée. De chaque côté deux paysans en sentinelle. A l'intérieur des murailles trois corps de garde tous de vingt hommes commandés par des soldats déserteurs qui remplissaient les fonctions de sergents. Toutefois il avaient la consigne d'avertir en cas d'alerte, mais non de tirer sur les troupes du roi.

Dans l'enceinte une centaine de paysans armés de fourches, de fusils ou de baïonnettes. Le matin on les renvoyait chez eux après leur avoir distribué un petit pain et un verre d'eau-de-vie.

Le Marquis passait la journée au château et la nuit il se rendait dans la forêt avec ses amis de Lambilly, de Bonamour, de Rohan-Pouldu, de Montlouis, etc.

Le 28 septembre gaude alerte. On est prévenu que les troupes approchent. Nul ne songe à résister. Tous les chefs sont d'anciens officiers de l'armée française, rompus à la discipline par de longues années de service. Aucun ne veut tirer sur les soldats du roi.

La nuit venue, le Marquis, comme d'habitude quitte son château pour se réfugier dans la forêt. Vers minuit il monte à cheval avec de Lambilly, de Bonamour et de Rohan-Pouldu, abandonne sa loge de feuillage et part pour une destination inconnue.

Le vendredi 29 septembre, dans la matinée, les soldats du roi arrivent. Dès qu'on les aperçoit tous ceux que étaient chargés de la garde du château se sauvent à toute vitesse. A leur arrivée, les soldats n'y trouvent que Mademoiselle de Pont Kallec, sœur du Marquis.

La garde du château fut confié au lieutenant de Valogne. Il s'y ennuyait mortellement. Aussi ne manquait-il pas de complaisance pour les amis du Marquis. Il acceptait des invitations à dîner. Il laissait même prendre au château et porter au Marquis trois cents livres d'or qui y étaient cachées.

Malgré la débâcle de Pont Kallec plusieurs seigneurs de Lambilly, de Bonamour, de Talhouët de Boisharhant parlèrent de résister à l'armée et d'occuper Ploërmel, Joselin, Redon, Rennes. Le Marquis de Pont Kallec — soit parce que le secours espagnol n'arrivait pas, soit fidélité à l'acte d'association de ne rien entreprendre ni contre le Roi, ni contre le Régent — ne fut pas de cet avis et le 6 octobre il refusa de se rendre au rendez-vous de Lanouée d'où l'on projetait de marcher sur Rennes pour demander secours au Maréchal de Montesquiou et au besoin de l'enlever et de s'assurer de sa personne.

Tout le mois d'octobre nous voyons le Marquis errer de château en château et de ferme en ferme déguisé en paysan. C'est ainsi que nous le voyons tour à tour au manoir de Dréortz en Priziac, à Kerbleizic près de Quimperlé, à l'abbaye de Langonnet, puis au manoir de Pratulo en Cléden-Poher, puis encore à Kerbleizic et de là à Gourin chez son cousin M. de Tronjoly.

Le 30 octobre, coup de théâtre, Alors que personne n'espérait plus le secours espagnol, une frégate paraît en vue des côtes du Morbihan avec 300 hommes de troupes et 6.000 pistoles pour lever des soldats. Trouvait-on qu'ils arrivaient trop tard ou ne voulait-on pas d'un secours étranger ? A peine les soldats débarqués on les fait reprendre la mer. L'argent, les divers chefs se le partagent. Le Marquis de Pont Kallec n'en accepta point. Étrange revirement chez lui, le 13 novembre il fit écrire à de Montlouis d'attaquer Quimperlé, Hennebont et Lorient. Plus tard il prétendit que c'était pour plaisanter...

Sentant la partie perdue, les plus compromis des chefs bretons de Lambilly, de Bonamour, etc... s'embarquèrent pour l'Espagne. Evidemment c'était prudent...

Le marquis de Pont Kallec résolut de rester au pays et continua à s'y cacher. Pendant le mois de novembre il erre de châteaux en presbytères tour à tour chez le marquis de Kergorlay du Cleudon, chez le recteur de Plourach, près de Callac, à l'abbaye de Coëtmaloën, au château de Kermabilo, chez le marquis de Nevet son oncle, chez le recteur de Duaut, près de Callac, à Kermorvan en Plouigneau.

 

Arrestation de Pont Kallec.

Il y avait bien longtemps que la tête du Marquis était mise à prix et qu'il y avait, défense de lui donner asile. Il demeurait insaisissable. Il fallait cependant aboutir. On décida de lancer à sa suite un jeune lieutenant, le fils du colonel de Mianne, commandant au château de Nantes.

Ce lieutenant vint s'établir à Guéméné-sur-Scorff, centre des conjurés à trois lieues du château de Pont Kallec. Il garnit chaque bourg, chaque village de soldats leur commandant de fouiller de jour et de nuit bois, champs et maisons.

Les soldats se prêtant mal à ce rôle, le lieutenant mobilise trente espions et prodigue tour à tour menaces et argent pour découvrir les traîtres. Le 15 décembre Chémendy, sénéchal du Faouët, l'hôte, l'ami, le confident du Marquis promit de le joindre et de le livrer.

Il y eut d'autres Judas. Depuis quelque temps le Marquis était aux abois. Après avoir passé douze jours chez son oncle, le marquis de Nevet, il errait de village en village et se cachait de ferme en ferme. Traqué de tous côtés il s'était déguisé en laboureur portant une culotte et une chemise de grosse toile un gilet de bure sans manche et par dessus un autre gilet avec manches. Il ne savait plus où se réfugier. De Mianne avait lancé tous ses cavaliers à sa poursuite et lui avait pris cinq chevaux et deux valets. Il lui en restait un seul portant une balafre à la figure. Celui-ci fut reconnu et arrêté. Sommé de livrer son maître, il refusa. De Mianne passa au Faouët où habitait la femme du valet, la presse de déterminer son mari à livrer le Marquis, lui donne de l'argent et lui promet mille francs si on met Pont Kallec entre les mains.

L'officier revient interroger le valet, menace de lui chauffer les pieds s'il ne parle pas. Terrifié, le malheureux parla et révéla la cachette du Marquis.

Le traître est habillé en dragon et de nuit, le 28 décembre, les voici en route avec des soldats et des archers. Le valet dirige la troupe vers le bourg de Lignol. Il montre le presbytère. C'est là que s'était réfugié le Marquis. Les cavaliers envahissent la cour. De Mianne frappe à la porte et demande si M. de Pont Kallec est là. — Non, répond-t-on.

L'officier passe outre, entre suivi des soldats, monte et trouve un homme habillé. C'était le Marquis. On se jette sur lui, on l'empoigne à bras-le-corps, les archers s'en emparent, le conduisent à Guéméné et de là à Nantes où il fut enfermé au château le 3 janvier 1720.

 

Jugement du Marquis.

Le juge naturel et tout désigné de la Noblesse bretonne, c'était le Parlement. Mais on ne voulait pas s'adresser à la Cour. Le Régent et d'Argenson préféraient des juges dépendants du Pouvoir. Ils constituèrent donc un jury de fonctionnaires appelé « Chambre royale ». Ces juges encouraient ainsi le discrédit qui de tout temps a frappé les tribunaux d'exception. Juges et parties, ils ne donnaient aucune garantie d'impartialité.

Cette chambre Royale fut constituée le 3 octobre 1719 et ses membres arrivèrent à Nantes le 25 de ce mois. Pendant longtemps elle ne fit rien, faute de documents et d'accusés. Les juges n'en percevaient pas moins des appointements appréciables : de deux à huit milles livres par mois. Ce n'était pas assurément le moyen d'équilibrer un budjet déficitaire.

Vers la mi-décembre arrivèrent quelques prisonniers. Le procès du principal accusé, le Marquis de Pont Kallec commença le 3 janvier, dès son arrivée à Nantes et dura toute une semaine.

Le Marquis avoua tout, nomma les membres de l'association, raconta les diverses assemblées de Lanvaux, Pontivy, Questembert, Lanouée. Il nomma les commissaires de chaque évêché, il retraça les négociations avec l'Espagne, l'envoi de l'argent, mais il affirma n'avoir rien touché. Il eut bien soin de faire remarquer que la négociation avec l'Espagne était une idée de Lambilly et de Bonamour et non de la noblesse bretonne. Celle-ci par le traité d'Association voulait non se révolter contre le roi ni tramer quelque chose contre le pays, mais se mettre à l'abri des abus du Maréchal, maintenir les privilèges que lui concédait le traité de 1532 et se débarrasser du trésorier de Montaran.

Par ordre d'Argenson, garde des Sceaux, un second interrogatoire eut lieu le 31 janvier et les 1, 2 et 3 février.

Le Marquis maintint ses premières affirmations : « Je ne suis point un révolté, car je n'ai commis aucun acte d'hostilité contre les troupes du roi. Je n'ai pas cru que les négociations avec l'Espagne pussent être regardées comme criminelles, le roi d'Espagne étant du sang de France. Au surplus je ne suis point l'auteur des traités qui ont été faits. J'ai eu seulement le malheur de me rendre aux persuasions des Messieurs de Lambilly et de Bonamour. Je n'ai point débauché de soldats, je n'ai point touché d'argent. Enfin quand je me suis retiré dans ma forêt, ce n'était point dans le dessein de me révolter ni de soulever le peuple, mais seulement de me sauver et d'éviter d'être pris ».

L'infortuné Marquis perdait son temps. Son sort était décidé à l'avance. Le garde des Sceaux voulait une condamnation. Dès le 4 janvier, il mandait au président de la chambre, de Château-neuf qu' « il fallait instruire le procès de Pont Kallec de préférence à tout autre... la promptitude de cet exemple paraissait nécessaire pour ramener à l'obéissance le grand nombre de personnes qui ont eu le malheur de s'en écarter ».

Pour rendre toute grâce impossible d'Argenson envoie aux commissaires un ordre barbare « les jugements devront être prononcés aux condamnés et exécutés le jour même qu'ils auront été rendus ».

Les juges ne sont pas dupes. Ils savent pertinement qu'il doivent condamner et condamner sévèrement. Le président essaye bien d'ouvrir une porte à la clémence : « Nous aurons le temps écrit-il au Garde des Sceaux, de recevoir vos ordres en cas que la S.A.R. veuille excepter quelques-uns de cEs accusés ». D'Argenson ne répondit pas.

A son tour, de Vastan, procureur général fit appel à la clémence à mots couverts. D'Argenson resta impassible : « Le Régent à qui j'ai lu votre lettre m'a fait l'honneur de me prier de vous dire qu'elle n'avait pas d'ordres particuliers à vous donner pour suspendre ni modifier l'exécution de votre arrêt, qu'elle entendait que justice fut faite, qu'elle en voyait la nécessité et qu'elle ne doutait pas que MM. les commissaires ne la connussent encore mieux ».

C'était évidemment l'arrêt de mort prononcé à Paris avant de l'être à Nantes. Les juges n'avaient qu'à obéir. Ils ne le firent cependant pas sans contestations ni disputes. Le procureur général l'a avoué à d'Argenson : « C'est M. de Chateauneuf qui par sa prudence et ses ménagements a réuni les suffrages et conduit MM. les commissaires à prendre un parti pour lequel ils avaient montré d'abord quelque sorte de répugnance ».

Un jour, c'est le 25 mars 1720, le mardi de la semaine sainte, les juges se rendent dès cinq heures du matin dans la salle préparée pour les séances de la chambre Royale. Pour assurer le secret, ils sont seuls avec le greffier.

En prévision d'une séance longue on avait apporté du pain, de la viande et du vin. Effectivement elle se prolongea très longtemps. Enfin, à trois heures, en même temps qu'on mandait quatre religieux, on appellee le procureur général et le président lit l'arrêt.

La sentence déclare que les sieurs de Guer de Pont Kallec, de Montlouis, Le Moyne et du Couédic atteints et convaincus du crime de lèse-majestée et de félonie our réparation desquels ils sont condamnés à avoir la tête tranchée sur un échafaud qui sera dressé sur une place publique de Nantes.

... Déclare que tous les biens des condamnés meubles et immeubles sont confisqués et acquis au roi.

Ordonne de plus que toutes les marques de seigneuries et d'honneurs qui sont dans les maisons ou châteaux des condamnés seront abattus ou effacés, les fossés comblés, les bois de haute futaie, comme avenues et autres servant à la décoration coupés à neuf pieds du sol.

Aussitôt l'arrêt prononcé, le procureur général envoya chercher l'abbé de Couessin, recteur de Lignol. Celui-ci fut vertement admonesté avec « défense de récidiver » Hélas ! c'eût été bien difficile.

Ce jugement ordonna d'arrêter notamment l'abbé Bourguillot, recteur de Kernascléden. Celui de Berné était déjà en prison à Nantes.

 

Exécution du Marquis.

Aussitôt la sentence rendue, on alla chercher le Marquis. Il était couché, malade. On le réveille et on le conduit au Parquet pour lui apprendre qu'il est condamné à avoir la tête tranchée.

Le bourreau et ses valets lui empoignent les mains, l'attachent de force, lui enlèvent son chapeau et tout ce qu'il a dans les poches. Dans cet état on le pousse dans la chapelle du château. Quatre Carmes l'y attendant chargés de le préparer à la mort et de lui apprendre qu'il va être exécuté dans deux heures. « Les turcs nous donneraient plus de temps » répondit le Marquis.

Le P. Nicolas l'exhorta à étouffer courageusement toutes les plaintes inutiles. « Nos exhortations, a-t il écrit, eurent tout l'effet que nous souhaitions ».

Quand on lui demanda où il désirait être enterré : « je veux, répondit-il, être enterré dans l'église des R. P. Carmes de Nantes et je prie le greffier de leur donner trente pistoles de mon argent pour prier Dieu pour moi ».

Pour éviter toute surprise l'autorité militaire avait pris de formidables précautions.

Mais voici que s'ouvre la porte massive sur le pont-levis. Le sinistre cortège s'avance éclairé par des flambeaux, car il est huit heures et demie du soir. Arrivé sur la place du Bouffay, de Pont Kallec ne peut détacher ses regards de l'échafaud : « Ah ! Quel étrange spectacle ! » disait-il.

Les quatre condamnés s'embrassent une dernière fois et l'exécution commence. De Montlouis, de Talhouet, et du Couédic montent tour à tour à l'échafaud.

Vient le tour du Marquis. Il n'avait pas voulu détourner la tête et avait tout vu. Se tournant vers le greffier il lui dit « Vous avez de l'argent à moi. N'oubliez pas, je vous prie, de faire prier Dieu pour moi ».

Le greffier le lui promit. Regardant les Pères Carmes : « Je ne veux de mal à personne, dit-il. Je pardonne de bon cœur à tous ceux qui m'en ont fait ».

L'exécuteur le presse de monter. Il gravit lentement les échelons de l'échelle et pendant que les aides le déshabillent il répète sans cesse : « Jésus, Maria ! Pater in manus tuas commendo spiritum meum. Père, je remets mon âme entre vos mains ».

Le bourreau assène un coup de doloire, mais il faut frapper dessus à grands coups de maillet. Enfin le sang ruisselle et la tête tombe.

Les quatre corps furent précipitamment transportés à la chapelle des Carmes. Ceux-ci les étendirent pieusement sur un tombeau avec l'intention de les inhumer le lendemain. Mais le tribunal envoya l'ordre formel d'enterrer les cadavres dans la nuit même et au plus tôt, sans aucun son de cloches ni chant d'église avec injonction de dire la grand'messe le lendemain en ornements blancs ……… Justice était faite. C'était le 26 mars 1720.

 

Appréciation des Contemporains et des Historiens.

La quadruple exécution de la place du Bouffay provoqua l'indignation générale. A Nantes après la consternation ce fut la révolte. Comme le commissaire Brunet d'Ivry revenait du lieu de l'exécution, il faillit être écharpé. Une potée fut jetée sur sa chaise. Les porteurs voulurent se plaindre. On leur répondit qu'on voudrait voir hâché en pièces celui qui était dedans.

« De tous ceux qui ont été informés de l'exécution qui se fit à Nantes, a écrit dom Lobineau, il n'est personne qui n'ait été touché de commisération pour ces gentilshommes ».

Cette injustifiable rigueur révolta tellement les esprits qu'il fallut congédier ou punir les auteurs responsables.

Trois mois après l'éxécution du Marquis, d'Argenson fut chassé du pouvoir et six mois après, le Maréchal de Montesquiou se vit enlever le commandement de la province.

Le traître 0' Connor, médecin à la Roche-Bernard, si réputé qu'on venait le consulter de six lieues à la ronde perdit toute sa clientèle. Il fut réduit à demander un emploi aux armées de Flandre « à cause de la haine qu'il a suscitée contre lui en Bretagne par ses dénonciations ».

De Mianne, lieutenant du Roi au château de Nantes qui avait arrêté le Marquis « fut exclu des tables et eut ordre de ne pas paraître devant les gentilshommes ».

Montaran, ce trésorier détesté de toute la province et que tout le monde voulait voir disparaître, dut donner sa démission après avoir amassé une fortune considérable.

Le Pouvoir dut même revenir sur la sentence du 26 Mars. Moins de quinze jours après ces exécutions on dut cesser les poursuites et accorder une amnistie générale. A la demande des États on dut rendre aux familles des condamnés leurs biens et leurs titres pour en jouir comme si la confiscation n'avait pas eu lieu. Les biens du Marquis de Pont Kallec furent restitués à son frère cadet, Henri, capitaine au Régiment royal des Vaisseaux.

Les historiens ne peuvent que confirmer le verdict des contemporains. Pourquoi un tribunal d'exception, un tribunal de fonctionnaires et non de juges ? Pourquoi ce défi aux règles élémentaires de la justice ? pas de séance publique, pas de défenseur, pas de débats contradictoires, pas une seule fois les accusés ne comparurent devant les juges de la Chambre royale réunie.

A Paris il y eut un dernier Conseil auquel assistèrent d'Argenson, Dubois et Law. Pourquoi d'Argenson fit-il maintenir la peine de mort ?

« Son but principal, dit A. de Laborderie (VI, p. 174) a été de venger sur les Bretons l'impunité qu'il avait dû accorder aux coupables de la conspiration parisienne. On n'avait pas osé frapper le duc et la duchesse de Maine qui tenaient de trop près au sang royal, ni l'ambassadeur Cellamare, représentant d'une puissance étrangère : on s'en vengea sur les malheureux Bretons.

Et c'est cela qui est injuste. Les complices de la duchesse du Maine étaient d'autres personnages, on comptait parmi eux des ambassadeurs et des Maréchaux, ils disposaient de moyens autrement puissants que quelques pauvres gentilshommes... Et pour les Bretons, le principe au moins était légitime et désintéressé : ce principe, c'était la résistance légale dans les États, résistance légitime et bien fondée ».

On connaît, en effet, le traité de 1532.
1° Aucun impôt ne pouvait être perçu en Bretagne sans le consentement des États.
2° L'attribution du produit de certains impôts était réservée exclusivement à la Bretagne.
3° La souverainté du Parlement de Bretagne était maintenue et les Bretons avait le droit de ne pas être jugés hors de la Bretagne.
4° Nul changement ne pouvait être apporté dans la législation, les institutions, coutumes sans le consentement des États de Bretagne.

Mais dans ce procès ce qui reste particulièrement odieux et inique, c'est l'exécution immédiate. Plus que d'autres ils méritaient leurs grâces, car si coupables il y avait, ils étaient en fuite et en sûreté. Ceux que l'on frappait n'avaient été ni les initiateurs ni les chefs du mouvement. Leur pardon s'imposait.

Il y avait sans doute les négociations avec l'Espagne. Comme l'a dit le Marquis dans son interrogatoire elles étaient une idée de Lambilly. D'ailleurs on traitait avec un prince de sang francais, petit-fils de Louis XIV. A ce sujet méditons ce que, dit Lavisse dans son histoire de France (VII, p. 33) « Le sentiment national était alors seulement comme une fierté d'être la France, avec une idée de devoirs envers la Patrie — La guerre se faisait de couronne à couronne plutôt que de peuple à peuple et avec de petites forces, par des soldats de profession — Pour toutes ces raisons ni la guerre civile, ni la guerre étrangère n'étaient au XVIIème siècle ce qu'elles sont pour nous. Juger avec nos idées les hommes de ce temps serait très mal juger ».

Pour le seigneur à cette époque, la Patrie c'était avant tout son fief. Quand le grand Condé traitait avec l'Espagne en 1665, il n'avait nullement la pensée de trahir la patrie. Quand en 1719 les Bretons sollicitaient le concours du petit-fils de Louis XIV ils ne pensaient pas d'avantage être traîtres à la France, peut-être même croyaient-ils mieux servir en demandant à un fils de France de les débarrasser d'un gouverneur et d'un trésorier également détestés et détestables. C'est du moins ainsi que le comprenaient les États quand au XVIIIème siècle ils parlaient d'élever une statue au Marquis de Pont Kallec. C'est ainsi que l'a compris le peuple en aimant réciter et chanter les nombreux chants populaires qui ont immortalisé le nom de Pont Kallec et l'honorent « comme le champion d'une cause sacrée, la cause immortelle, impérissable de la tradition, du droit et de la liberté ».

Guel dén eit on nen des chet bet
Neoah è ma bet dibennet
Dibennet è ker en Nanned
Dibennet get er Galleved

 

Les derniers Pont Kallec.

HENRI DE GUER, quatrième marquis de Pont Kallec, naquit à Rennes le 13 Juin 1681. Il épousa N. du Loup. En 1720 quand son frère aîné fut décapité à Nantes, il était capitaine du régiment royal des vaisseaux. On ne sait pas s'il eut des enfants.

Le cinquième marquis de Pont Kallec fut CLAUDE-RENÉ DE GUER, frère de Henri et de Clément-Chrysogone. Contrairement aux affirmations de la Revue de Bretagne il ne mourut point avant son père. Il épousa Roberte-Angélique Le Verger. Il eut qu'atres filles et un fils. Il mourut le 31 décembre 1744 en son château de Pont Kallec et fut enterré dans son « enfeu » le 2 janvier 1742 âgé, disent les archives de Berné, « d'environ 63 ans ». C'est donc évidemment le Claude de Guer né en 1684, troisième fils de Charles de Guer.

Claude de Guer eut pour successeur, son fils Louis-Joseph-Armand-Corentin de Guer, marquis de Pont-Kallec.

Les archives de Berné, à la date du 30 mai 1738, mentionnent la naissance et l'ondoiement d'un fils anonyme, de Claude-René de Guer. Le 5 août 1744 et le 26 octobre nous trouvons cet anonyme de Guer parrain. Enfin le 17 mai 1770 il est encore parrain d'une fille Hellegouarch de Kerhério. Cette fois il signe non « anonyme du Guer », mais Louis-Joseph-Armand-Corentin, comte de Guer-Malestroit, marquis de Pont Kallec, ancien chef de brigade de Mgr le Dauphin, aujourd'hui officier supérieur de la cavalerie de France.

Que devint ensuite ce marquis ? Nous l'ignorons, nos archives ne font plus aucune mention des marquis de Pont Kallec.

 

Pont Kallec et la Révolution.

Au début de 1795 la propriété de Pont Kallec fut gravement endommagée par les armées républicaines. Le 15 Thermidor la justice du canton de Kernascléden fut convoquée pour faire une enquête sur les dégâts, incendies, pillages et autres méfaits attribués à diverses colonnes mobiles républicaines cinq ou six mois auparavant dans leur passage ou séjour à Pont Kallec. Après la déposition des divers témoins constatant que le mobilier du château était en parfait état, que le château a été à peu près entièrement brûlé par la colonne mobile n° 4, que 299 pieds d'arbres ont été coupés dans l'avenue du Pont Kallec au bourg de Berné à la chapelle de Sainte-Anne, que d'autres dégâts ont été commis dans la forêt, après tous ces dégâts, la justice estime le tort réel du propriétaire à 800.000 francs valeur fixe (Extrait d'une pièce du greffe de Guéméné).

 

III. — Pont Kallec après la Révolution.

La Révolution et l'Empire mirent fin à bien des privilèges, au droit d'aînesse, emprisonnèrent et expulsèrent bien des nobles. Aussi nous ne retrouvons plus Pont Kallec avec son immense dommaine de 1657, avec ses chatellenies de la Bruyère, Tihenri, Tronchâteau. Nous y retrouvons toutefois sous la Restauration un marquis de Malestroit avec un domaine fort respectable qu'il ne tarde pas à aliéner.

LES USINES : A la sortie de l'étang de Pont Kallec, près de la chaussée, et sur le Scorff en face de l'usine électrique les touristes aperçoivent de nombreux pans de mur et des débris de canaux faits de blocs énormes. C'est qu'à Pont Kallec, au temps de la Restauration, il y a eu une verrerie et une fonderie.

Ces usines ont été construites vers 1815 par la Compagnie anonyme des Hauts Fourneaux et Forges de Pont Kallec et des Mines de houille de Quimper.

Voilà Ce qu'a écrit un octogénaire de Berné à qui nous avons demandé de noter ses souvenirs au sujet de ces ruines :

« Voici quelques souvenirs épars que j'ai entendu maintes fois répéter par mon père né en 1823 et qui les avait recueillis lui-même de son père né en 1770, décédé en 1838.

La fonderie de Pont Kallec était sur la rive droite du Scorff plus bas que le barrage de l'usine électrique actuelle. Il y a une cinquantaine d'années on y voyait encore des ruines grandioses, des pans de murs noircis par la fumée et notamment un grand canal construit en pierres de taille — on en voit encore une partie. — Ce canal de dérivation servait à capter les forces hydrauliques du Scorff au moyen d'une roue puissante et énorme actionnant des machines de toutes sortes, entre autres un soufflet monstre servant à attiser le feu qui était fourni par le charbon de bois de la forêt de Pont Kallec.

Il est fort probable que la houille n'était pas employée dans la région. Il s'y faisait une énorme consommation de bois fourni par la forêt. Celle-ci n'avait guère été exploitée depuis la mort du célèbre marquis. D'après la tradition elle était couverte d'arbres magnifiques de vingt à vingt-cinq mètres sous branches particulièrement dans les gorges et les vallées. J'ai souvent ouï dire que la population ouvrière de la fonderie se chiffrait en moyenne de 1200 à 1500 ouvriers spécialisés, dont les trois quarts étaient de nationalité anglaise. Pour produire cette quantité de charbon il fallait une moyenne de cinquante ouvriers-bûcherons et autant de charbonniers.

Les Forges se procuraient le minerai de fer aux minières de Priziac, de Gourin et des Montagnes Noires. Le transport se faisait à dos de mulet, formant plusieurs caravanes conduites chacune par deux ou trois muletiers qui maîtrisaient leurs bêtes au moyen de fouets de deux ou trois mètres de long et d'un poids en conséquence. Quand on faisait claquer ces fouets on les entendait à plus d'un kilomètre de distance. Tous ces animaux marchaient en file indienne par monts et par vaux n'ayant comme direction que la ligne droite.

La rive gauche du Scorff était garnie de huttes pour abriter les familles des travailleurs. Pour approvisionner tout ce monde il y avait deux marchés par semaine.

Vers la même époque une verrerie était installée tout à côté de la chaussée de l'étang, en face de la maison du régisseur. On y trouve encore de nombreux vestiges des constructions du canal. Il reste même un stock de pierres destiné à être transformé en verre.

Les matériaux de ces usines ont servi à faire la nouvelle chaussée de l'étang et à construire les dépendances du nouveau château.

Devenue propriétaire ou locataire de la forêt, cette Société anonyme n'a pas eu pour les arbres les mêmes égard que les marquis. A partir de 1815 c'est toute une pléiade de sabotiers qui déferlent sur la forêt. De 1816 à 1826 c'est une centaine de ces familles qui s'installent à Berné : Herpe, Daniel, Dugniol, Rivoal, Le Gouail, Roblay, Loth. Harnaiy, Gorrin, Manach, Le Briz, Castel, Barbier, Gorrin, Le Gouguec, Robin, Minehy, Georgelin, Ribouchon, Lambert, Martin, Croizé, Le Scosson, Ecochard, Poizade, Hélion, Moreau, Even, Chevance, Pellen, Raflé, Planté, Strugeon, Le Guernic, Bausson, Breban, Potier, etc. Pendant ces dix ans, c'est chaque année de quinze à vingt baptêmes d'enfants de sabotiers. Ils font tant et si bien qu'en 1826 tous les hêtres avaient été abattus et nos sabotiers durent émigrer ailleurs.

Pendant que les sabotiers s'en prenaient aux hêtres un industriel surnommé « Eutru Coat Cam » parcourait la forêt pour acheter des bois pour la construction des vaisseaux de guerre.

En ces années la population de Berné avait doublé. Au lieu des soixante baptêmes habituels on en compte 117 en 1823, 124 en 1825. Au lieu des 25 décès, on en a 48 en 1819, 83 en 1830, 67 en 1831, 86 en 1832. Qu'ant au nombre de conscrits, il atteignit certaine année 140. Ils firent au Faouëte une entrée triomphale et tapageuse au son des fifres et des tambours. On voulut les canaliser un peu avec l'aide de la maréchaussée. Mais voilà qu'entrent en jeu les lourds pen-bahs et nos gars font reculer les civils du Faouët et les conscrits de toutes les autres communes à plus de deux kilomètres sur la route de Porz-en-Haie.

C'est sans doute à cause de cette échauffourée que les gars de Berné ont eu la réputation d'être quelque peu batailleurs et qu'ils sont craints et redoutés dans certains milieux. (Souvenirs de D. du R.).

Les usines donnèrent-elles satisfaction ? Il est probable que les débuts furent heureux. On le croit dans le pays et un acte du 2 avril 1826 passé en l'étude de M. Turpin, notaire au Faouët nous apprend que la Société anonyme des Hauts-Fourneaux et Forges de Pont Kallec s'agrandit en achetant le domaine congéable du marquis de Malestroit en Berné, Saint-Caradec, Inguiniel et Plouray.

Que se passa-t-il ensuite ? La pauvreté et les difficultés du transport des minerais de Priziac, de Gourin et des Montagnes Noires nous font comprendre que la Société avait beaucoup de frais généraux. D'après la tradition un escroc vient précipiter la ruine et la liquidation. De nuit, un directeur homme véreux, s'enfuit en Angleterre emportant le salaire et les recettes de plusieurs quinzaines. Quoiqu'il en soit en 1833 la Société anonyme dut liquider et vendre le château, l'étang, les usines et le domaine congéable. Les acquéreurs avaient l'obligation de payer non la Société, mais le marquis de Malestroit de Brug.

Quel est ce marquis de Malestroit de Brug ? Nous ne le connaissons que par les actes de vente de son domaine de Pont Kallec. Voici l'ordre possible des aliénations de ce domaine.

Vers 1815 le marquisat de Pont Kallec comprennait : 1° le château, l'étang et la forêt ; 2° les métairies du Léty, de Coëtcardo, Kerihuel-er-lan, Kerhoarni, Cosquer et le Clonze ; 3° Un domaine congéable assez étendu comprenant en Berné : les trois tenues de Saint-Albaud, les grande et petite tenues Cornec du bourg ; Guernemoulin, d'en bas, la Garenne, Kerherio, Kermarec, Kerlosquet, Kerhaff, Kerihuel-er-hoël, Le Léannec, Lanquevellec, Manbihan, Minguen et Manémeur, Ty-neué, Kersivy, Martha, Namouhic, Nervouédic, le Noguelo, Nenevé, Perroze, Parcou-falhum, Poul-er-groez, Porh-en-Tallec (2), Rustuhen, Rehorven (2), Rothu, Toul-es-parc (3) Thy Nicol (2), Le Véchen, Petit Vouëdec, Guernené (3); en Inguiniel : Organ, convenant au bourg, Kermadec, Keranscoët (2) Kerherne, Kerbourden, Locarion, Lieurven, Noguelo ; en Saint-Karadec : Kermanach ; en Plouay : Kerguiscanff, Longeant Mané-Tanguy, Poulligo, Toul-helêne, Toul-es-Clanche ; en Bubry : Cruguello, Keralland, Kernouen, Moulin Chosel, Manémein, Talvern soit soixante-cinq fermes congéables.

Vers 1815 le marquis de Malestroit de Brug dut ceder à la société des Forges l'étang et la forêt pour y construire une verrerie et une fonderie. Peut-être vendit-il aussi son château et les métairies du Léty, Coëtcado, Kerihuel-er-lan, Kerhoarni, Cosquer et le Clonze. Le château était habité par le comte Armand de Galperwich, président du Conseil d'admistration de la Société des Hauts Fourneaux. Tallendeau le procurateur du marquis habitait Plouay.

Le 28 février 1826, par acte passé devant Maître Lamaze notaire a Paris, il y eut une seconde aliénation. Le marquis vendit à la Société des Hauts-Fourneaux tout son domaine congéable de Berné, Inguiniel, Saint-Garadec, Bubry et Plouay, soit les 65 tenues énumérées ci-dessus.

La Société des Forges ne jouit pas longtemps de son domaine. Faisant de mauvaises affaires elle dut liquider.

Le 2 avril 1833, Étienne Le Bourhis, entrepreneur de travaux publics acheta tout le domaine congéable soit les 65 tenues. A cette époque elles étaient louées 4.417 f. 61 et elles furent achetées 145.781 f. 13. Les fermes situées en Berné furent vendues 90.908 francs. Le Bourhis agrandit son domaine de la ferme du Bonnot, mais ne jouit pas longtemps de son acquisition. Il fit faillite et dut vendre à son tour. La vente de son domaine de Berné eut lieu à Pontivy le 25 juin 1840 au Prix de 234.065 francs. En sept ans les terres avaient plus que doublé de prix. Cela tient à ce que les terres avaient été vendues non en bloc, mais ferme par ferme.

En 1833 le château, les usines, l'étang, la forêt et les métairies de Pont Kallec furent achetées par Désiré-Emmanuel,- Délie,- Louis,-Michel,-Timoléon, comte de Brissac.

Les comtes de Cossé-Brissac, les nouveaux propriétaires de Pont Kallec descendaient de l'une des familles les plus illustres de France. Depuis le XVème siècle les comtes, puis ducs de Cossé-Brissac avaient donné à la Bretagne un gouverneur et à la France de nombreux Maréchaux. L'un d'eux, en 1792, paya de sa vie, sa fidélité à la monarchie.

Le comte Emmanuel de Cossé-Brissac réussit, à faire marcher la fonderie et la verrerie jusqu'en 1842. Il augmenta son domaine par de nouvelles acquisions, des défrichements et la construction de bâtiments pour les fermes de Kerhenry et de Kerfernand. Il mourut en 1855 et eut pour héritier Henri de Cossé-Brissac.

Henri, comte de Cossé-Brissac épousa en 1851 Louise-Marie-Mathéa de Veau de Robiac. Ils eurent d'abord trois garçons : Louis, Charles et Robert. Madame la Comtesse désirait une fille et en 1864 elle fit à Sainte-Anne la promesse de lui bâtir une chapelle si son désir était exaucé. L'année suivante le 8 juin 1865 naissait Henriette-Anne-Marie de Cossé-Brissac et quelques semaines plus tard sortait de terre la nouvelle chapelle de Sainte-Anne-des-Bois.

Il y avait bien longtemps que la famille de Rohan-Guéméné avait disparu de la région et ne s'intéressait plus à la chapelle de Kernascléden. Quand le comte Henri de Cossé-Brissac vint s'établir à Pont Kallec il acheta entre autres les halles qui se trouvaient sur la place de Kernascléden et tout un lot de vieilles maisons adossées à la chapelle ne laissant pour passage qu'une petite venelle. Il fit raser toutes ses vieilles masures de manière à dégager la chapelle et à lui donner son aspect actuel. Vers 1880 il construisit un presbytère pour le vicaire en résidence dans ce village, puis il fonda un pensionnat pour filles.

Grâce à ces aménagements Kernascléden était devenu l'un des hameaux les plus coquets de la région. De là tout naturellement l'idée de devenir paroisse et commune pour gérer directement ses intérêts et favoriser le commerce local.

En 1867 les commerçants firent un pétition pour demander l'érection d'une commune à Kernascléden. L'instruction et la discussion de ce projet traînèrent longtemps aux conseils municipaux de Berné, Lignol et Saint-Caradec. Puis ce furent le conseil général et le ministère qui ne se pressaient pas de trancher. Ce ne fut que le 10 décembre 1872 que le Conseil d'État rejeta le projet d'ériger Kernascléden en commune et d'y annexer quelques villages de Berné et de Lignol.

L'administration diocésaine agit différemment. Le 9 octobre 1874, un décret épiscopal érigea l'église de Kernascléden en succursale et détacha quelques villages de Lignol et de Berné pour les rattacher à la section de Kernascléden. De Berné on avait annexé Kerbrest, Kério, Kergoat, Léty, les Forges, Coetcado, Manépile, Kerhenri, Kerfernand, le Bonot et le château de Pont Kallec. Il y eut alors des protestations et des mécontentements. Le 4 juin 1883 un décret rendit au recteur de Berné la juridiction sur les villages qui avaient été détachés de sa paroisse.

Le comte Henri de Brissac ne négligeait pas pour autant son domaine de Pont Kallec. Il acheta de nouvelles fermes, agrandit son parc, fit une nouvelle chaussée et en 1882 on vit un nouveau château s'élever à la place de l'ancien.

Henri de Brissac mourut le 6 août 1887 laissant son domaine de Pont Kallec à son fils aîné Louis-Henri-Marie-Timoléon de Cossé, comte de Brissac. Il ne se maria pas et passa une bonne partie de son temps à Pont Kallec en compagnie de sa mère qui y mourut le 26 novembre 1914 dans sa 86ème année.

C'est le comte Louis de Brissac qui en 1908 construisit à Kernascléden l'école chrétienne des garçons et l'année suivante agrandit celle des filles. Il ne négligea pas pour autant la paroisse de Berné. En 1857 il était parrain de la grosse cloche de l'église paroissiale. En 1889 il faisait édifier au Ganach un des calvaires les plus pittoresques de la région. En 1891 il procurait à la paroisse des reliques de Ste-Anne. Quelque temps après c'est un magnifique ostensoir qu'il offrait à l'église. En 1903 il acquérait à Guerneué un terrain pour permettre à l’abbé Sylvestre, recteur, d'y construire une chapelle au Sacre-Cœur.

Le comte Louis de Brissac mourut en 1925. Dès 1912 il avait cédé son domaine de Pont Kallec à son neveu M. Robert de Durfort de Civrac de Lorge. Second fils de Henriette-Anne-Marie de Cossé-Brissac, devenue duchesse de Lorge par son mariage avec M. Guy de Durfort de Civrac, duc de Lorge, M. Robert de Durfort de Civrac de Lorge est devenu duc de Lorge par le décès de M. Guy de Lorge, son frère aîné mort pour la France le 23 janvier 1915.

Son Excellence Mgr de Durfort de Civrac de Lorge, ancien évêque de Poitiers était l'oncle de M. Robert, le duc actuel. C'est sa présence aux fêtes de Sainte-Anne-des-Bois en 1933 et 1934 qui leur donna un éclat exceptionnel et y fit accourir un grand nombre de pèlerins.

La famille de Durfort de Civrac de Lorge a donné à l'Église beaucoup d'évêques et à la France un grand nombre de Maréchaux. Elle est alliée aux plus grandes familles de Bretagne. Par les Coéquen et les Uzel elle descend des Malestroit. Ce sont donc les Malestroit qui reviennent reprendre possession de leur marquisat. Plaise à Ste-Anne que ce soit pour de longues années !

(L. Kervégant).

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