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L'ANCIENNE BARONNIE DE LA ROCHE-BERNARD

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L'INFLUENCE RELIGIEUSE DES BARONS DE LA ROCHE-BERNARD.

L'histoire religieuse d'une contrée comporte de longs développements sur l'origine de toutes les dévotions, sur les missions, les fondations pieuses, sur la création et la décadence des œuvres de charité et d'instruction, sur le zèle des pasteurs ; elle peut fournir, à elle seule, la matière d'un livre. Un pareil cadre serait hors de proportion avec nos autres chapitres. De même que nous n'avons pas épuisé les détails biographiques dans les notices des barons, nous nous bornerons à dessiner, aussi nettement que possible, les circonstances qui ont entouré le berceau de chaque église. Il nous suffira de retracer brièvement comment les seigneurs ont étendu leur influence, en appelant à leur aide les religieux de Saint-Gildas-des-Bois et de Redon, leurs collaborateurs dans la renaissance religieuse qui s'est produite sous leur impulsion, au XIIème siècle [Note : Il existe une bulle de Boniface IV qui permet aux moines de remplir les fonctions de curé. (Regesta Pont. Rom., I, p. 221.)].

Les architectes et les ouvriers dont ils disposaient, n'avaient pas l'habileté des constructeurs du Poitou et du Centre ; ils manquaient aussi de matériaux propres à la décoration ; néanmoins, ils ont tenté de suivre le mouvement, artistique qui se manifestait dans toute la France. Nos églises rurales, avec leurs ouvertures en plein cintre, leurs claveaux et leurs chapiteaux ornés de figures grimaçantes, nous révèlent que les principes de l'art roman ont pénétré jusque sur les bords de la Vilaine et ont servi de guide dans la réédification de tous les édifices religieux. Les oeuvres plus brillantes de l'art gothique ne doivent pas nous faire oublier les efforts qui furent tentés auparavant par les générations voisines des temps barbares.

On a rendu justice aux Bénédictins de Redon en publiant leur cartulaire, c'est-à-dire le recueil des faveurs temporelles dont ils ont été comblés par les princes bretons. On peut juger par là de toute l'étendue du crédit dont ils jouissaient et de la puissance civilisatrice qu'ils ont exercée dans le bassin de la Vilaine pendant plus de cinq siècles. L'abbaye de Saint-Gildas-des-Bois attend encore un historien, et, cependant, il est incontestable que cette congrégation de solitaires, vouée à la prière, à l'étude et aux travaux de l'agriculture, a été une école permanente d'activité, de morale, d'instruction, et le séminaire d'où sont sortis tous les pasteurs qui ont dirigé les paroisses de la baronnie de la Roche-Bernard pendant plus de quatre siècles.

L'autorité des évêques de Nantes, dont le ressort s'étendait jusqu'à la Vilaine avant 1790, ne s'est fait sentir que tardivement dans cette partie du diocèse, c'est-à-dire quand les abbés ont cessé de résider.

PAROISSE DE SAINT-GILDAS-DES-BOIS.

Saint Gildas est un saint breton, dont le culte a été établi en Armorique, au plus tard, à l'époque carolingienne. Il était en possession du territoire dont nous parlons avant l'arrivée de Bernard ; il était le patron d'une église paroissiale avec circonscription bien déterminée : c'est ce qui résulte de la charte d'établissement du monastère fondé par Simon de la Roche, en 1026. Après avoir installé les religieux sur le domaine qu'il appelle la villa de Lampridic [Note : « Omnia jura et domania quæ in tota contreda et parrochia Sancti Gildasii habere poteram dedi et concessi. » (Dom Morice, Pr., t. I)], et qu'il leur cède en toute propriété, il pourvoit à leur subsistance en leur concédant tous les droits réels et honorifiques qu'il exerce dans le ressort qu'on nomme alors, en 1026, la paroisse de Saint-Gildas.

La fondation étant faite en l'honneur du Tout-Puissant et de ce saint confesseur, il est à présumer que l'abbaye fut construite dans le voisinage de l'église qui lui était dédiée, et que, dans le principe, les moines n'eurent pas d'autre temple que celui des paroissiens. On peut croire qu'ils furent chargés de suite du ministère paroissial, puisque nous voyons que partout les seigneurs dépossèdent alors les prêtres séculiers pour les remplacer par des réguliers.

Les donations arrivèrent si nombreuses au nouveau monastère, que les religieux furent en mesure, à la fin du XIIème siècle, d'élever une église sur de vastes proportions. L'édifice que nous voyons aujourd'hui au centre du bourg de Saint-Gildas-des-Bois, et dont on admire les lignes sévères, n'est pas contemporain de Simon de la Roche. Son style, bien différent de l'architecture lourde et massive de l'époque romane, a subi l'influence de l'art ogival. Quelques fenêtres seulement sont ouvertes en plein cintre ; le système de l'arc brisé a été appliqué aux travées, aux petites fenêtres de la grande nef, aux baies de la tour carrée qui s'élève au-dessus du transept et aux voussures du portail principal. Néanmoins, les ornements des chapiteaux sont encore barbares ; ils se composent de feuillages courts, grossièrement tracés. Il y a plus d'habileté dans les colonnes monocylindriques et les colonnes engagées qui soutiennent alternativement la nef. Le plan d'ensemble représente une croix latine à chevet arrondi, divisée en trois nefs qui s'arrêtent au transept, si on peut appeler nefs des bas côtés étranglés comme des couloirs. Le lambris du chœur et les stalles où les religieux chantaient l'office sont toujours visibles ; ils sont d'un bel effet, surtout depuis qu'ils sont à leur véritable place.

On avait eu, en effet, le mauvais goût de dénaturer l'édifice en remplissant le fond du chœur par cet amas de colonnes, d'entablements et de corniches de style néo-grec, dont on a tant abusé au XVIIIème siècle, pour servir de retables aux autels. On en peut voir encore deux spécimens dans les bras du transept. Pour être à l'aise, les religieux avaient été alors obligés de faire un autre chœur artificiel en boiseries, dans la première travée, où ils se tenaient derrière une grille fixée à deux grands panneaux, sculptés dans le style des autels. De ces colifichets dispendieux on vient de faire un tambour devant la grande porte, où les amateurs de ferronnerie artistique pourront admirer l'habileté des serruriers du XVIIIème siècle. Les autres boiseries ornent avantageusement le chœur depuis qu'il a repris sa physionomie primitive, et les paroissiens, autrefois relégués jusque dans le bas de la nef, peuvent circuler partout à leur aise, dans un édifice qui n'est plus encombré d'inutilités.

Les murs eux-mêmes n'avaient pas été plus respectés que la perspective. Le gros œuvre de l'édifice est en moellons de pierre rouge ferrugineuse, dont l'aspect sévère et original ne cadre pas mal avec l'impression religieuse que produit l'ordonnance générale, préméditée par l'architecte. Quand l'art gothique tomba en défaveur, on s'empressa de le cacher sous cet épais badigeon, si terne, si commun, si froid, dont on a tant usé dans les vieilles églises, sous prétexte de les rendre correctes. Il faut louer le digne prêtre qui a eu la bonne inspiration, dans ces derniers temps, de nous remettre sous les yeux l'appareil primitif si beau dans sa nudité, autant que l'architecte qui a si bien interprété sa pensée.

Nous ferons cependant des réserves sur le chapitre des travaux de restauration et d'achèvement exécutés dans cette précieuse église, type trop rare dans nos contrées des premiers efforts de l'art gothique. Comment se fait-il que l'architecte, qui a si bien compris le respect dû à ce vieux monument, n'ait pas tenté de voiler davantage l'inexpérience de celui qui l'a édifié ? Les bas côtés sont trop étroits pour l'ampleur de la nef ; sans tenir compte des colonnes trop hautes laissées sans emploi contre les travées, ils devaient être élargis, et couverts de voûtes entières, qui auraient utilement contrebuté la nef. On a bien fait d'achever l'œuvre primitive sans doute, en remplaçant le lambris qui couvrait la charpente du chœur, du transept et de la nef par des voûtes en pierre, et de soutenir les murs par des contreforts ; seulement il aurait fallu rester dans la simplicité de la croisée d'ogives du XIIème siècle, et ne pas ajouter les compartiments compliqués du XVème. Tous les travaux neufs ont été exécutés en pierre blanche, parce que, dit-on, la pierre rouge est introuvable aujourd'hui. Il est difficile de croire que la carrière soit épuisée complètement, et qu'elle soit à grande distance. Elle se serait retrouvée sans doute dans les gisements de sable rouge si nombreux dans la contrée, si on l'avait cherchée avec quelque opiniâtreté. Dans tous les cas, il existe des matériaux résistants dont le grain et la couleur s'harmonisent mieux avec le granit que la pierre blanche qu'on a prodiguée partout.

J'ai interrogé en vain les dalles du pavage de l'église, et cherché inutilement quelque fragment d'inscription rappelant la sépulture du pieux chevalier qui fonda l'abbaye. Les pieds des fidèles ou l'insouciance ont fait table rase de tous les souvenirs et passé le niveau égalitaire sur la cendre de ceux qui reposent dans ce sanctuaire. Le cloître, édifié au XVIIIème siècle, ne mérite pas la peine d'être visité ; il a été transformé et tronqué pour les besoins de la communauté de femmes qui remplace les Bénédictins ; mais le grand corps de bâtiment construit par l'abbé de Brancas, sous Louis XV, pour le logement du prieur et des religieux, conserve son aspect majestueux.

Les religieux remplirent seuls les fonctions du ministère paroissial ; ils ne furent remplacés par un prêtre séculier qu'en 1605. Ils gardèrent le titre et les prérogatives de curés primitifs, suivant la règle générale adoptée dans les paroisses soumises à la juridiction d'une abbaye ; ils eurent l'usage du maître-autel, et firent ériger deux petits autels pour les paroissiens. Leur délégué, qui n'était que vicaire perpétuel, suivant la jurisprudence, ne manquait pas une occasion de s'intituler recteur ; cependant il ne put jamais s'émanciper, puisque, jusqu'en 1790, il ne cessa de recevoir sa portion congrue des mains de l'abbé.

Les religieux s'acquirent un tel renom de piété et de régularité que plusieurs seigneurs s'empressèrent de leur confier les églises dont ils avaient le patronage. L'évêque de Nantes, Bernard, lui-même, leur donna le gouvernement de l'église de Missillac. On comptait plus de trente cures ou chapellenies placées dans la dépendance de Saint-Gildas-des-Bois. Ses principaux prieurés sont ceux de Missillac, de Penestin, de Sévérac, de Férel et de Saint-Jacques de la Roche-Bernard. Sur la liste des abbés commendataires, je relève plus d'un nom illustre ; Guillaume Briçonnet, évêque de Saint-Malo, aumônier de la reine Anne, cardinal, surintendant des finances sous Charles VIII, gouverneur du Languedoc sous Louis XII, ouvre la série de ces prélats mondains qui donnaient plus volontiers leur temps aux affaires de l'État qu'à celles de l'Église.

François du Cambout, protonotaire apostolique, issu de la famille des marquis du Cambout, établis à Coislin, prit possession de l'abbaye en 1600.

Deux autres membres de la même famille portèrent la crosse abbatiale de Saint-Gildas : c'est d'abord Sébastien-Joseph du Cambout, celui qu'on nomme ordinairement l'abbé de Pont-Château, dans l'histoire du Jansénisme, et qui se fit remarquer par ses austérités. Pierre du Cambout de Coislin, évêque au siège d'Orléans, puis cardinal, succéda à son neveu et prit possession de l'abbaye le 26 septembre 1670. Ignace de Brancas, qui vint après lui, en 1706, loin de délaisser son bénéfice, consacra des sommes importantes à la décoration de l'église ; c'est à lui qu'on doit la restauration du choeur et la belle porte en fer qui fermait l'entrée [Note : Les sculptures furent exécutées par les frères Girouard, de Poitiers].

Lorsque la Révolution dispersa les communautés religieuses, le personnel se composait d'un prieur, d'un sous-prieur et de 5 religieux qui vivaient sur un revenu de 16,883 livres, dont il faut déduire 9,000 livres de charges diverses. La part personnelle réservée à l'abbé, sur les 25,000 livres que rapportait le temporel de la maison, était fixée à 8,294 livres, sur lesquelles il prélevait 2,812 livres de dépenses obligatoires [Note : Déclarations des bénéficiers. (Arch. de la Loire-Inférieure, série Q].

L'abbaye et la plus grande partie de ses dépendances sont aujourd'hui entre les mains des Sœurs de la Doctrine Chrétienne, congrégation enseignante très prospère, qui fournit des institutrices dévouées à un grand nombre d'écoles.

PAROISSE DE NIVILLAC.

Cette paroisse, située sur le bord de la Vilaine, comme Neuilly sur les rives de la Seine, paraît tirer son nom d'une racine celtique qui aurait le sens de pays arrosé. Les romanistes me donneront tort et se rallieront plus volontiers à l'opinion de M. d'Arbois, suivant lequel la plupart des appellations locales dérivent du nom d'un propriétaire. Les localités appelées Neuilly et Neuillé, d'après cet auteur très accrédité, seraient d'anciens fonds inscrits au cadastre romain sous le nom de Novellius. La forme la plus ancienne de Nivillac c'est Nuilac plebs, à la date de 1063. Cette orthographe n'est pas faite pour leur donner raison (Cartulaire de Redon, p. 259).

Interrogeons l'église paroissiale, la seule qui n'ait pas été reconstruite dans la contrée, bien qu'elle soit peu intéressante ; nous verrons que son gros œuvre accuse l'inexpérience des derniers temps carolingiens. Les murs de la nef, très massifs, très épais, percés d'arcades en plein cintre, sont antérieurs à l'époque romane. Ils étaient si résistants qu'on les a toujours conservés à travers toutes les transformations qu'on a fait subir à l'édifice, au XIIème et au XVème siècle. Le clocher, en forme de grosse tour carrée, coiffé d'une toiture d'ardoises, est placé sur l'intertransept.

Cette paroisse est sous l'invocation de saint Pierre et de saint Paul, deux patrons qui prouvent qu'elle ne doit rien à l'influence bretonne, et que ses origines se confondent avec celles du diocèse de Nantes. La qualité de doyen, que portait le curé de Nivillac, et qui lui assurait le premier rang dans les assemblées du clergé de son climat, est aussi une reconnaissance d'antériorité pour son église. Cette dignité est attachée à la cure de Nivillac et non pas à la succursale de la Roche-Bernard qui n'est rien au point de vue ecclésiastique. Quand l'usage a prévalu de dire le climat et le doyenné de la Roche-Bernard, c'est qu'on voulait faire honneur à la plus grande baronnie du comté Nantais et flatter les seigneurs.

L'église paroissiale de Nivillac n'appartenait à aucun monastère ; elle a toujours été desservie par un recteur à la nomination de l'évêque. Il était cependant assisté et secondé dans l'accomplissement de son ministère, dans son vaste ressort, par deux fondations monastiques : l'une était le prieuré de Saint-Jacques de la Roche, Bernard, dont nous parlons ailleurs, et qui dépendait de l'abbaye de Saint Gildas- des-Bois ; l'autre, érigée sur le bord du grand chemin de Cran à Guérande, sur la lisière de la forêt, au lieu dit Moutonnac, écrit aussi Monthenac (« Prior de Montennac ». Dom Morice, Preuves, t. I, col. 769).

Ce dernier appartenait aux chanoines de l'abbaye de Toussaint d'Angers qui étaient tenus de faire dire la messe dans la chapelle même, par leurs religieux ou par des prêtres salariés, tous les dimanches et fêtes, à heure convenable, en échange des dîmes qu'ils percevaient dans l'étendue de la frairie [Note : Brevet du recteur de Nivillac de 1759. (Arch. dép. G 56)]. Je me suis rendu sur les lieux pour juger de l'importance de cet établissement, et je n'ai trouvé qu'une misérable chapelle dont les murs, bâtis en mortier de terre grasse, sont en partie écroulés. Il en était déjà ainsi en 1573, quand le visiteur de l'Evêché fit sa tournée ; son procès-verbal relate que la maison et la chapelle sont complètement renversés, mais qu'on voit toujours les fonts baptismaux et le tabernacle [Note : « Domus et capella sunt penitus dirute ». (Arch. dép. G 46)]. J'incline à croire que les premières constructions étaient sur le champ de foire de Moutonnac que tout le monde connaît dans le pays, et non pas sur la ferme actuelle.

Le seul fait de la concession d'une foire, au jour de l'Invention de la Sainte-Croix, le 3 mai, atteste l'importance de cette fondation religieuse, et la classe dans une catégorie différente des simples chapelles frairiennes. L'éloignement de l'abbaye mère a motivé plus d'une négligence, et fait oublier la véritable filiation du prieuré de Moutonnac ; c'est pourquoi certains auteurs le rattachent sans raison à l'abbaye de Saint-Gildas ; son supérieur réel était à Angers, suivant le procès-verbal de 1573 déjà cité, et les déclarations du Clergé de 1790.

On ignore à quelle époque et comment les chanoines réguliers de Toussaint d'Angers ont été appelés à desservir une fondation aussi éloignée de leur maison ; les archives ne fournissent aucune lumière sur ce fait assez surprenant, bien qu'il ne soit pas unique. Les moines de Marmoutiers-lès-Tours ont été pourvus de la même manière, au XIème siècle, du prieuré de Pontchâteau et de bien d'autres, dispersés jusque dans les Côtes-du-Nord ; ceux de Saint-Aubin d'Angers et de Saint-Serge, ceux de Saint-Florent sont venus également en Bretagne, vers la même époque, par suite des mêmes nécessités, pour combattre la simonie. La fondation de Moutonnas ne peut être plus récente ; il y a même plus d'une raison pour qu'elle soit antérieure à la venue des barons de la Roche, qui n'ont eu de faveurs que pour Redon, Saint-Gildas et Blanche-Couronne. Pour les prieurés fondés au XIème siècle ou dans les temps postérieurs, nous possédons des chartes de concession ; or, pour l'établissement dont nous parlons, aucun auteur n'a jamais cité d'acte de naissance vrai ou supposé. Cette absence de témoignages est encore un indice de haute antiquité.

Dans le cartulaire de Saint-Aubin d'Angers, il existe une charte de donation qui pourrait bien se rapporter au prieuré dont nous cherchons les origines ; elle est du IXème siècle, et relate que Saint-Aubin reçut de Charlemagne la villa Multonacus, dont l'emplacement n'a pas été déterminé d'une façon certaine par les auteurs angevins. Jusqu'à plus ample informé, je proposerai de l'appliquer à notre prieuré de Moutonnac. Cette identification lui convient d'autant mieux que son nom est la traduction exacte de la forme latine. De plus, la collection de M. le comte de Montaigu contient des monnaies carolingiennes et même romaines, trouvées dans la frairie de Moutonnac. Le chapiteau de granit, sorti des fouilles de Mysti-Courtin, rappelle aussi, par son ornementation, les bijoux et les enluminures de l'époque de Charlemagne.

Il nous reste à expliquer comment ce prieuré, fondé par les Bénédictins de Saint-Aubin, au IXème siècle, est passé ensuite aux Augustins de Toussaint. Ces deux ordres étant à Angers ont pu transiger ou faire un échange. Il y a des domaines, d'abord inscrits dans les donations du cartulaire de Redon, qu'on retrouve plus tard dans les possessions de Buzay, de Villeneuve ou de Sainte-Croix de Quimperlé.

Les documents nous manquent pour suivre les destinées de la paroisse à travers les siècles ; tout ce que nous pouvons dire, c'est que les populations n'ont jamais manqué de secours religieux. La paroisse se subdivisait en frairies, c'est-à-dire en sections religieuses, qui toutes avaient leur chapelle de secours, et où certains bénéficiers venaient, de temps à autre, célébrer la messe. Voici leurs noms : Bezit, Ros, Bosseret, Saint-Pierre, Métairies (les), Saint-Crist, Moutonnac, Ville-au-Porcher (la), Poulduc.

La chapelle Saint-Crist n'était dotée d'aucun fonds de terre; elle était entretenue aux frais des frairiens, qui, suivant leur dévotion, invitaient un chapelain à célébrer les fêtes de leur choix. L'auteur du Dictionnaire archéologique du Morbihan relate que la porte est à anse de panier, que le chœur est construit sur arcades à plein cintre, et que la fenêtre est à cintre brisé, détails qui annoncent de nombreux remaniements ; on y voit une piscine trilobée qui prouverait qu'on y baptisait au XIIIème siècle. D'après M. Rosenzweig, saint Crist ne serait que l'altération de saint Quiric, forme latine de saint Cyr (Dict. archéol. du Morbihan, col. 207). On sait que ce patron est aussi celui de la paroisse d'Herbignac, la plus voisine de Nivillac.

Par suite des deux résidences concédées aux Bénédictins de Redon et de Saint-Gildas, le recteur de Nivillac fut longtemps privé de juridiction sur les vassaux de la dépendance immédiate du château ; il dut les abandonner au gouvernement des réguliers qu'envoyaient les abbés. Il ne put recouvrer la plénitude de son ressort paroissial que le jour où ceux-ci manquèrent de religieux et furent remplacés par des chapelains séculiers. Ce changement de personnel eut lieu au XVIème siècle. Dès lors, l'autorité appartint exclusivement au prêtre pourvu de la cure de Nivillac. Le desservant de la Roche-Bernard, son subordonné, devint le vicaire perpétuel du recteur, et ne porta pas d'autre dénomination dans les actes.

Cette situation inférieure était purement nominale ; en fait, celui-ci était le véritable curé ; car il n'était pas possible d'astreindre les bourgeois de la Roche à se rendre jusqu'au bourg de Nivillac, toutes les fois qu'ils avaient besoin du ministère d'un prêtre pour baptiser un enfant ou enterrer un défunt.

Une transaction était inévitable. En 1649, le vicaire obtint de son recteur un concordat en vertu duquel le droit d'exercer les fonctions rectoriales dans les limites de la ville lui était départi sous quelques réserves acceptables. Le recteur de Nivillac lui permettait d'administrer les sacrements, de célébrer les offices ordinaires, sauf aux quatre grandes fêtes de l'année et le jour de la Saint-Pierre, afin d'obliger les paroissiens de la Roche à se rendre au moins de temps à autre à la mère église (Archives dép. du Morbihan, série G. Nivillac). Ces jours-là, ils n'avaient à leur portée que la messe basse matinale. Les émoluments du vicaire se composaient d'une dotation de 30 livres, fondée par Antoine Hubert, d'un préciput de 10 écus, prélevé sur le produit des quêtes et des offrandes déposées sur les autels de son bénéfice.

Si les engagements contractés, en 1560, par les religieux de Saint-Gildas avaient été appliqués dans leur véritable sens, les bourgeois auraient eu un chapelain supplémentaire, car ceux-ci s'étaient reconnus redevables d'une messe après avoir abandonné la desserte de Saint-Jacques.

Au lieu d'acquitter leur dette à la Roche, ceux-ci s'autorisaient de l'absence de chapelle pour célébrer l'office dans leur propre abbaye. Suivant un aveu de 1693, il en était ainsi sous le règne de Louis XIV (Aveux des abbés de Saint-Gildas - Arch. dép. B). J'ignore si les évêques de Nantes sont intervenus pour rétablir l'ordre des temps anciens.

Notre Dame et saint Jacques sont aujourd'hui relégués au second rang. Le patron qui siège au premier rang dans l'église gothique qui s'élève au milieu de la ville de la Roche-Bernard est saint Michel. Cet édifice est bâti sur l'emplacement d'une autre église du même vocable, qui n'avait guère plus de deux siècles d'existence. En effet, la date de sa construction ne remontait qu'à 1631, époque où M. de Chevreuse permit de démolir le temple protestant érigé en dôme par Dandelot, et d'en employer les matériaux à l'œuvre du temple catholique. Le terrain dont on disposait était si exigu, qu'en 1738 on fut obligé de traiter avec les chanoines de Nantes, et d'arrenter le jardin de la Fuie pour augmenter le cimetière (Arch. dép., G 225).

La première chapelle, dédiée à saint Michel, était située dans le faubourg de Nantes. Il est naturel qu'on ait pensé à la relever une seconde fois, après l'extinction du Protestantisme à la Roche, puisque saint Michel est considéré par les catholiques comme la terreur de l'hérésie. Son édifice a-t-il servi de temple catholique sans interruption, comme on l'a raconté ? Le fait paraît démenti par les détails relatés dans relquête ouverte en 1649, quand les habitants voulurent organiser le service religieux dans leur ville, sans être obligés de se rendre jusqu'au bourg de Nivillac. De leurs dépositions il ressort que la messe du dimanche se célébrait dans l'église de l'Hôpital de la Roche, laquelle était pourvue de fonts baptismaux, de tous les ornements nécessaires au culte, et gouvernée par « deux fabriqueurs ». Il n'est pas admissible que, même après l'édit de pacification de Charles IX et la Saint-Barthélemy, la léproserie de Saint-Michel, nommée aussi l'Hôpital, ait servi de lieu de réunion aux catholiques, puisqu'elle était souillée par les sépultures de Dandelot et île sa femme. Quand on parle de messes célébrées à l'hôpital, après 1570, il faut chercher cet édifice ailleurs.

Du côté du port, il existait certainement une aumônerie, près de la rivière, pour le service des voyageurs qui avaient besoin de repos, avant ou après le passage de la Vilaine. Elle était sous l'invocation de saint Julien, un saint aumônier, qu'on trouve fréquemment dans les localités sises sur les grands chemins. La chapelle de l'hôpital, citée dans le procès-verbal de visite pastorale de 1573, ne peut être que celle de l'aumônerie du port. Celle-ci avait un autel dédié à saint Julien, dit l'archidiacre, où se desservaient des chapellenies ; or les chapelles n'ont qu'un autel, celui de leur patron. Au sommet du rocher du Ruicard, les vieillards ont vu les restes d'un édifice qui ressemblait à une chapelle. Les derniers débris qui sont sous nos yeux sont sans doute les ruines de celle qui fut dédiée à saint Julien.

Quant à l'édifice consacré à Notre-Dame, il ne peut y avoir d'hésitation ; la chapelle moderne qui est sous cette invocation, au-dessus du vallon de la Garenne, doit marquer le lieu où les religieux de Redon s'établirent quand ils furent appelés par Bernard. On ignore l'époque où elle sortit de leurs mains pour passer dans la dépendance du prieuré de Penbé, situé paroisse d'Assérac.

De 1631 à 1790, le service paroissial fut célébré sans interruption dans l'église de saint Michel, avec le concours de deux fabriqueurs. Pendant cette nouvelle période, les fondations de chapellenies furent nombreuses. Je citerai le bénéfice de la messe du Rosaire, la messe du dimanche matin, si importante pour les laboureurs, les messes du S. Sacrement, fondées par MM. du Boissy et Giraux, les messes des jours de la semaine, fondées par les familles Guiton, Logodin, Pron, Hubert, enfin la création d'une mission tous les dix ans, par M. et Melle Jego.

Les revenus de la fabrique de la Roche consistaient simplement dans la location des bancs de l'église aux fidèles. Le concours du comte de Boisgelin fut donc accueilli avec empressement le jour où l'église devint trop petite pour la population. En 1781, la ville fut autorisée à prendre, dans la forêt de la Bretesche, tout le bois dont elle avait besoin, pour ajouter deux chapelles et un bas côté aux premières constructions de 1630. Au point de vue de l'art, ces additions, commandées par la nécessité, laissaient beaucoup à désirer. Un nouvel édifice, construit dans le style gothique, s'élève à la place de l'ancien, et, sur le terrain du cimetière, la ville a établi une vaste place, qui n'est pas superflue, les jours de marchés.

Nous avons peu de détails à donner sur le chef-lieu de la paroisse. En 1759, le recteur de Nivillac déclarait que sa cure lui valait un revenu de quinze ou seize cents livres, et qu'il avait trois mille communiants. Trente ans plus tard, à la veille de la Révolution, le titulaire accusait mille communiants de plus, avec un revenu de trois mille cent livres. Sur ce fonds, il fallait vivre avec trois vicaires, y compris celui de la Roche-Bernard, et entretenir deux chevaux à l'écurie.

D'après un état dressé en 1787, la fabrique possédait un revenu de soixante et une livres quinze sous, provenant de rentes foncières ou de constituts, sans parler, bien entendu, des fonds affectés au service des légats et chapellenies que seize personnes avaient voulu fonder dans l'église, au profit de quelques bénéficiers dispersés dans le diocèse (Arch. dép., G. 56).

PAROISSE DE MISSILLAC.

Le centre paroissial de Missillac n'est pas aussi bien déterminé que les autres ; il a varié suivant les époques, et l'église actuelle marque le troisième déplacement. Néanmoins on peut affirmer que l'agglomération principale n'a jamais dépassé les proportions d'un petit bourg. Je sais bien qu'on donne le nom de ville au groupe de maisons qui s'est formé au nord, sur l'éminence du Tertre, mais c'est par un abus de langage très fréquent chez nos pères. Les anciens étaient très vaniteux ; ils s'érigeaient en ville, dès qu'ils réunissaient sur un point quelques maisons bourgeoises. Quand on voit un titre de 1544, énumérant les tenanciers et vassaux de la Roche-Bernard, citer « la ville de Missillac », il ne faut pas y attacher trop d'importance; cela signifie simplement que le Tertre contenait les principaux habitants du pays. Ce village se compose encore aujourd'hui de constructions plus hautes et mieux aménagées que dans les autres contrées de la paroisse, comme s'il n'avait pas voulu déchoir.

D'après la tradition, la première église paroissiale fut bâtie au Tertre, dans l'endroit marqué par une croix et un vieil ormeau. Ses fondations devaient remonter aux temps mérovingiens, car le nom de Missillac n'est pas moins ancien que celui des paroisses environnantes ; il dérive d'une forme voisine de Mezelliacus, inventée à l'époque de la basse latinité. La plus ancienne orthographe connue par les titres est Meizillac, citée en 1287 (Charte de l'évêque Durand. - Cart. de Redon, p. 507), dont on a fait au XVème siècle Mersillac (Aveu de la Roche-Bernard de 1419. - Arch. dép., B. Sénéch. de Nantes). Saint Pierre, son patron, la classe également dans la série des églises de fondation gallo-romaine, et non bretonnes.

Son cimetière s'étendait très loin, sur le versant : en faisant la nouvelle route qui conduit au presbytère, on a coupé des cercueils en calcaire coquillier, dont personne ne soupçonnait la présence. Je n'ai pu en voir un seul entier, ni essayer de déterminer la date de quelques types.

Il est impossible de savoir, par les titres, à quelle époque disparut l'édifice du Tertre. Il est à croire qu'il fut très négligé quand les religieux de Saint-Gildas furent appelés, par les barons de la Roche, au gouvernement de la paroisse, au XIIème siècle. Le village dit le Prieuré marque l'emplacement où ils s'établirent et où ils élevèrent leur église particulière, suivant toute vraisemblance. Les archives de l'abbaye de Saint-Gildas ont été réduites à un tel état que nous n'osons rien affirmer ; nous raisonnons d'après les habitudes générales. L'église principale, qui a été démolie, il y a dix ans, et remplacée par l'église actuelle, ressemblait plutôt à une chapelle qu'à un édifice paroissial. On y voyait des vitraux d'une véritable valeur artistique, qu'on a eu la bonne inspiration de replacer dans la nouvelle église, et quelques sculptures qui n'étaient pas sans mérite [Note : M. de Kersauson, qui a étudié les vitraux de Missillac, y a relevé les armes des Coligny et de l'abbé du Cambout, avec la date de 1600. (Rev. de Bret. et de Vend., septembre 1884)].

Elle se composait d'une nef très basse lambrissée, et d'un seul collatéral. C'est une troisième fondation que je serais tenté d'attribuer, avec la tradition, aux Chevaliers du Temple. Il est certain que la commanderie de Faugaret, en Assérac, possédait une résidence à Missillac, comme elle en avait à Saint-Dolay et à Férel, sur le passage des grandes routes. Les vieillards connaissent l'endroit où s'élevait la maison du Temple dans le bourg ; ils montrent, à l'est de l'église, l'emplacement qu'elle aurait occupé. Dans les maisons Marsac et Guiheneuf, on a vu des restes de construction ressemblant à un cloître et à un édifice conventuel, qui venait rejoindre l'église démolie, avant l'ouverture de la route de Saint-Gildas. On peut donc croire que leur chapelle, après la destruction des deux précédentes, est devenue l'église paroissiale, dans le cours du XVIème siècle.

Le plus ancien recteur connu, d'après les registres paroissiaux, est l'abbé Pelaud, qui assista, dit-on, au premier prêche protestant à la Bretesche, parmi les curieux de nouveautés. Ses successeurs ont tous été des prêtres séculiers, absolument indépendants de l'abbaye de Saint-Gildas ; seulement ils s'intitulaient prieurs recteurs, pour rappeler, suivant l'usage, qu'ils gouvernaient une paroisse soumise, avant eux, à des réguliers. On s'étonne que ceux-ci, une fois dépossédés du ministère paroissial, aient continué à percevoir des revenus comme auparavant ; cependant le fait est positif. Le produit de leurs fermes de Missillac eût été sans profit pour la subsistance des prêtres qui avaient les soucis et les charges de l'administration, sans les réclamations des intéressés. Le recteur Thibault, en 1699, porta plainte au Présidial de Nantes, dans des termes qui sont instructifs. Il relate que, depuis deux siècles, le prieur était tenu de faire célébrer chaque dimanche la messe du matin, en l'église de Missillac, plus deux autres messes dans la semaine, de chanter les vêpres le samedi, d'assister aux grand'messes et aux vêpres du dimanche.

Quand le prieuré, c'est-à-dire les revenus qui y étaient attachés, fut réuni plus tard à la mense du monastère, les messes de la semaine tombèrent en désuétude, dit le plaignant. C'est alors que les paroissiens plaidèrent avec leur curé et obtinrent gain de cause devant toutes les juridictions [Note : Il y a un arrêt de la cour de 1701, dit le brevet de 1787. (Brevets des recteurs, arch. dép. G)]. Les religieux de Saint-Gildas n'étaient pas ruinés par les conséquences du procès, puisque, d'après un mémoire du recteur Chatellier, la ferme des deux prieurés d'Herbignac et de Missillac leur rapportait deux mille cent vingt-cinq livres, en 1708, et la veille de la Révolution, en 1787, ils tiraient encore dix-huit cents livres par an de la paroisse de Missillac. Le curé vivait sur un revenu de deux mille livres.

Le territoire de Missillac était très étendu, dans les siècles antérieurs à Louis XIV ; le curé exerçait sa juridiction depuis la Vilaine jusqu'aux rives de la Grande-Brière ; il était donc impossible qu'une seule église pût suffire aux besoins d'une population aussi peu agglomérée. A une époque où l'entretien des chemins n'entrait pas dans les habitudes, comment aurait-on pu administrer le baptême aux enfants et enterrer les défunts, quand certains feux étaient éloignés de deux lieues et plus de leur clocher ?

Avec le concours des seigneurs, les paroissiens édifièrent des chapelles rurales sur différents points du territoire, et se cotisèrent, par section ou par frairie, pour subvenir aux frais du culte et à l'entretien d'un chapelain qui demeurait près d'eux, ou venait souvent les visiter. Les frairies ne sont pas autre chose, en Bretagne et dans une partie de la Loire-Inférieure : ce sont des subdivisions paroissiales qui sont nées, avec la piété des fidèles, du besoin de rapprocher le prêtre de son troupeau, et d'organiser les secours religieux.

On ne comptait pas moins de sept frairies dans la circonscription de Missillac. La frairie du Marais, avec sa chapelle de Notre-Dame de Toutes-Aides, devint église tréviale, le 24 octobre 1716. Elle avait été fondée, le 17 janvier 1642, par un bienfaiteur dont le nom est resté inconnu. Le 10 juin 1771, on en a fait une église paroissiale, à la charge de payer une redevance de 24 sous pour la cure de Missillac.

La frairie de Tournolie, dont la chapelle était à la Haie-Eder, sous l'invocation de sainte Luce, possède un édifice qui dépasse les dimensions d'une chapelle privée ; il n'a pu être bâti que pour un service public. Suivant la tradition, la fondation remonterait au temps du combat des Trente, et serait la suite d'un voeu fait par un seigneur de la Haie, nommé Robert Eder.

La frairie de Toussaint avait sa chapelle à Coëtquen ou à la Tournerie ; elle n'est plus qu'à l'état de souvenir.

Il y avait une frairie nommée Saint-Diis dans les vieux titres ; cependant, on ne connaît aujourd'hui que Saint-Laurent, dont la chapelle a été réédifiée, à la Briandais, par M. Rousselot. On y invoquait saint Corneille pour la guérison des bêtes à cornes.

La frairie de Bergon n'a pas conservé de renseignements sur sa chapelle.

Le bourg formait également une frairie qui entretenait une chapelle, dédiée à Notre-Dame, qui était sans doute desservie dans l'église paroissiale.

La frairie de Téhillac est celle qui paraît avoir été la plus importante et la plus ancienne. Elle possédait deux édifices religieux : l'un dédié à saint Lienne ; l'autre, sur le bord de la Vilaine, dans le petit bourg qui se nomme aujourd'hui Téhillac. Ce dernier devint le chef-lieu d'une succursale qui fut érigée, en 1642, au même rang que les églises tréviales, c'est-à-dire qu'elle eut sa fabrique, ses fonts baptismaux et son tabernacle. Les paroissiens n'étaient tenus de paraître à l'église paroissiale de Missillac que les jours de grande fête, et recevaient les sacrements des mains du vicaire que leur envoyait le recteur.

Le vocable de l'église de Téhillac mérite de fixer notre attention ; c'est Saint-Pierre-le-Moûtier.Voilà un nom qui ne désigne pas une frairie ordinaire, il ne convient qu'à une construction habitée par plusieurs religieux. Dans le temps où l'abbaye de Saint-Gildas desservait seule la paroisse, elle n'y envoyait certainement pas plus d'un religieux à la fois : ce ne peut donc être là l'origine de cette appellation de Moûtier. Il faut chercher ailleurs, et observer qu'il est surprenant qu'on ait donné le même patron à la fille et, à l'église mère ; ce double emploi dans la même circonscription est contraire aux usages. Il paraît indiquer que les deux fondations sont contemporaines, ou bien qu'à une époque reculée, la trêve fut indépendante.

L'église actuelle ne peut rien nous révéler, elle est moderne ; celle qui la précéda avait les caractères de l'architecture gothique, ses portes étaient à cintre brisé et à colonnettes simples ; elle renfermait la tombe de Jacques de Téhillac, mort en 1545. C'est tout ce qu'un observateur de passage a noté (Rosenzweig, Dict. archeol. du Morbihan, col. 208). Une étude approfondie des matériaux employés et de l'appareil de la maçonnerie n'a pas été faite, malheureusement, pendant la destruction ; elle nous aurait sans doute signalé des caractères plus anciens. En examinant le sol et les décombres, j'ai rencontré des briques à rebords qui nous reportent de suite au moins au IVème siècle ; ce qui n'a rien d'étonnant, puisque nous sommes en face de la cité romaine de Duretie et de sa fille, l'antique ville de Rieux.

Dans une vie de saint Aubin, écrite au XIIème siècle, on lit un passage que les auteurs angevins n'ont pu adapter à aucune de leurs localités d'une façon irréfutable, et qui, chez nous, paraît applicable à notre petit bourg de Téhillac. Le biographe trop laconique raconte que ce personnage alla se réfugier dans un monastère qu'il nomme Tincillacense monasterium, sans indiquer la situation. Téhillac n'est-il pas la traduction toute naturelle de ce nom ? Saint Aubin n'est pas, du reste, un étranger pour les populations des rives de la Vilaine ; il existe en Nivillac une vieille maison noble appelée la Ville Aubin, qui fut une seigneurie ; et de plus, la ville de Guérande a placé sa principale église sous son patronage, en souvenir de la protection visible qu'il lui accorda pendant une attaque des Normands. Son biographe nous dit encore que saint Aubin était originaire du pays des Vénètes [Note : Vita sancti Albini, fo 96. (Bibl. mun. d'Angers)], dont les limites comprenaient le pays guérandais, et nous avons encore, dans la même paroisse de Nivillac, un prieuré dépendant d'une abbaye d'Angers, ville dont saint Aubin fut évêque, Le hasard n'accumule pas autant de rencontres étonnantes, autant d'événements concordants. C'est pourquoi nous sommes fortement enclin à admettre la possibilité de relations intimes entre les religieux de l'Anjou et nos populations. Dans cette hypothèse, ceux-ci auraient été les précurseurs des Bénédictins de Redon et de Saint-Gildas, à l'époque carolingienne.

PAROISSE D'ASSÉRAC.

La paroisse d'Assérac est sous l'invocation de saint Hilaire, évêque de Poitiers au IVème siècle, patron qu'on rencontre assez souvent sur la rive gauche de la Loire, mais dont le renom n'a guère franchi ce fleuve. On est surpris de le voir sur les bords de la Vilaine. Je me demande par suite de quelles circonstances son culte est arrivé jusque-là, et en interrogeant l'histoire, je ne vois qu'un fait qui l'explique : c'est le voyage de Fortunat, évêque de Poitiers au VIème siècle, au pays guérandais, dans la patrie de saint Aubin. Il y a dans les œuvres de ce poète un morceau dans lequel il raconte que l'évêque d'Angers l'emmena aux cérémonies de la fête de saint Aubin, et que, dans ce voyage, il visita la cour de Piriac et Téhillac. Que l'identification de ces deux localités avec les termes du poète ne soit pas indiscutable [Note : Fortunati opera. Prima pars, cap. XXVII. (Coll. Migne, t. 88, p. 360)], je le concède ; cependant on m'accordera que la présence du nom de saint Hilaire sur les bords de la Vilaine, jointe aux vraisemblances d'une visite de l'un de ses successeurs, est un motif suffisant de croire que la paroisse d'Assérac a pu recevoir des reliques de saint Hilaire, dès le VIème siècle.

Le nom d'Assérac est ancien ; il devrait être écrit Acérac [Note : Azarac en 1160. (Arch. dép. H 460)], suivant la forme adoptée dans les actes du XIIème siècle. Sa racine Acer a été empruntée à un nom de propriétaire qui possédait le principal domaine du bourg, à l'époque mérovingienne. D'Acer on a fait Aceracus, en suivant la loi commune qui nous a fourni tant de désinences en ac, accolées à des noms d'hommes ; de même que Macer a donné Maceracus, et Severus a donné Severacus. Nous sommes donc ici encore sur un terrain latin [Note : D'Arbois de Jubainville, Recherches sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités. Paris, 1890, 1 vol. in-8°].

La paroisse d'Assérac fut pendant des siècles aussi étendue que Missillac. Son recteur aurait été fort embarrassé pour suffire seul aux nécessités de sa vaste juridiction, s'il n'eût été assisté par plusieurs collaborateurs. Les habitants des rivages de la mer avaient près d'eux deux fondations du XIème ou du XIIème siècle : le prieuré de Notre-Dame de Penbé, desservi par les religieux de Redon, et le prieuré de Penestin, dépendant de l'abbaye de Saint-Gildas-des-Bois, et dédié au même saint (Cartulaire de Redon, p. 520). Quand la défaveur tomba sur les institutions monastiques, le recteur fut obligé d'envoyer un vicaire qui résidait à Penestin, jusqu'au jour où les trois frairies de l'Armor, de Tréhiguier et de Penestin réunies adressèrent une requête à l'Évêché, pour se plaindre des inconvénients de leur situation subalterne. M. de la Muzanchère trouva leurs raisons si bonnes, qu'il prononça la séparation, le 6 mai 1767, et érigea en succursale la petite église de Penestin, en lui assignant pour ressort les deux frairies limitrophes. De vicaire, le desservant fut élevé à la dignité et au titre de recteur ; mais il fut obligé de reconnaître constamment, par des marques visibles, la supériorité ancienne de l'église d'Assérac„ en servant au recteur de cette dernière une rente annuelle de vingt-quatre sous. Les marguilliers de Penestin payèrent la même redevance à ceux d'Assérac, pour rappeler aussi qu'ils étaient les derniers venus : tant était vivace chez nos pères l'esprit de tradition.

Par le fait de cette érection, le recteur d'Assérac perdait le tiers de ses paroissiens. Pour le dédommager, il fut convenu qu'il continuerait, comme par le passé, de toucher de l'abbaye de Saint-Gildas-des-Bois la rente de sept boisseaux de seigle et de froment que celle-ci devait à raison des novales de Penestin. Cette compensation n'était pas superflue, car il avait de nombreux concurrents dans la jouissance des dîmes de sa paroisse. Les fermiers de la commanderie de Faugaret payaient aux chevaliers de Malte douze cents livres ; le fermier du prieuré de Penbé, versait aux religieux Irlandais, en 1779, une rente de quatre cents livres ; les chanoines de Nantes tiraient de ce ressort le tiers des dîmes du vin et du grain, estimé en argent huit cents livres ; enfin plusieurs seigneurs enlevaient quatre cents livres environ par le moyen de dîmes inféodées. On voit, par le seul exemple de la paroisse d'Assérac, que le produit de la dîme, avant 1789, ne profitait guère au clergé séculier. Les frairies qui se partageaient le territoire de la paroisse étaient :
Le bourg, L'Armor, Isson, Tréhiguier, Limarzel.

La chapelle la plus connue était celle qui avait été élevée au passage ou trépas de Pont-d'Arm, sous l'invocation de saint Jean, qui fut aussi le patron des chevaliers hospitaliers établis à Faugaret. Elle eut un chapelain résident et muni de pouvoirs étendus, dont on montrait naguère le presbytère en lui donnant le nom de cure. Les offrandes des fidèles et des pèlerins suffisaient aux besoins de l'entretien de l'édifice.

Au point de vue architectural, l'église d'Assérac méritait une étude approfondie qui n'a pas été faite avant sa démolition. Les renseignements sommaires qui nous sont parvenus sur sa forme et sa décoration doublent nos regrets, et ne compensent pas le vide causé par sa disparition. Son plan représentait une croix grecque à trois chapelles, et son origine romane se trahissait par la naïveté des figures sculptées sur les chapiteaux, autant que par la grossièreté des feuillages. Cinq arcades en plein cintre séparaient la nef de l'un des bas côtés, et reposaient sur des piliers ronds. Les arcades du transept avec leurs piliers octogones, la porte de l'ouest avec son ouverture en anse de panier et ses feuilles frisées, la porte du sud avec son pinacle et son arc surbaissé, les fenêtres avec leurs meneaux tourmentés en cœurs et en flammes, annonçaient que des restaurations importantes avaient été exécutées à la fin du XVème siècle. Le seul reproche qu'on pût lui faire était son défaut d'ampleur. Au lieu de la conserver pour une destination quelconque ou de l'agrandir, on a jugé nécessaire de la raser et de la remplacer par une église neuve qui aurait pu tout aussi bien être élevée sur un emplacement différent. Vains regrets ! Nos marguilliers ne consentiront jamais à entretenir un édifice hors d'usage pour le seul plaisir des archéologues.

PAROISSE DE CAMOEL.

Les origines de cette paroisse sont intéressantes à étudier à divers points de vue ; elles éclairent les commencements toujours obscurs de beaucoup de communes, et les circonstances qui ont déterminé leur formation. Aussi loin que nous pouvons remonter, à l'aide des chartes du précieux cartulaire de l'abbaye de Redon, qui est le grand livre de l'Église bretonne, nous constatons qu'au XIème siècle, ce territoire composait une paroisse distincte qu'on désignait sous le nom de plebs Gavele. Son église était dédiée à saint Gaudens, un saint de l'église latine (sanctus Gaudentius) qui a dû être importé du Midi, et qui n'a peut-être pas eu d'autre sanctuaire en Bretagne. Il ne peut y avoir de doute sur l'application de ce nom : le bienfaiteur qui figure au recueil est Simon de la Roche-Bernard. Il donne aux religieux de Redon un domaine délimité par un fossé et un ruisseau, qu'on appelle Villa Camarel [Nota : « Villam vocabulo Camarel circumcinctam ex parte una rivulo et ex altera fossatico. Hæc villula sita est in plebe Gavele, super Visnoniae flumen » (Cartulaire de Redon, p. 259)], c'est-à-dire un de ces nombreux territoires défrichés par des Gallo-Romains, qui ont laissé dans notre géographie locale tant de lieux-dits latins, tels que la Ville-Aubin, la Ville-ès-Martin, la Ville-David et tant d'autres. Ni saint Gaudens, ni Gavelé ne sont plus connus aujourd'hui : ils ont été supplantés, je ne sais à quelle époque, par le nom de Camoël et par saint Martin qui est le patron de la paroisse actuelle. Bien des fillettes ont ainsi effacé l'église mère. Réduit aux seules lumières de l'induction, j'imagine que des religieux venus de Tours, et mieux accueillis que ceux de Redon, ont importé le culte de saint Martin de Tours, en établissant une chapelle dans le village de Camarel, et que de cette fondation il est sorti un nouveau bourg, qui a donné son nom à toute la circonscription paroissiale [Note : Les religieux de Marmoutier-lès-Tours avaient un prieuré à Pont-Château dédié à saint Martin].

Nous verrons que la ville de la Roche n'a pas eu d'autres débuts, et nous avons de bonnes raisons de croire que bien d'autres paroisses se sont développées autour d'un domaine ancien, sur lequel un riche propriétaire avait appelé des apôtres du Christianisme. Camarus est un nom d'homme qui existe en basse latinité ; son domaine s'est appelé Camaracus, selon les habitudes du VIème siècle : et de là sont dérivées les formes de Camaret en Penestin, de Camarec, village d'Elven, et de Camarel, en Gavelé. De Camarel la langue vulgaire a fait d'abord Camaël, puis Camoël. Toutes les fois que le nom d'une paroisse peut dériver d'un nom de propriétaire, il y a donc lieu d'examiner s'il n'est pas possible d'en tirer les mêmes déductions que pour Camoël. Il est moins facile d'expliquer comment Camoël, après avoir été une paroisse, tomba au rang de trève d'Assérac, et se releva ensuite de cette déchéance. C'est un fait qui a été constaté dans les titres, et qu'on est obligé d'enregistrer sans commentaire (Rosenzweig, Dict. topogr. du Morbihan. Voir au mot Camoël).

Elle est dans le même cas que les autres communes des bords de la Vilaine ; elle doit ses commencements à l'initiative généreuse d'un baron de la Roche-Bernard.

HERBIGNAC.

La paroisse d'Herbignac est encore une de celles qui furent placées dans les dépendances de l'abbaye de Saint-Gildas-des-Bois, dès le XIème ou XIIème siècle. L'ancienne église, en partie reconstruite au XVème siècle, remontait à cette époque, comme le témoignaient plusieurs arcades romanes et la tour édifiée au-dessus du transept. Ses patrons, saint Cyr et sainte Julitte, ne sont pas répandus dans le diocèse de Nantes ; ils étaient seulement honorés à Nantes dans un prieuré de l'abbaye du Ronceray, sous les murs de la ville, et à Saint-Cyr-en-Retz. Leur culte a été importé par les missionnaires venus de la métropole de Tours ou de l'Église d'Angers, et non pas par les prêtres de l'église bretonne [Note : Saint Cyr est un saint du IVème siècle]. Cette filiation spirituelle nous reporte bien avant le Xème siècle. Le nom lui-même d'Herbignac, qu'on trouve orthographié Irbiniac dans les recueils du Moyen Age, dérive d'une forme latine qui lui donne le même âge que les paroisses d'Assérac, de Nivillac, de Missillac et de Sévérac.

Le territoire de la paroisse d'Herbignac était très étendu ; il fut sectionné, comme celui des recteurs voisins, pour l'organisation du service religieux. On ne comptait pas moins de dix-neuf frairies dans cette seule circonscription paroissiale, ce qui prouve que le pays était très habité, car il fallait trouver des ressources pour l'entretien des chapelles et des titulaires. En voici la liste : Arbourg, Kerobert, Quillio, Armes, Landieule, Rohello, Bourg (le), Langâtre, Tregu, Brezanvé, Marlay, Tremant, Cozculan, Pontpas, Tremoré, Grée (la), Querras, Hoscat, Querru.

La principale chapelle était au bourg de Férel, dont la fondation, voisine d'une résidence de Templiers, est attribuée à la générosité de ces chevaliers. L'édifice, toujours debout, est d'une simplicité qui ne se prête à aucune description ; il contient pourtant des fresques à personnages dans le goût du XVème siècle [Note : Monographie de la paroisse de Férel, par J. de Kersauson, p. 20 et 21. Br. in 8°. Vannes, 1891]. Le petit bourg qui l'environne s'est développé d'autant mieux qu'il est traversé par la voie romaine de Saint-Nazaire au gué de l'Isle. Le soin avec lequel on avait décoré le lambris, le vitrail offert par François et Claude de Rieux prouvent qu'il y avait certainement là un centre actif de vie religieuse dès le XVème siècle. Le desservant était plus qu'un bénéficier ; il avait rang de vicaire et tint, pendant longtemps, ses pouvoirs de l'abbé de Saint-Gildas.

Par décret épiscopal en date du 19 juin 1749, le vicariat de Férel fut érigé en cure, sans cesser cependant d'être à la présentation de l'abbé de Saint-Gildas. Cette décision était prise pour mettre fin à une situation singulière. D'abord maîtres de la paroisse entière d'Herbignac, les religieux s'étaient vu déposséder de la cure ou rectorerie par sentence de la Chambre des Requêtes de 1674, à la suite de laquelle ils demeuraient simplement patrons du vicariat. Les accords, conclus après divers procès jugés au Parlement, portent que les deux titulaires vivraient à côté l'un de l'autre, comme deux co-recteurs. Ils changeaient d'église et de territoire de semaine en semaine : l'un remplissait les fonctions curiales à Herbignac pendant que l'autre s'en acquittait dans la trève de Férel. Ce double ministère, connu en Bretagne, s'appelait l'alternative. Il était établi pour compenser et équilibrer l'inégalité des revenus et des charges afférentes aux deux bénéfices. Leurs prérogatives, leur autorité, leur juridiction étaient égales, sans distinction de temps ni de fêtes, même les plus solennelles ; mais l'église d'Herbignac était seule reconnue pour être l'église mère ou matrice, suivant l'expression de l'époque. Dès que la cure de Férel fut érigée, les habitants s'empressèrent de construire un presbytère, et le domaine vicarial, situé près du bourg d'Herbignac, fut aliéné judiciairement.

Les autres chapelles remarquables étaient celles de Pontpas, dédiée à saint Jean, sans doute en reconnaissance des offrandes faites par les chevaliers de Saint-Jean de Faugaret. Elle jouissait d'un droit de foire, le 6 mai, jour de la fête de saint Jean Porte-Latine. La chapelle de Marlay a dû être également patronnée et dotée par les maîtres de la commanderie de Faugaret.

PAROISSE DE SAINT-DOLAY.

Saint-Dolay, en latin Sanctus Aelvodus, ou en français Saint-Elvoy, paraît être une paroisse non moins ancienne que les précédentes (Cartulaire de Redon, anno 916, p. 228). Elle a un patron emprunté au martyrologe breton, qui indique une fondation peu postérieure aux invasions bretonnes du VIème siècle. Il y a peu de temps que l'orthographe de son nom est arrivée à la forme actuelle ; les registres du temps de Louis XIV portent toujours la désignation de Saint-Elvoy, qui est la vraie traduction de Sanctus Aelvodus. A moins d'être philologue, il est difficile aujourd'hui de retrouver le patron de la paroisse sous la forme de Saint-Dolay, et cependant la filiation est certaine ; elle est de même ordre que la mutation de Sanctus Leobinus en Saint-Lumine : on dit d'abord Saint-Deloy, puis Dolay [Note : Le Cartulaire de Redon cite une donation de Bernard de la Roche, située in Beati Deloci diocesi ; cette forme me paraît étrange pour l'époque. L'acte est de 1095 (p. 340). Le D est euphonique comme le T dans la locution où va-t-il].

Cette paroisse est la seule qui n'ait jamais été scindée, comme ses voisines, en plusieurs trèves ; elle est demeurée sans changement dans ses limites à travers les siècles, bien que son périmètre soit tracé très singulièrement. Certains villages voisins du bourg de Missillac dépendent de Saint-Dolay, et les habitants de Téhillac, qui touchent Saint-Dolay, étaient obligés de traverser ce bourg pour venir à Missillac à la messe, le jour de Pâques, c'est-à-dire de faire près de trois lieues.

D'après un acte du XIVème siècle, les réguliers avaient été en possession de l'église de Saint-Dolay comme des églises voisines au XIIème siècle, mais ils se montrèrent ici moins jaloux qu'ailleurs de conserver leur influence. C'est un fait qui résulte d'un accord conclu en 1356. A cette date, il y avait un prêtre qui portait le titre de recteur de Saint-Dolay, et qui mettait en demeure un prieur, établi dans la même circonscription, de lui fournir son concours dans l'exercice du ministère paroissial, notamment pour les confessions et les messes de Requiem. Le prieur, qui était sans doute un religieux de Redon et qui n'avait pas d'obligations bien déterminées, paraît-il, envers la paroisse, consentit à célébrer quinze messes par an, à la condition qu'il recevrait une rente de huit mines de seigle (Archives de la fabrique de Saint-Dolay).

Les recteurs avaient aussi pour collaborateurs les bénéficiers et chapelains qui desservaient les frairies. On en comptait dix dont voici les noms : Le bourg, Bodelucet, Cran, Bezot, Burin, Bodelneuf, Lermot, Lesquillio, Lormois, Tredoré.

La frairie de Lermot possédait une chapelle, dédiée à sainte Anne, dont on peut admirer encore aujourd'hui l'architecture. L'édifice est construit en si beaux matériaux de granit appareillé, qu'il a pu défier les ravages du temps. La sculpture du gothique flamboyant s'épanouit sur les contreforts surmontés de pinacles, sur les pignons, autour des fenêtres et des portes. On voit des figures d'hommes et d'animaux sur le larmier et au-dessus des formerets, des meneaux, des niches, des accolades, des trilobes finement travaillés. C'était évidemment l'édifice religieux le plus parfait de tous ceux qui s'élevaient sur les terres du baron de la Roche-Bernard. Les frairiens de Lermot n'auraient pas entrepris une construction aussi somptueuse s'ils n'avaient été encouragés par les offrandes des pèlerins qui venaient faire des vœux aux pieds de la statue de sainte Anne.

PAROISSE DE DREFFÉAC.

Voici un nom de paroisse dont l'orthographe moderne déroute absolument les chercheurs d'étymologies, et ce qui augmente encore leur embarras, c'est que la prononciation des gens du pays est en désaccord avec la forme enregistrée depuis des siècles. Bien que la désinence ac soit consacrée par l'usage, les paroissiens ne disent pas autrement que Dreffay ; il faut donc supposer que ce sont les savants et les lettrés qui ont apporté la finale latine, par assimilation avec les noms des paroisses voisines. Il n'est pas bien sûr que le D soit la véritable lettre initiale ; elle peut être une altération du T qui lui ressemble beaucoup dans la prononciation. Dans ce cas, nous aurions des analogues en Bretagne et même dans la Loire-Inférieure. Nous trouvons en effet dans les nomenclatures Trefioc et Trefieuc, deux variantes qui ne sont pas bien éloignées de Drefiac [Note : La forme de Drefféac existe dans les actes du XVème siècle], l'orthographe la plus ancienne du nom de Drefféac. Comme cette appellation s'applique à des communes situées dans des régions totalement boisées et marécageuses, nous sommes fondé à croire qu'elle a une racine celtique empruntée aux productions du sol les plus communes. Le territoire de Drefféac était autrefois, comme celui de Saint-Gildas, couvert par une forêt, nommée la Perche, et par des marais tourbeux qu'on dessèche seulement depuis cent ans. Le château de Beaubois, la principale résidence seigneuriale de la paroisse, a longtemps conservé les dernières futaies de cette forêt disparue.

Saint Malo est le patron de la paroisse, personnage breton comme saint Elvoy et saint Gildas, qui était sans doute honoré dans une simple chapelle tréviale, quand Bernard fonda son abbaye de la Lande. Il est avéré que Drefféac n'avait pas le rang de paroisse au XIIIème siècle, quand l'évêque de Nantes, Durand, fit le recensement de tous les bénéfices ecclésiastiques de son diocèse. Les religieux de Saint-Gildas, chargés de l'administration spirituelle de ce territoire, en prirent possession, construisirent une église convenable, augmentèrent la population en favorisant les défrichements, si bien que, sous Louis XVI, on ne comptait pas moins de six cents communiants dans la circonscription. Après avoir cédé le presbytère aux séculiers, ils ont conservé le droit de présenter un recteur à l'Évêché jusqu'à la Révolution, en souvenir de leurs premiers travaux apostoliques.

PAROISSE DE SÉVÉRAC.

Après ce que nous avons dit des paroisses précédentes, il n'est pas besoin d'insister sur l'origine gallo-romaine évidente du nom de Sévérac. L'appellation de Severus était aussi commune chez les latins que celle de Sabinus ; elle a dû entrer dans la composition d'une foule de dénominations topographiques. Comme elle est très facile à prononcer, elle n'a pas subi de déformation, et est demeurée ce qu'elle était dans le principe. Son orthographe est fixée au moins depuis le XIIème siècle.

L'église de Sévérac fut desservie, comme la plupart des églises des alentours, par des religieux de Saint-Gildas, et demeura dans leur dépendance jusqu'à la Révolution par le droit de présentation qu'ils conservaient sur le recteur, même après l'abandon du prieuré. C'est le seul fait notable qu'il nous soit permis d'affirmer dans l'historique de cette petite paroisse qui comptait, sous Louis XVI, sept cents communiants. On ne sait rien des événements qui ont amené l'introduction des Bénédictins au presbytère et leur remplacement par des séculiers. Il est très possible que Raoul de Sévérac, qui habitait le château de la Cour vers 1131, ou son père, ait participé autant que les barons de la Roche à la fondation du prieuré de Saint-Jean [Note : Dom Morice, Hist. de Bret., Pr. I, col. 565. Voir aussi H. Le Gouvello : La paroisse de Sévérac aux XVIIème et XVIIIème siècles. Redon, 1877. Broch. in-12].

Même après les recherches d'Ogée et celles de M. Le Gouvello, nous sommes obligé de nous borner à une courte notice. La vieille église a disparu sans laisser le moindre souvenir, tant elle était pauvre ; et, cependant, le château de la Cour appartint longtemps à une famille qui avait de grandes possessions en Bretagne. Le maréchal François de Talhouët, gouverneur de Redon, y résidait en 1577, et, sous Louis XVI, la même terre appartenait à M. de Talhouët de Boisorhant.

(L. Maître).

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